Les adaptations d'oeuvres littéraires

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

Modérateurs : cinephage, Karras, Rockatansky

Solal
Accessoiriste
Messages : 1860
Inscription : 9 sept. 03, 11:11
Localisation : A l'est d'Eden

Message par Solal »

Alex Blackwell a écrit :
Cinetudes a écrit :Alex, donc pour toi le simple fait d'avoir modifié de quelques années (tout en faisant toujours un personnage mineur de façon évidente) l'année de Tadzio qui doit avoir 14 ans à tout casser dans le film (d'aprés son apparence extérieure) suffit à dire que Visconti n'a pas été fidèle au roman ?

Stefan
Oui, car de manière plus ou moins consciente nous avons affaire à des adaptateurs qui retirent au texte sa signification véritable.
Ca aurait été le cas si l'âge de Tadzio avait été mentionné dans le roman, de manière au moins implicite. Je ne crois pas qu'il en soit ainsi. Il n'y a donc pas, sur ce point, infidélité au texte. La signification du texte (pour peu que le singulier ait ici un sens) ne se situe que dans le texte lui-même.

Les inflexions sont à voir ailleurs, dans ce qu'a fait valoir Simone, à savoir l'ambiguïté de l'écriture de Mann qui entretient une distance critique, voire cynique, avec son matériau (l'imagerie fin de siècle de l'artiste en proie à ses démons, plongeant dans l'abîme, sacrifié à l'autel de la Beauté) et d'autre part, dans ce que Visconti lui-même y insuffle, en rapport avec sa propre époque et ses propres engagements.
Image
I would prefer not to
Avatar de l’utilisateur
Billy Budd
Bordeaux Chesnel
Messages : 26835
Inscription : 13 avr. 03, 13:59

Message par Billy Budd »

Alex Blackwell a écrit :
Nikita a écrit :
Il me semblait pourtant qu'il n'a jamais été adulte, s'étant tué à moto ou je ne sais quoi très jeune
Non, Bjorn Andersen approche la cinquantaine.
Toi, tu sais définitivement me parler
Everybody's clever nowadays
Alex Blackwell
Charles Foster Kane
Messages : 22026
Inscription : 13 avr. 03, 10:10
Localisation : into the sky, into the moon

Message par Alex Blackwell »

Nikita a écrit :
Alex Blackwell a écrit :
Non, Bjorn Andersen approche la cinquantaine.
Toi, tu sais définitivement me parler
Mais je ne sais s'il a les cheveux poivre et sel à présent...


en réfléchissant un peu, je ne trouve qu'un "acteur" qui s'est crashé en moto à 17 ans, le fils de Terrence Hill :shock: :?
Image

Night of the hunter forever


Caramba, encore raté.
Alligator
Réalisateur
Messages : 6629
Inscription : 8 févr. 04, 12:25
Localisation : Hérault qui a rejoint sa gironde
Contact :

Message par Alligator »

Les mystères de Paris (I misteri di Parigi) - Fernando Cerchio - 1957 - 5,5/10

Enième adaptation des aventures mélodramatiques d'Eugène Sue. Celle-ci est italienne. Et n'est pas dénuée d'un certain charme. Grâce notamment à une reconstitution au niveau des décors qui est plutôt réussie (dans l'optique et l'imaginaire des années 50 bien entendu) et avec une manière plutôt sereine et efficace de filmer tout cela. Les acteurs ne font pas des étincelles mais le spectacle se suit gentillement. Voilà, c'est gentil.
Strum
n'est pas Flaubert
Messages : 8464
Inscription : 19 nov. 05, 15:35
Contact :

Message par Strum »

Simone Choule a écrit :Autre remarque sur Mort à Venise :
Le film est comme habité par une mélancolie proustienne. Sentiment absent du livre de Mann dont le style est bien plus cynique que celui de Proust.
Pardon de revenir sur une remarque faite il y a deux ans, mais je tiens à dire que le style de Mann n'est absolument pas cynique dans Mort à Venise. Je suis un grand admirateur de Mann qui est un des écrivains les moins cyniques et les plus sincères que je connaisse (en passant Mort à Venise est le livre de Mann que j'ai le moins aimé). D'ailleurs, je préfère d'assez loin Mann à Proust.
Lylah Clare
Machino
Messages : 1130
Inscription : 29 sept. 06, 20:22
Localisation : Erewhon

Message par Lylah Clare »

Alex Blackwell a écrit : Si vous voulez du sublime écoutez le premier de la deuxième symphonie ou le dernier de la neuvième.
Et son finale aussi... Ach, gross Mahler ! :mrgreen:

Y a-t-il eu des cinéastes qui ont utilisé cette symphonie ?
Randolph Carter
Accessoiriste
Messages : 1520
Inscription : 26 févr. 06, 08:53
Liste DVD
Localisation : Kadath

Message par Randolph Carter »

Lylah Clare a écrit :
Alex Blackwell a écrit : Si vous voulez du sublime écoutez le premier de la deuxième symphonie ou le dernier de la neuvième.
Et son finale aussi... Ach, gross Mahler ! :mrgreen:
Elle est bonne!+10! :lol: :lol:
Spoiler (cliquez pour afficher)
Envisagerais tu par hasard de faire concurrence à Lord Henry? :lol:
Image
Eudoxie
C'est une bombe sur le Yang Tsé-kiang
Messages : 4264
Inscription : 18 août 04, 10:10

Message par Eudoxie »

Alex Blackwell a écrit :
Mais je ne sais s'il a les cheveux poivre et sel à présent...


en réfléchissant un peu, je ne trouve qu'un "acteur" qui s'est crashé en moto à 17 ans, le fils de Terrence Hill :shock: :?
Il a les cheveux poivre et sel et il est, objectivement, sublime
I'm just passing through here
Lylah Clare
Machino
Messages : 1130
Inscription : 29 sept. 06, 20:22
Localisation : Erewhon

Message par Lylah Clare »

Randolph Carter a écrit :
Lylah Clare a écrit : Et son finale aussi... Ach, gross Mahler ! :mrgreen:
Elle est bonne!+10! :lol: :lol:
Spoiler (cliquez pour afficher)
Envisagerais tu par hasard de faire concurrence à Lord Henry? :lol:
Spoiler (cliquez pour afficher)
Je ne sais si j'arriverai un jour à me hisser à la cheville de cet Almanach Vermot à lui tout seul, qui est au calembour cinéphilique ce que la Tour Eiffel est à Paris, les autobus à impériale à Londres et Georges Bush aux Américains : un symbole vivant ! :oops:
Ballin Mundson
O Captain! my Captain!
Messages : 7107
Inscription : 27 janv. 05, 20:55
Localisation : à l'abordage

Message par Ballin Mundson »

Lylah Clare a écrit :
Alex Blackwell a écrit : Si vous voulez du sublime écoutez le premier de la deuxième symphonie ou le dernier de la neuvième.
Et son finale aussi... Ach, gross Mahler ! :mrgreen:

Y a-t-il eu des cinéastes qui ont utilisé cette symphonie ?
oui, car à toute chose, Mahler est bon
Image
Lylah Clare
Machino
Messages : 1130
Inscription : 29 sept. 06, 20:22
Localisation : Erewhon

Message par Lylah Clare »

Ballin Mundson a écrit :
Lylah Clare a écrit :
Et son finale aussi... Ach, gross Mahler ! :mrgreen:

Y a-t-il eu des cinéastes qui ont utilisé cette symphonie ?
oui, car à toute chose, Mahler est bon
:lol:
Et le Mahler des uns fait le bonheur des autres ! :lol:
Magrit
Assistant(e) machine à café
Messages : 244
Inscription : 17 mai 06, 05:01
Localisation : Près d'une fenêtre, dans une Chambre avec vue

Message par Magrit »

Tout cela est extrêmement intéressant. Les opinions sont et seront toujours forcément très subjectives. Chacun de nous, en lisant un bon roman, se fait au cours de la lecture son propre film dans son imagination. Puis, en regardant une adaptation au cinéma, on est plus ou moins déçu la plupart des cas - c'est évident, ce n'est pas notre film que le réalisateur a tourné.
Dans le meilleur des cas, il existe plusieurs adaptations du livre, grâce à quoi nous avons un choix.
Un exemple : ¨Les liaisons dangereuses¨tourné par Roger Vadim en 59, par Stephen Frears en 88, ¨Valmont¨ de Milos Forman en 89, ou encore le film de Josée Dayan en 2003.
En ce qui me concerne, je ne suis jamais vraiment d'accord avec une adaptation, ce que je trouve parfaitement normal.
A titre d'exemple, je peux mentionner juste quelques unes qui ne se sont pas trop éloignées du film qui s'est tourné dans ma tête (et encore...) :
Le Guépard de Visconti
Autant en emporte le vent (avec maintes réserves);
Les liaisons dangereuses de Vadim (pour Gérard Philippe et Jeanne Moreau);
L'Amant de J.J.Annaud

J'ajouterai encore, que selon moi (et c'est encore une opinion personnelle et subjective), il reste absolument impossible de faire une adaptation satisfaisante d'un livre de SF. Faute de moyens techniques peut-être, ou encore faute d'imagination?
Par contre, je ne comprends pas vraiment pourquoi les adaptations de romans policiers sont en général si nulles. En vain chercherait-on une atmosphère des romans de Simenon dans une adaptation. Et regardez-moi ce qu'on a fait avec de formidables romans de Patricia Highsmith, ma préférée. C'est un crime!
Seule, la série ¨Poirot¨d'Agatha Christie avec David Suchet ne s'est pas trop éloignée de l'original.
Strum
n'est pas Flaubert
Messages : 8464
Inscription : 19 nov. 05, 15:35
Contact :

Message par Strum »

Pour revenir au cas de Visconti, il est tout à fait exceptionnel qu'un cinéaste se soit par deux fois (Mort à Venise et Le Guépard) essayé à une adaptation littéraire de grands livres avec tant de succès.

Le plus étonnant, c'est qu'en adaptant ces deux livres, Visconti prend deux chemins opposés sur le plan de la mise en scène, avec une égale réussite. Et à chaque fois, il fait siens les affres du personnage et s'y identifie complètement.

Dans Le Guépard, il est d'une scrupuleuse fidélité à Lampedusa, auquel il n'ajoute presque rien. Cette fidélité tient presque de la pudeur quand il décide de terminer son film avant la mort du prince, alors que cette scène fait l'objet dans le livre d'un chapitre entier. Le film semble parfois littéralement découpé en chapitre, comme le livre, et le film abonde en plans fixes. Ces plans sont une fenêtre sur un monde en mouvement, sur l'histoire en marche, bien que faussement changeante. Ce changement perpétuel, le Prince choisit de lui-même de n'y pas participer et sort de l'histoire. Cette caméra immobile entérine la fixité de sa position dans ce monde. Visconti est Salinas.

Dans Mort à Venise, Visconti fait sien le récit, qu'il destructure davantage en en faisant une espèce de rêverie lyrique sur Venise. La caméra, cette fois, déambule au gré du courant, frôlant les tables de l'Hotel des Bains, où sont accoudés des groupes figés, totalement immobiles, comme les personnage d'un tableau. A l'inverse du nouveau monde dont le Guépard observe la naissance, il s'agit à Venise d'un monde pétrifié, attendant la mort. Mais Aschenbach ne veut pas attendre immobile, il veut vivre encore, vivre plus, vivre une dernière fois. Lui aussi, veut glisser avec la caméra, et s'enfoncer dans cette extraordinaire profondeur de champ. Cela doit passer pour lui par ce qu'il perçoit au début comme un dérèglement des sens, et ils se complait alors dans la contemplation de Tadzio. Mais alors que dans le livre, cette contemplation est pour Mann le début d'interrogations assez abstraites sur l'art et la beauté, et leur relation avec l'ivresse des sens, l'ivresse dyonisiaque, et la dégénérescence possible qu'elle peut entrainer, Visconti prend acte des limites de la nouvelle qu'il adapte dans le cadre de son propos en prenant deux décisions:

(i) il donne à Tadzio une enveloppe charnelle, une sensualité qu'il n'a pas dans le livre, qu'il ne peut avoir dans le livre, où l'on reste dans le domaine abstrait de la beauté grecque au sens classique du terme, où Tadzio prend parfois des allures de métaphore du bouc dyonisos attirant l'artiste vers l'abîme du dérèglement. Dans le film, Tadzio répond plus d'une fois au regard d'Aschenbach, dont le trouble sensuel et la souffrance sont beaucoup plus explicitement, beaucoup plus prosaiquement montrés que dans le livre où il demeure un peu enfoui sous son ivresse artistique; de là, la raison pour laquelle, on s'attache plus au personnage du film qu'au personnage du livre;

(ii) surtout, Visconti introduit des flashbacks qui confèrent comme il a été déjà dit une profondeur temporelle au récit que le livre n'a pas. Cette impression de déambulation dans le temps est formellement reflétée par ces longs travellings de la caméra, incessants, et cette musique sublime.

En cela, le film est en effet beaucoup plus proche de Proust que de Mann. Mais ce n'est pas du au soit-disant cynisme du style de Mann, cynisme en vérité inexistant, Mann étant la probité faite écrivain. Cette proximité entre le film et Proust, plus qu'entre le film et Mann, provient du fait que, thématiquement, le film est différent du livre et que la proximité entre l'auteur et le héros est beaucoup plus grande chez Visconti. Dans le film, le combat d'Aschenbach est d'ordre sensuel et Visconti a pour lui l'indulgence d'un parent. Mann est sans doute moins indulgent avec sa créature, qui illustre pour lui une espèce de tare du génie dont il interroge l'existence dans toute son oeuvre (le génie est-il un malade dégénéré au milieu d'hommes normaux ? ne cesse de demander Mann, posant cette question sincère pour lui-même). Tant et si bien que lorsque Visconti, en un hommage scrupuleux, tente de reprendre à son compte par les dialogues trop illustratifs des flashbacks du film l'habituelle thématique de Mann selon laquelle le génie est peut-être une maladie, dont tôt ou tard, l'artiste, en dehors de la société des hommes normaux, doit payer le prix, le film connait ses quelques moments de faiblesse. Ces dialogues ne se marient guère avec l'ensemble car ils illustrent une thématique purement propre à Mann, celle de l'ivresse inévitable et diabolique de l'artiste qui s'enivre littéralement de son art et du monde des idées, et qui n'est pas, je crois, celle que Visconti souhaite illustrer. Visconti ne croit évidemment pas que l'homosexualité est une maladie.

Dans le livre, les considérations de Mann sur l'art ne sont pas exprimées par Aschenbach, mais par Mann lui-même, qui observe Aschenbach et me semble-t-il tente de rejeter là ce qu'il considère comme la part d'ombre de l'artiste. Son Aschenbach, enivré, est devenu un pantin, qui a conscience par intermitence de la catastrophe où le mènent ses pas, mais ne résiste plus ; Mann, qui avait beaucoup lu Nietzsche et en particulier son Naissance de la Tragédie, se réfère au dieu grec Dyonisos, dont la figure tutélaire, organisatrice de bacchanales qui sont une fête des sens, le protège en quelque sorte d'Aschenbach.

Chez Visconti, le débat est formulé par Aschenbach lui-même, derrière lequel, Visconti s'efface, ou auquel, plus précisément, il s'identifie. Et de platonique, le débat devient très vite sensuel, exclusivement sensuel. Jusqu'au bout, Aschenbach est certes tourmenté, est conscient de ce qui lui arrive; mais, plus lucide que le personnage du livre, il choisit la mort en connaissance de cause, la mort par les sens, la mort du monde "digne" dans lequel il a vécu et n'en valait pas la peine: sa mort ; il meurt en ayant vécu jusqu'au bout ; il a suivi et regardé Tadzio et Tadzio lui a répondu ; il a connu des sortes d'extases sensuelles ; il est heureux. Là encore, Visconti est Aschenbach.

Bref, deux chefs-d'oeuvres, et deux adaptations où on a parfois l'impression que Visconti met en scène une part de sa personnalité. La preuve s'il en est besoin que les meilleures adaptations sont celles où le metteur en scène s'est reconnu dans l'écrivain, l'a profondément compris, et a fait sien ses thèmes.

PS: un dernier mot sur Mann, j'invite ceux qui veulent le découvrir à lire Tonio Kruger, La Montagne Magique, Les Buddenbrook (3 chef-d'oeuvres), et pour ceux qui ont déjà été conquis, Le Dr. Faustus, qui est plus ardu. Mort à Venise est nettement un niveau en-dessous de ces quatre là.
Avatar de l’utilisateur
-Kaonashi-
Tata Yuyu
Messages : 11413
Inscription : 21 avr. 03, 16:18
Contact :

Message par -Kaonashi- »

Strum, je me suis permis de citer ton message . :wink:
Image
perso / senscritique.com/-Kaonashi- / Letterboxd
Spoiler (cliquez pour afficher)
Image
Strum
n'est pas Flaubert
Messages : 8464
Inscription : 19 nov. 05, 15:35
Contact :

Message par Strum »

-Kaonashi Yupa- a écrit :Strum, je me suis permis de citer ton message . :wink:
Tu as bien fait, merci ! :wink:
Répondre