Kundun (Martin Scorsese, 1997)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Brice Kantor
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Kundun (Martin Scorsese, 1997)

Message par Brice Kantor »

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En cinéaste obsédé par l'idée de toujours réintégrer ses multiples références stylistiques et cinéphiliques, Martin Scorsese a trouvé avec Kundun le projet cadeau idéal. Celui d'un film qui parle à la fois de renaissance et de spiritualité, ou les images, bien qu'issus de toute une Histoire du cinéma, prennent un gout de redécouverte totale, de pureté rare. Comme si le spectateur devenait le Dalaï Lama découvrant ses images dans sa salle de cinéma.

L'ouverture du film est saisissante à ce niveau: devant la composition de sable qui apparait à l'écran, on a l'impression d'être un aveugle percevant pour la première fois de sa vie les couleurs. La musique de Phiip Glass évoque une spiritualité forte, mais son minimalisme associé à ses premières images donne l'impression de venir littéralement au monde.

Le premier plan "charnel" du film est un oeuil d'enfant, celui par lequel presque tout le film sera vu... Comme on a découvert les couleurs, on découvre ici la lumière, l'humanité, la vie... Toujours la sensation, lié à celle de ce petit Kundun, de tout déjà connaitre et de tout redécouvrir. De ce fait, le traitement visuel de Kundun (orchestré par l'incroyable Roger Deakins) évoque à la fois une sensation de souvenirs mélancoliques liés à une virginité de regard... Regarder à travers une robe rouge, observer le déroulement des diverses cérémonies (voir le passage du rat).

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Comme la renaissance ne se passe pas sans accroc, ce Dalaï Lama là sera celui qui vivra la fin de son monde, son passage forçé à voir différemment. Il se joue un véritable film avec l'invasion chinoise: et Scorsese n'a pas à montrer une pyrotechnie d'explosion comme un Jean Jacques Annaud pour faire faire comprendre qu'à la pureté de regard se substitue celle d'un cinéaste en devenir: pour le Kundun, une seule goutte de sang prend son poid de violence insupportable.

On passed'un homme qui ne découvre plus totalement, mais voit en contre-champs un univers particuliers que les autres ne perçoivent pas. Pour Scorsese, c'est l'histoire d'apprentissage idéale mème si elle aussi un assez triste (et la longue fuite finale est un véritable feu d'artifice vis à vis de la pureté perdue) ... La perte de ces toutes premières images exprime le drame d'une nation et de l'homme qui l'incarne hors du temp: une main vient effacer la peinture de sable du générique.

Le Dalaï Lama, au dernier plan, est juché dérrière sa lunette. Toujours avec cette foi de regarder, mais aussi avec la sensation de savoir ce qu'il y à dérrière cette montage, une image de montagne qui fut la toute première du film. Du coups, ce dernier "shot" résonne avant tout comme la sensation de voir un homme passé dérrière une caméra. Portant le poid d'un peuple en exil, avec rôle de le raconter, c'est sans doute aussi ce qu'est devenu cet homme, aussi bien qu'un réalisateur s'identifiant à son récit.

6/6

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Pancake
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Re: Kundun (spoilers)

Message par Pancake »

Découverte pour toi?

Sinon bon souvenir. Il faudrait que je le revoie, je garde néanmoins quelques images fortes. Le générique est superbe.
Brice Kantor
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Re: Kundun (spoilers)

Message par Brice Kantor »

Pancake a écrit :Découverte pour toi?
Non, .... Mais l'envie ce matin de faire un topic dessus (je me le suis repassé hier soir).
Tuck pendleton
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Re: Kundun (spoilers)

Message par Tuck pendleton »

Mac Lean a écrit :
Comme la renaissance ne se passe pas sans accroc, ce Dalaï Lama là sera celui qui vivra la fin de son monde, son passage forçé à voir différemment. Il se joue un véritable film avec l'invasion chinoise pour le Kundun, une seule goutte de sang prend son poid de violence insupportable.
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oui c'est excellent...Le plan ou le Dalai lama se voit sur un tas de cadavre, le sang dans le bassin, la séquence ou l'on démembre le corps de son père et qui vient annoncer l'invasion chinoise.

Et ces regards...notamment ces inserts curieux sur les pieds de Mao (un peu raté).
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odelay
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Message par odelay »

KUNDUN est l'une des plus grandes expériences cinématographiques que j'ai eu en salle. Prendre un tel film à la figure sur grand écran, c'est qq chose qu'on n'oublie pas, notamment le passage de la construction et la destruction de la fresque en sable. De telles images avec une telle musique au service d'un propos clair et fort font de KUNDUN un grand film malheureusement trop sous estimé à mon avis.

Au fait j'ai entendu dire que le le film dans le DVD BNL (qui contient le docu français "a la recherche de Kundun") n'était pas proposé au format respecté. Qq'un peut confirmer?
Tuck pendleton
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Message par Tuck pendleton »

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odelay
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Message par odelay »

Une petite parenthèse pour un peu de technique please :
-Apparemment je en suis pas le seul à avoir eu des pbs avec ce topic puisque Tuck a aussi posté 2 fois de suites (c'est moins que 4 comme moi, mais bon..)
-Comment se fait-il qu'il n'y a marqué que seulement 2 réponses dans le topic et qu'il ne remonte pas quand on y répond?
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Ouf Je Respire
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Message par Ouf Je Respire »

Vu hier. N'en suis toujours pas ressorti... Merci Scorcese.
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Jordan White
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Message par Jordan White »

Je me rappelle surtout de la splendeur des images et de la musique. Mais le film m'a quelque décontenancé de la part de Scorsese bien que je sois convaincu que le film lui portait à coeur, ne serait-ce que rapport à la question de la croyance et de la spritualité. Pas un choc, mais un film agréable et sans ennui véritable.
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-Kaonashi-
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Message par -Kaonashi- »

Joli texte pour un film vraiment immense que je regrette amérement de ne pas avoir découvert au cinéma, mais en vidéo et en français...

Par contre :
MacLean a écrit :En cinéaste obsédé par l'idée de toujours réintégrer ses multiples références stylistiques et cinéphiliques
Avec cette phrase, j'ai l'impression que tu parles plutôt de De Palma.
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Brice Kantor
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Message par Brice Kantor »

-Kaonashi Yota- a écrit :Joli texte pour un film vraiment immense que je regrette amérement de ne pas avoir découvert au cinéma, mais en vidéo et en français...

Par contre :
MacLean a écrit :En cinéaste obsédé par l'idée de toujours réintégrer ses multiples références stylistiques et cinéphiliques
Avec cette phrase, j'ai l'impression que tu parles plutôt de De Palma.
Non, Scorsese rève je pense d'une grande forme assimilatrice alors que De palma reprend des figures mais les retravaille et les transforme sans arret.
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Message par Johnny Doe »

Kundun

J'arriverai décidemment jamais à ne pas aimer un film de Scorsese. Malgré toutes mes apréhensions j'ai passé grand moment. J'ai eu les larmes à plusieurs reprises pendant le film, tant l'adéquation entre les images et la musique (mon Dieu quelle partition, elle donne 50% de sa force à la plupart des séquences, Philp Glass est grand) est boulversante. La première partie est traversé d'une tendresse toute particulière. Le regard de cet enfant et son éducation étant d'une singuliarité touchante, sa maturité, ses réactions... Le film n'a eu de cesse de m'étonner. Je l'ai plus vécu comme un très lent voyage assez fascinant que comme un biopic. Les 2h08 ne permettant de couvrir qu'à "grande vitesse" la vie du Kundun. Scorsese préfère amener le spectateur dans une espèce de transe. On ressent tout ça avec énormément d'émotion, c'est presque hypnotisant. Un film très dur à décrire. Une sorte de cheminement spirituelle que Scorsese réalise avec nous, qui bouscule parfois nos repère grâce à son montage (les fondus enchaînés, les jump cut) et qui fascine quasiment constamment pour une raison ou une autre.
Je m'attendais surtout pas en sortir aussi grogui (lol), apaisé, touché. De plus si son style est ultra-présent (et quel style) toute la rage de son cinéma est ici quasi-absente. Et la musique de Glass qui fait monter une sorte de suspense sur presque 10 minutes de film et de séquences continues et ces images de la fresque qu'on réalise et qu'on balaie, et ce plan final. Putain de film ouais !
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Re: Kundun (Martin Scorsese, 1997)

Message par Wagner »

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Pour un film mal aimé, ce topic ne semble avoir suscité que des opinions positives, à défaut certes d'une participation massive.
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cinephage
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Re: Kundun (Martin Scorsese, 1997)

Message par cinephage »

Scorsese touche peut-être plus de public lorsqu'il recouvre ses préoccupations spirituelles de codes narratifs transversaux, comme le film de gangster ou le biopic, dont les récits rendent le traitement de thèmes tels que la rédemption, le détachement du monde ou la vanité du monde matériel plus discret, et, du coup, moins pompeux ou sérieux.

Pourtant, j'aime beaucoup moi aussi ce Kundun, qui permet à Scorsese de creuser ces thèmes en toute transparence, et de s'attacher à un traitement formel particulièrement léché, à la limite du contemplatif, un traitement qui colle bien à son sujet. J'avais pourtant été fort ému lors des intrusions de la Chine, ce qui témoigne qu'il n'y a pas que de la contemplation dans ce film, mais aussi de solides personnages.

Pour moi, il s'agit d'une des grandes réussites de Scorsese, certes plus à rapprocher du temps de l'innocence que de ses films plus musclés.
I love movies from the creation of cinema—from single-shot silent films, to serialized films in the teens, Fritz Lang, and a million others through the twenties—basically, I have a love for cinema through all the decades, from all over the world, from the highbrow to the lowbrow. - David Robert Mitchell
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Demi-Lune
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Re: Kundun (Martin Scorsese, 1997)

Message par Demi-Lune »

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Comme je le disais sur l'autre topic, Kundun a malheureusement été une belle déception. Fait rare en ce qui me concerne, j'ai d'ailleurs dû m'y prendre à deux fois pour le regarder, le film ne suscitant chez moi qu'une vague somnolence. Mais je ne dirai pas que c'est un film raté pour autant. Je ne l'ai pas vraiment aimé, mais je peux comprendre qu'il plaise. Tout d'abord, le film bénéficie de qualités esthétiques indiscutables. Ces quelques captures ne donnent qu'une idée limitée de la splendeur formelle de Kundun. Entre la photo de Roger Deakins, les décors faramineux de Dante Feretti (ce gars est décidément le plus grand dans sa profession), le montage tantôt expérimental, tantôt délicat de Thelma Schoonmaker, ces plans contemplatifs de massifs montagneux ou de figures colorées dessinées dans la poussière, le travail formel est sans doute l'un des plus aboutis de Scorsese, avec Le Temps de l'Innocence et Casino. J'aurais d'ailleurs tendance à dire que c'est sa qualité principale. Car le rythme extrêmement lancinant du film (qu'on me dira en adéquation avec la philosophie bouddhiste), et la nébulosité ponctuelle des éléments qui nous sont montrés (le film donne l'impression que Scorsese et Melissa Mathison partent du principe que le spectateur dispose déjà de solides connaissances théologiques et historiques concernant le Tibet), ont pour ma part eu raison de mon intérêt. On peut se régaler de la forme, mais le fond, très elliptique (4 ans plus tard, 6 ans plus tard, 5 ans plus tard...), se suit difficilement. Le film est peut-être une réussite, mais Scorsese me semble bien mieux à l'aise quand il nous parle de christianisme, frontalement ou de manière sous-jacente. J'étais rivé devant mon écran avec La Dernière Tentation du Christ, et me suis copieusement ennuyé devant Kundun. Quant aux personnages, ils varient bien trop souvent, on est régulièrement perdu : des conseillers du Kundun qui apparaissent, que l'on croit importants pour la dramaturgie, et qui finalement, sont vite évacués, etc. A noter tout de même une partition intéressante de Philip Glass, recourant à des instruments locaux, et ajoutant une force planante à la beauté des images. Un film qui doit être très impressionnant à découvrir sur grand écran.
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Dernière modification par Demi-Lune le 14 avr. 10, 15:59, modifié 1 fois.
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