Sur le jeu de Brad Pitt, le film m'a fait penser à cette citation (de citation) lue récemment:
- ""L'artiste a une grande dette envers le visage de l'homme et s'il n'arrive pas à mettre en valeur sa dignité naturelle, il devrait au moins tenter de dissimuler sa superficialité et sa bêtise; il se peut qu'aucun homme sur cette terre ne soit bête ou superficiel, mais il ne donne l'impression de l'être que parce qu'il n'est pas à son aise, n'ayant pas trouvé ce coin de l'univers où il se sentirait bien". Cette admirable réflexion de Josef von Sternberg constitue, me semble t-il, le meilleur commentaire possible d'Un condamné à mort s'est échappé."
François Truffaut.
Non, je ne cherche pas à vendre une nouvelle fois les critiques de Truffaut dans Arts
Mais tout le monde connaît l'admiration de James Gray pour le cinéma de la Nouvelle vague, et même si Bresson n'appartient pas à cette vague, je ne peux m'empêcher de penser qu'il y a dans
Ad Astra, une obsession pour le visage de l'acteur Brad Pitt, qui donne ici une de ses meilleures performances, et dans un jeu qui n'est pas habituel chez lui. Ne serait-ce qu'en comparaison avec le récent
Once upon...où il joue sur un registre tout à fait différent, notamment en jouant avec son corps, ici, souvent engoncé dans sa tenue d'astronaute.
La citation de Sternberg, c'est évidemment ce
"coin de l'univers où il se sentirait bien". Et la citation de Truffaut, c'est par rapport à
Un condamné à mort s'est échappé. Comment l'être humain peut ressentir le besoin d'aller s'exiler jusqu'à Neptune pour se sentir bien? Voilà la première question du film. Et la seconde vient de ce que Roy est un condamné à mort en sursis. Il vit comme tel, ressent comme tel (c'est-à-dire rien), et vit même l'aventure comme tel (la mission avant tout). D'où la seconde question: comment vit-on quand on est condamné à mort?
Je ne pense pas que la conquête spatiale intéresse vraiment James Gray. Je pense même que, comme moi, il se demande à quoi ça sert. Etant né en 1969, j'ai beaucoup de respect pour les cinglés qui ont été atterrir sur la Lune. Comme il le montre dans la très belle séquence de poursuite-combat sur la Lune, on ne fait que déplacer nos luttes éternelles.
Quand j'avais lu certaines critiques du film avant de le voir, je m'étonnais des références à
Gravity. Quoiqu'on pense de
Gravity, c'est un film réaliste et relativement crédible. Ici, on est dans le n'importe quoi.
Un n'importe quoi qui montre que le film n'est pas un film de SF. C'est un film sur:
- le coin de l'univers où on se sentirait bien. Le bout du monde, en recherchant une connexion avec d'éventuels extra-terrestres. Sauf, que...rien. Et si ce n'était pas rien, ce serait peut-être aussi terrifiant.
- le condamné à mort s'échappe.
- Spoiler (cliquez pour afficher)
- - Non, il ne tue pas son père, il le laisse aller.
- Oui, il lui en veut, mais sa vie, à ce stade, ne vaut pas mieux que la sienne, encore moins.
- La fin est plus que bizarre, mais on comprend surtout que James Gray ne savait pas comment finir son film. Le message, cela dit, est parfaitement compréhensible: il revient vivant et restera sur terre.
- les trucs les plus délirants, les singes, le lac (sur Mars ( )) sont aussi les plus vivants par lesquels le condamné à mort s'échappe
Film très inégal, très curieux, mais qui semblait indispensable au réalisateur. Espérons qu'il gagnera sa vie dessus, et nous offrira un grand retour. Cela reste quand même du grand cinéma. Dans un monde profondément bête et superficiel, James Gray rappelle (constamment, et pas seulement à la fin du film) que le meilleur endroit où se sentir bien, c'est notre planète Terre.