Mouais... Et pourtant, on rejoint la propagande évoquée comme argument critique plus haut (même si Flol a légèrement relativisé avec son "presque").Supfiction a écrit :Parce que La charge fantastique n’est pas une biographie de Custer. Et puis Custer, c’est loin, ça ne parle pas forcément à tout le monde et c’est de l’ordre de l’anecdote (pour nous).
Bohemian Rhapsody (Bryan Singer et Dexter Fletcher - 2018)
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Re: Bohemian Rhapsody (Bryan Singer et Dexter Fletcher - 2018)
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Re: Bohemian Rhapsody (Bryan Singer et Dexter Fletcher - 2018)
J'ai une petite question : quels sont les éléments qui te font dire que le film est "revendiqué comme tel", qu'il assume de prendre ces libertés historiques importantes?Watkinssien a écrit :Bien sûr, et heureusement d'ailleurs.Supfiction a écrit : Pour revenir au sujet, il y a des biopics fidèles. Cloclo par exemple. Comme quoi en s’en donnant la peine on peut faire un divertissement de qualité qui soit en même fidèle à la vérité historique.
Mais je n'attends pas les films de fiction, même à caractère biographique, d'être des documentaires historiques et journalistiques. C'est vrai que dans Bohemian Rhapsody, ils poussent les bouchons bien loin. Mais c'est tellement revendiqué comme tel, c'est tellement pour le privilège d'enrober le "fantasme" Queen plutôt que de s'investir dans des contrées plus dérangeantes que je trouve le film finalement à contre-courant des biopics que l'on nous ressort depuis plus de 20 ans (voire plus) à caractère commercial.
Ceci dit, je peux comprendre que cela dérange et que cela fasse détester le film. Mais dans son parti-pris, je trouve le film très convaincant.
Comme Flol, j'ai l'impression que la majorité des spectateurs considère que ce film est fidèle à la réalité.
Je n'ai aucun problème, par exemple, avec Amadeus qui montre dès le début qu'il s'agit du point de vue subjectif de Salieri dans son asile, ou avec Marie-Antoinette et ses anachronismes. Là, il est très clair que ces films ne prétendent pas à la reconstitution fidèle, qu'ils se situent sur un territoire de "fantasme" comme tu le dis. Je n'ai pas du tout eu cette impression sur Bohemian Rhapsody.
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Re: Bohemian Rhapsody (Bryan Singer et Dexter Fletcher - 2018)
Amadeus, c’est vieux maintenant. A l’epoque, on s’embarassait de préciser si ce qu’on voyait était fidèle ou non à la réalité. Aujourd’hui, cela n’a plus d’importance car il est admis que la vérité est ailleurs.
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Re: Bohemian Rhapsody (Bryan Singer et Dexter Fletcher - 2018)
Les éléments sont la narration et les choix sur lesquels le film a décidé de s'arrêter. J'ai eu un ressenti que le film voulait donner une banane énorme à son spectateur au final. Que la création du groupe, les expériences musicales, les conflits internes, intimes et le quart d'heure final sont moins présents pour donner un facteur de crédibilité véridique et réaliste sur les coulisses de ses musiciens que de parcourir l'idée de rédemption à travers l'acte créatif d'artistes (et particulièrement Freddie Mercury) qui transcendent tout par leurs ambitions et leurs inventions mélodiques et la manière dont ils veulent représenter tout cela, notamment sur scène. Cela me semble beaucoup plus importants que les détails naturalistes de l'histoire du groupe et de l'évolution de Mercury, que l'exactitude des dates ou du temps qu'il faisait le 19 décembre 1984...Kiké a écrit : J'ai une petite question : quels sont les éléments qui te font dire que le film est "revendiqué comme tel", qu'il assume de prendre ces libertés historiques importantes?
Comme Flol, j'ai l'impression que la majorité des spectateurs considère que ce film est fidèle à la réalité.
Je n'ai aucun problème, par exemple, avec Amadeus qui montre dès le début qu'il s'agit du point de vue subjectif de Salieri dans son asile, ou avec Marie-Antoinette et ses anachronismes. Là, il est très clair que ces films ne prétendent pas à la reconstitution fidèle, qu'ils se situent sur un territoire de "fantasme" comme tu le dis. Je n'ai pas du tout eu cette impression sur Bohemian Rhapsody.
C'est vrai que j'ai été gêné par certaines libertés purement physiques (les yeux bleus de Malek, par exemple). Il n'est pas étonnant que Singer a décidé de commencer le tournage en filmant le Live Aid, car tout est construit pour arriver à cet événement qui permet de tout réinterpréter sur ce qui est arrivé avant: les sentiments des uns envers les autres, de la ressource d'énergie, de vie et de générosité que leur travail procure, du rapport du rêve qui devient réalité concernant le lien entre l'artiste et son public, de l'harmonie émotionnelle que l'art de la performance musicale amène chez des personnages qui se connaissent pourtant de très près, de ramener l'importance de Queen et du charisme exceptionnel de son chanteur qui mérite son statut de légende, ne serait-ce que par rapport à sa puissance scénique et à son inventivité toute personnelle dans des chansons parfois très personnelles.
Oui, ils ont suivi des grandes lignes sur la vie de ce groupe, oui, il y a parfois un travail de reconstitution appliqué, mais que le grand public puisse penser que c'est le plus proche de la réalité que ce qui a été produit sur Queen depuis plus de 30 ans, j'avoue que je trouve cela dommage, car c'est plus un film dans un mode "quand la légende est plus belle que la réalité..." qu'une investigation sérieuse menée avec entrain.
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Re: Bohemian Rhapsody (Bryan Singer et Dexter Fletcher - 2018)
Le problème, c'est que le film ne se raconte jamais d'être aussi faux et manipulateur. Bien sûr que ce n'est pas un docu (quel argument à la con, en même temps) mais on peut aussi comprendre que dans ce contexte, la dramaturgie n'excuse pas forcément tout.
Mais visiblement, les yeux bleus de Malek, ça, c'est gênant.
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Re: Bohemian Rhapsody (Bryan Singer et Dexter Fletcher - 2018)
Merci de ta gentillesse, en tout cas.tenia a écrit :Le problème, c'est que le film ne se raconte jamais d'être aussi faux et manipulateur. Bien sûr que ce n'est pas un docu (quel argument à la con, en même temps) mais on peut aussi comprendre que dans ce contexte, la dramaturgie n'excuse pas forcément tout.
Mais visiblement, les yeux bleus de Malek, ça, c'est gênant.
J'espère que tu l'as enfin vu.
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Re: Bohemian Rhapsody (Bryan Singer et Dexter Fletcher - 2018)
C'est tout sauf méchant, juste une réflexion très classique sur les libertés prenables dans un biopic. Certains estiment que ce n'est pas grave, d'autres si, avec des curseurs différents en fonction des facettes.
Et je ne vois pas en quoi avoir vu le film ou non permet ou empêche de faire cette remarque.
Mais non, j'attends le BR et les scènes coupées où on apprendra probablement que Mercury était en plus manchot et cul de jatte, tout en étant agent du MI-6. Histoire de rendre tout ça encore plus palpitant !
Et je ne vois pas en quoi avoir vu le film ou non permet ou empêche de faire cette remarque.
Mais non, j'attends le BR et les scènes coupées où on apprendra probablement que Mercury était en plus manchot et cul de jatte, tout en étant agent du MI-6. Histoire de rendre tout ça encore plus palpitant !
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Re: Bohemian Rhapsody (Bryan Singer et Dexter Fletcher - 2018)
Je me répète mais ce qui est agaçant à posteriori ce n’est pas une histoire de dates, de morceaux qu’on ne devraient pas entendre à tels moments. Non, ça va bien au delà de ça : c’est l’histoire racontée qui est globalement bidon. Il ne reste plus que quelques éléments véridiques (l’emplacement des verres de pepsi sur le piano du live aid) dilués au milieu d’une histoire fabriquée.
Mais à côté de ça, le film donne la pêche oui.
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Re: Bohemian Rhapsody (Bryan Singer et Dexter Fletcher - 2018)
Merci de cette réponse détaillée!Watkinssien a écrit :Les éléments sont la narration et les choix sur lesquels le film a décidé de s'arrêter. J'ai eu un ressenti que le film voulait donner une banane énorme à son spectateur au final. Que la création du groupe, les expériences musicales, les conflits internes, intimes et le quart d'heure final sont moins présents pour donner un facteur de crédibilité véridique et réaliste sur les coulisses de ses musiciens que de parcourir l'idée de rédemption à travers l'acte créatif d'artistes (et particulièrement Freddie Mercury) qui transcendent tout par leurs ambitions et leurs inventions mélodiques et la manière dont ils veulent représenter tout cela, notamment sur scène. Cela me semble beaucoup plus importants que les détails naturalistes de l'histoire du groupe et de l'évolution de Mercury, que l'exactitude des dates ou du temps qu'il faisait le 19 décembre 1984...Kiké a écrit : J'ai une petite question : quels sont les éléments qui te font dire que le film est "revendiqué comme tel", qu'il assume de prendre ces libertés historiques importantes?
Comme Flol, j'ai l'impression que la majorité des spectateurs considère que ce film est fidèle à la réalité.
Je n'ai aucun problème, par exemple, avec Amadeus qui montre dès le début qu'il s'agit du point de vue subjectif de Salieri dans son asile, ou avec Marie-Antoinette et ses anachronismes. Là, il est très clair que ces films ne prétendent pas à la reconstitution fidèle, qu'ils se situent sur un territoire de "fantasme" comme tu le dis. Je n'ai pas du tout eu cette impression sur Bohemian Rhapsody.
C'est vrai que j'ai été gêné par certaines libertés purement physiques (les yeux bleus de Malek, par exemple). Il n'est pas étonnant que Singer a décidé de commencer le tournage en filmant le Live Aid, car tout est construit pour arriver à cet événement qui permet de tout réinterpréter sur ce qui est arrivé avant: les sentiments des uns envers les autres, de la ressource d'énergie, de vie et de générosité que leur travail procure, du rapport du rêve qui devient réalité concernant le lien entre l'artiste et son public, de l'harmonie émotionnelle que l'art de la performance musicale amène chez des personnages qui se connaissent pourtant de très près, de ramener l'importance de Queen et du charisme exceptionnel de son chanteur qui mérite son statut de légende, ne serait-ce que par rapport à sa puissance scénique et à son inventivité toute personnelle dans des chansons parfois très personnelles.
Oui, ils ont suivi des grandes lignes sur la vie de ce groupe, oui, il y a parfois un travail de reconstitution appliqué, mais que le grand public puisse penser que c'est le plus proche de la réalité que ce qui a été produit sur Queen depuis plus de 30 ans, j'avoue que je trouve cela dommage, car c'est plus un film dans un mode "quand la légende est plus belle que la réalité..." qu'une investigation sérieuse menée avec entrain.
Je comprends bien l'idée de donner la banane et du climax final. Simplement, j'avais déjà décroché lorsque le film ment au sujet de la séparation du groupe et de la maladie. A partir de là, je ne pouvais plus accorder de crédit à quoi que ce soit dans la narration. Ne croyant pas aux conflits et réconciliations entre les membres racontés dans le film, je n'ai pu ressentir cette rédemption dont tu parles. Il restait heureusement le plaisir d'écouter Radio Ga Ga ou Hammer To Fall avec une qualité sonore de salle de cinéma.
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Re: Bohemian Rhapsody (Bryan Singer et Dexter Fletcher - 2018)
Grâce au film, Bohemian Rhapsody est devenue ce lundi 10 décembre la plus écoutée du XXe siècle. Universal, sa maison de production, avance le chiffre de 1,6 milliard d'écoutes en ligne sur Apple Music, Deezer, Spotify et Youtube.
Le film est définitivement un cas de conscience pour moi. L’une des deux trois meilleures séances de l’année et en même temps toutes les raisons de le rejeter.
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Re: Bohemian Rhapsody (Bryan Singer et Dexter Fletcher - 2018)
Vu tardivement le film, d'où ma contribution tout aussi tardive à ce topic.
Les entorses faites aux faits (quoi qu'à ce stade, ce seraient plutôt des fractures) me paraissent moins rédhibitoires qu'à plusieurs d'entre vous, et je trouve le parallèle fait plus haut avec Amadeus assez pertinent : la pièce de Schaffer comme le film de Forman font plus que prendre des libertés avec la vie de Mozart, ils la réécrivent purement et simplement pour la transformer en quelque chose qui n'a plus grand-chose à voir avec ce que l'on sait de la réalité historique, et le résultat est pourtant une pièce et un film admirables qui disent des choses très justes sur notre rapport à la musique même si les trois quarts de ce que l'on voit dans le récit est inventé de toutes pièces.
Ce qui me gène dans Bohemian Rhapsody, qui ne m'a ni déplu ni enthousiasmé, ce sont moins les infidélités à la réalité que le fait que l'on torde le cou à cette dernière pour parvenir à un résultat aussi convenu : tout ça pour ça, comme dirait l'autre. Que l'on ne nous raconte pas l'histoire comme elle s'est réellement déroulée, pourquoi pas, mais seulement si l'on nous ment pour nous proposer quelque chose d'intéressant, d'original et de stimulant. Or comme cela été dit plus haut, l'objectif est visiblement de transformer la vie de Mercury en un feel-good movie, à la fois parce qu'il s'agit d'un biopic grand public à l'américaine qui ne souhaite bousculer personne et aussi parce que Brian May et Roger Taylor ont veillé au grain et rejeté tout ce qui aurait pu aller à l'encontre de leur vision du projet (et incidemment compromettre leur casse-croûte, car contrairement à John Deacon qui est rangé des voitures depuis vingt ans, eux continuent à vivre de l'entreprise Queen comme Ray Manzarek l'a fait avec les Doors jusqu'à sa mort).
A l'arrivée, cela nous donne un film certes bien fait mais très lisse et totalement formaté (je rejoins ce qui a été dit au début du topic), dans lequel les excès d'une époque et d'un personnage sont traités avec une pudeur de jouvencelle (la sexualité hard de Freddie Mercury est vraiment évoquée a minima) et où l'on n'apprend au fond pas grand-chose sur le personnage principal, dont l'intériorité n'est qu'effleurée. On passe abruptement du Freddie flamboyant et avide de succès à la star solitaire prisonnière de sa célébrité et de son insécurité affective sans jamais avoir les clés permettant de comprendre ce qui s'est passé dans sa tête, avant de lui offrir une rédemption téléphonée avec la révélation anachronique de sa séropositivité et une réconciliation avec le groupe inventée de toutes pièces puisqu'il n'y a jamais eu brouille dans la réalité. Rami Malek n'est pas en cause, il est même plutôt bon et fait au mieux avec ce qu'il y a dans le script, mais je n'ai jamais eu le sentiment de voir autre chose d'un brillant numéro d'imitation de Mercury par un type talentueux (à rebours de ce que parvenait à faire Eric Elmosnino dans Gainsbourg, vie héroïque, par exemple).
Que le film plaise parce qu'il "donne la banane", je l'entends et je le comprends bien, mais l'insistance avec laquelle le marchand des quatre saisons entend nous fourguer son étal entier de bananes m'a franchement agacé durant le dernier acte, à force de plans de coupe ultra-répétitifs sur les mines extasiées du public de Wembley et les sourires émus de la distribution qui communie dans la béatitude (sans oublier bien sûr l'onction de papa et maman, le sévère papa étant enfin fier de son fiston égaré : aucun poncif ne nous est épargné). Cette euphorie sur commande m'a d'ailleurs rappelé ce que certains d'entre vous ont écrit dans un autre topic à propos des scènes de liesse d'Apollo XIII. Je n'ai rien contre la liesse, mais quand mon empathie est sollicitée de manière aussi grossière et manipulatrice, j'ai plutôt tendance à devenir grincheux par esprit de contradiction.
Les entorses faites aux faits (quoi qu'à ce stade, ce seraient plutôt des fractures) me paraissent moins rédhibitoires qu'à plusieurs d'entre vous, et je trouve le parallèle fait plus haut avec Amadeus assez pertinent : la pièce de Schaffer comme le film de Forman font plus que prendre des libertés avec la vie de Mozart, ils la réécrivent purement et simplement pour la transformer en quelque chose qui n'a plus grand-chose à voir avec ce que l'on sait de la réalité historique, et le résultat est pourtant une pièce et un film admirables qui disent des choses très justes sur notre rapport à la musique même si les trois quarts de ce que l'on voit dans le récit est inventé de toutes pièces.
Ce qui me gène dans Bohemian Rhapsody, qui ne m'a ni déplu ni enthousiasmé, ce sont moins les infidélités à la réalité que le fait que l'on torde le cou à cette dernière pour parvenir à un résultat aussi convenu : tout ça pour ça, comme dirait l'autre. Que l'on ne nous raconte pas l'histoire comme elle s'est réellement déroulée, pourquoi pas, mais seulement si l'on nous ment pour nous proposer quelque chose d'intéressant, d'original et de stimulant. Or comme cela été dit plus haut, l'objectif est visiblement de transformer la vie de Mercury en un feel-good movie, à la fois parce qu'il s'agit d'un biopic grand public à l'américaine qui ne souhaite bousculer personne et aussi parce que Brian May et Roger Taylor ont veillé au grain et rejeté tout ce qui aurait pu aller à l'encontre de leur vision du projet (et incidemment compromettre leur casse-croûte, car contrairement à John Deacon qui est rangé des voitures depuis vingt ans, eux continuent à vivre de l'entreprise Queen comme Ray Manzarek l'a fait avec les Doors jusqu'à sa mort).
A l'arrivée, cela nous donne un film certes bien fait mais très lisse et totalement formaté (je rejoins ce qui a été dit au début du topic), dans lequel les excès d'une époque et d'un personnage sont traités avec une pudeur de jouvencelle (la sexualité hard de Freddie Mercury est vraiment évoquée a minima) et où l'on n'apprend au fond pas grand-chose sur le personnage principal, dont l'intériorité n'est qu'effleurée. On passe abruptement du Freddie flamboyant et avide de succès à la star solitaire prisonnière de sa célébrité et de son insécurité affective sans jamais avoir les clés permettant de comprendre ce qui s'est passé dans sa tête, avant de lui offrir une rédemption téléphonée avec la révélation anachronique de sa séropositivité et une réconciliation avec le groupe inventée de toutes pièces puisqu'il n'y a jamais eu brouille dans la réalité. Rami Malek n'est pas en cause, il est même plutôt bon et fait au mieux avec ce qu'il y a dans le script, mais je n'ai jamais eu le sentiment de voir autre chose d'un brillant numéro d'imitation de Mercury par un type talentueux (à rebours de ce que parvenait à faire Eric Elmosnino dans Gainsbourg, vie héroïque, par exemple).
Que le film plaise parce qu'il "donne la banane", je l'entends et je le comprends bien, mais l'insistance avec laquelle le marchand des quatre saisons entend nous fourguer son étal entier de bananes m'a franchement agacé durant le dernier acte, à force de plans de coupe ultra-répétitifs sur les mines extasiées du public de Wembley et les sourires émus de la distribution qui communie dans la béatitude (sans oublier bien sûr l'onction de papa et maman, le sévère papa étant enfin fier de son fiston égaré : aucun poncif ne nous est épargné). Cette euphorie sur commande m'a d'ailleurs rappelé ce que certains d'entre vous ont écrit dans un autre topic à propos des scènes de liesse d'Apollo XIII. Je n'ai rien contre la liesse, mais quand mon empathie est sollicitée de manière aussi grossière et manipulatrice, j'ai plutôt tendance à devenir grincheux par esprit de contradiction.
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Re: Bohemian Rhapsody (Bryan Singer et Dexter Fletcher - 2018)
Vu ce week end. C'est à peu près nul, et ce qui est intéressant, c'est de voir à quel point ça l'est au-delà des énormes entorses faites à l'histoire du groupe et sa chronologie.
Ce qui est assez fou, c'est d'avoir réussi à pondre un biopic aussi erroné, ré-inventé et surtout mou du genou à partir d'un des plus grands groupes de rock, dont le chanteur était un immigré Parsi bisexuel cocaïné mort du SIDA (sans compter que Taylor et May n'étaient pas les derniers pour joue les divas).
Mais le film a bien d'autres problèmes avant d'en arriver au tombereau d'erreurs et ré-inventions vendues par le film.
Déjà, donc, c'est méga mou du genou. Le film dure 2h15, met 30 bonnes minutes à démarrer, pour mieux retomber comme un soufflé 30 minutes plus tard. Tout y est mou, lent, plan plan, sans aucune inventivité. On dirait un film de Tom Hooper. C’est fade, insipide.
C’est aussi monté avec les pieds. C’est nommé à l’Oscar du meilleur montage, ça ? Eh bah. Tout est sur-découpé, rien ne respire, les chorégraphies des morceaux musicaux live tout comme les séquences de dialogues plus classiques. C’est visuellement affreux, comme si les gus s’étaient dit « on va compenser la mollesse de l’ensemble par le nombre de plans ». Ça ne marche pas. Pas un instant. Résultat, tu te retrouves avec un machin tout naze qui te vend du rêve en te montrant des bouts de scènes vides avec au fond quelques spectateurs vaguement en folie mais surtout totalement numériques, et de façon très visible.
Et là dedans, allez savoir si c’est une cause ou une conséquence, mais le casting manque cruellement de magnétisme. J’ai notamment été surpris par Malek, dont les prothèses sont plus impressionnantes que le jeu et le charisme. Dès qu’il sort de la vague énergie des morceaux live, il est tout en mimique maniérée surjouée, et quand on joue avec un protège-dentier de boxeur dans la bouche, c’est risible plus qu’autre chose. Les 2 acteurs jouant May et Taylor sont presque plus divertissants (tandis que si Deacon devient bassiste original du groupe - quelle blague -, son personnage se résume à quelqu'un dont tout le monde se moque tout du long du film).
Et puis après, y a tout le reste... C'est-à-dire une reconstitution qui aurait filé un AVC à Ophuls au bout de 45 secondes, depuis les yeux bleus de Malek jusqu'aux instruments des 90s visibles partout, la chronologie des chansons qui part dans tous les sens (News of the World en fond du montage visuel de Another One Bites The Dust, je comprends pas l'intérêt hormis donner l'impression que les artisans du film ne connaissent ni le groupe, ni sa discographie, ni même Wikipedia) (c'est d'ailleurs intriguant de voir le film jeter ce niveau de détails là aux poubelles pour mieux se concentrer sur les créations des chansons... là aussi souvent ré-inventées) et surtout une dramaturgie à la con totalement inventée quitte à vendre un mirage aux spectateurs.
Grosso modo, le dernier tiers du film est sous-tendu par la brouille de Queen suite à Mercury qui est le premier à faire un album solo, qu'ils n'ont du coup pas joué ensemble depuis des années et profitent du Live Aid pour se rabibocher en sachant que Mercury est malade et va bientôt y passer, façon dernier baroud d'honneur. Y a à peu près 0% de vrai là dedans, de bout en bout, et invente une dramaturgie et une dynamique de groupe pas juste légèrement tordue, mais complètement fantaisiste (et qui n'a même pas pour mérite d'être originale ou intéressante, mais au contraire est totalement téléphonée).
Par ailleurs, la fameuse reconstitution du Live Aid est elle aussi assez risible dès qu'elle sort des images d'origine : mouvements de cameras bien trop modernes (et qui n'a rien à voir avec une captation live d'un concert), incrustations numériques ultra flagrantes (le reflet de Mercury dans le piano, et évidemment toute la foule numérique visible comme le nez au milieu de la figure), survol de Wembley puant le numérique, acteurs qui finissent tout juste avec le front en sueur (alors qu'au bout de 2 chansons, Mercury était dégoulinant) et puis malgré tout, on tronque d'un tiers la prestation (en virant notamment A Little Thing Called Love et en raccourcissant nettement Radio Ga Ga) alors que ce n’est pas comme si ce n’était que 7 minutes de plus au milieu d’un parpaing qui dure déjà 2h15. La FOX a d'ailleurs raté une opportunité : la reconstitution complète du concert est proposée en bonus sur le BR dans une qualité identique à celle du film, ils auraient pu proposer de le visionner dans le film à la place de la version tronquée. Même ça, ça leur passe au-dessus.
Alors c'est amusant de savoir que la société de construction consultée pour recréer le Live Aid était celle ayant réellement travaillé sur le concert en 85, tout ça, mais j'aurais préféré des erreurs sur un échafaudage ou un mur de Wembley que tout le reste...
En fait, le film n'est vaguement touchant que lorsqu'il redescend hors du groupe dans des éléments bien plus classiques, notamment quand Mercury annonce à Mary Austin qu'il est bisexuel. Elle lui demande ce qu'il peut vouloir alors d'elle, et il répond "Presque tout". Ça fait bien peu, et ne fait finalement que démontrer la quasi totale absence de valeur ajoutée cinématographique du film ou de l'équipe derrière.
A noter que ni Singer ni Fletcher ne sont visibles ni même mentionnés de toutes les 58 minutes de bonus (hors concert entier). Le producteur et Malek (et même le directeur de la photo) assure principalement le show, mais les 2 autres n'apparaissent pas une seconde à l'écran et leurs noms ne sont pas mentionnés une seule fois.
Ce qui est assez fou, c'est d'avoir réussi à pondre un biopic aussi erroné, ré-inventé et surtout mou du genou à partir d'un des plus grands groupes de rock, dont le chanteur était un immigré Parsi bisexuel cocaïné mort du SIDA (sans compter que Taylor et May n'étaient pas les derniers pour joue les divas).
Mais le film a bien d'autres problèmes avant d'en arriver au tombereau d'erreurs et ré-inventions vendues par le film.
Déjà, donc, c'est méga mou du genou. Le film dure 2h15, met 30 bonnes minutes à démarrer, pour mieux retomber comme un soufflé 30 minutes plus tard. Tout y est mou, lent, plan plan, sans aucune inventivité. On dirait un film de Tom Hooper. C’est fade, insipide.
C’est aussi monté avec les pieds. C’est nommé à l’Oscar du meilleur montage, ça ? Eh bah. Tout est sur-découpé, rien ne respire, les chorégraphies des morceaux musicaux live tout comme les séquences de dialogues plus classiques. C’est visuellement affreux, comme si les gus s’étaient dit « on va compenser la mollesse de l’ensemble par le nombre de plans ». Ça ne marche pas. Pas un instant. Résultat, tu te retrouves avec un machin tout naze qui te vend du rêve en te montrant des bouts de scènes vides avec au fond quelques spectateurs vaguement en folie mais surtout totalement numériques, et de façon très visible.
Et là dedans, allez savoir si c’est une cause ou une conséquence, mais le casting manque cruellement de magnétisme. J’ai notamment été surpris par Malek, dont les prothèses sont plus impressionnantes que le jeu et le charisme. Dès qu’il sort de la vague énergie des morceaux live, il est tout en mimique maniérée surjouée, et quand on joue avec un protège-dentier de boxeur dans la bouche, c’est risible plus qu’autre chose. Les 2 acteurs jouant May et Taylor sont presque plus divertissants (tandis que si Deacon devient bassiste original du groupe - quelle blague -, son personnage se résume à quelqu'un dont tout le monde se moque tout du long du film).
Et puis après, y a tout le reste... C'est-à-dire une reconstitution qui aurait filé un AVC à Ophuls au bout de 45 secondes, depuis les yeux bleus de Malek jusqu'aux instruments des 90s visibles partout, la chronologie des chansons qui part dans tous les sens (News of the World en fond du montage visuel de Another One Bites The Dust, je comprends pas l'intérêt hormis donner l'impression que les artisans du film ne connaissent ni le groupe, ni sa discographie, ni même Wikipedia) (c'est d'ailleurs intriguant de voir le film jeter ce niveau de détails là aux poubelles pour mieux se concentrer sur les créations des chansons... là aussi souvent ré-inventées) et surtout une dramaturgie à la con totalement inventée quitte à vendre un mirage aux spectateurs.
Grosso modo, le dernier tiers du film est sous-tendu par la brouille de Queen suite à Mercury qui est le premier à faire un album solo, qu'ils n'ont du coup pas joué ensemble depuis des années et profitent du Live Aid pour se rabibocher en sachant que Mercury est malade et va bientôt y passer, façon dernier baroud d'honneur. Y a à peu près 0% de vrai là dedans, de bout en bout, et invente une dramaturgie et une dynamique de groupe pas juste légèrement tordue, mais complètement fantaisiste (et qui n'a même pas pour mérite d'être originale ou intéressante, mais au contraire est totalement téléphonée).
Par ailleurs, la fameuse reconstitution du Live Aid est elle aussi assez risible dès qu'elle sort des images d'origine : mouvements de cameras bien trop modernes (et qui n'a rien à voir avec une captation live d'un concert), incrustations numériques ultra flagrantes (le reflet de Mercury dans le piano, et évidemment toute la foule numérique visible comme le nez au milieu de la figure), survol de Wembley puant le numérique, acteurs qui finissent tout juste avec le front en sueur (alors qu'au bout de 2 chansons, Mercury était dégoulinant) et puis malgré tout, on tronque d'un tiers la prestation (en virant notamment A Little Thing Called Love et en raccourcissant nettement Radio Ga Ga) alors que ce n’est pas comme si ce n’était que 7 minutes de plus au milieu d’un parpaing qui dure déjà 2h15. La FOX a d'ailleurs raté une opportunité : la reconstitution complète du concert est proposée en bonus sur le BR dans une qualité identique à celle du film, ils auraient pu proposer de le visionner dans le film à la place de la version tronquée. Même ça, ça leur passe au-dessus.
Alors c'est amusant de savoir que la société de construction consultée pour recréer le Live Aid était celle ayant réellement travaillé sur le concert en 85, tout ça, mais j'aurais préféré des erreurs sur un échafaudage ou un mur de Wembley que tout le reste...
En fait, le film n'est vaguement touchant que lorsqu'il redescend hors du groupe dans des éléments bien plus classiques, notamment quand Mercury annonce à Mary Austin qu'il est bisexuel. Elle lui demande ce qu'il peut vouloir alors d'elle, et il répond "Presque tout". Ça fait bien peu, et ne fait finalement que démontrer la quasi totale absence de valeur ajoutée cinématographique du film ou de l'équipe derrière.
A noter que ni Singer ni Fletcher ne sont visibles ni même mentionnés de toutes les 58 minutes de bonus (hors concert entier). Le producteur et Malek (et même le directeur de la photo) assure principalement le show, mais les 2 autres n'apparaissent pas une seconde à l'écran et leurs noms ne sont pas mentionnés une seule fois.
- hansolo
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Re: Bohemian Rhapsody (Bryan Singer et Dexter Fletcher - 2018)
Queen Behind the Rhapsody, documentaire de Simon Lupton et Rhys Thomas (UK, 2016, 57 min)
Docu sur les quatre premières années de vie du groupe, jusqu’au chef-d’œuvre.
https://www.arte.tv/fr/videos/067099-00 ... e-rhapsody
Visible jusqu'au 21/03
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Re: Bohemian Rhapsody (Bryan Singer et Dexter Fletcher - 2018)
Pour rester dans la surdramatisation grotesque faite autour du Live Aid, y a un autre truc qui m'a bien fait marrer dans le film : avant que Queen ne monte sur scène, il y a une séquence dans le standard téléphonique où tout le monde a le moral à zéro parce que bigre ! Aucun téléphone ne sonne, les spectateurs ne veulent faire aucun don, c'est la catastrophe, comment on va faire...tenia a écrit :Grosso modo, le dernier tiers du film est sous-tendu par la brouille de Queen suite à Mercury qui est le premier à faire un album solo, qu'ils n'ont du coup pas joué ensemble depuis des années et profitent du Live Aid pour se rabibocher en sachant que Mercury est malade et va bientôt y passer, façon dernier baroud d'honneur. Y a à peu près 0% de vrai là dedans, de bout en bout, et invente une dramaturgie et une dynamique de groupe pas juste légèrement tordue, mais complètement fantaisiste (et qui n'a même pas pour mérite d'être originale ou intéressante, mais au contraire est totalement téléphonée).
Et là PAF ! Mercury & Co montent enfin sur scène et MIRACLE ! Les téléphones n'arrêtent pas de sonner, c'est la folie, les pauvres sidaïques vont enfin pouvoir être sauvés grâce au pouvoir de Queen !
Rappelons pour le fun quelques-unes des personnes qui ont précédé Queen sur scène, histoire de voir qui sont ces gros nullos même pas capables de motiver qui que ce soit avec leur musique de gros nullos :
- Sting + Phil Collins
- Bryan Ferry
- Paul Young
- U2
- Dire Straits
Le film s'arrête heureusement après la prestation de Queen, parce que la suite du programme c'était Bowie, et là j'imagine que tout le public avait dû se barrer et que ça avait dû être la grosse teuhon...
- Flol
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Re: Bohemian Rhapsody (Bryan Singer et Dexter Fletcher - 2018)
Sinon je repose là mon petit avis vite fait que j'avais déposé ailleurs :
Flol a écrit :Bohemian Rhapsody : 3/10
Biopic simpliste et désincarné, aussi fake que le dentier de Rami Malek, dont le corps de lâche évoque de très très loin Freddie Mercury.
Mieux vaut relire la page Wikipedia du groupe et se revoir dans la foulée le vrai concert de Wembley sur Youtube.
J'espère pour lui que Rami Malek n'a pas vu cette vidéo. Parce que ça fait tellement mal de voir la différence entre le charisme d'un côté (à gauche, donc) et l'imitation toute naze (à droite, donc) à base de dentier et de fausse moustache.Supfiction a écrit :