La La Land (Damien Chazelle - 2016)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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hansolo
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Re: La La Land (Damien Chazelle - 2016)

Message par hansolo »

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Ils ont éprouvé une passion mais ont compris que cet amour serait impossible.
C'est pourquoi ils ne cherchent pas à se revoir ...
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Blue
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Re: La La Land (Damien Chazelle - 2016)

Message par Blue »

Étant en couple, le film m'a fait m'interroger sur la possibilité pour deux individus ayant une forte ambition dans des domaines différents, de pouvoir mener une vie commune.

Et j'avoue que j'ai du mal à percevoir que chacun puisse se donner pour l'autre lorsqu'on est accaparé tout entier à son propre cheminement, pour plusieurs années.

Dans Whiplash, Chazelle élude la question de manière très concise, mais de toute façon cela fait partie d'une mécanique où la narration se met toute entière au service d'un montage syncopé ; la relation devient un bout de partition inachevée.

Dans "La La Land", la relation est au centre de la narration et Chazelle joue avec cette dernière via de multiples points de vue notamment, pour suivre ce couple qui se rencontre, se perd, se retrouve, etc.

Comme avec "Whiplash", Chazelle raconte une histoire en ne perdant jamais de vue ce que lui offre le médium cinématographique en terme de possibilités. Par exemple : la réalité diégétique de mon film fait que mon couple ne vivra pas ensemble ? Qu'à cela ne tienne, je peux tout à fait montrer une autre réalité, tout comme il est possible d'imaginer le chat de Schrödinger à la fois vivant et mort.
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cinephage
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Re: La La Land (Damien Chazelle - 2016)

Message par cinephage »

Blue a écrit :Dans Whiplash, Chazelle élude la question de manière très concise, mais de toute façon cela fait partie d'une mécanique où la narration se met toute entière au service d'un montage syncopé ; la relation devient un bout de partition inachevée.
Il y a tout de même une séquence de rupture dans laquelle M.Teller dit à sa compagne, de façon explicite, qu'il la quitte parce qu'elle sera un frein pour sa carrière.
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hansolo
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Re: La La Land (Damien Chazelle - 2016)

Message par hansolo »

Blue a écrit :Étant en couple, le film m'a fait m'interroger sur la possibilité pour deux individus ayant une forte ambition dans des domaines différents, de pouvoir mener une vie commune.

Et j'avoue que j'ai du mal à percevoir que chacun puisse se donner pour l'autre lorsqu'on est accaparé tout entier à son propre cheminement, pour plusieurs années.
C'est exactement ce que le génial Oscar Peterson a déclaré au soir de sa vie (repris dans le très éclairant doc diffusé recemment sur Arte) http://www.arte.tv/guide/fr/072970-000-A/oscar
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Re: La La Land (Damien Chazelle - 2016)

Message par Blue »

cinephage a écrit :
Il y a tout de même une séquence de rupture dans laquelle M.Teller dit à sa compagne, de façon explicite, qu'il la quitte parce qu'elle sera un frein pour sa carrière.
Ce que je voulais dire, c'est que Chazelle ne s'embourbe pas sur ce terrain là.

D'ailleurs, cette scène de rupture a fait écho pour moi à la scène qui ouvre l'excellent "The Social Network" de Fincher. Comme si pour ce dernier, il fallait se débarrasser d'entrée, de ce qui pourrait être un frein à la montée en puissance de son personnage.
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Eusebio Cafarelli
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Re: La La Land (Damien Chazelle - 2016)

Message par Eusebio Cafarelli »

Bon, un petit film romantique un peu long, plutôt bien fait, pas désagréable et qui aura les Oscars. Un couple charmant (Gosling moins à l'aise quand même), un scénario qui se tient mais sans grande surprise (parfois c'est cliché cliché cliché), une grosse impression de déjà-vu.
Mais du côté comédie musicale... Je ne comprends pas comment on peut y voir un chef d'oeuvre du genre, ou alors il faut sacrément abaisser les standards et revisiter Grease (qui n'est pas terrible) ! Les acteurs ne sont pas des danseurs et ça ce voit : passe encore (ils ne chantent pas non plus mais bon, le doublage était courant dans les comédies musicales). Les numéros chantés et dansés sont portion congrue, avec une chorégraphie d'une grande pauvreté, dans les duos ou les séquences à plus de deux, et d'ailleurs les numéros sont systématiquement raccourcis. La musique n'a rien d'exceptionnel, et n'offre rien qui se retienne. Et surtout Chazelle, dont je ne doute pas de la sincérité et de son amour du genre, ne sait pas filmer ces moments : sauf peut-être une fois dans la rotonde de l'Observatoire (autour d'une sorte de puit), sa caméra ne danse jamais avec les acteurs, souvent filmés en plans trop serrés...
Quant à l'ouverture du film, sur l'autoroute : j'étais peut-être trop près de l'écran (milieu de salle pourtant), mais la séquence était à peu près illisible, et surtout les mouvements de caméra (faux plan séquence ? j'ai un doute, ça bougeait dans tous les sens), suivant les apparitions de personnages, tentaient de donner artificiellement du mouvement là où la chorégraphie n'en apportait quasiment pas.
Je n'attendais pas qu'il égale le passé, ça n'aurait pas grand intérêt. Mais Chazelle aurait pu tenter, puisqu'on nous vend le film comme le retour de la comédie musicale, une comédie musicale du XXIe siècle. Sans comparer aux grands ancêtres qu'il cite et auxquels il rend hommage, il y a plus de comédie musicale dans des clips ou dans un épisode de Glee qu'ici, parce qu'il manque ici un chorégraphe, des cameramen qui sachent filmer une chorégraphie, un compositeur, des chansons, du mouvement, de la vie, de la joie... voire un réalisateur.
Le paradoxe du film est formulé à un moment, à propos du jazz (passons sur ce que dit le film de la mort du jazz, Chazelle ne doit plus en écouter beaucoup) : comment être révolutionnaire en étant conservateur ? Un autre moment du film me semble bien montrer le projet, quand Gosling s'applique à écouter un vinyle et à reproduire le jeu de piano, mais sans improviser ni trouver son style. C'est tout à fait, pour moi, le problème du film, écrasé sous les références, incapable de les dépasser pour faire surgir une forme originale.
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hansolo
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Re: La La Land (Damien Chazelle - 2016)

Message par hansolo »

Eusebio Cafarelli a écrit :Bon, un petit film romantique un peu long, plutôt bien fait, pas désagréable et qui aura les Oscars.
Je partage presque toute cette phrase ...
Le film est effectivement sans prétention (il ne cherche à aucun moment à se hisser au niveau d'un classique du cinéma/ de la comédie musicale).
La la Land a du charme.
Il est calibré pour plaire aux jury des Oscars.

Mais je n'y vois à aucun moment un film romantique ...
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Re: La La Land (Damien Chazelle - 2016)

Message par Supfiction »

A propos des faibles qualités de danseur des deux comédiens : faut-il y voir une marque de résignation et un compromis (des acteurs charismatiques valant mieux que de bons danseurs) ? Il y a sans doute moins de comédie musicale dans La la land que dans Glee mais ce n'est pas forcement un mal..il y a bien plus de charme ici et c'est ce qui compte avant tout. Si la promesse de comédie musicale n'est pas tenue, en paraphrasant les anglais on peut dire qu'il vaut mieux pas de comédie musicale qu'une mauvaise comédie musicale.

Romantique ? Le film est en fait très noir dans son propos mais on dirait presque que Chazelle se résigne à l'optimisme. Tout le film semble ainsi parcouru de cette dichotomie entre une vision sombre (des relations amoureuses, de l'état de la musique, du cinéma..) et une vision délibérément optimiste portée par les séquences musicales. Romantique sans doute, mélancolique surtout.
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Eusebio Cafarelli
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Re: La La Land (Damien Chazelle - 2016)

Message par Eusebio Cafarelli »

Romantique ne signifie pas forcément happy end (Sur la route de Madison est un sommet de romantisme). Chazelle nous propose en gros : ils sont seuls et perdus, se rencontrent, s'aiment, se soutiennent puis la vie... humour en moins, musique et danse en plus, c'est un Quand Harry rencontre Sally un peu triste et mélancolique. Cet aspect romantique du film est réussi, à mon avis.
Mais il est annoncé partout comme une comédie musicale, et je soutiens que là c'est raté, pour les raisons que j'ai avancées. Notamment le fait que le chorégraphe et les gens capables de jouer, mettre en scène et filmer ce genre de séquences ne sont pas là.
Une comparaison qui vaut ce qu'elle vaut : Gladiator, le retour du péplum. Nombreuses références, remake de La Chute de l'Empire romain mais Ridley Scott en fait quelque chose de réussi qui retrouve l'esprit en allant plus loin, au goût du jour. Là non...
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Re: La La Land (Damien Chazelle - 2016)

Message par Pomponazzo »

Le vrai romantisme était même farci de tragédies et de fins sinistres.
Au XXème siècle, le sens du mot a dérivé vers la mièvrerie et la fleur bleue, mais c'est pas du tout le Romantisme du XIXème.
C'était une parenthèse offerte par la boucherie Sanzot.
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Re: La La Land (Damien Chazelle - 2016)

Message par Supfiction »

Pomponazzo a écrit :Le vrai romantisme était même farci de tragédies et de fins sinistres.
Au XXème siècle, le sens du mot a dérivé vers la mièvrerie et la fleur bleue, mais c'est pas du tout le Romantisme du XIXème.
C'était une parenthèse offerte par la boucherie Sanzot.
Allo, le 421 ?
Et puis ne pas confondre film romantique et comédie romantique. Et encore, des films comme Pretty woman ou Quand Harry rencontre Sally cachent un propos plutôt sombre derrière les apparences et le happy end.
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hansolo
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Re: La La Land (Damien Chazelle - 2016)

Message par hansolo »

Pomponazzo a écrit :Le vrai romantisme était même farci de tragédies et de fins sinistres.
Au XXème siècle, le sens du mot a dérivé vers la mièvrerie et la fleur bleue, mais c'est pas du tout le Romantisme du XIXème.
C'est juste.
Je voyais l'aspect mièvre derrière le terme "film romantique"
Merci de cette mise au point ;)
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Re: La La Land (Damien Chazelle - 2016)

Message par Billy Budd »

hansolo a écrit : Mais je n'y vois à aucun moment un film romantique ...
C'est pourtant le comble du film romantique, faux feel good movie, complètement dépressif.
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Re: La La Land (Damien Chazelle - 2016)

Message par tenia »

Il y a une certaine dualité dans La La Land, malheureusement au détriment du film.

On a d’un côté un film musical virevoltant ne s’embarrassant d’aucune logique, aucune cohérence contextuelle et enchaînant les numéros musicaux phénoménaux avec une efficacité sans borne. Le numéro musical introductif (qui semble pourtant saisir pas mal de monde ne s’y attendant pas, allant jusqu’à générer des sorties de salles des spectateurs) est un parfait résumé de cette capacité musicale complètement débridée et donnant envie de se lever sur son siège pour danser. Ca manque de percussions ? Pas de soucis, voilà des percussionnistes planqués dans un camion aléatoire qu’on ouvre en milieu de numéro. Ca n’a aucun sens ? On s’en fout, c’est merveilleusement enthousiasmant et communicatif, et les 30 minutes suivantes sont à l’avenant : au bout de 40 minutes, l’histoire n’a quasiment pas avancé, nos tourtereaux viennent à peine de se rencontrer et on a croisé une panoplie de lieux et personnages totalement secondaires et dispensables (et qui vont d’ailleurs directement disparaitre).

Musicalement aussi, c’est difficile de résister aux partitions souvent impeccables, même lorsqu’elles sont chantées par des acteurs clairement pas au même niveau que les chanteurs professionnels. Tous confèrent qui plus est à l’hommage ou à l’emprunt discret, que ce soit Gene Kelly, Fred Astaire, Grease, Bubsy Berkeley, le Griffith Observatory de La fureur de vivre, les tenues ultra pop des Demoiselles de Rochefort, les numéros finaux spectaculaires de Chantons sous la pluie et Un Américain à Paris, avec une fluidité plus qu’appréciable.

Le souci, c’est dès lors que le film entre dans le cœur de son sujet, totalement ordinaire et pas transcendé pour un sou (hormis lors de rares séquences conditionnelles), soit l’histoire romantique de notre couple principal. Là (et las), le film y prend 800 tonnes de plomb dans les claquettes : la mise en scène virevoltante devient ultra-primaire et les dialogues sonnent souvent artificiels, pas aidés par un duo principal manquant cruellement d’alchimie. Avec des numéros musicaux pas toujours efficacement espacés, certains creux deviennent des ventres mous difficilement pardonnables, quand ils ne gâchent pas purement et simplement certains tournants narratifs de l’histoire. A ce jeu, la scène de dispute entre Mia et Sebastian en est presque gênante tant les acteurs s’envoient leurs lignes de dialogues superficiels de façon extrêmement artificielle. Même au niveau de la bande originale, plus le film avance et plus elle donne elle aussi l’impression de s’alourdir, de se répéter. Une énième variante de City of Stars ? Encore ?

Il y a aussi cette anachronie récurrente mais totalement inutile et sous-utilisée (le film aurait pu se dérouler dans les années 40 que ça n’aurait pas changé grand-chose, il aurait suffi de trouver un autre style musical).

Heureusement, le film sait faire partiellement oublier ces tunnels de dialogues à travers ses numéros musicaux et ses envolées mélancoliques implacables, mais ces éléments plombent tout de même le film. C’est d’autant plus dommage que les nombreuses fulgurances du film (le coda final notamment) ne soit finalement qu’au service d’un script principal aussi creux.

7/10
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odelay
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Re: La La Land (Damien Chazelle - 2016)

Message par odelay »

Comme quelques uns ici, la fin m'a énormément fait penser à New York New York, et quand je dis la fin, je devrais plutôt dire le dernler quart quand les deux se séparent et qu'ils commencent à avoir énormément de succès séparement jusqu'à l'illusion des retrouvailles qui n'auront pas lieu comme chez Scorsese. D'ailleurs même si De Niro se pointe au Rdv, il attend peu, ne lui laisse pas la chance d'être un peu en retard et finalement comprend à l'instar de Minelli que ce n'est pas possible, tout comme Gosling et Stone dans ce film.
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