Une Vie Entre Deux Océans (Derek Cianfrance – 2016)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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nobody smith
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Une Vie Entre Deux Océans (Derek Cianfrance – 2016)

Message par nobody smith »

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Quelques années après la Première Guerre mondiale en Australie. Tom Sherbourne, ancien combattant encore traumatisé par le conflit, vit en reclus avec sa femme Isabel, sur la petite île inhabitée de Janus Rock dont il est le gardien du phare. Mais leur bonheur se ternit peu à peu : Isabel ne peut avoir d’enfant… Un jour, un canot s’échoue sur le rivage avec à son bord le cadavre d’un homme et un bébé bien vivant. Est-ce la promesse pour Tom et Isabel de fonder enfin une famille ?


Après plusieurs mois de sorties en salles assez déprimantes, ça m’a fait plaisir de tomber sur un film qui arrive enfin à me convaincre pleinement. Saveur d’autant plus appréciable qu’elle confirme tout le bien que je pense de Derek Cianfrance, l'assoyant un peu plus dans mon estime comme un des meilleurs réalisateurs actuels. Pourtant, je partais sur la pointe des pieds vers cette Vie Entre Deux Océans. Cianfrance s’essaie au mélodrame en costume adapté d’un best-seller. La possibilité qu’il se dégonfle dans un gros machin académique ne pouvait être écarté. Heureusement, le film n’a rien d’une reconstitution historique friquée. Au contraire, on perçoit rapidement ce qui a pu attirer Cianfrance dans cette histoire : principe de changement de point de vu, récit ample s’étalant sur plusieurs années, rythme laissant vivre ses personnages sans jamais vouloir les juger… Et surtout, il y a cette conviction qu’une histoire modeste peut devenir extraordinaire si on en donne les moyens. Cianfrance fait en ce sens une belle utilisation de l’environnement, offrant à la fois un véritable cachet visuel au scénario et en renforçant son sens. J’aime beaucoup par exemple sa façon de mettre en valeur un imposant ciel uniforme, équivalent d’une immense page blanche sur lesquels les personnages jetteront leur projet d’avenir. Comme l’explicitera un dialogue, toute la tragédie se jouera par la propension des personnages à se tourner vers l’avenir ou le passé, à se construire une nouvelle vie ou se morfondre au côté des morts. Pas étonnant alors que le point d’équilibre du long-métrage soit une scène de baptême avec le Funeral Canticle de Tavener en fond sonore, soit une association de la vie et la mort en un même instant. Le film est gorgé de ce genre d’efforts visuels ou narratifs (le passage au personnage d’Hannah se fait par le seul et unique flashback du film, mettant ainsi en exergue qu’elle vit définitivement dans le passé) renforçant une œuvre déjà fort émouvante par la justesse de ses personnages.
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G.T.O
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Re: Une Vie Entre Deux Océans (Derek Cianfrance – 2016)

Message par G.T.O »

Et par rapport à son beau mais inégal, The Place beyond the Pines, est-ce qu'on retrouve des choses ?
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nobody smith
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Re: Une Vie Entre Deux Océans (Derek Cianfrance – 2016)

Message par nobody smith »

G.T.O a écrit :Et par rapport à son beau mais inégal, The Place beyond the Pines, est-ce qu'on retrouve des choses ?
Comme j’ai dit, il y a l’idée de basculement du récit vers un autre personnage à mi-parcours mais c’est beaucoup moins prononcé que sur The Place Beyond The Pines. En y réfléchissant, je me rends compte que Ciafrance se bâtit une œuvre d’une certaine cohésion thématique. Que ce soit dans Blue Valentine, The Place Beyond The Pines ou Une Vie Entre Deux Océans, il explore à différents niveaux le couple, la parenté, l’héritage et le besoin de rédemption.
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Re: Une Vie Entre Deux Océans (Derek Cianfrance – 2016)

Message par Demi-Lune »

nobody smith a écrit :une scène de baptême avec le Funeral Canticle de Tavener en fond sonore
Ce morceau-là (magnifique) ?



Purée, depuis que Malick l'a utilisé, ça va devenir de la paresse musicale. James Gray l'avait lui-même mis dans The immigrant.
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nobody smith
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Re: Une Vie Entre Deux Océans (Derek Cianfrance – 2016)

Message par nobody smith »

Demi-Lune a écrit :
nobody smith a écrit :une scène de baptême avec le Funeral Canticle de Tavener en fond sonore
Ce morceau-là (magnifique) ?



Purée, depuis que Malick l'a utilisé, ça va devenir de la paresse musicale. James Gray l'avait lui-même mis dans The immigrant.
Yep mais je soutiens que le morceau est parfaitement utilisé (ou au moins tout aussi bien que ce qu'en avait fait Gray sur The Immigrant). En matière de recyclage musicale foireux, c'est à des kilomètres de la réutilisation de The Assassination Of Jesse James dans Free State Of Jones qui est devenu il y a quelques semaines mon mètre-étalon en la matière.
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Supfiction
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Re: Une Vie Entre Deux Océans (Derek Cianfrance – 2016)

Message par Supfiction »

Nobody on est deux à avoir été conquis.
Ce Film est très mal vendu avec cette affiche qui annonce une bluette comme on ose plus en faire aujourd'hui alors qu'il s'agit d'un drame romantique déchirant tellement prenant aux tripes qu'on ose pas imaginer l'issue. Fassebender est formidable, jamais je ne l'avais trouvé aussi bon et profond. Je suis le premier à vanter les qualités d'Alicia Vikander mais là il faut admettre que c'est lui qui emporte l'adhésion.
La reconstitution historique est étonnante car on oublie constamment que l'histoire se déroule il y a un siècle et pourtant tout sonne juste. Je ne sais pas s'il faut mettre cela dans les qualités ou les défauts d'ailleurs. Un peu d'accents ou de vocabulaire de l'époque aurait été souhaitable peut-être.
Etonnant de faire un parallele avec Frantz de François Ozon, les deux films ont des point communs, je trouve.
Certains trouveront sans doute cela trop mélo, ce n'est pas mon cas car rien n'est exagéré dans les réactions et sentiments de personnages compte tenu de ce qu'ils ont vécu et de ce qu'ils vivent.

En outre, on comprend le comportement de tous les personnages et chose rare, on peut s'imaginer à leur place. Comme dit nobody smith, point de jugement ni de personnages caricaturaux.

Ce genre de film se fait de plus en plus rare, amateurs de mélodramatiques, ne le ratez pas ! Pour moi, il fera parti du Top de l'année et surement en très bonne place.

G.T.O a écrit :Et par rapport à son beau mais inégal, The Place beyond the Pines, est-ce qu'on retrouve des choses ?
Il y a probablement le même intérêt pour les destins brisés et une meme propension à flirter avec l'excès de tragique.
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