Je viens de voir Blackhat, et j'aurais aimé écrire ton post. Comme toi, j'ai été happé par cette fuite perpétuelle qui touche à l'épure, puis à l'abstraction. Même les plans ultra-casse-gueules "inside my laptop", qui d'habitude me hérissent le poil, sont presque "habités" par cette dynamique de la fuite, quasi-organique.Colqhoun a écrit :Ce film est effectivement tout sauf un désastre.
Pour moi c'est même une grande réussite, un film puissant, en mouvement, bourré de séquences qui confirment que peu de réalisateurs en activité maîtrisent autant bien l'action que Mann (les scènes musclées mais aussi toutes les scènes qui comportent du mouvement.. cette fuite vers l'avant). Il manque peut-être un peu de chair au récit, qui se contente d'une ligne simple mais efficace, mais cela n'en fait pas pour autant un ratage. Ces critiques négatives me dépassent totalement et je peine à comprendre comment on ne peut pas y voir ce qui est d'ores et déjà l'un des grands thrillers de ces dernières années. Car tout le film est une fuite en avant, une course effrénée, où une fois de plus un homme va s'affirmer dans l'action, dans le mouvement, en prenant les devants. Blackhat est un film purement "Mannien", comme l'étaient Miami Vice, The Insider ou Collateral. Si le début du film patine un peu, une fois l'action déplacée en Asie, toute la puissance de la mise en scène du réalisateur se déploie et ne nous lâche plus, enchaînant les moments de bravoure. J'ai vu le film il y a déjà un mois et son souvenir ne fait que se renforcer dans mon esprit.
Non vraiment, ces critiques négatives n'ont aucun sens pour moi... mais peut-être s'avère-t-il que les gens ont déjà perdu l'habitude de voir ce type de cinéma, adulte, profondément premier degré, qui suit une ligne simple mais jamais simpliste et qui ne prend pas son spectateur par la main. Il y a dans ce Blackhat les derniers échos d'une forme de cinéma qui s'apprête, je pense, à disparaître et qu'il me semble désormais difficile à renouveler.
J'ai été bluffé par la mise en scène déployée. Quelle ampleur! Du coup, la simplicité de l'intrigue m'a rappelé une phrase de Lennon sur le titre "I want you" des Beatles: le texte était épuré à l'extrême par souci d'atteinte d'une certaine sagesse spirituelle. Les critiques avaient empalé Lennon en déplorant une chanson "simpliste", alors que non, l'économie narrative renforçait sa mystique! Eh bien avec Blackhat, j'ai ressenti exactement ce que je ressens avec "I want you": une intrigue simplifiée à l'extrême, qui permet les expérimentations narratives les plus déroutantes (exemple: la scène du "Rendez-vous" dans le restau asiatique - sentez donc l'instinct de loup de Chris Hemsworth!).
Un autre tour de force à mon sens: le montage. On sent l'intrigue sous le coup de dislocations quasi-incontrôlées de par le montage, une perte de repères s'opère, un peu comme le Shutter Island de Scorsese. On entre dans un état de déroute, ce qui déclenche sur moi un sentiment de vertige: les soubresauts déconcertants du montage m'ont mis dans un état second. Même le jeu bancal d'acteur de Chris Hemsworth entrait dans le dérèglement.
Du coup, quand arrivent les scènes finales, on ne sait plus vraiment si cette fuite en avant finit bien ou pas. A douter de la réalité des choses. Après toute cette manipulation de mes sens, je ne savais plus dite si la scène finale est réelle ou rêvée.
Un excellent film, qui m'a perdu dans un univers unique!