Strum a écrit : Linklater n'est certes pas un vitaliste, et de ce point de vue, il y a du vrai dans ce que tu dis. Mais j'ai trouvé l'approche de Linklater tout à fait cohérente avec celle de ses autres films. Les personnages y sont plus spectateurs qu'acteurs de leur vie. Ils la contemplent ainsi que celles des autres et en discutent. A moins que leur manière d'être acteurs réside dans le monologue intérieur (car les dialogues sont souvent des échanges de monologues dans ces films) ou dans l'intériorisation des expériences de la vie par les personnages. Cette approche considère et accepte le temps comme une matière insaisissable, que l'on ne peut fixer, ni par l'expérience, ni par les images. Du coup, il y a un certain détachement des personnages vis-à-vis des choses, une certaine sagesse peut-être, comme celle de quelqu'un regardant couler une rivière dont il sait ne pouvoir arrêter le cours. La mise en scène de Boyhood parvient d'ailleurs, par la fluidité de son découpage, à refléter cette liquidité du temps - le film a beau durer 2h45, on ne voit pas passer le temps. Gounou a raison de dire que c'est une démarche inverse de celle de Tree of Life où le temps était restitué, retrouvé dans sa durée, pour redonner vie au frère perdu.
Je suis d'accord avec ce que tu dis à propos du statut des personnages chez Linklater : ils ne sont pas vraiment "acteurs" de ce qui se passe mais plutôt "spectateurs". D'où cette impression de détachement qui, pour moi, et ce malgré la cohérence, reste préjudiciable pour le projet que s'est donné Boyhood de saisir une vie et la fuite du temps. Après, je ne suis pas sûr que ce soit le propre de cette méthode de considérer le temps comme une matière insaisissable. C'est la qualité du temps lui-même.
En outre, je ne pense pas que la fluidité du découpage soit le fait d'un parti-pris consistant à essayer de traduire l'idée de "liquidité du temps". J'y vois plutôt une lacune relative, mais sans doute aux yeux de Linklater une qualité, au fait d'avoir la volonté de faire le film le plus exhaustif possible. D'ailleurs, de ce point de vue, c'est assez réussi puisque le film accumule les faits et détails, sans jamais s'y arrêter. La répétition ou similitude entre différentes situations ne produit rien. Les "faits" scénaristiques s'ajoutent les uns aux autres, sans aucune force ou fascination. Rien ne doit freiner la course du film. Or, faire le film le plus complet possible signifie possédant le maximum de situations et de détails. Cette manière de traiter "le passage du temps" sous l'angle de la quantité d'infos, de situations et de détails, lui confère un vernis d'objectivité qui peut donner la fausse impression de voir une vie défilée. Mais, cette vie tient compte que de "choses"; jamais d'une vision, de sentiments, d'émotions qui infléchissent la courbe du temps. Linklater refuse la dramatisation, libre à lui. Mais, ce refus de la dramatisation ne veut pas dire refus de synthèse. Cela ne le dispense pas d'être plus sélectif dans ce qu'il filme, d'avoir un angle d'attaque de son sujet, à quelque chose allant au delà du dispositif. Imagines toi : si, Linklater avait du faire un film traitant une vie entière, de la naissance jusqu'à la mort, vu qu'il traite cela en quantité d'infos, il nous aurait pondu un film de 13 heures...
En outre, je ne pense pas que la fluidité du découpage soit le fait d'un parti-pris consistant à essayer de traduire l'idée de "liquidité du temps". J'y vois plutôt une lacune relative, mais sans doute aux yeux de Linklater une qualité, au fait d'avoir la volonté de faire le film le plus exhaustif possible. D'ailleurs, de ce point de vue, c'est assez réussi puisque le film accumule les faits et détails, sans jamais s'y arrêter. La répétition ou similitude entre différentes situations ne produit rien. Les "faits" scénaristiques s'ajoutent les uns aux autres, sans aucune force ou fascination. Rien ne doit freiner la course du film. Or, faire le film le plus complet possible signifie possédant le maximum de situations et de détails. Cette manière de traiter "le passage du temps" sous l'angle de la quantité d'infos, de situations et de détails, lui confère un vernis d'objectivité qui peut donner la fausse impression de voir une vie défilée. Mais, cette vie tient compte que de "choses"; jamais d'une vision, de sentiments, d'émotions qui infléchissent la courbe du temps. Linklater refuse la dramatisation, libre à lui. Mais, ce refus de la dramatisation ne veut pas dire refus de synthèse. Cela ne le dispense pas d'être plus sélectif dans ce qu'il filme, d'avoir un angle d'attaque de son sujet, à quelque chose allant au delà du dispositif. Imagines toi : si, Linklater avait du faire un film traitant une vie entière, de la naissance jusqu'à la mort, vu qu'il traite cela en quantité d'infos, il nous aurait pondu un film de 13 heures...
Strum a écrit : ...Le "regard" du film, c'est le sien...
C'est marrant comme nos avis divergent sur ce point car, je n'ai pas trouvé que le film possède un quelconque "regard". Et, encore moins celui de Mason. D'ailleurs, je trouve exagéré qu'on dise du film qu'il se focalise uniquement sur Mason. Le film s'attarde quand même beaucoup sur les autres membres de sa famille. Et, d'ailleurs, on les voit aussi vieillir, au même titre que Mason : de sa mère à son père, en passant par sa soeur.