La nouvelle vague Hk : Ann Hui, Allen Fong, Patrick Tam...

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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bruce randylan
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La nouvelle vague Hk : Ann Hui, Allen Fong, Patrick Tam...

Message par bruce randylan »

Le festival Paris Cinéma rend hommage à Hong-kong cette année avec un focus particulier sur la nouvelle vague locale qui eut lieu à la fin des années 70 avec des gens comme Allen Fong, Patrick Tam, Tsui Hark, Kirk Wong ou Ann Hui. Des personnes venues de la télé qui allait chambouler autant la manière de de tourner que des thèmes abordés.

Below the lion Rock : The boy from vietnam (1978)
La série Below the lion rock fut un magnifique terrain d'exploration pour les réalisateurs qui disposait d'une liberté absolue bien qu’œuvrant pour la télévision.

Dans cet épisode, Ann Hui évoque l'arrivée clandestine d'un enfant vietnamien à Hong-kong. La frontière entre documentaire et fiction est très mince puisque la réalisatrice engage les vrais protagonistes lui ayant inspiré cette histoire. Des amateurs qui sont assez stupéfiants et il est d'ailleurs étonnant de constater que le seul acteur professionnel (le cousin) est le seul qui joue mal. A se demander si cela est volontaire ou non.
Autant dire que le réalisme social est dépeint dans une crudité sans concession, loin de tout romantisme et bons sentiments. Cette mise en scène très "cinéma direct" est quelque part sa faiblesse car il n'est pas toujours évident de prendre en sympathie les personnages.

Below the lion Rock : The bridge
Beaucoup plus réussi, cette épisode part également d'un événement ayant réellement existé : la destruction d'un pont pour piéton au dessus d'une route qui permettait aux habitants d'un bidon-ville de rejoindre la vraie ville.
Un souci d'objectivité et un besoin d'englober tous les différents éléments (hypocrisie de l’administration, place du journalisme, exploitation de la misère humaine, éducation, corruption) en font une œuvre très riche et complète. La démarche est encore plus proche du documentaire que le précédent au point qu'on se demande si tout cela à vraiment été mise en scène à plusieurs reprises alors que justement l'écriture est beaucoup plus cinématographique que the Boy from Vietnam (travellings, long panoramique). Mais Ann Hui parvient à inscrire chaque scène dans une vérité sociale criante de vérité.
C'est un fleuron du cinéma engagé, militant mais qui évite soigneusement le film à thèses ou les discours moralisant. Son regard est juste. D'une justesse révoltante lorsqu'on arrive à la conclusion et que son fatalisme vient écraser l'individu qui cherchait à s'opposer aux pouvoir publics.
Pour le coup, le résultat fut tellement virulent qu'il fut interdit d'antenne à l'époque.
Dernière modification par bruce randylan le 6 juil. 17, 10:01, modifié 2 fois.
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Re: La nouvelle vague Hk : Ann Hui, Allen Fong, Patrick Tam.

Message par bruce randylan »

The secret (Ann Hui - 1979)

2 corps sont retrouvés attachés et terriblement mutilés. La police mène l'enquête en même temps qu'une connaissance de la grand-mère d'une des victime. Mystères et apparitions fantomatiques rythment leurs recherches.

1ère réalisation dans le cinéma pour Ann Hui qui a l'air de ne pas s'intéresser à un scénario à twist assez crétin quand même. Du coup, elle développe en arrière fond l'aspect social avec une description des bas quartiers, des exclus, des pauvres, des marginaux etc... Mais surtout elle en profite pour perdre son spectateur dans une mise en scène totalement déstructurée assez compliquée à suivre. Le montage (et ici donc la narration) n'est que rupture et cassure pour une chronologie non linéaire.
Ce montage est vraiment brillant, bourré d'idées stupéfiantes mais qui ressemble quand même fortement à un exercice de style qui se fait au détriment de l'histoire et des personnages. Le temps qu'on passe à essayer de recoller les morceaux et à se remettre des sauts violents d'une séquence à l'autre entachent l'immersion dans le film.
Mais quand on arrive au dénouement et aux explications vraiment grotesque, on comprend pourquoi Ann Hui a essayer de brouiller au maximum le scénario.

Il reste une œuvre par moment fascinante, une atmosphère à la frontière du fantastique troublante et une réalisation souvent virtuose mais qui s'avère très froide.
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Re: La nouvelle vague Hk : Ann Hui, Allen Fong, Patrick Tam.

Message par Best »

Ce topic va me plaire ! Quand j'ai vu le détail de la programmation, j'ai regretté de ne pas pouvoir y être. C'est assez impressionnant :shock:
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Re: La nouvelle vague Hk : Ann Hui, Allen Fong, Patrick Tam.

Message par tewoz »

C'est vrai que la programmation est assez hallucinante, je vais essayer de me faire quelques films ce week end, mais je ne sais pas encore lesquels.
Vous venez de lire un message de tewoz, ca vous a pas rendu plus intelligent, mais ca aurait pu...
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Re: La nouvelle vague Hk : Ann Hui, Allen Fong, Patrick Tam.

Message par bruce randylan »

Si tu veux venir Samedi - dimanche, dans les raretés je te conseille
- Teddy Girls et China Behind (au forum des images)

Au mk2
- Man on the brink (excellent polar avec flic infiltré chez les mafieux) ; Autumn moon et tous les programmes de Patrick Tam de manière générale je pense (pas encore vu pour ma part). 92 the legendary la rose noire a l'air assez fun aussi

Sinon, the System repasse ce soir (mercredi) à 20h je le recommande chaudement.
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Re: La nouvelle vague Hk : Ann Hui, Allen Fong, Patrick Tam.

Message par bruce randylan »

The spooky bunch (Ann Hui - 1980)

Une petite troupe d'opéra voit contrarié ses représentations par un fantôme.

Si le fantôme de The secret était avant un prétexte à l'histoire, il est ici au cœur du film tant narrativement parlant que thématiquement en confrontant passé et présent (y compris dans sa dimension politique - comme des exécutions qu'un personnage revoit des décennies après). Ann Hui se pose en fait pratiquement en opposition totale de son premier film.
Le film propose une technique beaucoup moins voyante et démonstrative pour quelque chose de bien plus "commerciale" avec des personnages attachants, des situations drôles, un peu d'action etc...
Mais difficile de résumer spooky Bunch tant celui-ci part dans toutes les directions pour un bordel même pas structuré qui semble vraiment se bâtir jour après joue sur le tournage sans aucune logique. On oublié donc régulièrement de chercher la justification de telles ou telles séquences puisqu'il faut admettre que l'ensemble est très entrainant, frais et justement joyeusement bordélique malgré quelques sautes étonnement plus sombre. Mais en tout cas on s'amuse sans scrupule devant les facéties d'un fantôme féminin prenant le corps du leader de la troupe, les spectacles devenant avant-gardistes par les affrontement entre mort et vivants ou le héros enfermé dans un tonneau. C'est loin d'être subtil mais c'est efficace à l'image des quelques brèves chorégraphies de Tony Ching Siu Tiung.
On peut même dire que lors de ces fugaces séquences mélangeant magie, humour, fantôme et art-martiaux, on trouve à l'état de brouillon la ghost kung-fu comedy qui allait naître un an après avec Sammo Hung et son exorciste chinois.

Ca part donc dans les sens mais on retrouve tout de même bien la patte de sa réalisatrice avec sa première partie qui suivi de manière plutôt documentaire le quotidien et les problèmes de sa petite troupe.
Au final, c'est vraiment loin d'être parfait (avec des personnages totalement bouches trous comme Kenny Bee en jeune premier) mais l'énergie et l'originalité en font une œuvre plus que recommandable pour qui aime les films un peu fous de Hong-Kong.
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Re: La nouvelle vague Hk : Ann Hui, Allen Fong, Patrick Tam.

Message par bruce randylan »

Homecoming (Yim Ho - 1984)

Une femme de Hong-kong retourne en Chine Continentale dans le village où elle a grandi et où vit sa soeur

Un drame sur les oppositions/contradictions symbolisés par ces 2 sœurs : ville/campagne ; souvenirs/présent ; hommes/femmes etc...
Mais tout ça n'est pas très passionnant au final. Les personnages comme les enjeux sont assez maigres et la réalisation ne parvient jamais à rendre vivant cet univers. On ne ressent jamais d'émotion ni d'empathie
Les personnages laissent de marbre avec un psychologie trop floue. La relation triangulaire laissait augurer pourtant de bonnes choses. De tout façon, l'intrigue est assez mal structurée et construite car l'histoire avance vraiment au coup par coup avec un mélange chronique sociale (plutôt réussie dans son quotidien de la vie rurale) et l'histoire avec les deux sœurs qui ne se complètent jamais.

Assez fade alors qu'on aurait vraiment pu vibrer. Ca reste tout de même une belle rareté ; il n'existe qu'un VCD sans sous-titres (celà dit on peut trouver une VHS VOST à l'ambassade chinoise de Bruxelles - les fans hardcore du cinéma asiatique m'épateront toujours :o )


The Arch (Tong Shu-Shuen - 1970)
Dans un village, une veuve se rapproche d'un officier militaire qu'elle héberge.

Un film précurseur du mouvement de la nouvelle vague et réalisé par une femme qui dû arrêter sa carrière après 4 films, faute de succès.
Ce titre est son premier et il a marqué une génération pour son tournage en extérieur, son intrigue minimaliste et son refus des recettes commerciale : pas de kung-fu, pas de chanson, pas de sentiments exacerbés, peu de dialogues et un rythme très lent... beaucoup trop lent car on ne peut s'empêcher de trouver le temps long très rapidement avec son dépouillement narratif, décoratif et psychologique. La beauté du noir du blanc, la sobriété des acteurs ne suffisent pas à rentrer dans cette histoire aride, pas aidé par un dispositif scénique exigeant et une musique répétitive vite agaçante

J'ai donc assez rapidement décroché avant de récupérer très tardivement les wagons dans une dernière partie sublime où la mise en scène en devenant un peu plus expérimentale rend palpable la solitude et l'abandon progressifs qui s'empare de l'héroïne : idée de cadrage, montage, superpositions...
Cette fin qui évoque la fatalisme écrasant m'a fait penser à Okasan de Naruse et ça fait vraiment rager que l'intégralité du film ne soit pas de cette qualité et de cette inspiration.
A voir tout de même pour son importance historique et pour ses 20 dernières minutes.

China Behind, le 2ème film de Tong Shu-shuen tourné en 1974 (mais sorti en 1987 pour cause de censure) est apparemment une immense réussite pour le coup. Il est également diffusé dans ce festival. :wink:

A noter que le film est sorti en France 1 an avant sa distribution en Chine (on a retrouvé une copie 35 mm il y a peu de temps dans un assez bonne état :) )
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Re: La nouvelle vague Hk : Ann Hui, Allen Fong, Patrick Tam.

Message par bruce randylan »

Je continue avec du Allen Fong, cinéaste rare (5 films seulement - plus les séries TV) et le seul qui creusa véritablement le sillon que la nouvelle vague commença à la télévision : des films intimistes, du social et une démarche qui radicalise de plus en plus la dimension documentaliste.

Below the Lion Rock : The song Yuen Chau Chai (Allen Fong - 1977)

Très belle épisode qui suit la vit d'une famille vivant dans la pauvreté à bord d'une bateau amarré au bord d'un bidon ville croulant sous pollué.
Pas de misérabilisme, pas de discours, pas mélodrame... Seulement une justesse crue mais essentielle qui capte (ou reconstitue - avec Allen Fong, la frontière semble mince) avec un naturel à la fois direct et pudique. Sa caméra et sa sensibilité savent rendre compréhensibles les situations sans avoir toujours besoin du dialogue comme ces scènes où le mari donne de l'argent aux enfants pour pouvoir rester seule avec sa femme qu'il viole pratiquement.
Ce regard frontal donne au film un fort sentiment pesant et poignant, une envie de crier sa révolte mais qui reste coincer au niveau de la gorge sans pouvoir sortir (les enfants jouant à la pêche avec rats, les touristes prenant des photos comme au zoo).

Below the lion Rock : Old Plough (Allen Fong - 1978)

Un modeste marchand de riz décide d'épouser une thaïlandaise via un réseau clandestin, autant pour combler sa solitude que pour l'aider dans son travail

Peut-être encore plus réussi que le précédent. Sans doute parce que l'épisode fait une durer normal de 48 minutes, ce qui lui permet d'installer une vraie narration en même qu'il décrit une nouvelle fois le quotidien d'un bidon ville au flanc d'une colline (clientes qui préfèrent dépenser leur argent au Mahjong, le fonctionnement des toilettes publiques, les réseaux clandestins etc...). Ses différents éléments sont admirablement bien écrits avec l'histoire de ce commerçant qui se trouve une épouse ne parlant pas sa langue et qui est susceptible de fuir à tout instant.
C'est tendre, touchant, toujours aussi juste entre chronique social, étude de mœurs et la comédie romantique même.
Les acteurs sont parfaitement dans le ton en plus et personnifient magnifiquement ces personnages un peu paumés, qui aimerait être optimistes mais qui craignent que la réalité ne les rattrape à un moment ou un autre.

Une petite merveille. :D

On peut trouver l'intégrale des épisodes que le réalisateur a tourné pour cette série dans un DVD zone3 avec sous-titres anglais. :wink:

http://www.yesasia.com/global/below-the ... /info.html
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Re: La nouvelle vague Hk : Ann Hui, Allen Fong, Patrick Tam.

Message par bruce randylan »

Retour sur Ann Hui avec 2 nouveaux épisodes TV :wink:

Social Worker : Ah Sze (Ann Hui - 1976)

Comme son titre l'indique, on suit le travail d'assistants sociaux. Dans cet épisode, on évoque le cas d'une immigrée chinoise arrivant à Hong-Kong qui se retrouve vendue à un proxénète. Elle tombe amoureux d'un de ses clients, un drogué, avec qui elle essaye de refaire sa vie.

Tout simplement stupéfiant.
On se demande comment la télévision pouvait produire une série avec un contenu aussi fort, juste, lucide et sans concession.
Inspiré encore d'une histoire vraie, le traitement évite tout le pathos et la dimension mélodramatique qu'on pouvait attendre. Le scénario et la réalisation évitent tous les pièges. Avec sa construction narrative très libre qui croise flash-back et alterne les personnages clés, la progression permet à l'histoire d'éviter la linéarité et donc la traditionnelle descente au enfer de ce genre de sujet. De plus, la femme qui donne son titre à l'épisode dépasse de loin le stade de la simple victime. C'est un personnage riche, complexe, à la fois fragile, passive, mutique, forte, manipulée, déterminée etc... De plus, l'évolution des personnages est à la fois cohérente logique, cohérente et tristement banale avec des personnages très rapidement prisonniers de la condition dans laquelle ils se trouvent et ne veulent sortir des schémas qu'ils connaissent (la dépendance à la drogue, gagner de l'argent via la prostitution, une certaine violence des sentiments, l'impossibilité de faire confiance à l'autre). Pas de happy end donc à prévoir.

Avec sa mise en scène qui multiplie les plans serrés, les décors dépouillés au maximum, l'absence de perspective et de profondeur de champ, Ann Hui met en avant le visage de ses acteurs en leur donnant une résonance inhabituelle (le jeu essentiellement muet de Cécilia Wong est extraordinaire).
Une immense réussite qui n'a rien perdu de son originalité, de son intransigeance, de son engagement et surtout de son émotion.


ICAC : A man (Ann Hui - 1977)

Nouvelle série traitement cette fois d'une brigade enquêtant sur la corruption (ICAC voulant dire Independant Commission Against Corruption). Cette épisode (comme un autre réalisé également par Ann Hui) se situe dans le cadre même des forces de police. Ce choix courageux a d'ailleurs eut pour conséquence de l'avoir fait interdire d'antenne durant 20 ans.
Pourtant en le découvrant, on ne peut pas dire que l'histoire soit si contestataire ou choquant que ça. Le traitement et la structure sont d'ailleurs très traditionnels avec sa jeune recrue arrivant naïvement dans un district qu'il ne connait pas. Découvrant que la police touche des pots de vins, il dénonce son supérieur, ce qui attire le mépris de ses collègues.

L'intrigue n'est donc pas très stimulante mais l'épisode mérite un coup d’œil pour son ambiance réaliste et très documentaire. En quelques plans, Ann Hui nous fait découvrir cette environnement portuaire avec ses vendeurs à sa sauvette, ses bars clandestins, ses drogués vivant dans des ruelles mal famées, la connivence entre policiers et commerçants... Cette description minutieuse donne un cachet véridique qui donne une profondeur inattendue et salvatrice. Bonne interprétation malgré des personnages parfois un peu creux (la copine du flic)
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Re: La nouvelle vague Hk : Ann Hui, Allen Fong, Patrick Tam.

Message par bruce randylan »

Father and son (Allen Fong - 1981)

Un jeune homme faisant des études aux USA rentre à hong-kong pour l'enterrement de son père. Il se remémore son passé

Un très beau film qui évoque comme son titre l'indique les rapports entre un père et son fils.
Le rejeton est plus intéressé par faire les 400 coups avec un copain plutôt d'étudier comme son père le voudrait. Celui-ci en fait pratiquement une obsession à cause de son éducation trop maigre qui le condamne à un emploi ingrat sans évolution possible au sein de son entreprise.

Malgré son budget limité, la reconstitution est très habile (les années 60 puis 70), tirant un excellent profit de la typographie de Hong-kong qui est le 3ème personnage de l'histoire. Les quartiers, les maisons, les ruelles, les paysages (en partie les mêmes que Below the lion rock - old plough) donnent une belle résonance mélancolique à des souvenirs lointains d'une époque révolue. D'ailleurs aujourd'hui tous ces endroits ont disparus à jamais. "Hong-Kong changent tous les 6 mois" comme le regrettait Alex Fong lors de la présentation de son film.
Par ailleurs, je me suis vraiment demandé comment à été tourné la scène de l'incendie du bidon-ville, criante de vérité et à la propagation ample.

Mais même sans connaître cette évolution de l'architecture urbaine, le film émeut par sa simplicité, sa sobriété, sa justesse et son lyrisme discret avec ses légers mouvements de grues suivant la progression des personnages au travers des lieux qu'ils parcourent.
On sent que le film est profondément personnel pour ne pas dire vraisemblablement autobiographique avec la fascination de l'enfant pour le cinéma qui le transformera en cinéaste amateur, le poussant à partir donc aux USA suivre une école de réalisation. Cette amour pour les images en mouvements commencent par la découverte d'animation avec des lanternes magiques improvisées puis par les entrées clandestines par les arrières-court des salles de cinéma.
Toutes ses séquences baignent dans une douce poésie nostalgique qui offre aussi des scènes un peu plus décalés comme le film d'action que s'imagine l'adolescent et qui se traduira de manière bien plus hasardeuse mais tout aussi passionnée lors de son tournage.

Cette déclaration d'amour au cinéma et la relation père-fils se répondent admirablement. Le cinéaste aborde aussi une réflexion plus amère sur l’obstination du père face à la réussite scolaire de son enfant quand sont presque sacrifiées les 2 filles de la famille (l'une est poussée à faire un mariage arrangée ; l'autre à rentrer très tôt dans la vie active). Cette sévérité du père vers son fils n'était peut-être pas que la dureté mais tout simplement de l'amour et l'envie d'être fier.
Quand survient donc le moment où le 2 hommes se prennent de manière spontanée dans les bras vers la fin du film, on ne peut que partager leurs larmes à la fois pudiques et surprises.

Un film magnifique dont les images restent longtemps en mémoire. Malheureusement le film est véritablement invisible.
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Re: La nouvelle vague Hk : Ann Hui, Allen Fong, Patrick Tam.

Message par bruce randylan »

Alors les loulous la forme ? :D
Vous en voulez encore ? :D :D

Détour donc par les séries TV de Patrick Tam devant une foule en délire !

Seven Woman : Miu kam-fung (Patrick Tam - 1976)

Comme son titre l'indique la série propose le portrait de 7 femmes en autant d'épisodes. Celui-ci est le 2ème épisode la série qui propose de s'attarder sur Kam-fung, actrice et femme au foyer et dont le mari n'est pas très fidèle.
Vu le sujet et les précédentes œuvres cités dans ce topic, on avait de quoi s'attendre à une nouvelle chronique sociale, c'est mal connaître Patrick Tam dont les influences sont très proche d'une autre nouvelle vague : la française et plus particulièrement des films de Godard à qui il dédie l'épisode.
On nage donc en plein dans l'univers du cinéaste suisse dont on trouve de nombreuses références (l'accident de voiture du Mépris, un dialogue de 2 ou 3 choses que je sais d'elle etc...). C'est un épisode vraiment sous influence : nombreuses références littéraires ou musicales, réflexion sur la publicité, jeu sur les couleurs primaires, chanson récurrente, refus du montage traditionnel, les travellings qui suivent les acteurs faire des aller-retour.
Bon, comme avec les films de Godard, je trouve ça très stimulant 5 minutes, inventif 10 minutes, original 15 minutes puis au bout de 20 minutes et des poussières je finis par me lasser par manque de personnages, de narration, d'émotion et d'implication.
Une jolie curiosité mais qui ne dépasse pas la curiosité pour moi. D'ailleurs vu le nombre de personne qui sont sortis en cours de séance, je ne pense pas être le seul à avoir pensé ça. :mrgreen:


Seven Woman : On Sai, Yeung see-tai, May Lee (Patrick Tam - 1976)
3ème épisode de la série et Patrick Tam triche un peu puisque n'ayant pas trouvé de quoi écrire une histoire de 52 minutes, il en écrivit 2 de 20 minutes et demanda à son assistante d'écrire un monologue. C'est ce segment qui ouvre l'épisode et pour le coup je l'ai trouvé excellent. Un plan séquence de presque 10 minutes où On Sai (l'assistante) est filmée dans un studio et déclare son texte tandis que la caméra avance et recule doucement et qu'un morceau de musique vient parfois l'interrompre. Ce dispositif scénique très simple, la longueur de la prise, le texte à la limite de l'absurde et de l'écriture automatique composent un moment hypnotique et discrètement surréaliste. Et puis la comédienne dégage un je-ne-sais-quoi de fascinant. Après, heureusement que ça ne dure que 10 minutes. (et dans l'ensemble les gens ont déjà trouvé ça trop long :uhuh: )

Les 2 autres segments sont bien plus traditionnels (forme et discours) et tout simplement anecdotique pour ce qu'on m'a dit. Et oui, j'ai dû sortir avant la fin de la séance pour le concert de Bruce Springsteen à Bercy :D
Le peu que j'ai vu du second segment n'était pas très excitant en tout cas. Patrick Tam délaisse l'expérimental à la Pierrot le Fou sans tourner le dos à l’anticonformisme avec une narration se limitant aux conversations dans différents lieux qui suppriment les transitions et les déplacements. La photographie comme les gammes chromatiques très sombres donnent un peu de mélancolie à l'ambiance mais la froideur comme l'histoire laissent de marbre.
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Re: La nouvelle vague Hk : Ann Hui, Allen Fong, Patrick Tam.

Message par bruce randylan »

Is there anyboby alive out there ?


C.I.D. : Danw, noon, dusk, night (Four Moments of a life) [Patrick Tam - 1976)

Le temps d'une journée, 4 moments comme on peut en croiser inlassablement quand on travaille dans la police : maltraitance ; un flic tombant par hasard sur un pédophile lors de l'installation de micro d'écoute ; un petit vieux en assassinant un autre pour des broutilles dans un hospice ; un policier fauché par un fuyard lors d'un contrôle...

13ème épisode d'une série suivant le quotidien d'agents en civil travaillant pour le CID (Crime Investigation Department) et dont les scénario sont souvent écrits par des policiers ce qui donnent un aspect réaliste très saisissant.
Un ton qui sent l'authenticité pour un style direct, loin de tout glamour, de dramatisation superflue. D'après les spécialistes, ça serait cette série qui sera à l'origine du mouvement de la nouvelle vague avec ces tournages en extérieur, un contenu social abordé frontalement, des personnages plus complexes et fouillés.
Vu la qualité de cette épisode, il est un peu frustrant car on aimerait bien voir l'intégralité de la série. Encore aujourd'hui cet opus n'a rien perdu de sa force, de son originalité (la structure est audacieuse), de son impact et de son style (un plan-séquence très élégant sur l'interrogatoire d'une adolescente dans une immense pièce vide).
Ce qui étonne vraiment c'est la justesse tranquille mais très cru qui nous est montré. Par exemple les scènes avec les vieux à l'hospice est filmée avec un mélange de tendresse, d'humour et d’espièglerie qui se change soudainement en un crime brutal mais tout aussi calme que les images précédentes mais sans se dépareiller de l'aspect choquant de l'acte.
La maitrise et la maturité de Patrick Tam impressionne déjà alors qu'il n'était réalisateur que depuis même pas un an (après avoir commencé comme assistant à la fin des années 60). C'était d'ailleurs le plus expérimenté des réalisateurs de la nouvelle vague quand celle-ci éclata vraiment.


Thirteen : Suffocation (Patrick Tam - 1977)

Un photographe fasciné par la mort et la violence met en scène ses fantasmes voyeuristes

Attention chef d'oeuvre !
Encore une fois, il est stupéfiant qu'une telle œuvre ait été produite pour la télévision dans les années 70's. Si l'ombre de Antonioni et de Blow Up plane au début (photographie, jeu sur le réel/faux), le film développe très rapidement ses propres thématiques allant assez loin dans son univers malsain et son personnages obsédé par la mort : il met en scène une scène meurtre dans un appartement, paye des petites frappes pour simuler des agressions ou encore il s'extasie devant un vieil homme assoupi qu'il pense mort et qu'il mitraille avec son appareil photo.
L'étape suivante est logiquement de capter sa propre mort dans un étouffant (sens propre comme figuré) plan-séquence où le personnages s'enferme dans un immense sac plastique où il commence rapidement à manquer d'air.

Dans ce rôle, on trouve un Chow Yun-Fat tout jeune mais déjà impressionnant de charisme et au jeu bouillonnant qui n'hésite pas à se mettre en danger comme donc ce plan-séquence incroyable.

Que l'épisode ne dure en plus que 26 minutes témoigne de la maitrise de Patrick Tam et de son acteur. Extraordinaire.


Thirteen : traces of her (Patrick Tam - 1977).

Une jeune femme disparait, les proches s'interrogent sur sa personnalité

Difficile de passer après Suffocation et cette épisode ressemble plus aux expérimentations un peu stériles de son Seven Woman : Miu Kam-fung. Comme le concept est de dessiner un portrait à partir de témoignages éclatés qui ne se complètent pas forcément, voilà un épisode qui s'oublie très rapidement.
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Re: La nouvelle vague Hk : Ann Hui, Allen Fong, Patrick Tam.

Message par bruce randylan »

Ah Ying (Allen Fong - 1983)

Ah Ying est une jeune fille issue d’une famille modeste qui rêve de devenir actrice. Alors qu’elle assiste à un cours de comédie, elle rencontre un réalisateur marchant avec des béquilles et tout juste rentré des USA, avec un projet qu’il ne parvient pas à concrétiser.

Un film très étonnant mais seulement si on connaît son contexte et la façon dont il a été réalisé.
Tout d'abord Allen Fong rend hommage à un de ses meilleurs ami dans le portrait du réalisateur boitant. Cet ami avait aussi des problèmes de santé aux jambes qu'il a négligé trop longtemps pour ses études dans le 7ème art. Quant il a enfin voulu se faire opérer, repoussant ainsi sa première réalisation, il était déjà trop tard et il décéda beaucoup trop tôt.
Un destin trop injustement tragique pour Allen Fong qui préfère donner une fin ouverte dans son film qui s'arrête sur le départ du réalisateur pour son opération aux USA.

Enfin, le dispositif même de la narration est vraiment curieuse où Ah Ying est une sorte de reconstitution du destin de l'actrice principal (So-ying Hui) mais qui laisse place à l'improvisation et la réaction d'acteurs non-professionnels dans des situations filmées comme un reportage. Bref, un vrai faux docu-fiction qui mélange réalité et scènes écrites pour un portrait attachant et naturaliste mais qui malheureusement ne se révèle pas toujours passionnant d'un pur point de dramatique.
La démarche d'Allen Fong est assez osée et audacieuse et elle mérite qu'on s'y attarde mais plus pour sa conception que pour le résultat même. Si on la prend pour ce qu'elle est, c'est une œuvre bancale, tout de même décevante, un peu creuse, mal rythmée, assez moche visuellement mais dont la relation entre le réalisateur prof de comédie et sa jeune novice révèle quelques jolis moments intimistes.

Difficile donc de pouvoir en parler de manière objective et d'émettre un jugement. Mais c'est un titre indispensable pour cerner le cinéma d'Allen Fong.

Le film est visible dans un VCD dur à trouver et surtout de piètre qualité où les sous-titres anglais sont à peine visible.
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Profondo Rosso
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Re: La nouvelle vague Hk : Ann Hui, Allen Fong, Patrick Tam.

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Love Unto Wastes de Stanley Kwan (1986)

Trois jeunes femmes originaires de Taiwan débarquent à Hong Kong avec la ferme intention de devenir célèbre. Elles font la connaissance d’un jeune homme dans un bar avec qui elles se lient d’amitié et partagent des moments d’intimité. Jusqu’au jour où l’une d’entre elles est retrouvée morte. Un inspecteur de police mène l’enquête et cherche à comprendre ce qui liait réellement les quatre amis profondément affectés par la disparition de la jeune femme.

Deuxième réalisation de Stanley Kwan, Love Unto Waste est un poignant récit intimiste qui annonce les grandes réussites à venir du réalisateur dans une veine plus brute. Les deux grands chefs d'œuvre de Stanley Kwan Rouge et Center Stage traitait des liens impossible à nouer par les individus soumis à un environnement oppressant et néfaste. Dans Rouge le clivage social empêche l'épanouissement amoureux du fils de bonne famille joué par Leslie Cheung et la prostituée Anita Mui, la douleur de la séparation se prolongeant dans le temps et l'au-delà. Center Stage relatait dans une forme hybride les tourments de la star de cinéma chinoise Ruan Lingyu (jouée par Maggie Cheung) que la pression du vedettariat allait pousser au suicide. Le cadre environnant et la lâcheté masculine ordinaire était la cause de la perte de poignant personnages féminins écorchés vif comme seul Stanley Kwan sait les dépeindre. Tous ces élément sont présents dans ce Love Unto Waste mais par une stylisation moins marquée et un cadre contemporain dont les questionnements s'avéraient en phase avec la jeunesse hongkongaise.

Le film est divisé en deux parties similaires et distinctes à la fois où l'on assistera à l'amitié et les chamboulements amoureux d'un groupe de personnage stoppé par le spectre de la mort à chaque fois. La première partie narre la rencontre entre Tony Cheung (Tony Leung Chiu Wai) jeune fils à papa oisif et les trois amies Billie (Irene Wan) jeune mannequin introvertie et mystérieuse, Suk Ping (Elaine Jin) aspirante actrice se rêvant nouvelle Brigitte Lin et Su Ling (Tsai Chin) chanteuse de bar dont la carrière n'a pas décollé. Tous sont frustrés à leur manière notamment Suk Ping et Su Ling ayant émigrées de Taiwan la tête pleine de rêves et confrontés à la dure réalité tandis que Tony ne goute guère le destin (et l'épouse) toute tracée promise par l'entreprise de vente de riz de son père. La gravité du fond se mêle à une joie et insouciance juvénile où se tisse le lien entre les protagonistes à travers des moments légers et amusant (la première rencontre éméché dans le bar, la soirée d'anniversaire) même si le marivaudage amoureux latent jette déjà les bases des conflits venir. L'intrigue bascule avec la mort inattendue de Su Ling dont l'assassinat fait faussement bifurquer le film vers le policier.

Ce sera au contraire l'occasion d'introduire une autre solitude plus pathétique encore avec l'inspecteur incarné par Chow Yun Fat. L'insistance de ce dernier à se lier au trio d'amis se moque des structures à la Columbo pour réellement insister sur la solitude de cette homme se raccrochant à des êtres aussi perdus que lui qu'il a reconnu comme tel. Un profond spleen traverse le film où le malaise introspectif provoque plus de tristesse que les drames manifestes (dont un avortement) à travers le renoncement que semble véhiculer les personnages. Les fulgurances passionnées sont magnifiquement filmées par Kwan (la scène d'amour sous un torrent de riz, l'étreinte consolatrice entre Tony et Suk Ping) mais ne débouche sur rien, les héros ne s'étant guéri que pour un temps mais surtout plongée dans leur mélancolie égoïste. Tony Leung Chiu Wai tout jeunot personnifie déjà les figures d’hommes faibles à venir à travers cet homme indécis et papillonnant, tout comme Irene Wan trop distante. La plus poignante est Suk Ping dont Elaine Jin délivre une prestation passionnée et sincère, seule héroïne maintenant une flamme, une fois en l'avenir professionnel et un futur amoureux mais la déception sera aussi au rendez-vous. Belle découverte que cette actrice qui semble-t-il n'a pas fait une grande carrière à Hong Kong par la suite. L'épilogue est d'une rare noirceur en dénouant toutes les attaches et montrant le destin cruel de Chow Yun Fat (loin des grands héros virils à venir chez John Woo et d'autres il est étonnant de fragilité et de retenue) dans une ultime scène où l'image floutée tisse un des seuls moments de confidences sincère tout en le figeant dans l'éphémère de cette blancheur hospitalière mortelle. Beau film traversé d'un mal être urbain où Hong Kong est un personnage à part entière. Le meilleur était pourtant encore à venir pour Stanley Kwan dès l'année suivante avec flamboyant Rouge. 4,5/6
Dernière modification par Profondo Rosso le 18 déc. 12, 12:45, modifié 1 fois.
bruce randylan
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Re: La nouvelle vague Hk : Ann Hui, Allen Fong, Patrick Tam.

Message par bruce randylan »

Ah je connais assez mal Stanley Kwan. Le coffret HKvideo me tente bien mais j'ai déjà (l'excellent) Center Stage ... ça m'embête de repasser en caisse. :?
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et pour pinailler Stanley Kwan, c'est pas vraiment la nouvelle vague :fiou: :mrgreen:
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