

The Veteran (Matthew Hope - 2011).

Cette affiche en fait juste un poil trop pour rameuter le peuple. Le film est en fait d'une raideur impressionnante et évite le plus l'action pour installer une ambiance très coupante.
Un jeune soldat de retour d’Afghanistan est engagé de manière officieuse par une agence gouvernementale afin de repérer de possibles terroristes sur le sol britannique. Mais alors qu’il avance de plus en plus dans sa mission, il commence à découvrir des liens troublants entre la façon dont les agences mènent la guerre contre la drogue et combattent la terreur.


Ne jamais se fier aux apparences.
Celles promulguées par un visuel (l'affiche/la jaquette dvd du film chez nous) ou la tagline.
"Les fils de l'homme rencontre Taxi Driver".
Pour le coup, on sourit. On se gausse. Associer deux grands films à une petite production au budget limité, on se dit que les critiques ne savent plus quoi inventer. Puis on voit le film. On se ramasse son uppercut dans la gueule. On finit le visionnage amer en ramassant les dents tombées au sol, voyez-vous. Dans l'idée, la tagline est douteuse mais elle se rapproche de ses deux films quand on a vu The veteran qui emprunte la technicité presque parfaite de l'un et l'implacabilité de l'autre.
Sur la base d'une idée simple, Matthew Hope va construire une mise en scène carrée et millimétrée, cachant toutes les limites de son drame urbain par une inventivité constante et une narration faisant constamment la part belle à son personnage principal, suivi de très près, Toby Kebell portant magistralement le personnage sur les épaules. Dès l'ouverture, le ton est donné et ne déviera plus jamais. D'un fond noir où se profile le titre tandis que résonnent divers bruits en hors-champ (des pâles d'hélicoptère, des bruits de mitraillettes et des incantations arabes à la gloire du prophète souvent utilisées entre-autres par les talibans), on passe brusquement au visage d'un homme perdu dans ses pensées. Par un jeu de champs-contrechamps et d'échelles de plans, son regard capte la figure d'une femme voilée qui lui rend elle-même son regard. Désabusé et perdu par le retour au pays, sans chercher à juger, il regarde à nouveau le paysage qui défile.

Ce regard perdu sera donc celui, constant, de cet homme qui a participé à une guerre qui n'a mené à rien, qui rentre dans un pays qu'il ne reconnait plus, qui n'a plus besoin de lui. Ce sera aussi le sujet du réalisateur, plus que tout : montrer la chute lente d'un homme et ce qui va le pousser à participer à des activités aussi pire et condamnables que la guerre, mais en milieu urbain. Si le film évoque de nombreuses considérations (politiques et économiques) sur la guerre et les activités qu'elle a pu produire à côté (le trafic de drogue qui pourrait bénéficier de fillières plus actives en temps de guerre), le véritable sujet du film sera cet homme qui perd lentement pied. Cela se traduit par un travail constant sur l'image où les cadres, impeccablement travaillés, travaillent l'espace de la morne Albion, isolent l'homme dans sa solitude, où les travellings, parfois portés à l'épaule, restent toujours fluides et enserrent le personnage jusqu'à l'étouffer.
Personnage qui, comme on l'a dit, est porté véritablement sur les épaules par son interprète. Là aussi, le réalisateur à la bonne idée de s'attarder sur lui, dévoilant un être qui ne dort plus et dont les mains tremblent souvent, mimé par une angoisse sourde, qui n'a plus rien à perdre et s'inquiète plus pour une informatrice que sa propre vie. Un homme qui se déteste presque, se crachant sur son reflet, prêt à frotter ses poings à un mur, rongé d'une fureur latente mais qui est trop détaché de tout pour pouvoir faire le recul, tuant presque sans foi, ni loi. En résulte un malaise sourd qui grimpe tout le long du film et devient glaçant quand le frontière morale se retrouve dépassée. Malaise jamais démenti ni éclipsé par le background (les conditions sociales de cette Angleterre touchée par la crise ne sont jamais clairement montrée mais sont plus que palpables par les détails --extrait de journal-- ou justement la question de ce gang qui règne dans le quartier), lequel ne fait que renforcer la force latente du film.

L'on garde un goût amer en bouche, sonné de bout en bout, oubliant les quelques rares erreurs que le film peut faire. Grand petit film. Ou petit film devenu Grand. Très vivement conseillé.
5/6.

Cette affiche en fait juste un poil trop pour rameuter le peuple. Le film est en fait d'une raideur impressionnante et évite le plus l'action pour installer une ambiance très coupante.
Un jeune soldat de retour d’Afghanistan est engagé de manière officieuse par une agence gouvernementale afin de repérer de possibles terroristes sur le sol britannique. Mais alors qu’il avance de plus en plus dans sa mission, il commence à découvrir des liens troublants entre la façon dont les agences mènent la guerre contre la drogue et combattent la terreur.






Ne jamais se fier aux apparences.
Celles promulguées par un visuel (l'affiche/la jaquette dvd du film chez nous) ou la tagline.
"Les fils de l'homme rencontre Taxi Driver".
Pour le coup, on sourit. On se gausse. Associer deux grands films à une petite production au budget limité, on se dit que les critiques ne savent plus quoi inventer. Puis on voit le film. On se ramasse son uppercut dans la gueule. On finit le visionnage amer en ramassant les dents tombées au sol, voyez-vous. Dans l'idée, la tagline est douteuse mais elle se rapproche de ses deux films quand on a vu The veteran qui emprunte la technicité presque parfaite de l'un et l'implacabilité de l'autre.
Sur la base d'une idée simple, Matthew Hope va construire une mise en scène carrée et millimétrée, cachant toutes les limites de son drame urbain par une inventivité constante et une narration faisant constamment la part belle à son personnage principal, suivi de très près, Toby Kebell portant magistralement le personnage sur les épaules. Dès l'ouverture, le ton est donné et ne déviera plus jamais. D'un fond noir où se profile le titre tandis que résonnent divers bruits en hors-champ (des pâles d'hélicoptère, des bruits de mitraillettes et des incantations arabes à la gloire du prophète souvent utilisées entre-autres par les talibans), on passe brusquement au visage d'un homme perdu dans ses pensées. Par un jeu de champs-contrechamps et d'échelles de plans, son regard capte la figure d'une femme voilée qui lui rend elle-même son regard. Désabusé et perdu par le retour au pays, sans chercher à juger, il regarde à nouveau le paysage qui défile.




Ce regard perdu sera donc celui, constant, de cet homme qui a participé à une guerre qui n'a mené à rien, qui rentre dans un pays qu'il ne reconnait plus, qui n'a plus besoin de lui. Ce sera aussi le sujet du réalisateur, plus que tout : montrer la chute lente d'un homme et ce qui va le pousser à participer à des activités aussi pire et condamnables que la guerre, mais en milieu urbain. Si le film évoque de nombreuses considérations (politiques et économiques) sur la guerre et les activités qu'elle a pu produire à côté (le trafic de drogue qui pourrait bénéficier de fillières plus actives en temps de guerre), le véritable sujet du film sera cet homme qui perd lentement pied. Cela se traduit par un travail constant sur l'image où les cadres, impeccablement travaillés, travaillent l'espace de la morne Albion, isolent l'homme dans sa solitude, où les travellings, parfois portés à l'épaule, restent toujours fluides et enserrent le personnage jusqu'à l'étouffer.


Personnage qui, comme on l'a dit, est porté véritablement sur les épaules par son interprète. Là aussi, le réalisateur à la bonne idée de s'attarder sur lui, dévoilant un être qui ne dort plus et dont les mains tremblent souvent, mimé par une angoisse sourde, qui n'a plus rien à perdre et s'inquiète plus pour une informatrice que sa propre vie. Un homme qui se déteste presque, se crachant sur son reflet, prêt à frotter ses poings à un mur, rongé d'une fureur latente mais qui est trop détaché de tout pour pouvoir faire le recul, tuant presque sans foi, ni loi. En résulte un malaise sourd qui grimpe tout le long du film et devient glaçant quand le frontière morale se retrouve dépassée. Malaise jamais démenti ni éclipsé par le background (les conditions sociales de cette Angleterre touchée par la crise ne sont jamais clairement montrée mais sont plus que palpables par les détails --extrait de journal-- ou justement la question de ce gang qui règne dans le quartier), lequel ne fait que renforcer la force latente du film.




L'on garde un goût amer en bouche, sonné de bout en bout, oubliant les quelques rares erreurs que le film peut faire. Grand petit film. Ou petit film devenu Grand. Très vivement conseillé.
5/6.