Welcome (Philippe Lioret - 2009)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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MrDeeds
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Welcome (Philippe Lioret - 2009)

Message par MrDeeds »

Le meilleur film que j'ai vu depuis le début de l'année...
" Pour impressionner et reconquérir sa femme, Simon, maître nageur à la piscine de Calais, prend le risque d'aider en secret un jeune réfugié kurde qui veut traverser la Manche à la nage." (allociné)
Le film vaut mieux que la polémique stérile qu'Eric Besson a monté de toute pièce et a même dépassé mes espérances (le concert de louanges de la presse pouvant provoquer des déceptions).

Tout d'abord, il y a effectivement un sujet très fort. Le réalisateur s'engage et évite l'écueil du "politiquement correct". Si on connaît le travail que font les associations comme RESF, on sait que Lioret n'exagère rien, ni les conditions des sans-papiers, ni les réactions hostiles que peuvent avoir les "honnêtes gens". Le film prend parti et ne plaira pas aux Hortefeux, Besson ou à la peste brune... Mais le film n'est ni didactique, ni donneur de leçon et absolument pas manichéen (cf. le beau personnage de flic pas ravi de son boulot)

Si le film est excellent, c'est parce que Philippe Lioret n'oublie pas de faire du cinéma. Sans être un génie, c'est un bon metteur en scène. Tenue correcte exigée démontrait une maîtrise imparable du rythme et de la comédie, Mademoiselle était un film tendre et universel, Je vais bien, ne t'en fais pas, qui peignait la vie des banlieues de classe moyenne (beaux plans des fenêtres et des velux qui se répètent le long de la rue), transformait déjà un sujet casse-gueule en oeuvre poignante. Mais avec Welcome, il me semble qu'il ait franchi un cap et qu'il affirme un style très personnel.

1- Le scénario est brillant : motivations des personnages inattendues, dialogues justes, silences éloquents remplaçant les phrases trop démonstratives, ellipses subtiles (la première entrée dans la piscine, la scène d'amour, l'attente dans les couloirs du commissariat...)
2- Les images sont sobres mais belles, notamment quand le réalisateur filme les scènes de nuit dans la piscine ou sur le port. Lioret a le bon goût de nous éviter la "grisaille" systématique qui accompagne d'habitude les films à thèse se passant dans le Nord (ah, toutes les mauvaises imitations de Ken Loach!)
3- Les acteurs sont formidables et bien dirigés
4- Lioret a le sens du cadre et place sa caméra avec subtilité : pas de gros plans larmoyants, caméra qui se détourne pudiquement (à plusieurs reprises, le réalisateur "quitte" ses personnages quand ils vont montrer une forte émotion et filme plutôt le regard des gens autour...)
5- Ancien ingénieur du son, il a travaillé sa bande-son (bruits des bateaux au loin, bruit de l'eau, mélange des langues...) et s'appuie sur un thème au piano simple et beau.

Une scène suffit à prouver les qualités de mise en scène de Lioret : la scène de traversée à la nage, pleine de suspense.

Et puis le film touche au coeur avec une force et une profondeur rare (difficile de ne pas pleurer). L'émotion nous accompagne longtemps après le film parce que Lioret ne cherche pas à manipuler outrageusement mais utilise l'intelligence du spectateur. Le sujet ("les sans-paiers de Calais") permet de traiter des thèmes plus vastes encore (les différentes formes de déracinement, la filiation, les regrets...)

En résumé, à partir d'un sujet sensible, Lioret a construit un film intelligent, réfléchi et plein de retenue.
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MrDeeds
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Re: Welcome (Philippe Lioret, 2009)

Message par MrDeeds »

Je n'arrive pas à y croire. Pour une fois, le cinéma français se confronte à des sujets brûlants et à l'ordre du monde et personne n'a envie de réagir dessus ?...
Allez voir Welcome et vous verrez qu'il n'y a pas que les américains qui osent critiquer leur gouvernement en place (combien de films anti-bush ont été, à raison bien entendu, portés aux nues pour leur courage...), qui font des films courageux et politiquement incorrects.
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cinephage
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Re: Welcome (Philippe Lioret, 2009)

Message par cinephage »

J'ai effectivement beaucoup aimé, moi aussi. Le film n'est pas politique au sens de polémique (contrairement à ce que laisse paraître l'échange par presse interposée avec Besson), mais politique au sens qu'il inspire des questions sur notre quotidien : partant du réel, de personnages solides et vraisemblables, il soulève des questions de société, interroge certains mécanismes sociaux, sans jamais sacrifier la fiction, l'histoire et les personnages à je-ne-sais quel discours militant. Bien au contraire, Lioret laisse son récit parler de lui même, par la réalité qu'il met en évidence et les questions qu'il soulève. C'est d'autant plus fort que le récit est joliment mis en scène, et que Lindon comme son jeune interlocuteur sont très bien.

De ce point de vue, ce n'est pas à un cinéaste américain qu'il me fait penser, mais plutôt à Ken Loach.
I love movies from the creation of cinema—from single-shot silent films, to serialized films in the teens, Fritz Lang, and a million others through the twenties—basically, I have a love for cinema through all the decades, from all over the world, from the highbrow to the lowbrow. - David Robert Mitchell
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Re: Welcome (Philippe Lioret, 2009)

Message par Jordan White »

(combien de films anti-bush ont été, à raison bien entendu, portés aux nues pour leur courage...), qui font des films courageux et politiquement incorrects.
Je ne vois personnellement pas ce que ça pouvait avoir de courageux.
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Re: Welcome (Philippe Lioret, 2009)

Message par MrDeeds »

Jordan White a écrit :
(combien de films anti-bush ont été, à raison bien entendu, portés aux nues pour leur courage...), qui font des films courageux et politiquement incorrects.
Je ne vois personnellement pas ce que ça pouvait avoir de courageux.
Critiquer Bush paraît anodin en France tant il était détesté mais il faut se rappeler qu'il a été largement réélu en 2004. ce n'est qu'à la fin de son mandat qu'il aété remis en cause. Même si Hollywood a toujours été profondément démocrate, une grande majorité de la population (l'americana attachée au port d'armes) était favorable à la guerre en Irak quand Moore, Clooney ou Gaghan (auteur du génial et sous-estimé Syriana) faisaient leur film.

Pour revenir à Welcome, je pense que la comparaison avec le film de Lioret n'est peut-être pas déplacée. Aujourd'hui, en France, défendre les sans-papiers est mal vu et le gouvernement actuel a été élu, majoritairement et démocratiquement, sur la promesse, entre autres, de poursuivre les expulsions (promesse largement tenue puisque le ministère Hortefeux a dépassé ses objectifs).
Ce topic n'est pas une tribune politique. Je ne veux pas créer une polémique mais je pense que Lioret est courageux car l'air du temps est plus tourné vers l'idée qu'"on ne peut pas accueillir toute la misère du monde" que vers toute forme d'humanisme. Sur allociné, un internaute a écrit que le film était "bien pensant", un autre qu'il "diffusait une idéologie nauséabonde" et une "haine anti-française" (véridique!http://www.allocine.fr/film/critiquepub ... ote=0.html)...

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Re: Welcome (Philippe Lioret, 2009)

Message par Megalomanu »

Mon avis est totalement opposé aux vôtres, et j'avoue que J'ai du mal à comprendre le consensus critique.
"Welcome" ne m'est pas détestable et je ne me suis pas ennuyé mais j'ai eu la désagréable impression de voir un film fabriqué et assez formaté.
Forcément, il n'est pas toujours évident d'attaquer un film dont les idées sont si nobles, mais quand même, je suis étonné qu'il n'y ait personne pour relever le manichéisme du film ? Tous les flics, tous les juges sont à jeter, et tous les bénévoles sont des Saints. Au début, le personnage joué par Vincent Lindon (plutôt bon dans le film) est un mec égoïste, et à la fin il est humaniste. Même trajectoire que le Walt de "Gran Torino", sauf que Lioret n'est pas Eastwood, et qu'il n'arrive absolument pas à transcender le cliché pour atteindre la grâce, la justesse. Il conserve ses gros sabots du début à la fin et nous offre une histoire cousue de fil blanc, dont je devinais chacune des scènes plusieurs minutes à l'avance, toutes surlignées par un élément symbolique simpliste, venant du scénario ou des dialogues ("Quand je pense qu'il veut traverser la Manche à la nage et que moi j'ai même pas été capable de traverser la rue pour te rattraper") ou de la mise en scène (ce plan lamentable sur le paillasson "Welcome" du voisin raciste).
Plutôt que proposer une histoire modeste et gardant un pied dans la réalité, Lioret utilise les pires artifices de la fiction et enrobe son histoire de trois couches de pathos. Bilal aurait pu simplement être un mec voulant fuir son pays pour trouver du boulot en Angleterre, en fait, non, ici c'est un mec qui veut traverser la Manche pour devenir footballeur à Manchester United et pour revoir sa copine promise à un mariage forcé (et pour la petite histoire, Bilal parle anglais couramment, comme tous ses potes Kurdes ou Afghans, comme tous les flics, et comme Vincent Lindon et sa femme - une fois que j'ai remarqué ce "détail" la crédibilité du film en a pris un coup).
J'ai aussi trouvé déplaisant la façon dont Bilal est la marionnette de Lioret ; Bilal est un mec condamné à perdre pour laisser Simon gagner. Sans Bilal, pas de mariage rabiboché, pas d'épanouissement. J'aurais tellement préféré que le personnage de Bilal se suffise à lui-même, qu'il ne soit pas tant un prétexte pour raconter une autre histoire, beaucoup plus banale. Que la caméra le suive au lieu de le filmer sans cesse comme un étranger dans le salon de Lindon.
Spoiler (cliquez pour afficher)
Et à la fin Simon adopte Bilal comme si c'était un chien abandonné, et Bilal - après être mort noyé dans la Manche à cause de flics, choix qui en plus d'appuyer le manichéisme général rend son histoire beaucoup moins touchante que s'il s'était noyé par fatigue - finit inhumé dans un cimetière catholique, la couronne étant affublée de son surnom, "Bazda", comme si c'était mon clebs qu'on enterrait.
Je regrette également une facture de téléfilm et une musique minimaliste au piano assez caricaturale ... Sans oublier le sacro-saint "cut au noir" final, histoire d'appuyer le propos une bonne fois pour toutes, après un regard dans le vide de Lindon et un énième élément symbolique que j'avais prévu depuis quelques minutes.

Bref, un beau sujet gâché par un traitement lourd et sans finesse.
Jordan White
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Re: Welcome (Philippe Lioret, 2009)

Message par Jordan White »

MrDeeds a écrit :
Critiquer Bush paraît anodin en France tant il était détesté mais il faut se rappeler qu'il a été largement réélu en 2004. ce n'est qu'à la fin de son mandat qu'il aété remis en cause. Même si Hollywood a toujours été profondément démocrate, une grande majorité de la population (l'americana attachée au port d'armes) était favorable à la guerre en Irak quand Moore, Clooney ou Gaghan (auteur du génial et sous-estimé Syriana) faisaient leur film.
Que Moore ait fait un film contestataire avec Farhenheit 9/11 je veux bien, mais de là à dire qu'il s'agit d'un film courageux...
Pour revenir à Welcome, je pense que la comparaison avec le film de Lioret n'est peut-être pas déplacée. Aujourd'hui, en France, défendre les sans-papiers est mal vu et le gouvernement actuel a été élu, majoritairement et démocratiquement, sur la promesse, entre autres, de poursuivre les expulsions (promesse largement tenue puisque le ministère Hortefeux a dépassé ses objectifs).
Je pense que tu faisais de la politique, pas très fine qui plus est, en associant dans la même phrase Hortefeux, Besson ou la "peste brune", ce qui grosso modo sous ta plume revenait pour moi du pareil au même.

Cela dit, je pense que le film de Lioret peut fonctionner car il a pu capitaliser sur le succès de Je vais bien ne t'en fais pas, et que le sujet de son nouveau long-métrage est effectivement propice au débat.
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Nestor Almendros
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Message par Nestor Almendros »

Je me mets, sans surprise, du côté des grands fans du film. "Sans surprise" parce que c'est finalement la troisième fois consécutive que je me fais cueillir par un film de Philippe Lioret, cinéaste qui me parle, donc, et que j'estime de plus en plus.

Ce WELCOME confirme une sensibilité et une approche qui me plaisent. Cette approche se fait par l'émotion, c'est le moteur du récit. Même si je ne suis pas d'accord avec les arguments de Mégalomanu, c'est tout à fait vrai que Lioret utilise des ingrédients qui n'ont pas de liens directs avec le drame raconté. C'est justement ce que j'ai trouvé bien fait, ici: avoir composé une histoire dense et prenante en y insérant des détails réalistes sur ce que voulaient dénoncer les auteurs. On arrive ainsi à parler de personnes fuyant leurs pays et se retrouvant "sans terre fixe", un constat qui s'éternise et des autorités qui font de la répression plutôt que d'organiser les choses, ou de bénévoles qui viennent en aide à ces réfugiés sans ressources, etc. Mégalomanu semble y voir un certain manichéisme. Je n'habite pas là-bas, je ne connais pas bien le sujet, mais tout ce que j'ai vu dans le film ne m'a jamais semblé exagéré, trop accentué, etc. Bien au contraire: j'ai senti une justesse et de la modération.
On aurait pu en faire un drame très noir, lugubre, etc. Sauf que Lioret aime visiblement le romanesque (voire le romantisme) comme le prouvent ses derniers opus. Et son cinéma a toujours été à vocation populaire (cf L'EQUIPIER qui recycle un peu le genre de films des années 50 avec Gabin, par exemple), d'où l'impression de gros sabots que certains ont pu avoir. Personnellement j'en ai vu de bien plus gros ailleurs. Et même ici, Lioret garde une certaine modestie et un profil bas.

J'ai trouvé, moi aussi qu'il y avait, non pas du pathos (puisqu'à aucun moment je n'ai senti d'élan lacrymal ou de poussée de violons), mais plutôt une toute petite vague de bons sentiments. Lioret a choisi de montrer un personnage à la vie commune (et pas si négative que cela, au début, je trouve) qui va se réveiller, qui ne va pas laisser faire, qui va faire parler son coeur et sa morale (puisque c'est de cela dont parle beaucoup ici, finalement). Le personnage de Lindon est un moteur de la narration qui montre au moins deux choses: que c'est d'abord possible d'aider quelqu'un, et que c'est aussi très dangereux car interdit pénalement. On en revient encore à la contruction de l'intrigue qui mêle fiction et revendications. Lioret prend d'ailleurs l'exemple inverse, celui du voisin de Lindon, qui rappelle (en recoupant avec d'autres détails) un certain élan de dénonciation pendant la 2e guerre mondiale. On montre ainsi que la réalité n'est pas faite que de bons sentiments.

Pour revenir au sentiment de "bons sentiments", ça ne m'a pas gêné plus que ça ici. Ce qui m'a surtout le plus titillé dans le film, c'est le personnage de la jeune fille à Londres et le fait qu'on la marie de force. J'ai trouvé ce détail supplémentaire un peu superflu et presque hors-sujet (car on pourrait en faire un autre film). Mais en même temps, ce "cliché" me parait tout à fait crédible et, finalement, peu important dans l'histoire (il ne sert pas spécialement à un mini suspense, mais plutôt à remotiver le garçon dans sa course).

Peut-être que l'impression de pathos vient en fait du sujet lui-même qui est déjà porteur d'une morale, d'une éthique que chacun peut éprouver et sur laquelle jouent évidemment les auteurs avec le personnage de Vincent Lindon.
En parlant de cette histoire, à plusieurs reprises pendant la projection, on se met à penser à quelques détails troublants rappelant des infos entendues dans les journaux tv (ou presse) qui font écho aux personnages de cette histoire. Comme cette femme dont on a entendu parler il y a quelques semaines et qui a été mise en examen pour assistance à un réfugié. Ou bien ce jeune réfugié champion de boxe d'origine afghane peut-être (je ne sais plus bien) à qui on a offert un visa de 6 mois. Quelques détails qui enrichissent le film malgré lui, finalement.

Concernant le couple de Vincent Lindon, je trouve que leur évolution n'est jamais gratuite. Toujours justifiée par le scénario (Lindon qui agit envers les réfugiés pour impressionner sa femme, par exemple), elle n'en est pas moins mesurée: leur rapprochement n'est peut-être que temporaire. A aucun moment je n'ai senti une reformation du couple: ils se sont rapprochés dans l'estime mais pas encore dans la vie commune.

Bref (car il se fait tard et je ne sais plus quoi dire) j'ai beaucoup aimé. Bien vu, Cinéphage, pour le rapport avec Loach. Je n'y avais pas pensé mais on est effectivement dans la même veine.
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Re: Welcome (Philippe Lioret, 2009)

Message par Art Core »

Totalement d'accord avec Megalomanu, c'est un film qui je trouve n'affronte jamais directement son sujet et préfère se vautrer dans un manichéisme facile pour convaincre de sa bonne foi. C'est assez dommage parce qu'à la base l'idée est bonne mais totalement parasitée par les histoires de divorce/mariage de Lindon dont on se fiche éperdument et qui finissent par prendre le pas sur le reste. De plus le film ne fait jamais justice aux immigrés. On ne les connait pas, Lioret ne s'interesse pas à eux, à leur(s) histoire(s) et, en donnant au personnage principal une motivation aussi puérile et fictionnelle (aller retrouver sa petite-amie en Angleterre), ne fait que se décharger de toutes les questions de fonds sur le sujet.
Après ça reste très gentillet et très prime-time que ce soit dans le traitement de son sujet social et dans sa facture de téléfilm France 3 Région. Très mauvais.

Sinon :
Megalomanu a écrit :
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Et à la fin Simon adopte Bilal comme si c'était un chien abandonné, et Bilal - après être mort noyé dans la Manche à cause de flics, choix qui en plus d'appuyer le manichéisme général rend son histoire beaucoup moins touchante que s'il s'était noyé par fatigue - finit inhumé dans un cimetière catholique, la couronne étant affublée de son surnom, "Bazda", comme si c'était mon clebs qu'on enterrait.
J'avais pas fait attention mais effectivement ce détail est totalement honteux. Enfin bref, j'ai beaucoup de mal à comprendre les avis enthousiastes devant un tel gâchis.
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Re: Welcome (Philippe Lioret, 2009)

Message par Momo la crevette »

Art Core a écrit :J'avais pas fait attention mais effectivement ce détail est totalement honteux.
Je me demande comment ce détail peut-être totalement honteux si tu ne t'en es même pas aperçu à la vision du film.
styx a écrit :Je comprends pas grand chose à vos salades, mais vous avez l'air bien sur de vous, donc zetes plus à même hein de parler, de sacrés rigolos que vous faites en fait, merde ça rime lourd là, je vais éditer. mdr
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Re: Welcome (Philippe Lioret, 2009)

Message par hansolo »

Concernant la situation évoquée dans le film, une émission de @rrêt sur images y est consacrée.
http://www.arretsurimages.net/contenu.php?id=1763

Avec notamment Yannick Danio, porte-parole du syndicat UNSA police qui dresse un constat assez eclairant sur l'effet des objectifs chiffrés mis en avant par le gouvernement: "On a un taux de dépression nerveuse à la police aux frontières phénoménal, parce qu'il y a cette pression, ces quotas. Et si ces objectifs ne sont pas remplis, on voit qu'après il y a des commissaires, des préfets mutés" ...

Vincent Lenoir, membre de l'association Salam ( association d'aide aux migrants à Calais): "Il faut différencier les policiers qui enquêtent sur les bénévoles, et les compagnies de CRS qui sont au contact des migrants. Les CRS n'ont pas l'air d'avoir beaucoup d'états d'âmes. Des policiers m'ont dit que les CRS trouvent un peu un défouloir dans le Calaisis ... après avoir étés mis sous pression dans les banlieux, ou leur action est beaucoup plus encadrée; ou les dérapages seraient beaucoup plus sanctionnés parce qu'ils sont face à des gens qui peuvent porter plainte: aujourd'hui quand il y a des suspiscions de bavures, il y a des vidéos amateur qui sortent. Là dans la jungle du Calaisis, il n'y a pas de témoins; et la personne qui serait victime d'une bavure, elle ne va pas aller frapper à la porte du commisariat pour se plaindre ...".
(...)
"Le gouvernement français a tenté d'organiser un charter conjoint avec la Grande-Bretagne au mois de novembre dernier. Grâce à une importante mobilisation militante - et aussi au concours de Atiq Rahimi qui a obtenu le Goncourt a cette période là et comme il est d'origine afghane son message a beaucoup porté - cette initiative a été déjouée.
Il faut savoir qu'il y avait eu des précédents; l'Australie avait renvoyé des afghans dans leur pays cette même année, à la descente de l'avion sur l'aéroport de Kaboul plusieurs d'entre eux ont été exécutés et la plupart des autres ont été mutilés."
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Re: Welcome (Philippe Lioret, 2009)

Message par Art Core »

Momo la crevette a écrit :
Art Core a écrit :J'avais pas fait attention mais effectivement ce détail est totalement honteux.
Je me demande comment ce détail peut-être totalement honteux si tu ne t'en es même pas aperçu à la vision du film.
Peut-être parce que le film avait déjà cessé de m'intéresser depuis un moment. En tout cas en y repensant ça me paraît bien méprisant pour l'immigré que l'on a bien vite fait d'accoutumer à la France en lui niant sa culture. Bref c'est certainement juste une maladresse mais de celle qui sont impardonnables.
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Re: Welcome (Philippe Lioret, 2009)

Message par MrDeeds »

Jordan White a écrit :MrDeeds a écrit:
Critiquer Bush paraît anodin en France tant il était détesté mais il faut se rappeler qu'il a été largement réélu en 2004. ce n'est qu'à la fin de son mandat qu'il aété remis en cause. Même si Hollywood a toujours été profondément démocrate, une grande majorité de la population (l'americana attachée au port d'armes) était favorable à la guerre en Irak quand Moore, Clooney ou Gaghan (auteur du génial et sous-estimé Syriana) faisaient leur film.

Que Moore ait fait un film contestataire avec Farhenheit 9/11 je veux bien, mais de là à dire qu'il s'agit d'un film courageux...
Même si le mot semble te gêner, je persiste à dire que faire un film contre l'avis général du pays où il est prooduit est courageux, vu les enjeux financiers. Pour michael Moore, c'est un peu un fond de commerce, pour Clooney, c'est une mise en danger de son statut de star, si, si...
Jordan White a écrit :Je pense que tu faisais de la politique, pas très fine qui plus est, en associant dans la même phrase Hortefeux, Besson ou la "peste brune", ce qui grosso modo sous ta plume revenait pour moi du pareil au même.
Tu as bien compris, je mettais leur attitude face aux sans-papiers dans le même sac. Je te rappelle que l'équipe du président a plus ou moins dit que la politique d'immigration présentée en 2007 avait pour but de récupérer les voix du FN. Cette politique a été suivie avec un zèle suspect par Hortefeux (la fameuse quête du chiffre dénoncée par les flics eux-mêmes). Et Besson (Eric pas Luc !!!!) ne semble pas vouloir changer les choses. Voilà.
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Re: Welcome (Philippe Lioret, 2009)

Message par MrDeeds »

Cher Mégalomanu,

Tu n'as pas aimé le film et sa mise en scène, c'est ton droit et je le respecte. Par contre, j'ai envie de répondre à certains de tes arguments qui me paraissent basés sur une lecture fausse du film, due sans doute au fait que tu t'es vite désintéressé de l'histoire.
Megalomanu a écrit : Au début, le personnage joué par Vincent Lindon (plutôt bon dans le film) est un mec égoïste, et à la fin il est humaniste. Même trajectoire que le Walt de "Gran Torino", sauf que Lioret n'est pas Eastwood, et qu'il n'arrive absolument pas à transcender le cliché pour atteindre la grâce, la justesse.
A mon avis et puisque tu en parles, le film de Clint Eastwood (que j'ai également adoré mais pour des raisons très différentes) est bien plus simpliste que celui de Lioret. Le personnage de Lindon est plus subtil que le personnage de Gran Torino : le vieux Walt est une caricature de raciste et eastwood le joue ainsi, avec force grognements ridicules qui donnent d'ailleurs un ton comique au film. La transformation de Walt est très rapide alors que celle du personnage de Welcome est plus crédible parce qu'il n'est pas égoïste comme tu le présentes : Simon aide le kurde pour de mauvaises raisons (c'est l'originalité du scénario) mais change en apprenant à le connaître.
Megalomanu a écrit :je suis étonné qu'il n'y ait personne pour relever le manichéisme du film ? Tous les flics, tous les juges sont à jeter, et tous les bénévoles sont des Saints
Lioret évite justement le piège du manichéisme car tous les personnages se complexifient à mesure que le film avance. Le flic, présenté au début comme sans-coeur (à l'instar des douaniers), apparaît au fil des rencontres plus las que mauvais et quand il accepte le sacrifice de Simon en sachant que ce n'est pas la vérité, son regard est admiratif et il a conscience d'avoir le mauvais rôle. A l'inverse, l'ex de Simon n'apparaît plus comme une sainte après la scène de sexe car on se rend compte qu'elle joue avec Simon, qu'elle ne l'aide pas à passer à autre chose. Enfin, tous les kurdes ne sont pas représentés sous un jour positif : c'est la fonction du père de Mina, même si je t'accorde que cet aspect du film n'est pas le plus subtil !
Megalomanu a écrit :(et pour la petite histoire, Bilal parle anglais couramment, comme tous ses potes Kurdes ou Afghans, comme tous les flics, et comme Vincent Lindon et sa femme - une fois que j'ai remarqué ce "détail" la crédibilité du film en a pris un coup)
Tous les sans-papiers du film ne parlent pas anglais mais, dans la réalité, beaucoup apprennent cette langue dans l'optique de partir (ils se donnent même des cours entre eux). Pour revenir au film, étant donné que Bilal ne voyage pas pour des motifs économiques, rien ne nous empêche de penser qu'il a appris l'anglais, surtout venant d'un pays (l'Irak)occupé et organisé par les Américains ! Si tu as bien suivi le film, la femme de Lindon est prof d'anglais et si tu as bien écouté, Simon commence ses phrases en anglais, fait plein de fautes et finit toujours par parler français,laissant Bilal perplexe. Le personnage de Lindon n'a que des notions d'anglais, comme la majorité des Français ! Quant aux flics, peux-tu imaginer que des policiers chargés de surveiller les passages vers l'Angleterre ignorent cette langue ?
Ton argument m'a un peu énervé car j'ai trouvé que la superposition des langues (Français, Anglais, Kurde) était une très bonne idée du film et qu'elle renforçait l'idée que les frontières ne sont que des inventions...
Megalomanu a écrit :J'ai aussi trouvé déplaisant la façon dont Bilal est la marionnette de Lioret ; Bilal est un mec condamné à perdre pour laisser Simon gagner. Sans Bilal, pas de mariage rabiboché, pas d'épanouissement.
Alors là, tu n'as pasdu tout compris le film : Simon ne gagne pas, au contraire !
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Il sera condamné à une peine plus grave (il s'accuse d'être un passeur) et devra pointer au commissariat pour protéger les autres.
Son sacrifice vaut celui du Walt d'Eastwood.
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De plus, à la fin du film, en annonçant qu'il a retrouvé la bague,Simon dit à sa femme qu'il coupe définitivement la relation. Il n'y a pas rabibochage, alors que c'était la première motivation du personnage !
Megalomanu a écrit :Et à la fin Simon adopte Bilal comme si c'était un chien abandonné,
Je me permets de dévoiler ton spoiler parce que c'est un mensonge : Simon n'adopte à aucun moment Bilal. Il dit aux policiers que c'est son fils (et donne son nom "français") pour que ces derniers partent à sa recherche (on l'a averti avant que sans ça, ils ne bougeraient pas). D'ailleurs le policier dit plus tard avec ironie "c'est une adoption tardive". As-tu dormi entre ces deux moments ? En fait, en lui donnant son nom de famille, Simon redonne à Bilal une dignité humaine, tout le contraire "d'un chien abandonné" !
Megalomanu a écrit :
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et Bilal - après être mort noyé dans la Manche à cause de flics, choix qui en plus d'appuyer le manichéisme général rend son histoire beaucoup moins touchante que s'il s'était noyé par fatigue - finit inhumé dans un cimetière catholique, la couronne étant affublée de son surnom, "Bazda", comme si c'était mon clebs qu'on enterrait
.
Là tu interprètes carrément. Le cimetière catholique est un détail car rien ne permet de dire que Bilal est musulman (en plus beaucoup de kurdes sont chrétiens figure-toi !) et le surnom de Bazda est au contraire très fort car il signifie "coureur" : ce surnom résume la vie de Bilal qui n'a fait que courir, fuir, tenter d'avancer au sens propre et au sens figuré. Et surtout, cette scène souligne que Bilal n'vait plus de nom car il était coupé de ses racines. Le film défend l'idée qu'une famille doit être recomposée, qu'elle se construit par les liens affectifs et non les liens du sang (d'où sans doute le parallèle un peu raté avec la famille kurde anglaise). Art core reprend ton argument en disant que c'est "honteux" et précise qu'ilne l'avait pas remarqué (critiquer un élément non remarqué, c'est le comble de la mauvaise foi!). Il n'avait pas réalisé cet aspect car c'est toi,Mégalomanu qui l'a orienté vers une idée totalement absente du film !
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En plus, Bilal ne meurt pas à cause des flics comme tu le dis. Les anglais veulent simplement l'arrêter et il meurt de façon triste et pathétique en essayant vainement de les semer : c'est une très très très belle scène!
J'ai été un peu long, non ? :oops:
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Nestor Almendros
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Re: Welcome (Philippe Lioret, 2009)

Message par Nestor Almendros »

MrDeeds a écrit :J'ai été un peu long, non ? :oops:
Non, t'inquiète...

J'ajouterai aussi que le personnage de Bilal n'est pas le sujet du film. Concernant la remarque de je ne sais plus qui sur ce personnage dont on ne sait finalement pas grand chose, je trouve que c'est un faux problème. Le sujet du film, c'est la situation de ces gens, bloqués entre deux pays et sans considération particulière de part et d'autre. C'est aussi le regard qu'on pose sur les habitants français et sur leurs réactions face à cette "invasion" très particulière. Ce n'est pas en tout cas, ou pas seulement, le parcours d'une victime de ce système. Enfin, je trouve :wink:
"Un film n'est pas une envie de faire pipi" (Cinéphage, août 2021)
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