Lady Chatterley (Pascale Ferran - 2006)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Jeremy Fox
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Re: Lady Chatterley (Pascale Ferran - 2006)

Message par Jeremy Fox »

NotBillyTheKid a écrit :
Phnom&Penh a écrit :(la référence à Jane Campion est bien vue)
Bof... J'ai vu Bright Star l'autre jour et, justement, je reprocherais à Campion cette approche très esthétique du film en costume, très pictural ; là, où Ferran, en revanche, réussi un film tout aussi beau en passant par une reconstitution plus "brute", plus naturelle. Hourra pour Ferran !

Oui, rien à voir dans le style comme je le disais mais je pense avoir vu entre la Leçon de piano et Lady Chatterley, les deux plus beaux films "érotico-pudique" (si tant est que cette expression puisse avoir du sens), les deux seuls où l'on puisse associer charnel et sensibilité. Ce serait par exemple les deux films que je ferais voir à mes filles (avant qu'elles ne tombent sur du porno) si je devais leur expliquer que l'amour physique n'est pas sale contrairement à ce que la pudibonderie de certains ou les échanges verbaux un peu vulgaires entre ados auraient pu leur faire croire ; ce qui n'est pas le cas et en sachant que j'ai fait voir assez tôt La Leçon de piano à mon aînée qui a littéralement adoré sans qu'il y ait eu une quelconque gêne. je pense que ce serait pareil à la vision du film de Pascale Ferran.
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Re: Lady Chatterley (Pascale Ferran - 2006)

Message par NotBillyTheKid »

Désolé, j'étais allé un peu vite dans la lecture et n'avais pas noté ta -pourtant claire- remarque sur la différence de style.
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Re: Lady Chatterley (Pascale Ferran - 2006)

Message par riqueuniee »

Jeremy Fox a écrit :

Oui, rien à voir dans le style comme je le disais mais je pense avoir vu entre la Leçon de piano et Lady Chatterley, les deux plus beaux films "érotico-pudique" (si tant est que cette expression puisse avoir du sens), les deux seuls où l'on puisse associer charnel et sensibilité. Ce serait par exemple les deux films que je ferais voir à mes filles (avant qu'elles ne tombent sur du porno) si je devais leur expliquer que l'amour physique n'est pas sale contrairement à ce que la pudibonderie de certains ou les échanges verbaux un peu vulgaires entre ados auraient pu leur faire croire ; ce qui n'est pas le cas et en sachant que j'ai fait voir assez tôt La Leçon de piano à mon aînée qui a littéralement adoré sans qu'il y ait eu une quelconque gêne. je pense que ce serait pareil à la vision du film de Pascale Ferran.
Tout à fait d'accord : s'il y a un film qu'on peut montrer à une très jeune fille pour parler de l'amour physique, c'est bien celui-là. Il est évoqué sans pudibonderie, mais aussi sans vulgarité.
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Boubakar
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Re: Lady Chatterley (Pascale Ferran)

Message par Boubakar »

Jeremy Fox a écrit :Pas besoin d'aller plus loin que le premier post pour trouver un avis qui corresponde à peu près au mien ; une formidable réussite en tout cas dans un style assez unique. C'est très rare de tomber sur un film à la fois ausssi charnel et aussi pudique ; à ce propos, même si les styles et l'histoire n'ont absolument rien à voir, je le rapproche tout de même de La Leçon de piano de Jane Campion. Et la scène finale, quelle beauté dans la simplicité, quelle émotion !
D'ailleurs, je trouve que Marina Hands n'a pas vraiment confirmé l'essai depuis Lady Chatterley.
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ed
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Re: Lady Chatterley (Pascale Ferran)

Message par ed »

Boubakar a écrit :D'ailleurs, je trouve que Marina Hands n'a pas vraiment confirmé l'essai depuis Lady Chatterley.
Je l'ai vue sur scène l'an dernier dans Le partage de midi de Claudel, elle y était extraordinaire. A ce jour, d'ailleurs, hormis le rôle de Lady Chatterley, sa carrière cinéma n'est pas comparable avec sa carrière théâtrale.
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Profondo Rosso
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Re: Lady Chatterley (Pascale Ferran - 2006)

Message par Profondo Rosso »

Jeremy Fox a écrit :
NotBillyTheKid a écrit : Bof... J'ai vu Bright Star l'autre jour et, justement, je reprocherais à Campion cette approche très esthétique du film en costume, très pictural ; là, où Ferran, en revanche, réussi un film tout aussi beau en passant par une reconstitution plus "brute", plus naturelle. Hourra pour Ferran !

Oui, rien à voir dans le style comme je le disais mais je pense avoir vu entre la Leçon de piano et Lady Chatterley, les deux plus beaux films "érotico-pudique" (si tant est que cette expression puisse avoir du sens), les deux seuls où l'on puisse associer charnel et sensibilité. Ce serait par exemple les deux films que je ferais voir à mes filles (avant qu'elles ne tombent sur du porno) si je devais leur expliquer que l'amour physique n'est pas sale contrairement à ce que la pudibonderie de certains ou les échanges verbaux un peu vulgaires entre ados auraient pu leur faire croire ; ce qui n'est pas le cas et en sachant que j'ai fait voir assez tôt La Leçon de piano à mon aînée qui a littéralement adoré sans qu'il y ait eu une quelconque gêne. je pense que ce serait pareil à la vision du film de Pascale Ferran.
Pour avoir découvert les deux coup sur coup je penche quand même plus vers Jane Campion qui équilibre mieux naturalisme, force évocatrice et sentiments exaltés dans La Leçon de Piano (même si vrai que Bright Star est plus ouvertement esthétisant mais ça ne m'embête pas au contraire) quand Pascale Ferran m'a semblé très terne. Un petit avis

Pascale Ferran choisit en effet d’adapter Lady Chatterley et l’homme des bois, seconde et intermédiaire version du roman parue en 1932 puisque la première expurgée de ses passages érotiques les plus explicite paraitra uniquement à Florence en 1928. Il faudra attendre 1960 et un retentissant procès pour que l’éditeur Penguin Books puisse éditer en Angleterre la version intégrale, ouvrant une nouvelle voie dans la liberté d’expression au sein du pays. Lady Chatterley et l’homme des bois n’est pas seulement une œuvre censurée mais carrément une version alternative aux différences nombreuses. Clifford, le mari impuissant y paraît nettement moins antipathique/pathétique que dans la version définitive, le garde-chasse ne se nomme plus Oliver Mellors mais Parkin et est plus ouvertement caractérisé par cette facette « d’homme des bois » que par la nature torturée de Mellors. Mellors était un homme de niveau social inférieur mais néanmoins éduqué qui aura renoncé à s’élever, dégouté par la tournure de la société moderne et se réfugiant dans l’isolation janséniste de ce poste de garde de chasse. Par ce choix de Parkin et l’adoucissement de Clifford, Pascale Ferran fait des deux personnages masculins des archétypes d’hommes primitif et civilisés. Chacun à leur manière ce sont des êtres incomplets figés par leur environnement et/ou handicaps. Clifford (Hippolyte Girardot), rendu infirme et impuissant après la guerre vit donc une existence chaste avec son épouse Constance (Marina Hands) dans le domaine Wragby. La forêt entourant leur demeure est donc préservé par Parkin (Jean-Louis Coulloc'h), l’imposant et taciturne garde-chasse. C’est réellement le portrait de femme et l’éveil de Constance qui intéresse Pascale Ferran. La monotonie de l’existence à Wragby, sa dévotion à son époux infirme, sa présence silencieuse et soumise lorsqu’il reçoit ces amis, tout cela se déroule dans une lenteur savamment orchestrée et l’imagerie terne. La reconstruction de Constance se fera au fil des quatre saisons.

L’ennui du début se fera dans un morne automne, la dépression et le désespoir par un hiver blafard, le renouveau par un resplendissant printemps et la passion dans un été bariolé. Marina Hands, teint cireux et présence figée voit sa féminité se perdre dans des robes informes, forcée de s’en assurer quand elle observe son corps nu dont les courbes ne demandent qu’à être embrasée. L’idée est simple mais fonctionne visuellement, à savoir soumettre l’environnement aux états de son héroïne. L’aspect pesant, crépusculaire et déprimant de l’automne et l’hiver sont plutôt bien rendus tandis que les herbes se font plus vertes et les premiers bourgeons plus éclatants en printemps/été par la grâce de la photo de Julien Hirsch. Tout cela se fait dans une tonalité feutrée, sobre mais malheureusement aussi assez terne.Le problème n’est pas la fidélité narrative (le film suit plutôt fidèlement la trame du roman) mais le ton. Pascale Ferran aura choisie de transposer Lady Chatterley et l’homme des bois plutôt que la version définitive en grande partie pour sa sobriété, pour le côté plus suggestif qu’explicite notamment par le rôle de la nature et comme déjà dit la dimension plus archétypale des protagonistes masculins. Seulement par cette retenue elle les rend terriblement ternes. Si l’on n’a pas lu le roman, la magie peut fonctionner mais si c’est le cas on ressent forcément que Constance était le seul personnage à intéresser réellement Pascale Ferran.

Toute la complexité et l’abandon progressif de Constance à ses sens s’y fait avec brio, notamment dans les scènes d’amour. Tour à tour dépassée par le désir de Parkin, extérieure à l’étreinte car l’intellectualisant et ne pouvant oublier l’écart de classe, Constance finit par oublier les entraves pour se livrer et être le moteur de cette passion charnelle. Marina Hands fait merveilleusement passer cela (et également la belle idée visuelle de traverser la porte du portail pour s'évader) mais la dimension romanesque ne peut réellement s’imposer faute de figures masculines marquantes. D.H. Lawrence dans la version définitive du livre avait incarné à travers Parkin/Mellors et Clifford les mutations de la société anglaise d’alors, basculant de l’ère rurale à l’industrielle. Le garde-chasse y était à la fois un corps vaillant et viril mais aussi une âme pure ayant choisie l’exil d’une vie plutôt que la soumission aux codes du paraître, richesse et domination du monde moderne. Clifford par son handicap ne pouvait plus qu’exister au contraire dans cette ère industrielle où sa virilité s’imposerait par son statut de gentleman et les richesses de sa mine de charbon. Pascale Ferran évacue toute ces questionnements sociaux et Parkin n’est qu’une présence animale imposante et Clifford un corps malade et atrophié. Là aussi les scènes d’amour son révélatrice de l’intérêt de Pascale Ferran, s’attardant sur le déshabillage méticuleux et sensuel de Constance. L’homme n’est qu’une main empressée et un corps lourd s’imposant à Constance, toute l’émotion passant par l’expression de son visage lors de l’étreinte et ce à chaque scène charnelle. L’aura contagieuse de cette ère industrielle se réduira à un ciel gris, à quelques plans lointain sur l’usine et les mineurs quand le livre entier était imprégné de cette pesante modernité.

On a donc l’impression d’avoir lu un livre profondément anglais et de voir un film français. Pas un mal d’autant que ces thématiques était transposables à un contexte français qui a suivi la même évolution au XIXe siècle. On regretterait d’ailleurs moins ces omissions si l’écriture ou la prestation des acteurs enrichissait leur substance. Jean-Louis Coulloc'h malgré une certaine vulnérabilité se lisant dans le regard en reste cependant au registre de l’ours mal léché tout en instinct. Hippolyte Girardot est un peu plus subtil mais là aussi la sécheresse du film l’empêche de gagner en nuance. Sans doute consciente de cette carence, Pascale Ferran place en épilogue un long échange un peu forcé entre Constance et Parkin trop tardif et surlignant par les mots les sentiments du garde-chasse qui n’auront jamais été suffisamment esquissé durant le reste du film. On est loin du cheminement spirituel et charnel de Mellors (aussi ort et complexe que celui de Constance) dans la version définitive du livre. Au final pas une œuvre ratée mais qui en tout cas n’aura pas su tirer toute la richesse du livre. D.H. Lawrence avait écrit une magnifique romance parcourue de ces préoccupations sociales et philosophique sur le monde qui l’entourait. Pascale Ferran a simplement réalisé un beau portrait de femme parfois parcouru de fulgurances (la course nus sous la pluie) et après tout ce n’est pas pour rien que le film se nomme simplement Lady Chatterley. 3/6
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Re: Lady Chatterley (Pascale Ferran)

Message par Federico »

ed a écrit :
Boubakar a écrit :D'ailleurs, je trouve que Marina Hands n'a pas vraiment confirmé l'essai depuis Lady Chatterley.
Je l'ai vue sur scène l'an dernier dans Le partage de midi de Claudel, elle y était extraordinaire. A ce jour, d'ailleurs, hormis le rôle de Lady Chatterley, sa carrière cinéma n'est pas comparable avec sa carrière théâtrale.
Semi HS : je rebondis tardivement sur cette remarque pour dire que cette merveilleuse actrice fut à nouveau bouleversante dans le splendide mais terrifiant Une exécution ordinaire de Marc Dugain (2011) que je place personnellement parmi les plus grands films français des dix dernières années (au même titre que le chef-d'oeuvre de Pascale Ferran).
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Jeremy Fox
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Re: Lady Chatterley (Pascale Ferran)

Message par Jeremy Fox »

Federico a écrit : Semi HS : je rebondis tardivement sur cette remarque pour dire que cette merveilleuse actrice fut à nouveau bouleversante dans le splendide mais terrifiant Une exécution ordinaire de Marc Dugain (2011) que je place personnellement parmi les plus grands films français des dix dernières années (au même titre que le chef-d'oeuvre de Pascale Ferran).
:o

Je note :wink:
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Re: Lady Chatterley (Pascale Ferran - 2006)

Message par Supfiction »

Revu hier. Lady Chatterley est tout le contraire d'un film érotique. L'acte sexuel y est filmé comme la chose la plus naturelle et innocente du monde. Effectivement, c'est peut-être le film idéal pour une initiation en douceur en cours d'éducation sexuelle. Salutaire à notre époque où la pornographie a considérablement modifié les états d'esprits et les comportements. L’interprétation de Marina Hands renforce ce sentiment.

Le doc d'Arte sur le procès en obscénité du livre est à voir.
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Jeremy Fox
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Re: Lady Chatterley (Pascale Ferran - 2006)

Message par Jeremy Fox »

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Thaddeus
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Re: Lady Chatterley (Pascale Ferran - 2006)

Message par Thaddeus »

Supfiction a écrit :Lady Chatterley est tout le contraire d'un film érotique. L'acte sexuel y est filmé comme la chose la plus naturelle et innocente du monde.
J'ignore si la deuxième phrase découle pour toi de la première, mais si c'est le cas je ne comprends pas. Je ne vois pas en quoi filmer ainsi l'acte sexuel priverait le film de sa nature érotique.
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Jeremy Fox
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Re: Lady Chatterley (Pascale Ferran - 2006)

Message par Jeremy Fox »

Thaddeus a écrit :
Supfiction a écrit :Lady Chatterley est tout le contraire d'un film érotique. L'acte sexuel y est filmé comme la chose la plus naturelle et innocente du monde.
J'ignore si la deuxième phrase découle pour toi de la première, mais si c'est le cas je ne comprends pas. Je ne vois pas en quoi filmer ainsi l'acte sexuel priverait le film de sa nature érotique.

Effectivement ! Je pense qu'il sous-entendait pornographique.
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Re: Lady Chatterley (Pascale Ferran - 2006)

Message par Supfiction »

Le film est bien entendu érotique dans le sens littéral du terme mais c’est un erotisme aux antipodes de celui qui est d’usage dans la grande majorité des films dits érotiques (sans parler du reste). Je n’irai pas jusqu’à dire qu’il est le fruit d’un regard féminin car je pense qu’un réalisateur homme devrait être capable d’en faire autant. Néanmoins cela compte dans le résultat final sans aucun doute.
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