Eugène Green

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Bob Harris

Eugène Green

Message par Bob Harris »

Puisque son deuxième film, Le Monde Vivant, est sans doute l'un des films français les plus drôles et les plus audacieux de cette année, j'aimerais savoir si certains d'entre vous avaient vu "Toutes les nuits", son premier essai, sorti en Mars 2001 (dans une seule salle, je crois, mais il avait eu d'excellentes critiques si je me souviens bien). Eugene Green avait aussi fondé une troupe de théâtre anti-conformiste dans les années 70, où les comédiens devaient avoir un jeu très décalé.

Pour en revenir au "Monde vivant", c'est un conte enchanteur dans lequel deux chevaliers moyenâgeux (mais qui portent des jeans) doivent affronter un ogre qui va répudier son épouse pour cause de cuisine végétarienne. Il y a aussi une jeune princesse enfermée dans une chapelle, un arbre vivant qui parle, deux enfants prisonniers qui attendent d'être dévorés, un drôle de chien qui est en fait un lion et un lapin qui est en fait un éléphanteau (dit comme ça, c'est absurde mais dans le film, c'est tellement naturel). Voilà un croisement improbable entre Robert Bresson et les Monty Python, matiné d'un zeste d'Eric Rohmer, avec des dialogues irrésistibles et une interprétation carrément fabuleuse (Christelle Prot, Alexis Loret, Adrien Michaux, Laurène Cheilan). Les moyens sont très limités, le style est très dépouillé, l'éclairage est très cheap, mais il y a une telle puissance dans la grâce de la parole que tout passe comme une lettre à la poste. Tout le film est d'ailleurs une passionnante réflexion sur la croyance absolue que peut engendrer le pouvoir créateur des mots. Le film est assez court (1h15) mais des films aussi originaux comme celui-ci, à contre-courant de toutes les tendances et les modes, on en redemanderait bien volontiers. :wink:

5/6
phenryl
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Message par phenryl »

c'est lui le fameux eugéne :mrgreen:


bon ok je sors :arrow:
...
Bob Harris

Message par Bob Harris »

phenryl a écrit :c'est lui le fameux eugéne :mrgreen:
bon ok je sors :arrow:
non, ne sors pas avant de m'avoir expliqué... :oops:
phenryl
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Message par phenryl »

Bill Harford a écrit :
phenryl a écrit :c'est lui le fameux eugéne :mrgreen:
bon ok je sors :arrow:
non, ne sors pas avant de m'avoir expliqué... :oops:
:arrow: ":Mrgreen:" (smiley) :mrgreen: :wink:
...
Bob Harris

Message par Bob Harris »

phenryl a écrit :
Bill Harford a écrit : non, ne sors pas avant de m'avoir expliqué... :oops:
:arrow: ":mrgreen:" (smiley) :mrgreen: :wink:
Rhaaaaaaaaaaa..... :lol:

Tellement con, et en même temps tellement subtil... Fallait juste y penser, ouais. :lol:
Simone Choule
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Message par Simone Choule »

Perso, j'ai trouvé cela drôle... 5 minutes.
Après...
:roll:
Le meilleur gag du film : les chaussures anti baves de limaces ! :lol:
Bob Harris

Message par Bob Harris »

Simone Choule a écrit :Perso, j'ai trouvé cela drôle... 5 minutes.
Après...
:roll:
Ah ouais? :shock: C'est sûr que ce film est radical et qu'il risque de larguer pas mal de spectateurs qui ne parviennent pas à s'habituer à son trip décalé... En tout cas, ça a marché à fond sur moi! :wink:
Bob Harris

Message par Bob Harris »

"Le Monde Vivant" sort demain.

Avant-première au cinéma Panthéon ce soir à 20h30 avec débat en présence de l'équipe du film.

Allez-y! Eugene Green est très sympa, vous verrez. :mrgreen:
Joe Wilson
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Re: Notez les films de Octobre 2010

Message par Joe Wilson »

La religieuse portugaise (Eugène Green)

Sans doute le film le plus exigeant du réalisateur (l'humour caustique, la vigueur des dialogues sont absents), il faut se laisser absorber par un rythme à la fois hypnotique et lancinant. La mise en scène suit l'exploration d'une ville, Lisbonne, à la recherche de son âme et son intimité (par le cadre, les décors, les lieux, la musique - les intermèdes de fado contenant l'essentiel d'une dimension affective). Lisbonne se confond presque avec la figure principale, actrice à la recherche d'elle-même, d'un souffle et d'un élan.
Et le visage de Leonor Baldaque, semblant d'abord figé, devient peu à peu fascinant jusque dans ses nuances presque imperceptibles. Son parcours s'accomplit par la révélation d'une mystique, à la frontière de la poésie et du rêve. Si sa démarche libère une tension intérieure, La religieuse portugaise fascine jusqu'au bout par sa douceur et sa fluidité, et le dispositif habituel d'Eugène Green (liaison des mots, intonation, raideur apparente des gestes et des poses) nourrit de lui-même une alchimie délicate et sereine.
De plus, l'inspiration des "Lettres portugaises" (roman épistolaire du XVIIème siècle) introduit l'étendue de son rôle entre la jeune femme (qui joue la religieuse des "Lettres", dans une adaptation tournée par....Eugène Green), et la ville aimée. Les époques historiques peuvent alors se dissoudre dans une méditation incertaine.
Des rencontres fugitives contiennent autant de promesses d'un accomplissement de soi, et distillent une émotion secrète et insistante....une des grandes réussites de 2009.
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AtCloseRange
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Re: Eugène Green

Message par AtCloseRange »

Le monde Vivant (Eugène Green - 2003)
Au croisement de Sacré Graal, Princess Bride, Bresson et des Liasions Dangereuses à al mode Inconnus, que voilà un drôle d'objet (et parfois un objet drôle)! ça déclame de façon détachée face caméra des dialogues soutenus à bases d'imparfait du subjonctif, de liaisons audacieuses parfois interrompu par un "super" ou "c'est qui ce mec?" impromptu.
C'est à la fois donc très potache et très sérieux. Je crois que j'ai bien aimé (enfin heureusement que ça reste relativement court) et que ça me donne envie de découvrir d'autres Eugène Green.
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Jack Griffin
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Re: Eugène Green

Message par Jack Griffin »

Attèle-toi au Ponts des arts et à la religieuse portugaise, deux belles réussites passées inaperçues.
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poet77
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Re: Eugène Green

Message par poet77 »

En attendant la sortie du "Fils de Joseph", le nouveau film d'Eugène Green à paraître mercredi 20 avril. Voici ce que dit le réalisateur à propos des scènes d'amour au cinéma:

"Au risque de choquer certaines personnes, je pense que la censure a permis l'érotisme qui me semble dorénavant perdu. Depuis le milieu des années 70, nous voyons tout, de sorte que devant les scènes de sexe, j'ai souvent l'impression d'assister à un cours de zoologie. Plus rien n'est suggéré, tout est dans une frontalité sans imagination." Source: interview éditée sur la fiche de présentation du "Fils de Joseph").

Des propos auxquels je souscris volontiers et qu'on pourrait appliquer aussi à la représentation de la violence au cinéma.
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poet77
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Re: Eugène Green

Message par poet77 »

Le Fils de Joseph (Eugène Green - 2016)
Le temps de se réhabituer au style unique d'Eugène Green, à une langue qui emprunte autant à l'ancien qu'au moderne, à une diction qui respecte scrupuleusement toutes les liaisons, et nous voilà à nouveau emporté, dès les premières scènes, dans une aventure si riche de contenu, si pleine de pistes qu'on ne peut l'appréhender totalement en se contentant d'une seule séance. Autant dire que l'on a déjà hâte de voir paraître ce film en DVD afin de le voir et le revoir à loisir.
Au cœur du récit ou plutôt de la parabole proposée par le réalisateur (américain d'origine, mais amoureux de la France et de l'Europe bien plus que de sa patrie d'origine), se trouve un jeune homme prénommé Vincent (Victor Ezenfis), jeune homme dont trois scènes soulignent à la fois l'étrangeté de caractère et la profondeur des désirs secrets qui l'habitent : un jeune homme sensible (il ne supporte pas qu'on maltraite un animal nuisible pris au piège), un jeune homme facétieux (s'il vole un objet dans un magasin, c'est pour le remettre à sa place aussitôt après), un jeune homme droit (à un camarade qui lui propose un marché rentable mais douteux, il oppose une fin de non-recevoir). Mais s'il donne une impression d'étrangeté, c'est peut-être aussi et surtout parce que Vincent a le cœur tiraillé de souffrance, celle d'être privé de père.
A sa mère Marie (Natacha Régnier) qui s'inquiète de lui, il répond brutalement qu'il lui manque l'amour. Il ne sait pas aimer et il n'est aimé par personne, ose-t-il affirmer à celle qui précisément l'aime plus que tout. Mais quant à révéler l'identité du père, elle s'y refuse obstinément, ce qui oblige Vincent à mener sa propre quête. C'est sans doute ce mot-là qui résume le mieux le sujet central du film. En se mettant en quête d'un père, que cherche Vincent si ce n'est d'apprendre à aimer ?
Non sans humour, Eugène Green conduit son personnage de jeune homme aventureux et avide de vraie connaissance sur des chemins d'excentricité tout en posant la question de la paternité (et, du même coup, bien sûr, celle de la filiation). Le chemin conduit à Oscar Pormenor (Mathieu Amalric), un grand éditeur parisien entouré de ses fidèles (secrétaire, écrivains, critiques) dont le réalisateur se fait un malin plaisir de souligner tous les ridicules. Si ce microcosme grotesque n'a bien évidemment rien à donner d'autre que sa vanité, il faut cependant en passer par lui pour atteindre un père et le sacrifier (ou, en tout cas, tenter de le sacrifier).
Comme dans « Le sacrifice d'Isaac » de Caravage dont le jeune homme contemple une reproduction affichée dans sa chambre, mais en inversant les rôles, le fils tend le couteau vers le père mais ne va pas au bout de son acte. Et c'est en Joseph (Fabrizio Rongione), son oncle dont il ignorait jusque là l'existence et qui survient à point nommé, que Vincent trouve un père. En visite au musée du Louvre, c'est encore dans la contemplation d'un tableau, en l'occurrence « Saint Joseph charpentier » de Georges de La Tour, que se révèle l'intimité des êtres : à Vincent qui affirme que saint Joseph n'était pas le vrai père de Jésus, l'oncle Joseph répond que si, c'était son vrai père, car la paternité lui a été donnée par le Fils.
Comme dans « La Sapienza », le film précédent du réalisateur, tout est affaire de transmission, mais pas à sens unique. Entre Vincent et Joseph, c'est comme un va-et-vient de connaissances qui circule : tous deux se réalisent et se découvrent autant dans la joie du don que dans celle de la réception. Quant à la teneur du don, elle ne peut être mieux désignée que par le verbe aimer, d'autant plus que le don ne tarde pas à prendre le visage et l'aspect de Marie, la mère. Quant à Pormenor, le père biologique, qui sait s'il n'y a pas pour lui aussi une voie de salut, tout éditeur égoïste qu'il est ?
Magnifiquement écrit et judicieusement divisé en cinq chapitres qui se réfèrent à des scènes bibliques (Le Sacrifice d'Abraham, Le Veau d'Or, Le Sacrifice d'Isaac, Le Charpentier, La Fuite en Egypte), ce film émerveille, amuse et séduit irrésistiblement. Eugène Green ne bâcle rien, il invite à la contemplation et à l'ouverture du cœur. Et quand il donne place à la musique, lors d'une des scènes les plus belles du film, il laisse entendre la pièce musicale choisie dans son intégralité (une pièce de Domenico Mazzocchi interprété par le Poème Harmonique de Vincent Dumestre). Pur moment de grâce au sein d'un film qui entreprend précisément de chercher la grâce oeuvrant au plus secret des cœurs. 8,5/10
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Jeremy Fox
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Re:

Message par Jeremy Fox »

Simone Choule a écrit :Perso, j'ai trouvé cela drôle... 5 minutes.
Voilà ma conclusion concernant Le Fils de Joseph. Le parti pris est comme n'importe quel autre, à priori intéressant, mais on y adhère ou non. En gros, tout tient avant tout sur la direction d'acteurs qui, connus ou inconnus, doivent réciter leur texte (mélange de français du 19ème siècle et d'expressions contemporaines) d'une manière monocorde et détachée, sans expressions dans le regard et en prononçant toutes les liaisons même celles qui n'existent pas.

Concrètement :

- Pas aujourd'hui !
- Demain alors.

donne dans le film

- Pas zaujourd'hui !
- Demain nalors.


Voilà : ce n'est pas forcément désagréable (ça m'aurait plu le temps d'un court métrage) mais ça m'a vite saoulé au point d'abandonner à mi-parcours. Le reste de sa filmographie étant à priori construite sur le même procédé, ça sera sans moi. C'est juste que ça ne m'intéresse pas.
Strum
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Re: Re:

Message par Strum »

Jeremy Fox a écrit :En gros, tout tient avant tout sur la direction d'acteurs qui, connus ou inconnus, doivent réciter leur texte (mélange de français du 19ème siècle et d'expressions contemporaines) d'une manière monocorde et détachée, sans expressions dans le regard et en prononçant toutes les liaisons même celles qui n'existent pas.
J'ai moi-même eu des difficultés à passer outre ce curieux parti-pris devant un autre film de l'auteur : La Sapienza.
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