
Film culte des années 80, Dune n'est pas perçu ainsi par beaucoup et il divise sévèrement. D'un côté, il ravit quelques amateurs de SF, de l'autre il est renié par les fans du roman et/ou du cinéaste. Le film a en plus connu une histoire pour le moins chaotique... Je m'intéresse à me documenter et à analyser par parties ce film non pas parce qu'il est bon ou mauvais, mais simplement parce que c'est un film d'un grand auteur, qu'il est un échec commercial et critique, parce qu'il a une histoire comme tout film, et ça, ça mérite d'être raconté.


"A beginning is a very delicate time." Princesse Irulan (Virginia Madsen)
D U N E
En l'année 10191, l'empereur qui règne sur l'univers, connu sous le nom de Shaddam IV, établit une alliance avec les Harkonnen de la planète Geidi Prime pour éliminer de la galaxie la dynastie des Atréides, et plus particulièrement leur chef, le duc Leto, de la planète Caladan. Pour réussir ce projet funeste, l'empereur envoie les Atréides sur la planète Arrakis, appelée également "Dune", où ils sont attendus par les terribles Harkonnens. Deux survivants échapperont au massacre : Paul Muad'Dib, l'héritier du trône Atréides et sa mère Lady Jessica. Après avoir été attaqués par les vers géants et sauvés des griffes du baron volant Vladimir, ils sont secourus par les mystérieux Fremen. Ces habitants de Dune consomment l'Epice qui assure pouvoir et longévité. Ils vivent dans l'attente de la venue du messie qui doit leur rendre leur liberté, et ils voient en Paul l'homme attendu de la prophétie...

Génèse
En 1963, l'histoire de Dune de Frank Herbert (un écrivain de SF connu des amateurs, surtout après grâce à Dune justement) est publiée sous forme d'épisodes dans le magazine Astounding Science Fiction. 2 ans plus tard, le roman d'Herbert sort dans son intégralité. Très vite, le cinéma s'intéresse à ce roman, et Arthur P. Jacobs (futur producteur de La Planète des Singes) en acquiert les droits et des story-boarders planchent sur la reconstitution des décors. Mais le projet va s'éterniser et pendra fin à la mort de Jacobs en 1973. En 1975 - 2 ans plus tard - le français Michel seydoux s'intéressera à son tour au projet, et engagera le cinéaste Alexandro Jodorowsky (auteur de deux films - El Topo et La Montagne Sacrée- où se mêlent science fiction, écologie et spiritualité) pour la réalisation du film. Jodorowsky obtient la participation de plusieurs personnalités, dont Mœbius qui dessine les costumes et les décors (près de 5000 dessins). Autres recrues de choix : le scénariste Dan O'Bannon (scénariste de la saga "Alien" : Alien, Alien 3, Alien : Resurrection et prochainement Alien vs Predator), les peintres H.R. Giger et Chris Foss, ainsi que Douglas Trumbull (responsable des effets spéciaux de 2001, l'Odyssée de l'Espace). Pour l'interprétation, la production voit grand puisque Orson Welles, Alain Delon et Mick Jagger sont approchés. Et Salvador Dali accepte de jouer le rôle d'un baron fou si on le paie 100 000 dollars par heure de tournage ! Côté musique, le staff est également prestigieux puisque les Pink Floyd sont de la partie, en même temps que les Magma, un groupe français visionnaire qui faisait un tabac à l'époque. Malheureusement le projet s'éternise et 2 ans plus tard, Michel Seydoux baisse les bras, craignant le gouffre financier. Après ce projet avorté et s'être rencontrés grâce à Jodorowsky, O'Bannon, Giger, Mœbius et Foss travailleront sur un autre projet (très important dans l'histoire du cinéma)... Alien.


Le duc Leto imaginé par Mœbius pour le projet Jodorowski et une pré-affiche.
En 1978, Dino de Laurentiis rachète les droits de Dune et engage Ridley Scott pour le réaliser quand celui-ci sort du succès de son premier long-métrage américain (Alien). Encore une fois, l'entreprise prend des allures pharaoniques! Estimé à 50 millions de dollars (une fortune pour l'époque), le budget effrai les responsables d'Universal qui préfèrent ne pas risquer le coup. Ridley Scott abandonne donc ce projet et se lance dans un autre intitulé... Blade Runner. Pour relancer la machine, Dino De Laurentiis fait appel à David Lynch qui ne comptait alors que 2 longs en noir & blanc (Eraserhead et Elephant Man). Durant 1 an et demi, Lynch écrit 7 versions du scénario. Parallèlement, il s'occupe de la conception visuelle, du repérages et du casting. Inspiré, il s'investit pleinement dans toutes les étapes de la création.
Le casting
Tout-le-monde est d'accord pour ne pas prendre une star. L'acteur principal choisi est Kyle McLachlan, un acteur de théâtre inconnu du cinéma lorsque David Lynch le choisit pour le film - ils se retrouveront tous deux par la suite pour 2 autres films, Blue Velvet et Twin Peaks. Le rejoigne Silvana Mangano, Max Von Sidow et Sean Young, la réplicante de Blade Runner. Puis le chanteur Sting (encore de Police à l'époque) viendra y jouer le rôle du neveu Harkonnen. Au sein de l'équipe technique, on notera la présence de Carlo Rembaldi, futur concepteur du look d'ET, qui réalise ici les fameux vers géants du film. Tony Masters (un des décorateurs de 2001, l'Odyssée de l'Espace) est responsable des décors dont l'ornementation évoque entre autres la Renaissance, l'art déco ou la civilisation. Comme directeur photo, Lynch a pris Freddie Francis (un réalisateur de la Hammer, qui a fait entre autres L'Empreinte de Frankeinstein, Le Crâne Maléfique, Les Jardin des Tortures...) qui avait déjà travaillé avec Lynch sur Elephant Man. Kit West (oscarisé pour Les Aventuriers de L'Arche Perdue) s'occupe des effets spéciaux mécaniques et Brian Smith, un collaborateur des James Bond, est chargé de la constructon d'une centaine de maquettes. Enfin, on confie la musique au groupe Toto, et à Brian Eno.


Paul Atréides (Kyle McLachlan) et le très "sexy" Baron Vladimir Harkonnen (Kenneth McMillan).
Un tournage difficile
Le tournage démarre en mars 1983, au Mexique. Pour l'anecdote, c'est Frank Herbert lui-même qui tient le clap pour la premièreprise. Ça n'aura pas porté chance... Raffaella De Laurentiis, la fille du producteur, a repris en main la rpoduction et a choisi les studios de Churubusco en raison de la vaste superficie de leurs plateaux (65 décors sont prévus), ainsi que pour la proximité des déserts. Les déboires s'accumulent alors tout-au long du tournage : costumes et matériel bloqués par la douane mexicaine, 3500 figurants se présentent en avance suite à une erreur de planning, découverte d'un immense charnier d'animaux sur l'un des décors naturels, série d'épidémies qui touche toute l'équipe, etc.
Lynch connaîtra son ultime déception losque le film est accueilli fraîchement par le public américain. En France, le public sera plus réceptif, mais ici comme partout ailleurs, le film suscite des réticences de la part des fans du roman.

Feyd Rautha (Sting), le neveu ambitieux du baron Harkonnen.
Ce que j'en pense
Malgré quelques bonnes scènes de bataille et certains effets spéciaux réussis, Dune de Lynch souffre quelque peu de "ringardisme"sous certains aspects et dans quelques effets visuels, ainsi que pour certains décors (notamment celui des vaisseaux). Je dirais qu'à cet instant (je n'ai pas vu Eraserhead, ni Une Histoire Vraie), c'est le film de Lynch qui me plaît le moins (depuis que j'ai réévalué Twin Peaks), mais je l'apprécie quand même, il n'y a pas de raison, même s'il est moins "bizarre", moins malsain (à l'exception des scènes avec l'horrible Harkonnen) que les autres films de Lynch. C'est certain que comparé au roman, ce film comporte beaucoup de simplifications et de scènes "faciles" parce que extraites sans toujours parvenir à inclure le contexte complexe du livre. Tout en prenant parti de rester fidèle à cette œuvre monumentale, Lynch a dû unir des scènes que séparaient plusieurs chapitres, éliminer des éléments périphériques, et Frank Herbert lui-même n'a pas tari d'éloges sur le film. Le livre parle de pouvoir, de politique ou de rapports de forces complexes. Ce film simplifie trop les choses : en gros, il y a des bons et des méchants. Sinon, Dune est un bon film avec des envolées lyriques, je le trouve pas si mal en tant qu'amateur de films de science fiction. Et puis il a une durée anormalement longue pour un film de SF de l'époque (en 1984, peu de films SF dépassaient deux heures - à l'excepion de 2001 en 1968). Certaines scènes sont d'une réelle beauté visuelle : l'attaque des Fremens, les vers géants, etc... Son plus gros défaut est en fait d'être l'adaptation d'un roman très connu de l'univers SF et le condenser rend le film un peu indigeste. Dommage... Je n'ai pas vu la version télé, ni la série télé adaptée du même roman malheureusement (juste deux trois extraits), mais je pense que si elle est plus proche du roman ça doit être pas mal.
4,5/6

Né le 20 Janvier 1946 à Missoula (dans le Montana), David Lynch est l'ainé de trois enfants dont le père est chercheur agricole et sa mère, enseignante. Il se marie très jeune et s'est illustré juste après sa formation à l'École des Beaux-Arts de Pennsylvanie en signant deux courts-métrages, The Alphabet (1968) et The Grand' Mother (1969) qu'il définit comme des "tableaux animés", où l'atmosphère prime sur l'intrigue. C'est dans le même esprit qu'il signe quelques années plus tard son premier long métrage, Eraserhead (1977), tourné dans des conditions artisanales avec des comédiens amateurs. Bien qu'ayant eu du mal à trouvé un distributeur le film devint culte, fut primé au festival d'Avoriaz de 1978 et attira l'attention de Mel Brooks, lequel cherchait un réalisateur pour Elephant Man. En tournant cette histoire (vraie) d'un homme défiguré qui défraya la chronique dans l'Angleterre victorienne, Lynch s'imposa dans la "Cour des Grands". Admiration de la critique. En France : il reçoit le césar du meilleur film étranger, et nomination à l'Oscar pour ce film grandiose. Après Dune (1984), il revient à des histoires plus proches de ses obsessions, avec Blue Velvet (1986), et en 1990, même s'il ne met pas tout-le-monde d'accord, Sailor et Lula, Wild at Heart lui vaudra une Palme d'Or. Soutenue par un public restreint, la série Twin Peaks qu'il lancera balance entre horreur et burlesque, et il réalise pour le cinéma Twin Peaks, Fire Walk with Me en 1992. Lost Highway (1997), sème à nouveau la confusion: un film dérangeant, hypnotique, ultracomplexe. En 1999, il réalise Une Histoire Vraie, puis, en réalisant Mulholland Drive (2001), où il y est question de changements du corps et d'identité (proche dans ce cas de Lost Highway), il réalise à mes yeux son plus grand film, dont il est clairemnt impossible de donner une vision objective de l'histoire. C'est mon préféré de sa filmographie qui comptera bientôt dix films...