La série (qui passe à la couleur en 1966) va progressivement s’éloigner de ses sources littéraires pour privilégier un mélange de polar fantaisiste, d’épouvante et d’humour qui annonce grandement le giallo. Les dernières productions de la Rialto seront d’ailleurs des œuvres hybrides, coproduites avec l’Italie, dont on retiendra le très réussi MAIS QU’AVEZ-VOUS FAIT A SOLANGE ? aux côtés des plus mineurs mais plaisants LIZ & HELEN et LE TUEUR A L’ORCHIDEE. Au total, 32 « krimis » seront proposés par la Rialto entre 1959 et 1972. Bien sûr, d’autres studios se jetèrent également dans la mêlée en ressuscitant le Docteur Mabuse, en adaptant les œuvres de Bryan Wallace (fils d’Edgar) ou en portant à l’écran le personnage du « Commissaire X ».
Réalisé en 1963, THE INDIAN SCARF constitue la troisième version cinématographique du roman « The Frightened Lady » d’Edgar Wallace. Comme la plupart des productions de la Rialto, THE INDIAN SCARF commence par un générique en couleurs (le film étant, lui, en noir et blanc) tandis que résonne le fameux «Hallo, hier spricht Edgar Wallace ». L’intrigue, de son côté, s’avère typique du whodunit et emprunte joyeusement aux « Dix Petits Nègres » tout en anticipant sur de nombreux thrillers et giallos ultérieurs. Cependant, le réalisateur Alfred Vohrer, familier de l’univers de Wallace (il mettra en scène, au total, quatorze adaptations de ses bouquins) oriente joyeusement l’aventure vers la parodie ce qui aide à digérer la pilule et rend l’entreprise encore très plaisante un demi-siècle plus tard.
Lebanon vient de décéder et tous les membres de sa grande famille sont conviés au castel pour la lecture de son testament. Là, les invités apprennent qu’ils doivent vivre une semaine ensemble pour toucher leur part d’héritage. Ceux qui ne pourront se plier à cette demande devront, par conséquent, renoncer au pactole. Mais, alors qu’une tempête force les héritiers à rester au château, un tueur inconnu étrangle plusieurs d’entre eux à l’aide d’une écharpe indienne. Au fur et à mesure des jours qui s’écoulent les cadavres s’empilent et la part des survivants grossit…
Avec un casting d’habitués comprenant Heinz Drache et Eddi Arent mais aussi le déjà très allumé Klaus Kinski, THE INDIAN SCARF constitue un « murder mystery » aussi classique que divertissant. Si son intrigue aurait pu, en d’autres temps ou en d’autres mains, donner lieu à un récit d’épouvante angoissant, Alfred Voher choisit, pour sa part, de jouer la carte de l’humour. Les différents invités périssent donc sous les doigts gantés de cuir d’un tueur mystérieux (l’influence sur le giallo est ici patente) mais la bonne humeur générale ne faiblit jamais. Forcément, tous les protagonistes peuvent être suspects, à commencer par Klaus Kinski dont les yeux hallucinés et la tendance à se piquer à l’aide d’une seringue en font un coupable idéal. Mais, comme dans tout bon whodunit, le véritable meurtrier restera non identifié avant les dernières minutes qui permettent d’ailleurs une ultime pirouette humoristique au facétieux scénariste. Au final, le dernier bénéficiaire de la fortune familiale ne sera nul autre qu’un écrivain génial nommé…Edgar Wallace !
Cet humour malicieux domine l’ensemble du long-métrage, particulièrement grâce à quelques détails incongrus : un perroquet ne cesse de répéter « meurtre » et un majordome stylé, peu sensible à l’hécatombe qui se déroule dans la demeure, se montre surtout préoccupé de connaitre le nombre de convives encore vivants pour le souper.
Situant son intrigue dans un château gothique et sinistre truffé de passages secrets, THE INDIAN SCARF s’amuse des conventions du policier horrifique avec une bonne santé réjouissante. Le film convie ainsi une menaçante tarentule, une galerie de personnages saugrenus et propose quelques idées amusantes, comme un judas dissimulé dans le téton d’une peinture. Saupoudré d’un soupçon d’érotisme voyeuriste bien timide et d’une pincée d’angoisse façon train-fantôme, le résultat, bien rythmé (à peine 80 minutes) s’avère une charmante réussite pour les nostalgiques. A découvrir pour les amateurs de policiers rétro ou les historiens du giallo qui trouveront dans ce THE INDIAN SCARF bien des scènes annonciatrices de leur sous-genre favori.
Une autre affiche purement giallesque: