William Nigh (1881 - 1955)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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feb
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William Nigh (1881 - 1955)

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Desert Night - William Nigh (1929)
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Le propriétaire d'une mine de diamants sud-africaine, Hugh Rand (John Gilbert), accueille Lord 'Steve' Stonehill (Ernest Torrence) et sa fille Lady 'Diana' Stonehill (Mary Nolan) qui viennent chasser sur les terres proches et visiter la mine. Ces visiteurs sont en fait venus lui dérober une grosse quantité de diamants et s'échappent de la mine en le kidnappant. Confrontés au désert et au manque d'eau, les 2 voleurs se reposent sur leur otage pour les aider à survivre ...
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1929, le film muet est en train de disparaitre à petit feu depuis que la folie des "all-talking pictures" s'est emparée des grandes Majors hollywoodiennes. Alors que ces premiers films parlants se montrent lourds, statiques et semblent avoir reculé de 10 ans, des tournages de films muets continuent pour des raisons techniques (acteurs étrangers dont l'anglais n'est pas encore parfait), parce que la demande existe toujours - les spectateurs répondent souvent présent malgré la présence de talkies à l'affiche - ou tout simplement parce que les tournages sont prévus depuis la fin de 1928 et qu'il faut les tourner au plus vite. Si la star féminine de la Major, Garbo, doit apparaitre à l'affiche de 3 films muets sur l'année 1929 (Wild Orchids, The Single Standard et The Kiss), la star masculine, John Gilbert, se contente, elle, d'un seul film avec ce Desert Night qui marque la fin de sa carrière muette. Mais si The Kiss est un tremplin pour l'actrice suédoise, Desert Night est le chant du cygne d'un acteur qui ne réussira jamais à trouver sa place dans le parlant.
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Et lorsque l'on découvre John Gilbert dans ce film, on ne peut que regretter qu'un tel acteur n'ait pu continuer à la MGM en tant que leading men de la Major, en tant que rival de Clark Gable. Dans le film de William Nigh, John Gilbert offre un superbe charisme, il est de toute les scènes et le film, tout comme le sort de ses 2 ravisseurs, repose sur ses épaules. Elégant et proposant un jeu naturel exempt des lourdeurs du cinéma muet, John Gilbert dévoile une image différente de celle de ses autres rôles - souvent liés à des histoires romantiques - et qui se rapproche de l'image d'un Errol Flynn - sans chercher à comparer l'aspect physique -. Dans Desert Night, Gilbert se montre séducteur et charmeur face à l'héroïne mais sait aussi prendre les commandes d'une situation quasi-désespérée tout en restant calme et en riant de cette mort qui les menace.
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Face à l'acteur, Ernest Torrence, dont la tronche patibulaire mais presque colle parfaitement à son personnage, et la très belle Mary Nolan qui apporte une touche de charme non négligeable. Le père et la fille, qui sont en réalité amants, pensent réussir leur coup en kidnappant le propriétaire de la mine et en s'échappant avec lui à travers le désert. Si le début de leur plan se déroule sans accroc, la suite se montre plus compliquée lorsqu'ils doivent affronter la chaleur du désert et la pénurie d'eau potable. Très rapidement ils doivent changer d'état d'esprit et balayer leur prétention de kidnappeur pour laisser leur sort entre les mains de Rand. Ernest Torrence est fidèle à lui même avec ce personnage prêt à tout pour réussir (il empoisonne le réservoir d'eau potable pour se débarrasser des ses acolytes, il nargue Hugh Rand en crachant l'eau potable) mais réalise bien vite qu'il ne controle plus la situation et que Diana n'est pas insensible au charme du jeune homme. Mary Nolan doit elle aussi modifier ses plans et sombre peu à peu dans la folie au fur et à mesure que la dernière gourde en possession de Rand voit son niveau baisser.
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Avec Gilbert, Torrence et Nolan forment un triangle amoureux particulier où l'amour cède sa place au besoin de survie, où les prétentions initiales sont réduites à néant face à la chaleur du désert, aux hyènes qui rodent autour de leur camp de fortune et aux vautours planant au dessus d'eux et qui ne font rire que le personnage de Rand, unique possesseur de la gourde.
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Si la réalisation de Nigh est somme toute classique, préférant les plans rapprochés sur les visages à des plans plus larges sur le désert, la photo qui éclaire le film est d'un très haut niveau ce qui n'a rien d'étonnant quand on sait qu'elle est le fruit du travail de James Wong Howe. Le directeur de la photographie joue magnifiquement avec les lumières fortes qui écrasent les personnages lors des phases dans le désert et les lumières plus douces pour les scènes nocturnes autour de ce plan d'eau salé à double tranchant - étancher sa soif au détriment d'une mort longue -. Une fois de plus la MGM s'appuie sur la qualité de ses techniciens et une fois de plus leur travail apporte un plus indéniable au film.
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Desert Nights est représentatif de ces derniers films muets tournés avant le passage définitif. Quelle que soit leur qualité en tant que films, ces muets sont à mettre en avant pour leur qualité artistique : lumières, idée de mise en scène, liberté de ton, liberté de mouvement, etc... et c'est le cas pour le film de Nigh. En plus d'être un film d'aventures, Desert Night s'approprie certains éléments des films Pré-Code avec cette tension quasi-sexuelle entre ces 3 personnages, les tenues de Mary Nolan imprégnées de sueur qui attisent les envies tout comme ces baisers forcés ou non ou cette scène de semi-nue lorsque la jeune femme se baigne. Ces éléments marquent un peu plus le contraste avec les futurs films parlants tant ce film ne semble pas avoir besoin de dialogues...là où The Kiss se repose sur la mise en scène de Feyder, la photo de Daniels et la présence de Garbo, Desert Night se repose sur son trio d'acteurs, sur cette alchimie entre Gilbert et Marie Nolan et sur cette dérive en plein désert.

Vu à partir du DVD Warner Archive dans une copie assez propre à laquelle il manque une petite partie sur la fin mais qui n'empêche pas du tout la compréhension du film :wink:
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