Leopoldo Torre Nilsson (1924-1978)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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bruce randylan
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Leopoldo Torre Nilsson (1924-1978)

Message par bruce randylan »

J'étais très intrigué par le cinéaste à la lecture du programme de la cinémathèque. J'ai tenté 3 séances et j'ai bien fait. :D

La maison de l'ange (1957)

Comme prisonnière de sa maison où elle vit avec son père, une jeune femme se rappelle sa jeunesse à l'éducation très stricte et comment un ami de son père vient manger une fois par semaine.

Film de la reconnaissance internationale pour le cinéaste la maison de l'ange reçu un accueil favorable lors de sa présentation à Cannes avec un style visuel hérité du film noir, de l'expressionnisme et d'Orson Welles. Les critiques évoquèrent d'ailleurs un "baroquisme de la frustration", terme un peu barbare mais qui décrit finalement bien le style du film avec une forme surprenante fait d'éclairage clair-obscur très contrastée, d'une jeu sur les ombres soigné, d'un excellent travail sur la profondeur de champ ou la manière de filmer un intérieur, des angles de prises de vues originaux et surprenants avec une prédominance pour les contre plongées très prononcées, des travellings très précis et une façon inhabituelle de filmer les visages où les acteurs peuvent partir d'un plan américain pour venir se coller à la caméra en très, très, gros plan.
Ce qui est remarquable c'est que ce formalisme ou ce maniérisme n'a rien de gratuit et vient toujours accompagner l'atmosphère ou la psychologie de l'héroïne. L'étrangeté de l'ambiance est d'ailleurs renforcée par l'âge de l'actrice bien plus vieille que son personnage mais qui joue son rôle avec une candeur prononcée.

Seul défaut assez gênant, le scénario a l'air d'avoir été rallongé avec la sous-intrigue politique pour atteindre la durée d'à peine 75 minutes. Or avec cette histoire secondaire, on perd la focalisation sur la jeune fille pour s'égarer sur des éléments moins intéressant et assez creux. Ca brise donc à quelques reprises le rythme et la démarche du film.

Voilà, c'est le seul point noir d'un film sinon passionnant à regarder et à suivre d'autant qu'il semble contenir tous les thèmes du cinéaste (une jeune fille grandissant sous une éducation particulière)


le crime de l'Oribe (1950)
Première réalisation de Torre Nilsson (avec l'aide de Leopoldo Torres Ríos) est un film plus intéressant que vraiment réussi. ca manque en effet d'émotion avec une froideur et une raideur qui ne permet pas de se plonger pleinement dans cette étrange histoire une famille (un père et ses 3 filles) répètent inlassablement, soir après soir, le même cérémonial de la fête de Noël sous le regard curieux et fasciné d'un journaliste et d'un poète.
On suit ainsi passivement la première partie avant que la mort d'une des jeunes fille amène l'histoire dans une dimension beaucoup plus intelligente et moins distante avec la figure du poète qui vit par procuration autant par orgueil que pour trouver l'inspiration. Celà le conduira à sa perte dans une partie plus pessimiste et prenante. On ne parlera pas tout de même d'une grande intensité mais il faut admettre que c'est plutôt bien fait et que le traitement est assez original.
Les qualités viennent bien-sûr avant tout de la richesse du scénario et la qualité de la photographie plus que la mise en scène pure ou de l'interprétation (assez médiocre il faut dire) mais pour un premier coup d'essai, on sent qu'il y a du potentiel.

J'ai aussi vu sa première réalisation en solo jours de haine qui est excellent. J'en ai fait une critique 1kult pour la peine (en ligne plus ou moins prochainement !)
Je devrais encore pouvoir en voir une dizaine logiquement :D
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Re: Leopoldo Torre Nilsson (1924-1978)

Message par riqueuniee »

J'ai vu aussi La maison de l'Ange.
Je ne trouve pas la partie politique (ou plus exactement les éléments touchant à la vie politique) si gratuite que ça : sans ces éléments, il n'y aurait pas la scène de duel, et la rencontre entre le politicien et la jeune fille n'aurait sans doute jamais eu lieu. Mais le scenario mixe en effet ces éléments de façon pas toujours habile.
Le film est en effet formellement très intéressant (l'influence de l'expressionnisme et du film noir est flagrante).
J'ai bien aimé. J'ai parfois pensé (dans un style différent) à certains Bunuel des années 50/60.
De ce cinéaste, j'avais déjà vu Fin de fête, ou l'élément politique est plus présent.
Dans les deux cas, on a une peinture assez sévère de la grande bourgeoisie argentine.
Dernière modification par riqueuniee le 26 oct. 13, 17:55, modifié 3 fois.
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Re: Leopoldo Torre Nilsson (1924-1978)

Message par riqueuniee »

Vu hier le Crime d'Oribe Un film plus qu'intéressant, notamment en effet par son ambiance (belle photo) et son scenario (une pointe d'étrangeté, qui flirte même avec l'irrationnel à un moment, avant de revenir dans un domaine proche du mélo ou du film noir).
Et l'interprétation est loin d'être catastrophique.
Belle découverte que celle de ce cinéaste.
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Re: Leopoldo Torre Nilsson (1924-1978)

Message par Tancrède »

quels sont les classiques à voir en priorité? autrement dit les GRANDS MUSTS ?

je ne connaissais pas ce type mais les allusions à Antonioni et à la "modernité" dans le programme de la cinémathèque m'ont refroidi.
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Re: Leopoldo Torre Nilsson (1924-1978)

Message par bruce randylan »

Pour les 8 que j'ai vu, je conseille donc la maison de l'ange, jours de haine, le kidnappeur (assez proche de Los Olvidados - du moins de mon souvenir) et la terrasse :wink:

Si ça peut aider, entre les séances j'ai entendu du bien de 70 fois 7 et beaucoup de mal du protégé
Dernière modification par bruce randylan le 26 oct. 13, 17:21, modifié 1 fois.
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Re: Leopoldo Torre Nilsson (1924-1978)

Message par Tancrède »

merci bruce mais je crois que je me suis réveillé trop tard.
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Re: Leopoldo Torre Nilsson (1924-1978)

Message par bruce randylan »

Bon, j'aurais finalement réussi à voir au total 11 de ses films. Du bon et du moins bon mais souvent intéressant et parfois du brillant même si dois avouer qu'on retrouve un peu trop souvent le même genre d'histoires ou d'univers et que l'ensemble demeure parfois assez froid.
Bon, comme d'hab avec les marathons ciné, les films qui se ressemblent, la fatigue et parfois l'overdose, mes avis sont assez succincts...


pierre libre (1976)
Un film étrange à l'ambiance flottante entre drame psychologique et film de genre onirique.
La narration est vraiment surprenante avec de nombreuses ellipses et des personnages qu'on identifie mal et qui n'ont pas forcément un grand rôle (comme ces espèces de notables qui s'empiffrent vulgairement). Il m'a donc fallut un certain temps pour rentrer dans le film et m'identifier à l'héroïne et ses problèmes. Il faut aussi dire que j'étais assez fatigué et que la lenteur de l'histoire ne m'a pas aidé. Mais j'ai été happé par le dernier tiers où l'atmosphère se fait plus trouble, fantastique en côtoyant le giallo et les films de la Hammer avec un esthétisme baroque assez soigné et des péripéties qui ne manquent pas d'une poésie morbide (la mariée se condamnant dans le coffre banc en pierre). La fin ouverte quant à la vision (ou la fabulation) du cadavre est également réussie.

A revoir peut-être un jour dans un état de fatigue moins avancé (pas facile de jongler avec le festival de films coréens) mais la mise en scène comme l'histoire sont assez prenant même si je trouve que Torre Nilsson ne gère pas toujours très bien sa couleurs (si on compare à son travail sur le noir et blanc)


les sept fous (1972)
Dans celui-ci la couleur est bien mieux exploité et utilisé. Il faut dire de façon général que l'aspect visuel est plus soigné avec une joli reconstitution du début du siècle.
L'histoire est passionnante sur le papier (un ingénieur qui s'ennuie au travail et dans son couple rejoint un groupe de terroristes amateurs qui planifie un attentat/coup d'état). Le problème c'est que ça dure 2h et que le cinéaste/co-scénariste opte pour une distanciation qui ne cache pas un certain cynisme envers son héros. Du coup, je me suis senti une nouvelle fois extérieur au récit tout en regrettant le manque de dynamisme. Dommage car il y a avait un vrai potentiel quant on voit ce que peut proposer la dernière demi-heure plus rythmé et où le second degré fonctionne bien avec une ironie mordante pour un regard très critique sur la politique.


A suivre :wink:
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Re: Leopoldo Torre Nilsson (1924-1978)

Message par riqueuniee »

Il est vrai que malgré le peu de films que j'ai pu voir, j'ai quand même trouvé des thèmes récurrents : notamment celui de la famille au comportement étrange et de l'individu face à celle-ci (c'était d'ailleurs noté dans le programme de la Cinémathèque). Notamment dans la Chute et le Crime d'Oribe.
Autre constante, le travail sur la photo (un noir et blanc expressionniste) et les cadrages atypiques (dans la maison de l'ange et la Chute). Sans parler, d'une façon plus générale, de la description de la bourgeoise argentine et de ses conventions.
Ce dernier film est peut-être un des meilleurs que j'ai vus, avec sa description d'une fratrie bizarre : quatre frères et soeurs (4 à 13 ans à peu près) livrés à eux-mêmes (père disparu dans un naufrage, mère ne quittant guère sa chambre) et vivant selon leurs propres règles.
Il semble que sa meilleure période soit les années 50.
Dernière modification par riqueuniee le 24 oct. 11, 18:12, modifié 1 fois.
bruce randylan
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Re: Leopoldo Torre Nilsson (1924-1978)

Message par bruce randylan »

Yep, j'ai aussi la chute hier. Peut-être son meilleur en effet. L'un de ses plus aboutis visuellement avec une histoire originale qui sort justement un peu de ses thèmes habituels. Singulier et très fort.

Je regrette vraiment d'avoir raté 70 fois 7 dont j'ai encore entendu beaucoup de bien ces derniers jours. :(
Dernière modification par bruce randylan le 26 oct. 13, 17:21, modifié 1 fois.
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Re: Leopoldo Torre Nilsson (1924-1978)

Message par riqueuniee »

Même si les deux films sont très différents , un tel thème le rapproche d'un film comme Chaque soir à neuf heures, dont le point de départ est comparable : gamins livrés à eux-mèmes, mère malade, père absent.
Une telle description de l'enfance (hors films horrifico-fantastiques) est tout de même assez rare.
bruce randylan
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Re: Leopoldo Torre Nilsson (1924-1978)

Message par bruce randylan »

Peau d'été (1961)

Un opus pas déplaisant mais qui s'oublie très rapidement.
On y suit une jeune femme sensée "divertir" un homme de son âge atteint d'une maladie incurable. Il tombe logiquement amoureux d'elle au point d'être en voie de guérison contre toute atteinte.

Le problème vient d'un scénario qui manque de surprises en ne s'écartant que très peu des stéréotypes inhérents à ce genre d'histoire. Par moment on est même dans de gros clichés qui culminent dans une fin mélo artificiellement pessimiste.
Dommage car les acteurs sont plutôt bons, les personnages attachants et que la tonalité est moins froide que d'habitude. Le noir et blanc est d'ailleurs plus lumineux que dans ses autres opus mais la réalisation est finalement inégale avec une poignée de séquences brillantes et virtuoses et d'autres passages bien plus académiques.

Dispensable donc.


La terrasse (1963)

Un groupe d'adolescents bourgeois et insouciants improvise une fête autour d'une piscine sur la terrasse d'un immeuble luxueux. mais bientôt les adultes exigent de récupérer les lieux


Plutôt pas mal du tout cette métaphore socio/politique sur l'oppression, l'aliénation, la répression, la dictature et le conditionnement. Le film aborde pas mal de thèmes avec une certaine force qui n'est pas sans évoquer par moment la violence un peu absurde de Kafka.
Gros hic malheureusement lors de sa diffusion : il y a eut pas loin de 20 minutes sans sous-titres et notamment sur des passages clés de la parabole politique (le jeu autour de la piscine où les jeunes se poussent à tour de rôle dans l'eau). Assez frustrant car ça avait plutôt intelligent.
Celà dit, le film est très bizarrement structuré, commençant par le quotidien d'une petite fille qui fait office de concierge dans l'immeuble (là aussi, ces images renvoient à une métaphore sur une certaine forme d'esclavagisme sur fond de lutte de classe) avant de changer de focalisation narrative en suivant le groupe de jeunes.
Le rythme en pâtit à plusieurs reprises et ainsi le film n'exploite pas toutes les directions lancées. La fin par exemple laisse une impression d'inachevée dans une conclusion précipitée qui ne va pas jusqu'au bout de ses idées.

C'est cette tiédeur dans le traitement qui agit contre le film. Je n'aurai pas été contre de quelque de plus radicale (comme le cinéma japonais de cette période aurait pu le faire). Mais ça reste une œuvre régulièrement passionnante, assez forte et audacieuse avec un regard qui refuse le manichéisme sans tomber dans le cynisme.
Ce n'est pas aussi le plus formaliste des titres de Torre Nilsson et c'est plutôt une bonne chose pour l'occasion.
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Re: Leopoldo Torre Nilsson (1924-1978)

Message par bruce randylan »

Bon, je reviens très vite fait sur 2 titres vu en fin de cycle

La main dans le piège (1961)

Bon là, c'est bête, je m'en rappelle plus du tout. J'étais très fatigué en allant à la séance et j'avoue avoir eut un mal fou à suivre l'histoire (j'ai même sans doute piqué du nez :oops: ).
Pour ce que je me souviens, c'était une histoire tortueuse et ambigüe à souhait qui évoque une nouvelle fois les secrets cachés et l'hypocrisie d'une famille bourgeoise. Ici, l'argument n'est pas loin de Jane Eyere avec une personne gardée enfermée dans une chambre d'une immense demeure. Apparences, mensonges, manipulations, histoire d'amour etc... L'intrigue ne manque pas de mystères et de révélations (vraies ou fausses).
Mise en scène très soignée avec quelques séquences parmi les plus stylisées du cinéma de Torre Nilsson mais l'austérité ambiante à eut raison de mon manque de sommeil.

Mais dans l'absolu, ça avait l'air d'être une pièce de choix dans la filmographie du réalisateur.


Fin de fête (1960)
Plus beaucoup de souvenirs de celui-ci également mais je sais que l'histoire était très décevante avec un traitement qui sous-exploitait un postulat très alléchant : un adolescent est témoin de l'exécution de deux opposants politique de son grand-père qui est prêt à tout pour garder le pouvoir. Le jeune homme chercher alors à tout faire pour que celui-ci ne soit pas ré-élu.
L'histoire s'égarait trop longuement dans des sous-intrigues plus ou moins inutiles à la psychologie et aux vrais enjeux. Le rythme s'en ressentait fortement avec un désintérêt pour les personnages (assez stéréotypés de surcroit).
Quant à la mise en scène, rien ne m'a marqué même si on devait trouver sans aucun doute les même qualités que bons nombres de ses films de cette période... mais comme souvent, la beauté plastique s'accompagne d'une froideur vite lassante.


Sinon, j'ai écrit pour 1kult un texte sur Jours de haine (1953), première réalisation en solo de Torre Nilsson et l'un de ses meilleur film grâce justement à une histoire très prenante. :wink:
http://www.1kult.com/2011/11/18/jours-d ... e-nilsson/
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Re: Leopoldo Torre Nilsson (1924-1978)

Message par bruce randylan »

Big Up !

La cinémathèque a eut la bonne idée de reprogrammer dans l'histoire du cinéma permanente 70 fois 7 (1962) :)

et en effet, le film est un bonne claque :D

Une prostituée obsédée par un trou se formant dans le plafond de sa chambre de passe se rappelle son passé : alors qu'elle travaillait dans une modeste boutique perdue dans l'argentine profonde, elle part suivre un éleveur de mouton qui vit dans un endroit quasi désertique, espérant trouver de l'eau dans un puits qu'il a commencé à creuser. Les choses changent quand un voleur passé pour mort arrive près de leur habitation

Torre Nilsson délaisse son style baroque et sur-stylisée pour une approche plus aride et sèche qui correspond mieux à son histoire qui se déroule essentiellement dans un grand nombre de lieux fermés : un bordel sordide, un cabanon vétuste à deux doigts de s'écrouler et un puits de plus en plus profonds. Même les extérieurs autour de la maisonnette de fortune deviennent rapidement un synonyme de huit-clos étouffant avec son malaise qui s'installe, gronde, grandit et finit par éclater dans un dernier acte lourd, étouffant et inéluctable.
Il faut dire que, fidèle à une bonne partie de ses thèmes de prédilection, le cinéaste traite de la frustration, du désir, de la culpabilité, de le domination sociale, manipulation et de sadisme (mental avant tout mais pas que).

Ca donne ce film, une fable cruel quelque part entre le Vent de Sjostrom (pour son cadre, son personnage féminin, l'installation d'une certaine folie) et un fétichisme hérité de Bunel avec sa tension érotique, son immoralité, son ménage à trois, une touche d'humour décalé et son imagerie par moment surréaliste (dont ce trou au plafond qui prend plusieurs sens au fur et à mesure que le film progresse : évocation du corps que l'héroïne marchande pour vivre, parabole sur leur existence perdu dans un no man's land, métaphore d'une blessure par balle, puis d'une cicatrice au visage avant de renvoyer au puits qui se creuse).
Ce genre de symbolisme, comme sa construction en flash-back, parvient à détourner un grand nombre de cliché, d'attente et de caricature qu'on pouvait craindre à première vue. Sa construction dramatique est une petite merveille, d'autant plus riche que 70 fois 7 ne dépasse pas les 90 minutes. De plus avec son rythme lancinant qui correspond aux rafales de vent qui viennent balayer la poussière et faire frapper la porte en bois contre la batisse branlante, le film trouve un véritable souffle, certes posé mais rapidement entêtant voire obsédant. Une tragédie qu'on devine sans pour autant la prévoir.

Un dernier mot pour évoquer les acteurs qui parviennent tous à développer leurs personnages avec une réelle ambiguïté qui fait qu'on ne sait jamais trop si leurs comportements sont sincères ou calculateur (sauf lors des 15 dernières minutes pour rendre la situation plus forte).

Autant dire que je regrette pas cette cession de rattrapage :D
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