Edgar G. Ulmer (1904-1972)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

Modérateurs : cinephage, Karras, Rockatansky

Répondre
daniel gregg
Producteur Exécutif
Messages : 7030
Inscription : 23 févr. 04, 23:31

Edgar G. Ulmer (1904-1972)

Message par daniel gregg »

L'occasion de dédier un topic à ce réalisateur dont la filmographie, inégale mais passionnante, reste encore à explorer, notamment certains films difficiles à découvrir comme Club Havana, Carnegie Hall, Ruthless ou encore Greenfields.
THE NAKED DAWN

Image

Réalisation : Edgar George Ulmer.
Scénario : Nina et Herman Schneider (en fait Julian Halevy, alors blacklisté)
Photographie : Fredrick Gately (technicolor)
Musique : Herschel Burke Gilbert.
Production : James O'Radford pour Universal.
USA-1955-82'

Interprétation : Arthur Kennedy ( Santiago), Betta St John ( Maria), Eugene Iglesias ( Manuel), Roy Engel ( Guntz), Francis McDonald ( le veilleur de nuit)

Au Mexique, après le vol d'un wagon de marchandises, Santiago perd son ami, blessé pendant l'opération.
Au cours de sa fuite, il trouve refuge dans la petite ferme d'un jeune couple d'origine indienne.
Manuel traite sa femme, Maria, avec peu d'égards; il est en outre affublé d'un certain nombre de tares (hypocrisie, lacheté, avidité) qui s'exprimeront lorsque Santiago récupérera l'argent du vol.
Maria, ne tenant plus à subir les outrages d'un mari veule et cupide souhaite partir avec Santiago, mais les circonstances les en empêcheront...

Image

Sur le ton élégiaque, Edgar G Ulmer nous offre une histoire à la simplicité biblique où chacun des trois personnages principaux se lie avec cohérence à son environnement, à la société qui l'entoure, à tel point que que les caractéristiques réunies de ces trois figures confèrent une touche universelle au propos du réalisateur.
A la manière d'un conte des Mille et une nuits dont la morale apparait intemporelle, ce film brillant marque les esprits non par les péripéties ou intrigues qu'il contient (pour le coup, on est presque dans un huis clos), mais plutôt par la matière dont sont fait ses protagonistes, matière qu'on verra se forger, se travailler au contact de l'autre.
En effet, la visée morale de cette oeuvre pourrait être l'altruisme, cette richesse indescriptible et ô combien précieuse qu'on obtient en s'offrant sans calculs à la différence, en s'affranchissant de toute espèce d'à priori, mais aussi d'intérêts personnels.

Ce couple réuni par intérêts plus que par amour se verra offrir une nouvelle chance à la fin du film.
Sur la voie de la rédemption, Manuel saura t-il se défaire de ses travers ?
Ulmer, tout en retenue, ne nous livre aucune certitude, mais au moins, on devine que Santiago ne sera pas mort pour rien, lui qui apporte une providence inespérée à ce jeune couple.

Image

Arthur Kennedy, déjà admirable dans un autre western à l'action confinée qu'est Rancho Notorious de Fritz Lang mais aussi chez Mann ( Bend of the river, The Man from Laramie), livre ici une composition d'une richesse inouïe.
Mi-ange, mi-démon, il incarne la figure synthétique et définitive du western.

Personne d'autre qu'Ulmer ne pouvait raconter avec tant de fluidité et de naturel cette histoire présentée comme une fable, lui qui raconte les mystères insondables de sa vie comme un film.
( cf. Tavernier et Coursodon, 50 Ans de Cinéma Américain, la notice consacrée à Edgar George Ulmer, mais aussi Amis Américains de Tavernier.
Enfin pour les admirateurs du réalisateur de Black Cat, Detour, Bluebeard, Strange Woman, The Man from Planet X, il existe ce livre paru à l'occasion de l'hommage rendu à Ulmer en 2002 par le Festival d'Amiens, intitulé Le Bandit démasqué, édité par Yellow Now, avec de nombreux textes et analyses de Michael Henry Wilson, Tavernier, Lourcelles, Moullet, Truffaut, Bogdanovich.)
Julien Léonard
Duke forever
Messages : 11824
Inscription : 29 nov. 03, 21:18
Localisation : Hollywood

Re: Edgar G. Ulmer (1904-1972)

Message par Julien Léonard »

Excellente idée de topic ! Je présume en revanche qu'il n'existe aucune édition DVD pour ce film... J'aime beaucoup Arthur Kennedy.
Image
Avatar de l’utilisateur
Jeremy Fox
Shérif adjoint
Messages : 99625
Inscription : 12 avr. 03, 22:22
Localisation : Contrebandier à Moonfleet

Re: Edgar G. Ulmer (1904-1972)

Message par Jeremy Fox »

Aucune avec sous titres en tout cas.

Je rajoute Ulmer au topic de Nestor
Julien Léonard
Duke forever
Messages : 11824
Inscription : 29 nov. 03, 21:18
Localisation : Hollywood

Re: Edgar G. Ulmer (1904-1972)

Message par Julien Léonard »

Jeremy Fox a écrit :Aucune avec sous titres en tout cas.

Je rajoute Ulmer au topic de Nestor
Même sans sous-titres, je serais preneur. Cela dit, si Sidonis voulait quelques idées pour la suite...
Image
daniel gregg
Producteur Exécutif
Messages : 7030
Inscription : 23 févr. 04, 23:31

Re: Edgar G. Ulmer (1904-1972)

Message par daniel gregg »

Jeremy Fox a écrit :Aucune avec sous titres en tout cas.

Je rajoute Ulmer au topic de Nestor
Voilà qui atténue mon anxiété :
Il n'y avait pas de réalisateurs dont le nom commence par un U ! :mrgreen:
daniel gregg
Producteur Exécutif
Messages : 7030
Inscription : 23 févr. 04, 23:31

Re: Edgar G. Ulmer (1904-1972)

Message par daniel gregg »

Pour compléter :
I PIRATI DI CAPRI (1949) d'Edgar G. Ulmer

avec : Louis Hayward(Captain Scirocco/Le Comte Amalfi), Binnie Barnes(la Reine Caroline), Alan Curtis (le Commandant Van Diel), Rudolph Serato[Massimo Serato](le Baron Von Holstein), Mariella Lotti (La Comtesse Mercedes de Lopez), etc...

Fin du XVIIIéme siécle, Naples est sur le point de sombrer dans la tourmente révolutionnaire.
Le Capitaine Scirocco , avec le Peuple derrière lui s'oppose au régime de terreur que fait mener le Baron Von Holstein par l'entremise de la Reine Caroline...

Bienheureux les cinéphiles qui se sont rendus à Amiens il y a deux ans pour le 22ème festival International du film qui offrait cette année là une rétrospéctive des films du très rare E.G.Ulmer .
Que de films à découvrir de ce réalisateur délaissé (commes d'autres...Dwan, Freda, Fregonese, Sirk, Fuller et j'en passe) par les programmateurs cinéma (ceux de la télévision également).
Car enfin comment expliquer que la filmographie d'Ulmer , pourtant abondante ne se résume qu'à 3 ou 4 films invariablement rediffusés (The Black Cat, Detour, The Man from Planet X) lorsqu'on la sait jalonnée de films à l'interêt indéniable tels que : Greenfields, Damaged Lives, Bluebeard, Club Havana, The Strange Woman, Ruthless et The Naked Dawn pour ne citer que ceux là.
Il y a de ce point de vue un travail en profondeur à repenser aujourd'hui à l'heure où la cinéphilie n'a jamais été aussi accessible à un large public (dvd, chaines spécialisées,etc...) mais en même temps menacée par la pauvreté d'inspiration et la frilosité des programmateurs cinéma dont la principale préoccupaton demeure l'audience du prime time (je n'exclue pas , hélas et c'est un comble, les chaines spécialisées de ce constat).
Heureusement emmergent du lot quelques illuminés à l'enthousiasme inépuisable et communicatif.
Patrick Brion fait partie de ceux là (même si certains cycles de son cinéma de Minuit ont tendance à être recyclés, comment pourrait t-il en être autrement d'ailleurs après 30 ans d'existence), pourvu que çà dure...
C'est à l'occasion du dernier cycle consacré au cinéma italien que Brion a programmé ce film d'Ulmer tourné pour l'occasion en Italie avec des fonds italiens.
Les Pirates de Capri( et non pas Le Pirate de Capri comme le rapporte un Jean Tulard approximatif) est un film à "fragmentation".
Longtemps après la fin du film on se plait à revisiter la beautée fouillée et baroque des décors et l'on finit par faire vivre une seconde fois les personnages, comme dans un songe où miraculeusement tout finit par fonctionner comme on l'a souhaité.
Ceci étant dit au premier abord ce film n'a pourtant rien d'opaque qui nous empêcherait de s'y installer et de l'apprécier instantanément, mais les multitudes d'interprétation qu'offre à voir un Ulmer toujours aussi généreux peuvent momentanément égarer même le plus zélé des spéctateurs.
Ulmer en amoureux de l'histoire qu'il a toujours été nous décrit avec minutie une période transitoire dans la vie des sociétés occidentales : la fin agitée du XVIIIème siécle , ici en Italie.
C'est par le détail qu'il donne une véracité étonnante à son propos, comme cette obsession permanente chez la Reine de fuir afin d'échapper au sort qu'ont fait subir les révolutionnaires français à Marie-Antoinette.
Souci du détail historique jusque dans la description psychologique des personnages determinant d'une révolution.
A travers la double identité Comte Amalfi/ Capitaine Scirocco, Louis Hayward , à la fois pourfendeur et défenseur du peuple, campe une de ces figures schizophréniques dont l'histoire est riche et qui rend parfois si difficile l'attribution du mérite ou de la responsabilité de tel ou tel personnage dans le changement du cours de l'histoire d'une nation.
"[...]Ce petit joyau maniériste filmé sur les rivages italiens , mais en nuit "américaine" ou à l'heure "magique", célèbre les pouvoirs de l'illusion et de l'ingeniosité."( Michael Henry Wilson in "Edgar G. Ulmer, le Bandit Démasqué".Festival international du film d'Amiens. Edition Yellow Now.coté cinéma. ( qui compte également un nombre important d'intervenants dont J.Louis Bourget, Tad Gallagher, Bill Krohn, J.Lourcelles, B.Tavernier, P.Bogdanovich, etc...)
Avatar de l’utilisateur
Jack Carter
Certains l'aiment (So)chaud
Messages : 30343
Inscription : 31 déc. 04, 14:17
Localisation : En pause

Re: Edgar G. Ulmer (1904-1972)

Message par Jack Carter »

tiens, j'ai prevu de me le mater bientot, celui-là :)
Image
The Life and Death of Colonel Blimp (Michael Powell & Emeric Pressburger, 1943)
daniel gregg
Producteur Exécutif
Messages : 7030
Inscription : 23 févr. 04, 23:31

Re: Edgar G. Ulmer (1904-1972)

Message par daniel gregg »

:shock: Intégrale Ulmer à la Cinémathèque du 4 Juillet au 5 Aout ! :D :D :D
Je crois bien que je vais monter deux jours en Juillet, et surtout je crois que je vais bientôt émigrer définitivement dans la capitale...
Avatar de l’utilisateur
Rick Blaine
Charles Foster Kane
Messages : 24136
Inscription : 4 août 10, 13:53
Last.fm
Localisation : Paris

Re: Edgar G. Ulmer (1904-1972)

Message par Rick Blaine »

daniel gregg a écrit ::shock: Intégrale Ulmer à la Cinémathèque du 4 Juillet au 5 Aout ! :D :D :D

Tiens, je ferais peut-être l'effort de sortir de chez moi pour aller découvrir quelques titres. :D
daniel gregg
Producteur Exécutif
Messages : 7030
Inscription : 23 févr. 04, 23:31

Re: Edgar G. Ulmer (1904-1972)

Message par daniel gregg »

Rick Blaine a écrit :
daniel gregg a écrit ::shock: Intégrale Ulmer à la Cinémathèque du 4 Juillet au 5 Aout ! :D :D :D

Tiens, je ferais peut-être l'effort de sortir de chez moi pour aller découvrir quelques titres. :D
:D Je pense venir les 11 et 12 Juillet.
Avatar de l’utilisateur
Jack Carter
Certains l'aiment (So)chaud
Messages : 30343
Inscription : 31 déc. 04, 14:17
Localisation : En pause

Re: Edgar G. Ulmer (1904-1972)

Message par Jack Carter »

daniel gregg a écrit :
Rick Blaine a écrit :

Tiens, je ferais peut-être l'effort de sortir de chez moi pour aller découvrir quelques titres. :D
:D Je pense venir les 11 et 12 Juillet.
il y aura bien une retro à l'Institut Lumiere cet hiver..

je ne crois meme pas à ce que je viens de dire :roll:
Image
The Life and Death of Colonel Blimp (Michael Powell & Emeric Pressburger, 1943)
daniel gregg
Producteur Exécutif
Messages : 7030
Inscription : 23 févr. 04, 23:31

Re: Edgar G. Ulmer (1904-1972)

Message par daniel gregg »

Jack Carter a écrit :
daniel gregg a écrit :
:D Je pense venir les 11 et 12 Juillet.
il y aura bien une retro à l'Institut Lumiere cet hiver..

je ne crois meme pas à ce que je viens de dire :roll:
:mrgreen: JC à Paris !
daniel gregg
Producteur Exécutif
Messages : 7030
Inscription : 23 févr. 04, 23:31

Re: Edgar G. Ulmer (1904-1972)

Message par daniel gregg »

Le programme donc, c'est ici.
Et le calendrier des projections ici.
Ah enfin avoir l'occasion de découvrir Carnegie hall et Ruthless, et même The singing blacksmith ! :D
Avatar de l’utilisateur
Demi-Lune
Bronco Boulet
Messages : 14973
Inscription : 20 août 09, 16:50
Localisation : Retraité de DvdClassik.

Re: Edgar G. Ulmer (1904-1972)

Message par Demi-Lune »

Détour (1945)

Je reste un peu sur ma faim... au regard de sa réputation très flatteuse, qui le place parmi les incontournables du film noir, j'en attendais légitimement plus. Pas que ce soit mauvais, non, simplement j'ai personnellement du mal à voir en Détour plus que ce qu'il n'est effectivement, à savoir une petite série B sympa. Et quelque part ça me frustre parce que le film aligne de bonnes cartes et se singularise grâce à son personnage de sale vache, Véra, et ses rebondissements totalement improbables (quelques unes des morts les plus connes du cinéma :lol: ). Je suis persuadé qu'en des mains plus expertes, en de plus favorables circonstances, ça aurait été plus abouti. Je pense notamment que la faible durée de l'ensemble joue à la fois en sa faveur et en sa défaveur. En sa faveur parce qu'il y a un côté dégraissé qui rend la découverte efficace d'un simple point de vue rythmique. En sa défaveur parce qu'en à peine une heure, il est difficile pour le film de prendre une véritable ampleur. De fait, il me reste en bouche un arrière-goût d'insatisfaction, de "tout ça pour ça?", parce que les trouvailles scénaristiques restent agencées dans une trame trop précipitée, qui aurait à mon sens mérité un développement plus poussé, plus ambitieux. Je sais que c'est ce côté dégraissé qui plait en général autour de ce film, mais en ce qui me concerne, je vois surtout l'esquisse de quelque chose qui aurait sans doute pu être encore meilleur si ce film avait été plus qu'une prod' un peu fauchée confiée à un exécutant démerdard. Bon film, donc, mais rien d'extraordinaire non plus.
Avatar de l’utilisateur
Père Jules
Quizz à nos dépendances
Messages : 16901
Inscription : 30 mars 09, 20:11
Localisation : Avec mes chats sur l'Atalante

Re: Edgar G. Ulmer (1904-1972)

Message par Père Jules »

C'est bizarre, tu soulignes à juste titre tout ce qui fait le prix de ce film que j'estime remarquable mais tu ne peux pas t'empêcher de faire la fine bouche. :) Tu l'as dit, tout réside justement dans l'absence quasi totale de moyens, la "sécheresse technique" de l'ensemble, la fatalité qui s'abat sur le personnage principal (bon, c'est vrai, il n'a vraiment pas de pot). J'ai du mal personnellement à me projeter jusqu'à imaginer ce qu'il aurait pu donner entre les mains d'un réalisateur plus reconnu (le terme "exécutant" me gêne un peu concernant Ulmer, qui était tout de même bien plus que ça) -tu penses à qui ? Siodmak ? Wilder ?- car je trouve le film en l'état presque parfait. D'autant qu'il émane a posteriori de ce film une ambiance particulière lorsqu'on connait l'histoire de Tom Neal. Je n'ai pas pour habitude de m'intéresser aux "à-côtés", mais là franchement, la réalité rejoint tellement la fiction que Detour sonne bien plus qu'un simple film de série fauché et sans ambition.
Répondre