Le cinéma français des années 50

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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riqueuniee
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Re: Le cinéma français des années 50 (1950-59)

Message par riqueuniee »

Simenon a dit une fois,dans une interview je ne sais plus où (sans doute dans les années 50,c'était cité dans un article sur Maigret au cinéma),qu'il aurait aimé voir son personnage interprété par Blier.Celui-ci n'a jamais interprété ce personnage.On peut rajouter aux acteurs cités par pak Gino Cervi,qui a interprété Maigret pour la télévision italienne dans les années 60.Pas forcément une mauvaise idée...
Federico
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Re: Le cinéma français des années 50 (1950-59)

Message par Federico »

Blier en Maigret, ça aurait été géant ! En plus, il fumait lui aussi la pipe.
Bon, pour les sandwiches, je suis moins sûr, le bonhomme avait un sacré coup de fourchette et ne donnait pas trop dans le fassefoude. :wink:
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Re: Le cinéma français des années 50 (1950-59)

Message par riqueuniee »

Vous ne croyez pas si bien dire ; savoir fumer la pipe (et même parler en fumant la pipe),ça peut être déterminant pour interpréter Maigret (c'est ce que j'ai lu à propos de Jean Richard)
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Commissaire Juve
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Re: Le cinéma français des années 50 (1950-59)

Message par Commissaire Juve »

Un petit "off topic"...

Il y a peu, un de nos amis ( :mrgreen: ) réclamait l'édition de Si tous les gars du monde (Christian-Jaque, 1956). Je ne l'avais jamais vu. C'est fait, grâce à ARTE.

Eh bien : Image Image Image

Oh, c'te machin ! :lol: Qu'on pourrait résumer à une réplique d'époque (mais qui ne figure pas dans le film) :
C'que vous êtes chics, les copains !
Comme je le disais à Pak, "faut voit tout ça en se mettant à la place des spectateurs de l'époque". Mais avec le cynisme qui caractérise notre mentalité d'aujourd'hui, les occasions de ricaner sont nombreuses. Cela dit, dernièrement, j'ai vu un film de 2010 dans la même veine. ça se terminait par un message prêchi-prêcha clairement affiché qui m'a foutu le spectacle en l'air. Finalement, les bons sentiments au cinéma, c'est un art délicat, c'est très casse-gueule.
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Re: Le cinéma français des années 50 (1950-59)

Message par Federico »

Commissaire Juve a écrit : Il y a peu, un de nos amis ( :mrgreen: ) réclamait l'édition de Si tous les gars du monde (Christian-Jaque, 1956). Je ne l'avais jamais vu. C'est fait, grâce à ARTE.

Eh bien : Image Image Image

Oh, c'te machin ! :lol: Qu'on pourrait résumer à une réplique d'époque (mais qui ne figure pas dans le film) :
C'que vous êtes chics, les copains !
Tintin sortait souvent le qualificatif chic dans ses albums d'avant-guerre. Donc même cette réplique d'époque devait commencer à être surannée chez les djeunz de 56 qui la remplaçaient peut-être par bath. :wink:
Commissaire Juve a écrit :Finalement, les bons sentiments au cinéma, c'est un art délicat, c'est très casse-gueule.
Eh oui, tout le(s cinéastes du) monde ne s'appelle(nt) pas Capra, Renoir, Ozu, Satyajit Ray, Wes Anderson... et quelques rares autres.
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Re: Le cinéma français des années 50 (1950-59)

Message par Commissaire Juve »

Federico a écrit :...
Tintin sortait souvent le qualificatif chic dans ses albums d'avant-guerre. Donc même cette réplique d'époque devait commencer à être surannée chez les djeunz de 56 qui la remplaçaient peut-être par bath. :wink: ...
Mais attention... dans le film, les personnages sont des adultes (en dehors de Jean-Louis Trintignant), des gens qui ont fait la guerre pour certains. "Bath", c'est pas dans leur vocabulaire. :mrgreen:
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Re: Le cinéma français des années 50 (1950-59)

Message par Federico »

Commissaire Juve a écrit :
Federico a écrit :...
Tintin sortait souvent le qualificatif chic dans ses albums d'avant-guerre. Donc même cette réplique d'époque devait commencer à être surannée chez les djeunz de 56 qui la remplaçaient peut-être par bath. :wink: ...
Mais attention... dans le film, les personnages sont des adultes (en dehors de Jean-Louis Trintignant), des gens qui ont fait la guerre pour certains. "Bath", c'est pas dans leur vocabulaire. :mrgreen:
Il y a quand même aussi Roger Dumas et Georges Poujouly...
Bah... De toute façon, je n'étais pas né à cette époque. :wink:
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Message par Nestor Almendros »

DES FEMMES DISPARAISSENT d'Edouard Molinaro (1959)

Une bonne surprise. Molinaro est décidément plus connu pour ses comédies populaires alors qu'il réalisa quelques films noirs plutôt intéressants (dont UN TEMOIN DANS LA VILLE la même année). Le début fait un peu peur, avec une mise en place longuette et presque clichesque, avec aussi quelques lourdeurs (la musique jazzy qui surligne trop l'ambiance) mais très vite l'intrigue prend le dessus, le film devenant alors plus intéressant. Pas jusqu'au bout malheureusement, l'assaut final m'ayant moins convaincu. Ceci dit, il y a quelques bons moments, notamment dans des mini-huis clos, et un scénario qui joue assez bien sur les rebondissements et les surprises, les quiproquos et les situations à seul suspense. Pas de psychologie démesurée: ici prime l'efficacité. Les deux premiers tiers fonctionnent bien et rendent le film très agréable à suivre (pour moi qui ne suis pas un inconditionnel du polar français de cette époque).
Molinaro fait ça à l'américaine, avec des cadres très graphiques, une lumière contrastée (que j'ai deviné plus qu'autre chose dans le master très essoufflé diffusé sur Cinépolar). Il est aidé par un bon casting: Hossein est plein d'énergie, on peut regretter que son personnage ne sorte pas plus de la figure du voyou (le regard caméra à la toute fin passe ainsi un peu à côté de ses intentions). Face à lui on a un Philippe Clay qui a bien la gueule de l'emploi, parfait en homme de main impitoyable. N'oublions pas Jacques Dacqmine est son phrasé envoutant (j'aime beaucoup sa voix).
Signalons enfin les excellents dialogues d'Albert Simonin qui ne sont pas étrangers à la bonne impression que m'a donné ce film. Pas un chef d'oeuvre mais suffisamment intéressant pour que je le recommande.
"Un film n'est pas une envie de faire pipi" (Cinéphage, août 2021)
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Re: Le cinéma français des années 50 (1950-59)

Message par Grimmy »

J'ai été très content de tomber sur "Si tous les gars du monde" de Christian-Jaque, l'autre jour sur Arte. Eétant un inconditionnel de Jean-Louis Trintignant, j'ai enfin pû voir son premier film. Bon, effectivement, c'est loin d'être formidable, mais je dois avouer que j'ai plutôt bien aimé. Je crois que le charme de l'époque y est pour beaucoup. Voir Trintigant et Dumas agés d'à peine 25 ans, c'est sympa quand même ! (ils se retrouveront au théâtre 50 ans après dans la pièce "-2" de Benchetritt !). Les petits bistrots, les rues de Paris, les seconds rôles dans le segment en Afrique, tout ça, moi j 'aime beaucoup. Après, le côté violons c'est pas terrible, mais ça n'a pas suffit à gâcher mon plaisir.
merci Arte !!
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Re: Le cinéma français des années 50 (1950-59)

Message par Commissaire Juve »

Grimmy a écrit :J'ai été très content de tomber sur "Si tous les gars du monde" de Christian-Jaque, l'autre jour sur Arte. Eétant un inconditionnel de Jean-Louis Trintignant, j'ai enfin pû voir son premier film. Bon, effectivement, c'est loin d'être formidable, mais je dois avouer que j'ai plutôt bien aimé. Je crois que le charme de l'époque y est pour beaucoup. Voir Trintigant et Dumas agés d'à peine 25 ans, c'est sympa quand même ! (ils se retrouveront au théâtre 50 ans après dans la pièce "-2" de Benchetritt !). Les petits bistrots, les rues de Paris, les seconds rôles dans le segment en Afrique, tout ça, moi j 'aime beaucoup. Après, le côté violons c'est pas terrible, mais ça n'a pas suffit à gâcher mon plaisir.
merci Arte !!
Ah mais, j'ai bien aimé aussi... mais j'ai souvent pensé "rhoooo !". :mrgreen:

Nestor Almendros a écrit :DES FEMMES DISPARAISSENT d'Edouard Molinaro (1959)

Une bonne surprise... ici prime l'efficacité. Les deux premiers tiers fonctionnent bien et rendent le film très agréable à suivre (pour moi qui ne suis pas un inconditionnel du polar français de cette époque)...je le recommande.

Existe en René Chateau (16.9e) de belle facture. (mon test : http://ahbon.free.fr/DVD_1622.html)
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Re: Le cinéma français des années 50 (1950-59)

Message par Commissaire Juve »

Miquette et sa mère (Henri-Georges Clouzot, 1950), avec Danièle Delorme, Louis Jouvet, Bourvil...

Visionné en deux fois... Je le sentais moyen -- d'autant que l'image de l'édition kiosque est très très moyenne -- et, finalement, j'ai trouvé le film assez drôle.

Si l'on jette un coup d'oeil à la chronologie du cinéma français d'alors, on constate que ce film suit de très près Occupe-toi d'Amélie (Claude Autant-Lara, 1949) et qu'il a peut-être été réalisé avec l'idée d'en exploiter la recette. Le côté réprésentation théâtrale qui part doucement en vrille, les clins d'oeil fréquents faits aux spectateurs (on aime ou pas), un final plus ou moins foutraque. Il ne manque que la mise en abyme.

Danièle Delorme, Saturnin Fabre et Louis Jouvet en font des kilos ; c'est assez sympa. Bourvil est encore en devenir, toujours dans son registre niaiseux.

Dommage que le dvd ne soit pas à la hauteur.

EDIT : le boulot a été fait avec une telle désinvolture que même le verso de la jaquette raconte n'importe quoi !
... Dépitée de voir celui qu'elle aime fiancé à une autre, elle part pour Hollywood. Mais le jeune homme, appelé pour un championnat de tennis l'y retrouve...
:shock: :shock: :shock:

Inutile de vous dire qu'il n'y a pas plus d'Hollywood que de "championnat de tennis" dans ce film. :roll:
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Re: Le cinéma français des années 50 (1950-59)

Message par Commissaire Juve »

Image

Les Amants de Minuit (Roger Richebé, 1953), avec Jean Marais, Dany Robin, Louis Seigner...

Je le termine à l'instant. Vachement sympa. :P

C'est un joli conte de Noël (ça tombe à point). Jean Marais débarque à Paris -- aéroport du Bourget -- un soir de Noël. Il se cherche une compagne pour faire le réveillon et tombe sur Dany Robin, pov petite Cendrillon. Il l'habille de pied en cap et lui fait passer le plus beau réveillon de sa petite vie d'employée aux cheveux gras...

Je n'en dis pas plus, mais... il y a quand même anguille sous roche.

Comme dirait (et "a dit") Mocky : c'est du cinéma pour les "boniches" de l'époque, pour les lectrices de Nous Deux. Oué. Et alors ? On marche. Dany Robin est mignonne comme tout ; les spectateurs mâles sont en extase. Jean Marais est tout en smoking ; les spectatrices -- peut-être -- ont les yeux qui pétillent. :mrgreen: Le couple est sympa, tellement sympa qu'en novembre 1953, il sera de nouveau réuni dans Julietta de Marc Allégret.

Pas grand-chose d'autre à dire si ce n'est que -- pour un film de cet acabit -- la fin force carrément le respect.

Dommage que l'édition DVD (chez LCJ) soit si médiocre :roll: (image lessivée, soft, parfois floue... affreux).
On peut lire mon test ici : http://ahbon.free.fr/DVD_1905.html


EDIT : à l'attention de Federico... à un moment, Dany Robin dit à Jean Marais...
... c'que vous êtes chic !
:mrgreen:
Dernière modification par Commissaire Juve le 26 déc. 10, 22:51, modifié 3 fois.
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Re: Le cinéma français des années 50 (1950-59)

Message par Federico »

Commissaire Juve a écrit :
EDIT : à l'attention de Federico... à un moment, Dany Robin dit à Jean Marais...
... c'que vous êtes chic !
:mrgreen:
On est chez Richebé... :wink:
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Édouard et Caroline (1950)

Message par pak »

7. Édouard et Caroline de Jacques Becker (1950) :

Avec Daniel Gélin, Anne Vernon, Jacques François, Jean Galland, Betty Stockfeld, Jean Toulout, Jean Marsac... Scénario de Jacques Becker et Annette Wademant – Dialogues d'Annette Wademant – Musique de Jean-Jacques Grünenwald – Genre : comédie – Production française – Date de sortie : 06/04/1951
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Édouard, pianiste de talent méconnu, et sa femme Caroline se préparent à se rendre à une soirée organisée dans le XVIème, chez l'oncle de Caroline, les Beauchamp, mais ils se disputent. Durant la soirée, Caroline arrive au bras d'Alain, son cousin, qui depuis longtemps essaye de la séduire, ce qui n'arrange rien...


Sous un aspect de légèreté, Jacques Becker traite d'un sujet qui sera de plus en plus exploité par le cinéma français des décennies suivantes : l'usure du couple, ses petites, puis grandes engueulades, ses moments où aucun des deux ne fait plus le premier pas de la réconciliation, le compromis devenant difficile, aggravant volontairement ou non la situation.

C'est donc une comédie sentimentale montrant un jeune couple idéal qui s'aime, mais plus grave qu'elle n'en a l'air.

Mais l'auteur va plus loin dans sa réflexion et mêle à son intrigue à première vue innocente un contexte social qui vient l'enrichir. Car il ne peut pas vraiment développer l'idée de la crise du couple autrement qu'au travers de la comédie. Il faut dire qu'à l'époque du tournage, le divorce n'est pas vraiment dans les mœurs. C'est une menace qu'on brandit comme dans le film, mais peu suivie de faits, car le mariage est encore une institution, sinon sacrée, du moins dans la norme. De plus une notion de honte colle toujours aux basques du divorce, dont les textes de loi appliqués remontaient alors à 1908 (il faudra attendre 1975 pour une réforme profonde et une démocratisation de l'acte).

L'aspect social se divise en deux parties : l'appartement du couple, puis celui de la soirée mondaine. Le début du film montre le cadre de vie d’Édouard et Caroline, avec un sens du détail du quotidien parfois cocasse (par exemple Daniel Gélin en slip kangourou, pas super glamour), un appartement exiguë de 2 pièces, avec un piano à queue, élément dimensionnant et donc identifiant le milieu social : encombrant une pièce, donc définissant un milieu modeste, au milieu d'un grand salon, presque accessoire, comme son pianiste, donc un milieu aisé. De plus, la vision de l'instrument définit celle des personnages. Passionnée et vivante chez Édouard, qui vit de son amour de la musique, presque méprisante (le piano est qualifié de laid) et loué pour une soirée chez Beauchamp, où l'on ne souhaite qu'entendre le résultat final (la musique) et ne rien voir de ce qui y conduit. Amour et quotidien chez les uns, plaisir éphémère et apparences chez les autres.

Comme dans Le trou qu'il tournera 10 ans plus tard (et qui sera son dernier film), Becker ne filme pas l'extérieur. Si dans le premier cas, c'est pour souligner qu'il est inaccessible pour les candidats à l'évasion, dans le deuxième, c'est pour montrer deux mondes étriqués, l'un prisonnier de ses moyens économiques limités, l'autre, petit-bourgeois, refermé sur lui-même. Entre la tendresse évidente du début et la moquerie (gentille) du mini-concert, on sent aisément vers où le cœur de Becker penche.

Mais la décennie 1950, c'est l'insouciance des années qui suivent celles difficiles de la guerre et de l'immédiat après-guerre. Et Becker est dans le ton. S'il y a un semblant de critique sociale, celle-ci est sans méchanceté ni ironie. Tout comme les disputes du jeune couple, qui ne sont finalement pas si graves. D'ailleurs le conflit débute sur un prétexte vestimentaire assez futile, et il se poursuit sur un malentendu. Il n'y a donc pas vraiment d'amorce de drame.

Et s'il utilise ce même conflit pour égratigner une couche sociale aisée, l'auteur injecte suffisamment d'humanité dans son panier de crabes pour rendre ses personnages sympathiques, à l'image de ce mari américain cocu mais lucide, pas vraiment malheureux de cet état de fait, ou l'oncle, s'obstinant à prononcer le prénom de sa nièce à l'anglaise... Daniel Gélin et la pétillante Anne Vernon forment un couple attachant, dans un film au rythme rappelant les comédies américaines des années 1930/40 à la Leo McCarey ou Preston Sturges.

Bref, l'amour triomphe toujours ? La réponse est encore oui, provisoirement...


Étoiles : * * . Note : 13/20.
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Autour du film :

1. Bien que jamais montrée, l'histoire se déroule dans la ville de Paris. Des 13 films longs-métrages qu'il réalisa, seuls 3 ne l'ont pas été dans la capitale. Pour les deux premiers, tournés pendant la guerre, c'était impossible du fait de l'occupation de Paris. Ainsi Dernier atout se situe dans une ville imaginaire. Quant à Goupil mains rouges, c'est une adaptation d'un livre sur les paysans du sud-ouest de la France. Le troisième est Ali Baba et les 40 voleurs avec Fernandel, tourné au Maroc vu le sujet.

2. Anne Vernon n'est pas le nom qui revient le plus souvent lorsqu'on évoque les actrices françaises d'après guerre. De son vrai nom Edith Vignaud, elle est née le 9 janvier 1925 à Saint-Denis. Elle fait les Beaux-Arts d'où elle ressort diplômée, devient ensuite mannequin puis apprentie créatrice dans la publicité. Elle débute une carrière d'actrice, d'abord au théâtre en 1946, puis au cinéma en 1947 dans Le mannequin assassiné de Pierre de Hérain. Elle tournera durant une vingtaine d'années jusqu'en 1968, puis abandonne le cinéma. Entre-temps, elle aura accumulé les rôles durant les années 1950 (25 films en 10 ans, la plupart oubliés il est vrai), dans Édouard et Caroline et Rue de l'estrapade (Jacques Becker), Jeunes mariés (Gilles Grangier), L'affaire des poisons (Henri Decoin), Les suspects (Jean Dréville), Le général de la Rovere (Roberto Rossellini). Les derniers années de sa carrière, on la croisera dans Arsène Lupin contre Arsène Lupin (Édouard Molinaro), Les parapluies de Cherbourg (Jacques Demy) et Roger la Honte (Ricardo Freda). Depuis, elle se consacre à la peinture et a été régulièrement exposée. Elle fut aussi la première épouse de Robert Badinter, l'homme qui a guillotiné la peine de mort en France.
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3. Édouard et Caroline fut sélectionné pour le festival de Cannes de 1951 mais en revint bredouille. De même pour les BAFTA britanniques où le film était nommé au prix du meilleur film.

4. Le film connut un succès honorable, approchant les 1,6 millions de spectateurs. Modeste car si ce nombre d'entrées est aujourd'hui synonyme de réussite, à l'époque, les français se déplaçant en masse dans les salles, c'était un score dans la norme. Pour illustrer cela, il suffit de se pencher sur le box-office français de 1951, année de sortie d’Édouard et Caroline : à la 17ème place est classé Barbe-Bleue de Christian-Jaque avec 2,5 millions d'entrées...
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Dernière modification par pak le 2 juin 11, 15:54, modifié 1 fois.
Le cinéma : "Il est probable que cette marotte disparaîtra dans les prochaines années."

Extrait d'un article paru dans The Independent (1910)

http://www.notrecinema.com/
daniel gregg
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Re: Le cinéma français des années 50 (1950-59)

Message par daniel gregg »

:D
un de mes films français préférés !
ce qui m'avait poussé à la curiosité de découvrir le (seul) film de Gélin datant de 1953 : Les Dents Longues, assez réussi.
Anne Vernon est charmante dans ce film. :wink:
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