Le cinéma français des années 30 (1930-39)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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pak
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Toni (1934)

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6. Toni de Jean Renoir (1934)

Avec Charles Blavette, Jenny Helia, Célia Montalvan, Max Dalban, Édouard Delmont, Andrex... Scénario, adaptation et dialogues de Jean Renoir et Carl Einstein (d'après un fait divers authentique) - Musique (et chants populaires) de Paul Bozzi - Genre : drame - Production française - Date de sortie : 22/02/1935
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Toni, un immigré italien, trouve du travail dans une carrière de Martigues. Il vit avec Marie, mais est amoureux de Josepha, une espagnole. Cette dernière épouse un parisien, qui se révèle brutal et vénal.


Mon avis :

Quand on évoque le cinéma provençal, le nom de Marcel Pagnol revient de manière récurrente. Ce film ne fait pas exception, puisqu'il l'a produit, d'ailleurs, la même année et juste avant (printemps 1934, le film de Renoir ayant été tourné l'été suivant), Pagnol réalise Angèle, l'un de ses plus beaux films. Sauf qu'à l'écriture et à la caméra de Toni, il y a Jean Renoir. Il est intéressant de comparer le traitement de ces deux films par deux auteurs aux sensibilités différentes, car le regard qu'ils portent sur les régionaux est relativement opposé. Bien que les deux réalisateurs aient des méthodes similaires à l'époque, soignant les mots, privilégiant une apparence de cinéma presque artisanal, une indépendance affichée, Pagnol a toujours aimé les personnages hauts en couleurs, typés aussi bien dans leur caractère que dans leur langage et c'est déjà très sensible dans Angèle. A l'opposé, avec Toni, Renoir tente un cinéma plus naturaliste, moins passionné ou romanesque, privilégiant un réalisme quasi documentaire notamment avec une direction d'acteur empêchant toute envolée tonitruante à la Raimu ou naïveté poétique à la Fernandel. Pagnol, c'est déjà un cinéma nostalgique sur une Provence parfois dure, mais qui n'empêche pas un certain folklore, alors que Renoir filme son présent, son actualité, tout en continuant à développer des figures et thèmes noirs déjà présents dans La chienne (1931) ou Boudu sauvé des eaux (1932).

Ce n'est pas par réaction épidermique au cinéma de Pagnol que Renoir adopte ce ton réaliste, car le premier a produit, mais a aussi mis à disposition au second équipe technique, plateaux de tournage, laboratoires, et il distribuera le film. Bref, Pagnol soutient totalement le film.

Jean Renoir s'inspire d'un réel fait divers, qui généralement tient en quelques lignes dans les journaux et qui évoque quelques évènements sordides, provoquant chez le lecteur effroi, dégoût, indignation, voire colère, ou au mieux ( ? ) indifférence et plus rarement compassion désolée.

D'autant qu'ici, les protagonistes sont en partie des immigrés, et on imagine sans mal les amalgames et généralités idiotes qu'un fait divers de meurtre peut provoquer. Car le récit est ancré dans une réalité de l'époque, celle d'une France en manque de main-d'œuvre (les plus de 2 millions de morts cumulés de la guerre de 1914-18 et de la grippe espagnole n'y sont pas pour rien), qui accueille les petites mains étrangères pour étoffer la population ouvrière du pays, ce qui commence à être mal vu par une frange de la population et de l'état.

L'intelligence de Renoir est donc de tordre le cou aux idées préconçues, en prenant le temps d'exposer les faits. Il présente des personnages humains et humbles, et leurs origines ne sont finalement que des compléments bien secondaires de leur personnalité, tous formant un microcosme varié qui vit en relative bonne entente. Aucun ne revendique autre chose que le droit de travailler et de vivre, et la réplique qu'on entend au début du film, « Mon pays, c'est celui qui me fait bouffer », est à méditer et symbolique d'un groupe souhaitant vivre en paix. Réplique qui n'a l'air de rien mais en totale opposition avec les mentalités de l'époque, où même dans le gouvernement, on se permettait de traiter les immigrés de métèques en toute impunité : c'est peut-être d'ailleurs la concession la plus évidente de l'auteur au discours politique. Car après, il n'impose aucun point de vue autre que celui des protagonistes dans leur quotidien, qu'il semble filmer presque à leur insu, et laisse le spectateur rencontrer ceux-ci, les connaître, via leurs faits et gestes, leurs erreurs, leur maladresse. Et quand le drame éclate, on finit par se dire que c'était inévitable, mais non que c'est horrible ou que les coupables sont des ordures. Car on les a vu exister, on a vu leurs renoncements, et on a apprit à les comprendre. On se dit même presque que la victime méritait son sort, puisque c'est finalement une pourriture (incarnée par un Max Dalban peu convainquant, à mon sens le point faible du film). C'est par ce personnage infâme que Renoir politise le plus son récit, un arriviste parisien, français, trop sûr de son emprise pour voir le danger arriver. Dès lors, le virage a priori sordide que prend l'histoire n'a plus rien à voir avec le fait qu'untel soit italien ou espagnol, mais plutôt lié aux faiblesses humaines que l'on retrouve partout. Ainsi la convoitise, l'adultère, la jalousie, le mensonge, l'imbécilité qui conduisent au meurtre ne sont pas différents de n'importe quel drame bourgeois. Si le milieu diffère, la constante reste l'humain...

Pour mettre en images ce film, Renoir innove ou pas loin, en faisant le choix, en rupture avec l'habitude des tournages en studio, de poser ses caméras à l'extérieur. Il se fend alors de quelques beaux plans de la région de Martigues, qui n'ont rien à envier à Marcel Pagnol, sans céder au pittoresque. Il opte aussi pour un montage inhabituel pour l'époque, avec des bonds dans le temps sans explications superflues ni cartons inutiles du genre « deux ans plus tard... ». Ces ellipses temporelles montrent une narration en avance sur son temps. Autre rupture, son choix de casting, mêlant acteurs peu connus proches des personnages et habitants de la région pour les rôles secondaires. La direction d'acteur interdit tout régionalisme, autre que les accents et les gestes habituels, naturels. En fait, le réalisateur refuse toute théâtralité, malgré le drame. La tragédie, car c'en est une, ne se fera (res)sentir qu'à travers l'évidence de destins inéluctables, et non via des artifices artistiques ou grandiloquents. A voir ce film, on comprend aussi pourquoi Renoir fut l'un des rares réalisateurs d'avant-guerre protégés par la Nouvelle Vague et que ce film est un des préférés de Jean-Luc Godard.

Soucis de l'authenticité, comédiens non professionnels ou issus du milieu filmé, tournage en extérieur, aspect documentaire... Autant d'éléments qui ont fait dire à beaucoup que Toni était le précurseur du néoréalisme italien, d'autant qu'un certain Luchino Visconti, 27 ans alors, était assistant sur le tournage. Le même qui réalisera son premier film en 1942, Les amants diaboliques (Ossessione), première étape importante du néo-réalisme italien. Mais Renoir, admirateur de ce cinéma italien, n'approuvait pas vraiment ce rapprochement un peu rapide, même si l'on ne peut nier le parallèle des démarches. Toni trouve encore des échos dans le cinéma français actuel, en particulier dans celui de Robert Guédiguian. En 1989, ce dernier réalise Dieu vomit les tièdes, et les rendez-vous secrets de la petite bande du film se situent dans un pilier du pont ferroviaire de Caronte de Martigues, le même pont sur lequel, le temps d'un beau travelling, Renoir filme 65 ans plus tôt Toni rencontrant son destin. Et en 1995, Guédiguian retourne à Martigues pour A la vie, à la mort ! , suivant une petite troupe bigarrée regroupant chômeurs et marginaux qui opposent leur solidarité aux violences sociales. Difficile de ne pas penser à Toni...
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Certes pas le film le plus réputé de Jean Renoir, Toni fut pourtant, sans le savoir, et malgré son échec public et critique un film important car en avance sur son temps, de par sa narration particulière et inhabituelle alors, et aussi précurseur par son sujet où l'on parle ouvertement de l'immigration, qui en est même l'un des sujets centraux. Un tel film en plein essor du Front Populaire aurait sûrement trouvé d'autres échos...

Étoiles : * * *. Note : 14/20.

Jean Renoir sur le tournage de Toni : Image


Autour du film :

1. Le film est contemporain à un durcissement des lois françaises sur l'immigration, la crise économique induite par le krach boursier américain de 1929 ayant incité l'état à des réactions parfois extrêmes, comme la loi Ambruster de 1933 limitant l'exercice de la médecine aux seuls médecins d'origine française ayant un diplôme d'état ou celle adoptée en juin 1934, soit à la veille du tournage, qui interdit l'inscription au barreau des français naturalisés pour une durée de 10 ans. Parallèlement, des aides financières sont versées pour inciter au « retour au pays » (et en 1935, ce seront carrément des départs forcés qui seront appliqués par les autorités). Il faudra attendre le Front Populaire de 1936 pour voir un adoucissement de ces lois, jusqu'à ce que le gouvernement de Vichy impose ses lois racistes en 1940.

2. Il avait été envisagé de proposer le rôle de Toni à Fernandel (Marcel Pagnol et Provence, forcément... ) et à Georges Flamand. Les origines parisiennes du second avait d'ailleurs tenté Jean Renoir de ré-écrire le rôle pour l'adapter à sa personnalité. Mais ce fut finalement un débutant qui fut choisi, Charles Blavette. Si Renoir eût quelques difficultés avec lui au début du tournage du fait du manque d'expérience de l'acteur, les deux hommes se croiseront de nouveau pour La vie est à nous (1936) et Le déjeuner sur l'herbe (1959). Blavette déclarera : « Je signe le contrat, avec le rôle de Toni dans le film Toni sous la direction de Jean Renoir. Ceci, je le dois à Marcel Pagnol, comme je dois à Jean Renoir d'avoir appris mon métier » et « Jean Renoir m'a appris que le cinéma était un métier, avec un M majuscule ».
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3. Le scénario est tiré d'un authentique fait divers fourni par un ancien copain d'école de Renoir, Jacques Levert, devenu commissaire de police puis écrivain. Le tournage eut lieu quasiment sur les lieux du drame, lors de l'été 1934, principalement à Martigues et Châteauneuf-les-Martigues.

4. Toni est considéré historiquement comme le troisième film parlant entièrement tourné en décors naturels, après L'illustre Mourin d'André Hugon (1933) et Angèle de Marcel Pagnol (1934).

5. Si le film fut un échec publique et critique, il plaira aux cadres du parti communiste français, qui approchèrent Renoir pour réaliser leur film de propagande électorale La vie est à nous, pour appuyer la campagne du Front Populaire lors des élections de 1936.
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6. Le film a reçu le prix du meilleur film étranger au premier New York Film Critics Circle Awards (NYFCC Awards) en 1935. Cette association de critiques de cinéma américaine existe toujours et attribue annuellement ses prix.
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Extrait d'un article paru dans The Independent (1910)

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Re: Le cinéma français des années 30 (1930-39)

Message par Music Man »

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UN SOIR DE REVEILLON de Karl ANTON 1933
Avec Meg LEMONNIER, Henry GARAT, ARLETTY et DRANEM

Une jeune fille d'origine modeste passe le réveillon de Noël dans le demi-monde et y rencontre un gentleman qui, la prenant pour ce qu'elle n'est pas, la poursuit de ses assiduités. Les péripéties s'enchaînent, semblant toujours remettre les deux tourtereaux dans les bras l'un de l'autre

C’est l’adaptation d’une opérette de Raoul Moretti qui reprend presque toutes les chansons de l’oeuvrette initiale. Si ce genre de spectacle chanté a forcément beaucoup vieilli, il en demeure un divertissement tout à fait amusant, reflet d’une autre époque. C’est franchement coquin (notamment les paroles des chansons, qui valent vraiment l’écoute) : Meg Lemonnier chante je suis une poule tandis qu’Henry Garat, le bourreau des cœurs des années 30, danse la biguine avec une souplesse insoupçonnée : il glisse sur le sol tel un Michael Jackson sur son moonwalk ! L’impayable Arletty, nue dans sa baignoire, est cocasse comme toujours et Dranem, légende du caf’conc ne démérite pas. Gentiment impertinent, le film est bien rythmé et se laisse regarder avec plaisir et nostalgie.
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Re: Le cinéma français des années 30 (1930-39)

Message par pak »

Ah oui, ce qu'on appelle l'herbe coupée sous le pied, j'allais en parler bientôt (bon ben ce soir du coup).
J'ai vu ce film. Un gentil vaudeville. J'en reparle de suite si j'arrive à installer ma nouvelle Freebox, parce moi, ces machins. Là je suis connecté sur la box d'un voisin...
(on s'en fiche, hein ? Surtout que parler de connexion internet dans un sujet années 1930, tout de même, je vous jure... :? )
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Extrait d'un article paru dans The Independent (1910)

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Re: Le cinéma français des années 30 (1930-39)

Message par riqueuniee »

Une faille spatio-temporelle,peut-être... :uhuh:
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Re: Le cinéma français des années 30 (1930-39)

Message par Music Man »

pak a écrit :Ah oui, ce qu'on appelle l'herbe coupée sous le pied, j'allais en parler bientôt (bon ben ce soir du coup).
Ah, c'est drôle ça, les grands esprits se rencontrent comme on dit!
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Un soir de réveillon (1933)

Message par pak »

7. Un soir de réveillon de Karl Anton (1933) :

Avec Meg Lemonnier, Henri Garat, Armand Dranem, Arletty, René Donnio, Martine de Breteuil, Marcel Carpentier, Robert Casa, Lucette Desmoulins... Scénario de Jean Boyer et Paul Schiller d'après l'opérette du même nom d'Albert Willemetz, Paul Armont et Marcel Gerbidon – Musique de Raoul Moretti – Genre : comédie musicale – Production américaine – Date de sortie : 13/10/1933
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Une jeune femme fuit le réveillon de famille qui s'annonce ennuyeux pour participer à celui d'une amie d'enfance nettement plus délurée...

Un film intéressant d'un point de vue historique pour plusieurs raisons. Déjà, malgré les apparences, son casting, son lieu de tournage (studios situés à Joinville-le-Pont dans le Val de Marne), ses auteurs (scénario, opérette), ce film n'est pas français.

En effet, en 1930, la Paramount installe des studios à Joinville-le-Pont et dès 1931 lance une série de films, dont beaucoup tournés en plusieurs langues pour les adapter au marché visé, ainsi plusieurs dizaines de films furent tournés avec des équipes françaises mais produits avec des capitaux américains. Ces studios furent vendus en 1939 à Gaumont.

Ensuite parce que le film est une adaptation d'une opérette. On l'a souvent oublié, mais la mode des comédies et théâtres musicaux ne datent pas des succès récents du genre Le roi Soleil ou Les 10 commandements. Entre les deux guerres mondiales, de 1918 à 1940, tous genres confondus, il s'est joué plus de 400 comédies musicales sur les scènes parisiennes. Un soir de réveillon en était une : elle permit d'ailleurs à Arletty de connaître un de ses premiers succès qui fera d'elle une vedette de l'entre deux guerres. Le film reprend une bonne partie de la distribution de la pièce, avec Henry Garat et Meg Lemonnier en tête, mais aussi Arletty donc, Armand Dranem, Lucette Desmoulins, Martine de Breteuil... La plupart étant des piliers de la scène parisienne.

Le film reprend aussi presque toutes les chansons de l'opérette dans leur intégralité, fait assez rare, ce qui donne une sorte de rythme de métronome où presque toutes les 5 minutes intervient une scène chantée (sur une durée de 85 minutes, on en compte 45 de chantées). C'est aussi ce qui vieillit le plus le film, ces chansons étant d'un autre temps, faisant de ce long-métrage un exercice de style au carrefour du music-hall et du théâtre filmé, les scène de dialogues ne servant que de passerelle entre deux numéros musicaux.

Le propos est très léger, et on est loin du réalisme populaire et de son cinéma ouvrier qui marquera la cinématographie française 3 ans plus tard. Ici on est dans le monde des noceurs, de la jeune bourgeoisie et des femmes entretenues, bref de la jet-set de l'époque, avec ses extravagances, pour un film assez décomplexé (voir la scène où Arletty, déjà peu avare de ses charmes prend un bain et voit défiler dans sa salle de bains plusieurs personnages, une des meilleures scènes du film en passant, ou cette invitée portant une robe transparente ne cachant pas grand chose de son anatomie).

Il faut dépasser les côtés désuets et répétitifs de l'ensemble pour savourer quelques numéros d'acteur comme la plupart des scènes d'Arletty, ou encore celles de Dranem très attachant en employé protecteur et père de substitution, et le tout emballé avec une vraie énergie propre à tout bon vaudeville.

Étoiles : * * . Note : 11/20.

Dranem dans ses œuvres (Chanson du Doge, une des chansons du film) :


Autour du film :

1. Jean Boyer a participé à l'adaptation de l'opérette pour le cinéma, et ce n'est pas par hasard. En effet, avant d'être le réalisateur que l'on connait, il a d'abord suivi les traces de son père et est devenu comme lui chansonnier. Il a entre-autres co-écrit le livret de l'opérette Un soir de réveillon, et des chansons pour Georges Milton ou Maurice Chevalier. Son père, Lucien Boyer, est une des légendes de la scène musicale française du début du siècle dernier : on lui doit par exemple la chanson Lettre à Nini, mais surtout le fameux Mont'là-dessus et tu verras Montmartre qui est devenue une expression du langage courant. Mistinguett, Maurice Chevalier, Félix Mayol... ont chanté ses textes.

2. A propos de Meg Lemonnier : de son vrai nom Marguerite Gabrielle Clarte, elle est née le 15/05/1905 à Londres. Elle débute au théâtre en 1928, puis l'opérette en 1929, et au cinéma dès 1930. Ses premiers pas au cinéma sont surtout des adaptations des opérettes qu'elle joue sur scène comme Un soir de réveillon ou Il est charmant. Ayant joué dans une trentaine de films durant à peu près le même nombre d'années, elle ne marqua pas beaucoup le cinéma hexagonal, comme les films auxquels elle a participé, à part les tous derniers comme La vérité sur Bébé Donge d'Henri Decoin (1951) ou Je l'ai été trois fois de Sacha Guitry (1952). Après un ultime rôle dans Maxime d'Henri Verneuil en 1958, elle cessa de tourner. Elle décède le 12/06/1988 à Clichy-sous-Bois.
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Une de ses interprétations dans le film, Être une poule ( ! ) :


3. Et de Martine de Breteuil ou Moussia : son vrai nom est Moussia Bielinnko et elle est née le 21/03/1908 à Kharkov en Ukraine. La révolution d'octobre 1917 va mettre la région à feu et à sang, et sa famille se réfugie en France après la défaite des blancs. Elle prend pour nom de scène Moussia, et suit des cours de danse, pour ensuite jouer sur scène des comédies musicales. Dès 1930 elle apparaît aussi dans des courts-métrages pour ensuite alterner films et scènes jusqu'en 1934, dans des rôles pas toujours très habillés... Préférant largement la scène, elle n'apparaitra ensuite que sporadiquement au cinéma, même si les années 60 voit son retour temporaire, sous son nom de femme mariée, Martine de Breteuil, avec des films comme Carambolages de Marcel Bluwal (1962), Une ravissante idiote d'Edourd Molinaro (1964), Le gendarme de saint-Tropez de Jean Girault (1964) ou Le journal d'une femme en blanc de Claude Autant-Lara (1965). Le temps d'un court rôle, elle reviendra une dernière fois en 1999 à l'écran dans Épouse-moi d'Harriet Martin, avant de décéder dans l'anonymat le 13/11/2007.
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Le cinéma : "Il est probable que cette marotte disparaîtra dans les prochaines années."

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Re: Le cinéma français des années 30 (1930-39)

Message par riqueuniee »

En ce qui concerne Martine de Breteuil,elle a aussi participé,dans la période de son retour à l'écran,à des productions télévisées.C'est comme ça que j'ai retenu son nom...
PS Connexion rétablie?
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Re: Le cinéma français des années 30 (1930-39)

Message par pak »

Yes !
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Re: Le cinéma français des années 30 (1930-39)

Message par Music Man »

pak a écrit :Martine de Breteuil apparaît aussi dans des courts-métrages pour ensuite alterner films et scènes jusqu'en 1934, dans des rôles pas toujours très habillés...
c'est vrai que sa robe de soirée est tellement transparente et deshabillée que c'est presque un gag!!
Sinon, le réalisateur Karl Anton a tourné en Allemagne des film très populaires dont l'étoile de rio (1940) le dernier film de la danseuse La Jana, un gros succès sous l'occupation (et un bon divertissement).
et s'agissant de Dranem, personne n'a oublié ses fameuses chansons idiotes comme "ah,les petits pois" ou "le trou de mon quai" repris récemment par Yvette Leglaire qui ont fait sa gloire au début du 20ème siècle.
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Re: Le cinéma français des années 30 (1930-39)

Message par riqueuniee »

Et même dans toute la première moitié du XXème siècle. (je connaissais "les petits pois" -"qui ne se mangent pas avec les doigts"-,je ne savais pas que ça venait de lui).Pourquoi Dranem? Tout simplement son vrai nom (Ménard) lu à l'envers...
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Re: Le cinéma français des années 30 (1930-39)

Message par Music Man »

Dranem a été extrêmement célèbre en son temps : une fois sur ebay j'ai vu qu'on vendait une sorte de poupée en plâtre des années 20 à son effigie!
Dans les années 20, il a partagé la vedette d'une opérette avec Maurice Chevalier, en l'éclipsant si copieusement que le pauvre Momo en a fait une dépression!!
Cela dit, Dranem a toujours ses fans : j'ai un pôte qui collectionne ses 78t et les écoute sur un vieux phono!
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Re: Le cinéma français des années 30 (1930-39)

Message par Major Dundee »

Music Man a écrit :Dranem a été extrêmement célèbre en son temps : une fois sur ebay j'ai vu qu'on vendait une sorte de poupée en plâtre des années 20 à son effigie!
Dans les années 20, il a partagé la vedette d'une opérette avec Maurice Chevalier, en l'éclipsant si copieusement que le pauvre Momo en a fait une dépression!!
Cela dit, Dranem a toujours ses fans : j'ai un pôte qui collectionne ses 78t et les écoute sur un vieux phono!
Quand j'étais gamin, mes parents m'avaient offert un premier phono et je me souviens de mes premiers achats de 78 tours : Jusqu'au bout du monde par Dario Moreno et Un jour tu verras par Mouloudji. Un oncle avait voulu me faire plaisir et m'avais donné une pile d'une cinquantaine de ses 78 tours dont plusieurs Dranem 8)
Oh punaise que c'est loin tout çà !!!
Charles Boyer (faisant la cour) à Michèle Morgan dans Maxime.

- Ah, si j'avais trente ans de moins !
- J'aurais cinq ans... Ce serait du joli !


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Re: Le cinéma français des années 30 (1930-39)

Message par Federico »

Major Dundee a écrit :Quand j'étais gamin, mes parents m'avaient offert un premier phono et je me souviens de mes premiers achats de 78 tours : Jusqu'au bout du monde par Dario Moreno et Un jour tu verras par Mouloudji. Un oncle avait voulu me faire plaisir et m'avais donné une pile d'une cinquantaine de ses 78 tours dont plusieurs Dranem 8)
Oh punaise que c'est loin tout çà !!!
Marrant ça. J'ai eu également un oncle qui n'avait pourtant pas connu cette époque mais qui était très amateur de tout ce qui datait du début du siècle passé, ce qui fait qu'au même moment où je découvrais les Beatles sur un mange-disque, je connaissais aussi par coeur des "tubes" de chansonniers et autres comiques troupiers (rarement très fins, je m'en suis rendu compte plus tard) et savais remplacer une aiguille de phono.
Bon, pour ne pas partir dans le HS, j'ajouterai qu'il m'en reste une lourde (et fragile) galette acétate de... Sacha Guitry et Yvonne Printemps avec Wolfgang Amadeus en guest-star et qui doit dater de 1925. Sur Marconi (Pathé) donc bien avant que la voix du Maîîîître ne passe à Lana. :lol:
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Les 5 gentlemen maudits (1931)

Message par pak »

8. Les 5 gentlemen maudits de Julien Duvivier (1931) :

Avec : Harry Baur, René Lefèvre, Robert Le Vigan, Rosine Déréan, Marc Dantzer, Mady Berry, Georges Péclet, Jacques Erwin... Scénario et adaptation de Julien Duvivier d'après une nouvelle d'André Reuze (Les 5 gentlemen maudits) – Musique de Jacques Ibert – Genre : aventure – Production française – Date de sortie : 29/10/1931 ou 12/02/1932 suivant les sources.
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Dans une ville du Maroc, un sorcier lance un sort mortel à cinq hommes suite à une rixe idiote.

C'est le second film parlant de Julien Duvivier après David Golder tourné la même année. Un film qu'on peut qualifier d'œuvre de jeunesse, même si l'auteur tourne alors depuis 1919 avec 25 films muets au compteur, car la grammaire cinématographique a alors radicalement changée. D'un point de vue image, rien à redire, on sent Duvivier à l'aise avec une caméra et il se permet de beaux plans et d'originaux angles de vues. Là où ça coince, c'est dans l'écriture.

Cinéma d'une époque révolue, celle du colonialisme, on y retrouve tous les poncifs du genre. Même si le Maroc n'était pas exactement une colonie, mais sous protectorat français, on n'hésite pas ici à montrer la misère des « administrés » comme une curiosité touristique qui ajoute un côté folklorique au film, et la manière de filmer les marocains rappelle les pires travers de certains cinémas, comme le cinéma hollywoodien, dès lors qu'il tente d'instaurer un climat « exotique » dans ses histoires (et ça se voit encore dans des productions actuelles).

Il y a des dialogues qui hérissent le poil, comme par exemple lorsque la main-d'œuvre locale travaillant aux champs des propriétaires français est comparée à une machine, omettant ainsi l'humain composant cette manne besogneuse bon marché. On s'amuse aussi à lancer de la monnaie à des gamins nus pataugeant dans une mare putride ou à filmer des marocaines, nues aussi : le peu de cas fait ici de la pudeur des gens alors qu'un sein français à peine montré à l'époque déclenchait les foudres de la vertu montrent bien un état d'esprit qui choquerait aujourd'hui. Sans parler d'une ahurissante poursuite à pieds au milieu de la population, avec un bruitage de gloussement de poules quand des marocaines se dispersent et d'aboiements de chiens quand ce sont des marocains ? ? ?

Évidemment, il est facile de juger avec le recul, aussi il faut essayer de remettre le film dans son contexte historique : mais la vision de ce film de nos jours en est forcément gâchée et procure même un vrai malaise. Bref, Duvivier n'a pas ici le recul nécessaire pour dépasser l'imagerie un brin raciste, un racisme ordinaire de bon père blanc compatissant, pour raconter cette histoire de malédiction d'ailleurs pas très crédible.

L'auteur offre donc un film plus que bancal, où ni le fantastique, ni le suspense, et encore moins l'humour ne fonctionnent : difficile d'adhérer à quelque aspect que ce soit de ce film peu passionnant. Côté casting, c'est aussi assez inégal, assez sur-joué, et on se demande ce que vient faire là Harry Baur (qui deviendra un habitué de Duvivier dans sa période d'avant guerre) tellement son personnage ne sert à rien à l'intrigue, dont la chute est de plus assez ridicule...

Une curiosité cinématographique d'un passé peu reluisant, dont l'unique mérite, peut-être, est de montrer le Maroc des années 1930.

Étoiles : 0 . Note : 5/20.


Autour du film :

1. Comme souvent à l'époque, Julien Duvivier a tourné en même temps une version allemande du film, Die fünf verfluchten gentlemen, avec les mêmes décors et une partie de l'équipe technique, mais avec un casting allemand, excepté Marc Dantzer et Georges Péclet qui jouaient le même rôle dans les deux versions.

2. Ce film est un remake de la première adaptation, muette, de la nouvelle d'André Reuze, elle aussi titrée Les 5 gentlemen maudits et réalisée par le duo Luitz-Morat / Pierre Régnier (qui jouaient aussi deux des rôles principaux) en 1920. Luitz-Morat, aujourd'hui oublié, fut un prolifique réalisateur dans les années 1920 (près de 20 films en 10 ans) qui connut un succès populaire certain (à défaut d'un succès critique). L'engouement de ce public pour sa version de la nouvelle de Reuze justifia certainement une nouvelle adaptation parlante.

3. Les extérieurs du film furent tournés à Fez, à Marrakech et à Moulay-Idriss. La critique salua à sa sortie l'aptitude du cinéaste à créer une atmosphère mystérieuse, son goût du pittoresque et son sens de l'exotisme... Exotisme et pittoresque : un duo au sens faussement léger...

4. Parlons, brièvement, du Maroc au XXème siècle et de sa relation avec la France... Au XIXème siècle, les états européens cherchent à maintenir leur influence en Afrique du Nord. Après divers traités inter-européens, guerres de soulèvement et intrigues politiques, une partie du Maroc devient protectorat français en 1912. La puissance militaire et économique de la France est alors telle que le sultan à la tête du pays est contraint d'accepter la présence française, ainsi qu'espagnole : le pays est alors coupé en deux. La partie espagnole se révolte en 1921 et défait l'armée d'Espagne. A l'issue est proclamée la République confédérée des tribus du Rif, reconnue alors par la Société Des Nations (SDN, ancêtre de l'ONU). Une tentative est faite de rallier la partie française : c'est la guerre du Rif qui verra la victoire de l'armée coloniale en 1926. La France en profite pour assoir son autorité de gestion de son protectorat, écartant ainsi les élites berbères. Néanmoins la résistance s'installe, plus ou moins pacifiquement, mais le déclenchement de la seconde guerre mondiale apporte une trêve temporaire. Le sultan Mohamed Ben Youssef, tente alors de protéger les juifs marocains du régime de Vichy et apporte son soutien à la France Libre en soutenant l'enrôlement de marocains pour poursuivre la guerre en Europe contre l'Allemagne. Environ 25 000 marocains donneront leur vie jusqu'à l'armistice de 1945. Pourtant, il faudra encore attendre plus de dix années, faites d'interminables négociations, de manifestations, de pressions sur l'état français et parfois de répressions avant que la France ne cède et reconnaisse le principe d'indépendance du Maroc le 6 novembre 1955. Le 7 mars 1956, Mohammed Ben Youssef déclare enfin l'indépendance du pays sont il devient le roi Mohammed V. Un mois plus tard, l'Espagne cède à son tour et le pays peut être réunifié.
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Dernière modification par pak le 5 avr. 11, 13:34, modifié 2 fois.
Le cinéma : "Il est probable que cette marotte disparaîtra dans les prochaines années."

Extrait d'un article paru dans The Independent (1910)

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Commissaire Juve
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Re: Le cinéma français des années 30 (1930-39)

Message par Commissaire Juve »

pak a écrit :...
Évidemment, il est facile de juger avec le recul, aussi il faut essayer de remettre le film dans son contexte historique : mais la vision de ce film de nos jours en est forcément gâchée et procure même un vrai malaise. Bref, Duvivier n'a pas ici le recul nécessaire pour dépasser l'imagerie un brin raciste, un racisme ordinaire de bon père blanc compatissant, pour raconter cette histoire de malédiction d'ailleurs pas très crédible.
Avant-propos : je fais la part des choses et je parle "en général"... je ne t'agresse absolument pas, cher Pak. 8)


Justement, en le replaçant dans son contexte, on peut le voir comme un spectateur de l'époque, sans se couvrir de cendre, à genoux, en gémissant : "Ah mon Dieu, comme nous étions méchants..." Ce n'est quand même pas "Le juif Süss" ! Ces histoires de "malaise", ça me fait penser aux casse-bonbons qui veulent faire interdir Tintin au Congo. ça va deux secondes, hein ! A ce rythme-là, on n'a pas fini.

On en arrive à ce genre de co***eries !

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Cette nuit, justement, j'ai lu plusieurs nouvelles de Simenon : l'une d'elles était intitulé "le nègre s'est endormi" (ça se passait au Congo belge justement). Je n'ai pas eu "la nausée" et "les mains sales" pour autant.

On ne va pas non plus brûler les films où Fernandel fait des blagues ou chante des chansons dans l'esprit "du temps".
J'ai bouffé du cannibale
J'ai même digéré des balles
...

Quand le tam-tam fait rage
Les noirs sort’nt en tremblant
Des cas’s de leur village
Pour voir leur frère blanc
Les plus belles négresses
Me font tout’s les yeux doux
Et par délicatesse
M’appellent leur roudoudou

Dans la brousse
Elles sont tout’s à mes trousses
Qu’ell’s soient noires ou rousses
Près des jeunes pousses
Elle se trémoussent
J’peux pas les freiner

Dans la brousse
Leurs babines se retroussent
Tandis qu’ell’s se poussent
Moi, de joie, je glousse
Riant à leur nez
Il y a même une histoire de Fifi brindacier où elle traite son père de "roi nègre"... Allez, brûlons "Fifi Brindacier"...

C'était comme ça, point barre (allez donc jeter un coup d'oeil aux livres d'Histoire et de Géographie de cette époque). Qui sait ce que sera la pensée dominante dans 80 ans et le regard qu'on portera sur le conformisme notre époque ?
pak a écrit :... Bref, Duvivier n'a pas ici le recul nécessaire...
Qué recul ? Il filme des gens de son temps pour des spectateurs de son temps. Tu ne vas pas dire que Claude Sautet a manqué de recul pour filmer les années pompidolo-giscardiennes. :)
Dernière modification par Commissaire Juve le 21 juin 15, 08:25, modifié 1 fois.
La vie de l'Homme oscille comme un pendule entre la douleur et l'ennui...
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