Lee Man-Hee (1931-1975)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

Modérateurs : cinephage, Karras, Rockatansky

Répondre
bruce randylan
Mogul
Messages : 11658
Inscription : 21 sept. 04, 16:57
Localisation : lost in time and lost in space

Lee Man-Hee (1931-1975)

Message par bruce randylan »

Black Hair ( 1964 )

Premier contact avec le réalisateur pour ce film noir à l'esthétisme très inspiré du cinéma japonais. Visuellement, c'est vraiment classe : la photo en noir et blanc est magnifique et le scope a vraiment de la gueule.
Après, c'est assez problématique : les acteurs sont en bonne partie médiocres pour ne pas dire agaçant ( surtout les gangsters ) et l'aspect mélodramatique plutôt discret dans sa première moitié explose dans le dernier tiers avec un lourdeur inimaginable qui donne presque l'impression de regarder une parodie : les acteurs tirent une tronche pas possible, les dialogues sont consternant de médiocrité lacrymogène ( les sous-titres avaient l'air d'avoir été traduit à la va-vite celà dit ). Il faut voir le chef des méchants agoniser en lançant des phrases philosophiques pathétiques ou un ultime "je veux qu'on mette une petit fleur sur ma tombe". :lol:
Rajoutez à cela un twist ridicule avec le come-back d'entre les morts d'un sous-fifres brûlés et ça gâche la bonne impression relative initiale avec cette fin qui se traine en longueur comme un tortue remontant les chutes du Niagara.

C'est dommage de sombrer dans les clichés à ce point car toute la partie au début sur la femme défigurée contournait agréablement les poncifs du genre avec une réelle sensibilité et délicatesse qui donnait quelques scènes émouvantes sans jamais en faire trop dans le pathos.


--------------------------------------------------------------------------------------------


Assassin ( 1969 )

La présentation du film par la fille du réalisateur nous prévient que le film est volontairement expérimental et que le résultat plongea en disgrâce le cinéaste aux yeux des studios. Comme l'histoire parle de tueurs, on se dit qu'on va tomber sur la marque du tueur façon Corée.

Bon, en effet le film est expérimental mais il n'a rien de comparable à l'un des chefs d'oeuvres de Suzuki : c'est avant tout mauvais et usant tellement de ses figures de style qu'on espère que c'est là encore de la parodie.
Il faut voir le montage alterné ( entre les tueurs marchant dans une plaine, la cible fumant sa pipe et la fille d'un des tueur se faire raconter une comptine ) pour y croire. Quelque chose comme 15 minutes qui répète inlassablement les mêmes plans ( ou presque ) et la même musique.
La conclusion avec la métaphore ( ratée ) de la pomme est tout aussi catastrophique. Bref la santé mentale du spectateur est mise à rude épreuve et malgré les 80 minutes, on a l'impression d'avoir d'avoir passé plus de temps dans la salle que si on s'était fait Sleep de Warhol au ralenti.

C'est rageant d'avoir accoucher de ce machin là, car Lee a du talent : science du cadrage évident ; belle utilisation des couleurs ; un jeu déstabilisant sur le point de vue et la focalisation ; montage parallèle osée mais fascinant et hypnotique ( du moins les premières minutes )... mais toutes ses bonnes idées comme la figure du cercle et de la répétition de la violence et des pantins politiques ( la comptine de la gamine ; le bateau tournant en rond ) ne dépassent que trop rarement le simple stade du principe et de la note d'intention.

Bref ça fait un pas un film.


----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------


4 O'Clock 1950 ( 1972 )

Un film de guerre dont Lee Man-Hee fut l'un des spécialistes.
C'est une très bonne surprise et le premier à faire pour le moment du cinéaste un vrai auteur à mon gout.
C'est un film de guerre plutôt réalisé et dépouillé qui repose sur une idée simple mais bien exploitée ( en rappelant qu'on est dans un film de propagande des années 60 en Corée du Sud ). On n'ira pas jusqu'à le comparer aux films de Fuller mais y-a de l'idée.

On y suit une poignée de soldat dans un bunker qui surveillent la frontière entre les 2 Corée juste avant la guerre. Quand celle-ci éclate, le premier assaut les laisse pour mort et ils se retrouvent derrière les lignes ennemis sans moyen de communication.
Les personnages ne sont guère fouillés et il y a quelques moments qui virent vers la mélodrame ( sans être heureusement étirer superficiellement comme dans Black Hair ) mais la maitrise technique et le traitement emportent l'adhésion sans trop de problème. Le sens du scope et du cadrage sont éblouissants tandis que la photo automnale ( malgré une copie très aléatoire au niveau des couleurs ) rajoute au sentiment crépusculaire et de défaite en apportant une pointe de douceur qui fait aussi la différence.
On sent que Lee a du respect pour ses personnages et les quelques moments calmes sont assez magnifiques et peuvent être comparer pour le coup à Fuller. La séquence, simple et dépouillée, où un soldat harassé mange une boulette de riz avant qu'un bombardement ne le pousse à se réfugier sous un camion en continuant de se nourrir est formidable. La musique d'ailleurs est très belle bien qu'un peu répétitive.
Elle accompagne admirablement bien la mélancolie presque poétiques de plusieurs moments qui fonctionne dans l'ensemble bien même si la mise en scène est parfois maladroite ( les soldats mourant en criant "maman" ; la mère venant insulter un soldat pour avoir fui ; le sourd entendant des cloches d'église ).

Le film s'impose car, hormis quelques dialogues anti-communistes, Lee ne fait pas un pur film de propagande. D'ailleurs plus le temps passe et plus les ennemis deviennent invisibles à l'écran de façon audacieuse pour un film de guerre où les héros, à moitié fous, ont plus l'air de lutter contre leurs destins que contre une invasion militaire. La conclusion est d'ailleurs pessimiste et désenchanté tandis que les décors se font de plus en plus abstraits et artificiels, confirmant l'originalité du projet ( qui se sentait déjà dans la séquence introductive )

Après, la forme et le discours sont toujours un peu naïfs mais c'est un beau film dans l'ensemble qui vieillit très bien.
Dernière modification par bruce randylan le 21 août 15, 07:31, modifié 2 fois.
"celui qui n'est pas occupé à naître est occupé à mourir"
bruce randylan
Mogul
Messages : 11658
Inscription : 21 sept. 04, 16:57
Localisation : lost in time and lost in space

Re: Lee Man-Hee (1931-1975)

Message par bruce randylan »

When Wild Flowers blossom ( 1974 )

Un film qui ne choisit pas entre le film de guerre et la mélodrame en suivant le destin d'une famille civile et d'une troupe de soldat au moment de l'invasion communiste en 1950. Le résultat est très inégal capable du meilleur comme pratiquement du pire.
Le budget conséquent laisse penser que Lee Man-Hee a eut moins de liberté sur le propos que sur 4 o'clock 1950 qui prend place au même moment ( 2-3 plans semblent même issus de ce dernier ). On sent donc le cahier des charges à respecter : exalter le sentiment patriotique, dépeindre les communistes comme des monstres assoiffés de sang ou faire l'ode de la famille. On se tape donc toute les clichés qui vont avec : le soldat qui se sacrifie, la famille séparée, les combats David contre Goliath ( ici des tanks ) ou des massacres de civils par des ennemis sans humanité. Évidement tout le monde pleure beaucoup, tout le monde pense souvent à sa famille, tout le monde aime son beau pays etc...

Lee Man-Hee essaye de s'en sortir comme il peut avec ça et parvient de temps en temps à contourner ses figures imposer avec bonheur, parfois pas. Il y parvient principalement au début avec une description tendre de ses personnages ( la relation entre la sœur et son petit frère ) mais pêche rapidement pas les impératifs du genre. Celà dit, le gros problème vient qu'avec son mélange de genre et sa profusion de personnages, la narration est très maladroite passant d'une scène à une autre sans la moindre fluidité ou cohérence pour un montage hachée qui n'a rien d'harmonieux. On est plus proches de la succession de petites scènes ou de moments isolés qu'à une vraie fresque maitrisée et construite. On devine cependant des coupes aux montages ( voire même un remontage tardif ).
Cet éclatement fictionnel empêche peut-être plus de rentrer dans l'histoire que les passages mélodramatiques qui sont heureusement peu nombreux.

On profite avant tout du spectacle avec de nombreux et parfois spectaculaires bombardements, des scènes de foules avec moult figurants ou des tanks inquiétants. Pas de vrais morceaux de bravoures mais du travail bien fait qui ne cherche pas toujours l'épat'.
Il juste dommage de trouver quelques maquettes trop voyantes qui s'intègrent mal au reste du film. Celà dit, le plan au dessus du bombardier américain pilonnant la frontière est vraiment excellent.

On regarde donc ça avec un détachement qui se mue doucement vers un certain ennui regrettant que la tonalité et le traitement du début disparaissent pour laisser place à un produit plus formaté qui offre quelque jolis moments celà dit : la sortie d'un soldat nord coréen au milieu des débris bombardés, les échanges entre entre ce même soldat et l'enfant ou le moment d'attente avant le raid suicide contre les tanks adverses etc...
Dernière modification par bruce randylan le 21 août 15, 07:32, modifié 1 fois.
"celui qui n'est pas occupé à naître est occupé à mourir"
bruce randylan
Mogul
Messages : 11658
Inscription : 21 sept. 04, 16:57
Localisation : lost in time and lost in space

Re: Lee Man-Hee (1931-1975)

Message par bruce randylan »

Marine are gone ( 1963 )

Nouveau film de guerre se déroulant durant l'invasion des communistes en 1950.
Celui-ci est une jolie réussite qui n'abuse pas trop des effets appuyés et des convention mélodramatiques à outrance même si l'ensemble n'est pas bien-sûr dénué de stéréotypes ( et puis bon on est en Corée du Sud :mrgreen: )

Ce qui frappe d'abord c'est le réalisme des scènes d'actions. Le film s'ouvre d'ailleurs sur une longue scène de bataille de 15-20 minutes où des soldats sud-coréens effectuent un débarquement sous le pilonnage adversaire avant de progresser dans une ville détruite. Lee Man-Hee utilisait régulièrement de vrais explosifs voire de vraies balles et celà se ressent à plusieurs reprises. Les explosions dégagent une vraie puissance avec une lourdeur très crédible. C'est par ailleurs bien filmé avec un sens du cadre très précis proche du western.
Bref, niveau immersion, le film commence fort avec une certaine sécheresse et violence dans ses affrontement qui n'ont rien de glamour.
En fait le film n'a même rien de militariste. C'est un film pacifiste ce qui surprend toujours pour un long-métrage censé être de propagande. On y critique des choix militaires, les personnages meurent pour rien, les actions qu'on leurs demande sont abstraites et viennent d'ordres qui oublient l'aspect humain.
Bien-sûr le discours et surtout l'interprétation n'ont rien de subtiles mais après plusieurs films de cette période on commence à s'y faire.

En tout cas Lee Man-Hee agence bien les scènes d'action ( principalement au début et à la fin ) et les séquences plus légères ou dramatiques. On trouve ainsi quelques séquences humoristiques qui donnent plus de personnalité aux soldats qu'on suit sur le front. Toute la séquence dans le bordel s'avère vraiment amusante pleine de fraicheur grivoise. Les moments dramatiques fonctionnent un peu moins pour des seconds rôles pas assez creusés, des sous-intrigues maladroites voire mal exploités. Ainsi, le personnage de la petite fille devenue la mascotte du corps de Marine est finalement assez en retrait et n'apporte pas grand chose au final.

Sinon, le films possède encore de nombreuses similitudes avec 4'oclock 1950 où la dernière demi-heure est un brouillon de celui-ci : un groupe d'homme que les troupes adverses croient mort et qui restent de ce fait derrière le front tandis que leur armée est en déroute. Plusieurs petits moments anticipent de cette manière la "version" de 1972. Le résultat est heureusement très différent. Marine are gone joue plus "classique" misant sur le suspens et des scènes d'actions plus traditionnels ( et parfaitement réalisées ).

Au final, c'est un bon film de guerre, attachant, spectaculaire, désabusé et loin de toute glorification militariste mais dont la partie "émotion" ne répond pas aux attentes données.


Holiday ( 1968 )
Une certaine bouffée d'air frais dans l'éventail des œuvres projetées dans cette rétrospective. Non pas que le film soit léger. Au contraire. C'est lourd, pesant et dramatique.
Mais à l'inverse des autres films, ce n'est ni un film de guerre ni un gros mélo des familles.
On est plus proche d'un esthétisme et d'un traitement du cinéma Italien à la Antonioni ou Visconti. C'est un drame noir et dépressif sur un couple d'amant déchiré quand la femme doit avorter.
C'est d'ailleurs étonnant de voir ce film quelques jours après Une certaine rencontre de Mulligan dont on retrouve plusieurs similitudes dans le traitement visuel avec son tournage en extérieur, l'importance de sa bande-originale et un noir et blanc travaillé. Après ce n'est pas du tout le même travail sur les émotions. C'est plus intériorisé pour ne pas dire un peu froid. Il y a une certaine austérité qui accoudé à plusieurs maladresses dans sa direction d'acteur donne un film qui m'a un peu laissé sur la touche. J'ai trouvé par exemple l'actrice assez agaçante et stridante ( malgré sa beauté :oops: )
.
Fort heureusement les images et la mise en scène sont d'une grande maitrise et de nombreux plans sont de vrais poèmes qui insufflent l'émotion manquante. On n'oubliera pas de sitôt les plans de la femme attendant sur une colline balayée par un vent poussiéreux. La musique joue également un grand rôle dans ces moments silencieux, mélancoliques et atemporels.
Et puis quand le drame arrive vraiment, le film prend enfin une tournure qui m'a beaucoup plus accroché. Les déambulations du héros ( toujours ces errances chères au cinéaste ) lui font croiser plusieurs personnages pour des séquences touchantes, grotesques ou pathétiques qui conduisent à un dernier quart d'heure saisissant.
Avec son montage éclaté faits de flash-back, Séoul filmée la nuit, la marche sans but du héros et la voix-off introspective et grave, l'émotion nous prend aux tripes. La douleur nous noue la gorge.
Les derniers plans en bout de ligne de tramway alors qu'une fine pluie commence à tomber tiennent du génie.

Malgré ses lacunes initiales, Holiday est donc bien un joyau pessimiste de Lee Man-Hee. Un drame glauque et torturé dont l'unité de temps et sa courte du durée ( 73 minutes ) rythment cette mélodie simple et sincère sans note en trop pour une musique entêtante.
Dernière modification par bruce randylan le 18 avr. 12, 10:44, modifié 1 fois.
"celui qui n'est pas occupé à naître est occupé à mourir"
bruce randylan
Mogul
Messages : 11658
Inscription : 21 sept. 04, 16:57
Localisation : lost in time and lost in space

Re: Lee Man-Hee (1931-1975)

Message par bruce randylan »

Soldier of YMS 504 ( 1963 )

Le plus faible film de guerre de Lee Man-Hee présenté pour cette rétrospective.
On ne sent pas trop le réalisateur concerné par l'histoire. C'est donc du pilotage automatique pour une bonne partie du film à commencer par les parties mélo avec histoire d'amour compliquée qui n'apporte rien ( la sœur de machin aime bidule mais est aimé par truc sachant que machin veut pas qu'on tourne autour de sa sœur et que lui même a des problèmes de couple ). La conclusion est même hallucinante de grosses larmes de crocodiles quand on se retrouve devant la tombe d'un des héros, que tout le monde pleure à chaudes larmes ( « oh mon pauvre papa que j'aime tant. Pourquoi est-tu mort alors que je t'aime tant tellement c'est injuste que tu sois mort parce que je t'aime mon papa » ). Du bien gros lourd qui ne concerne essentiellement que la fin et un personnage secondaire tout aussi peu crédible.

Même chose pour les scènes de bataille. Bon, je parle au pluriel, mais on en trouve qu'une seule et elle est située à la fin et sa mise en scène n'est pas très engageante avec cette curieuse manie de Lee Man-Hee d'alterner plan tourné en plein jours et plans plus sombres alors que la scène est sensé se dérouler en plein jour. En plus les maquettes sont ratée et le réalisateur ne cherche de toute façon pas à les mettre en valeur.

Non, ce qui intéresse Lee c'est le groupe de soldats immatures, frivoles et régressifs. On trouve là quelques scènes triviales très drôles où les hommes sont montrés comme des adolescents obsédés mais gentils. Ce genre de moments ne doient que concerner que 30% du film mais ce sont des parenthèses amusantes et régressives ( le tatouage de la fin nue, la photo de pin-up avec des cache-sexes, la beuverie, leur hymne... )
Ce sont les seuls moments où l'on retrouve la présence du réalisateur à ce film de commande qui lui permet tout de même une nouvelle fois d'apposer au dernier moment un regard anti-militariste avec une conclusion tragique. On sent en tout cas que ce genre de produit alimentaire ne l'amuse pas et qu'il a envie d'un cinéma plus personnel et à la forme plus risqué.
Mais ce Soldier of YMS 504 n'est pas non plus un ratage.
"celui qui n'est pas occupé à naître est occupé à mourir"
bruce randylan
Mogul
Messages : 11658
Inscription : 21 sept. 04, 16:57
Localisation : lost in time and lost in space

Re: Lee Man-Hee (1931-1975)

Message par bruce randylan »

Life ( 1969 )

Un drame surprenant qui rappelle beaucoup la trame du gouffre aux chimères de Wilder. C'est pourtant inspiré d'un fait divers coréen où un mineur fut coincé pas moins de 17 jours sous terre avant d'être sauvé. Je ne spoile rien, c'est annoncé dès le début.

Par contre ( et heureusement pour moi ), le film est débarrassé de tout cynisme Wilderien. On trouve bien des journalistes désabusés et une serveuse qui profite de la situation pour s'enrichir mais ce n'est pas du tout le cœur du film qui est centré sur la figure du mineur isolé.
C'est l'occasion pour Lee man-Hee de se poser la question « comment représenter l'obscurité au cinéma ». Et bien il s'en sort avec les honneurs ! La photo est donc très soignée avec une image sombre et une source de lumière pratiquement absente qui détoure à peine le personnage et vaguement le décor. Le cadrage fait aussi en sorte qu'on ne puisse pas définir la géographie du lieu pour mieux traduire la perte de repère du personnage central. Le son est également primordial dans ce rendu et le réalisateur accentue les effets d'échos de chutes de pierres ou poutres, de bruit d'écoulement d'eau ou des souvenirs de la guerre qui pousse le mineur vers la folie.
Ce parti pris anti-spectaculaire risque donc de décevoir ceux qui s'attendait à un films catastrophe ou un film à un suspens. Les plans sont plutôt lents et longs pour montrer la longue et difficile progression des sauveteurs. Le film est ainsi prenant par son épuration visuelle et dramatique.
Car en effet Lee Man-Hee ne tombe pas dans les pièges du mélodrame qu'on aurait pu craindre. A peine, par exemple, voit-on la famille de l'infortuné prisonnier. L'entraide entre mineur n'est pas non plus souligné de façon héroïquement plus qu'il ne faut et on ne cherche pas à tout prix un responsable à l'accident.

Ce drame est l'une des excellentes surprises de ce cycle d'autant qu'il ne dure que 75 minutes. Le film aurait surement pu être plus viscérale dans son impression d'enfermement et de folie mais la démarche presque intimiste du cinéaste traduit fort bien l'avancée du temps et la perte de force du personnage de plus en plus fataliste. Ca donne une fin qui n'a presque rien d'un soulagement.
D'ailleurs le plan final qui voit l'ascenseur redescendre dans le puits s'avère angoissant avec une voix off assez grave. On comprend que ce miracle n'en sera sans doute plus un quand le prochain éboulement de ce genre se reproduira.


A noter qu'au tout début, un carton (qui n'a rien à voir avec le film) nous incite à prendre les armes pour aller casser du communistes :mrgreeen:





The Midnight sun ( 1972 )

J'ai beaucoup aimé ce petit film sans vrai scénario mais bourré de chaleur, de naïveté et de complicité.
Si Ozu aurait réalisé un film policier, ça aurait pu ressemblé à ça. C'est plus proche donc de inspecteur de service de John Ford ( en mieux j'ai envie de dire ) qu'un film noir américain. Et tant mieux car on s'attache rapidement au quotidien de cet inspecteur dont le travail ne lui permet pas de profiter de sa famille. Sa femme se sent seule, sa belle-sœur se fait séduire par un collègue, son jeune fils livreur de journaux s'est pris d'amitié pour un orphelin qui cherche sa sœur et enfin un détenu, qui le considère comme responsable de la mort de son enfant, est sorti de prison. Et puis il y a cette affaire de vol de moto à résoudre.
Bref, ça fait beaucoup pour lui et il est vite dépasser par sa situation. Mais comme je le disais, il n'y a pas de vrai intrigue. On passe d'un personnage à l'autre sans logique par un narration très épurée qui use d'ellipses tout autant discrètes que tranchantes. Ca donne cette ambiance légère, décontractée et lumineuse qui ne cherche jamais le sensationnel. On est vraiment dans une sensibilité japonaise qu'on retrouve chez Ozu ou chez Yoji Yamada ( le réalisateur des Tora-san ), on a d'ailleurs droit au même genre de musique.

Les quelques moments qui pourraient se rapprocher du genre policier sont justement dédramatisées par cette musique bien décalée sur les 2 séquences de poursuite en voiture/vélo. La fin n'évite pas par contre quelques fausses notes mélodramatiques comme ce dialogue entre le couple de jeunes voleurs de motos qui sonnent d'autant plus atrocement faux qu'il est très mal post-synchronisé. On dirait que la scène a vraiment été ré-écrite en post-production.
Fort heureusement la dernière scène bien burlesque gomme ces menus défauts. On retrouve donc cette légèreté, cette fraicheur, cette candeur sincère, cet humour qui m'a collé un sourire niais dès la première séquence ( quand le garçon n'arrête pas d'interpeller son père sur le chemin du travail :lol:).
Dernière modification par bruce randylan le 21 août 15, 07:32, modifié 1 fois.
"celui qui n'est pas occupé à naître est occupé à mourir"
bruce randylan
Mogul
Messages : 11658
Inscription : 21 sept. 04, 16:57
Localisation : lost in time and lost in space

Re: Lee Man-Hee (1931-1975)

Message par bruce randylan »

A Road To sampo (1975)

Sans doute le film le plus évident sur les thèmes de prédilection du cinéaste : l'errance, les marginaux, et un certain fatalisme dans les rapports humains.
A road to sampo s'attache ( et c'est le mot) à raconter la ballade de deux hommes sortis de prison qui vagabondent sur les routes. Ils sont bientôt rejoint par une prostituée pétillante et exubérante.

En se recentrant essentiellement sur ses 3 personnages, le film devient une sorte de roadmovie pédestre épuré dont le scénario ne raconte rien si ce n'est de vivre quelques instants avec ces 3 oubliés de la société coréenne avant que leurs routes ne se séparent.
Comme c'est typiquement un genre que j'apprécie, j'ai adoré ce film drôle, frais, touchant, émouvant, spontané et également tragique. La sensibilité de Lee Man-Hee atteint ici sa pleine maturité et son amour pour son trio de paumés est contagieux. Malgré leurs côtés "grande gueule", on comprend très vite que ces êtres sont plus profonds qu'ils n'y paraissent et que leurs comportements n'est qu'une façade qui leur évitent de se mettre à nus.... ce qu'ils feront cependant une fois leur périple bien avancé. C'est le personnage féminin qui est à ce titre le plus réussi et le plus riche et complexe, celle qui se prend le plus de risque. Face à elle, les deux personnages masculins sont beaucoup moins dans l'émotion car ils n'osent jamais "sauter le pas" : malgré sa sagesse, le plus âgé restera disant et effacé, quand au plus jeuns il préféra sacrifier son amour plutôt que de tenter une vie qui s'annonce délicate.

Le rapport en les personnages se densifie au gré des minutes car comme dans tout bon roadmovie, A road to sampo évoque la naissance d'une famille. Il y a d'ailleurs une très belle scène à la fois drôle et tragique où le vieux vagabond se fait passer pour le père de la prostituée pour lui éviter d'être passer à tabac. Alors qu'il joue clairement la comédie pour sauver la face, on les vois soudain passer aux vrais larmes quand ils pensent à leurs vraies familles perdues.
Cette élégance de Lee Man-Hee de ne jamais vouloir opter pour le mélo sensationnel permet de dresser un très joli portrait de femme, jouée par une actrice dont je n'arrive pas à trouver le nom. Elle est vraiment magnifique avec un regard qui semble toujours contredire sa voix, ses actions et ses gestes. Elle devient un personnage à la mélancolie bouleversante qui conduit à une conclusion étonnement triste qui souffre malheureusement ( et pour la seule fois du film ) d'un pathos trop appuyée. Mais la beauté des derniers plans font oublier cette faute de gout qui dure également un peu trop longtemps.

C'est un de mes films préférés de Lee Man-Hee et tout simplement un immense film qui qui s'inscrit dans une veine intimiste et humaine qui m'émeut particulièrement. C'est aussi un film très beau à regarder avec une nouvelle fois une très belle utilisation du scope, de l'espace, des couleurs ( le blanc de la neige au début devient de plus en plus sombres pour davantage de scène de nuits ou de villes chromatiquement plus ternes )
"celui qui n'est pas occupé à naître est occupé à mourir"
Répondre