Premier contact avec le réalisateur pour ce film noir à l'esthétisme très inspiré du cinéma japonais. Visuellement, c'est vraiment classe : la photo en noir et blanc est magnifique et le scope a vraiment de la gueule.
Après, c'est assez problématique : les acteurs sont en bonne partie médiocres pour ne pas dire agaçant ( surtout les gangsters ) et l'aspect mélodramatique plutôt discret dans sa première moitié explose dans le dernier tiers avec un lourdeur inimaginable qui donne presque l'impression de regarder une parodie : les acteurs tirent une tronche pas possible, les dialogues sont consternant de médiocrité lacrymogène ( les sous-titres avaient l'air d'avoir été traduit à la va-vite celà dit ). Il faut voir le chef des méchants agoniser en lançant des phrases philosophiques pathétiques ou un ultime "je veux qu'on mette une petit fleur sur ma tombe".

Rajoutez à cela un twist ridicule avec le come-back d'entre les morts d'un sous-fifres brûlés et ça gâche la bonne impression relative initiale avec cette fin qui se traine en longueur comme un tortue remontant les chutes du Niagara.
C'est dommage de sombrer dans les clichés à ce point car toute la partie au début sur la femme défigurée contournait agréablement les poncifs du genre avec une réelle sensibilité et délicatesse qui donnait quelques scènes émouvantes sans jamais en faire trop dans le pathos.
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Assassin ( 1969 )
La présentation du film par la fille du réalisateur nous prévient que le film est volontairement expérimental et que le résultat plongea en disgrâce le cinéaste aux yeux des studios. Comme l'histoire parle de tueurs, on se dit qu'on va tomber sur la marque du tueur façon Corée.
Bon, en effet le film est expérimental mais il n'a rien de comparable à l'un des chefs d'oeuvres de Suzuki : c'est avant tout mauvais et usant tellement de ses figures de style qu'on espère que c'est là encore de la parodie.
Il faut voir le montage alterné ( entre les tueurs marchant dans une plaine, la cible fumant sa pipe et la fille d'un des tueur se faire raconter une comptine ) pour y croire. Quelque chose comme 15 minutes qui répète inlassablement les mêmes plans ( ou presque ) et la même musique.
La conclusion avec la métaphore ( ratée ) de la pomme est tout aussi catastrophique. Bref la santé mentale du spectateur est mise à rude épreuve et malgré les 80 minutes, on a l'impression d'avoir d'avoir passé plus de temps dans la salle que si on s'était fait Sleep de Warhol au ralenti.
C'est rageant d'avoir accoucher de ce machin là, car Lee a du talent : science du cadrage évident ; belle utilisation des couleurs ; un jeu déstabilisant sur le point de vue et la focalisation ; montage parallèle osée mais fascinant et hypnotique ( du moins les premières minutes )... mais toutes ses bonnes idées comme la figure du cercle et de la répétition de la violence et des pantins politiques ( la comptine de la gamine ; le bateau tournant en rond ) ne dépassent que trop rarement le simple stade du principe et de la note d'intention.
Bref ça fait un pas un film.
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4 O'Clock 1950 ( 1972 )
Un film de guerre dont Lee Man-Hee fut l'un des spécialistes.
C'est une très bonne surprise et le premier à faire pour le moment du cinéaste un vrai auteur à mon gout.
C'est un film de guerre plutôt réalisé et dépouillé qui repose sur une idée simple mais bien exploitée ( en rappelant qu'on est dans un film de propagande des années 60 en Corée du Sud ). On n'ira pas jusqu'à le comparer aux films de Fuller mais y-a de l'idée.
On y suit une poignée de soldat dans un bunker qui surveillent la frontière entre les 2 Corée juste avant la guerre. Quand celle-ci éclate, le premier assaut les laisse pour mort et ils se retrouvent derrière les lignes ennemis sans moyen de communication.
Les personnages ne sont guère fouillés et il y a quelques moments qui virent vers la mélodrame ( sans être heureusement étirer superficiellement comme dans Black Hair ) mais la maitrise technique et le traitement emportent l'adhésion sans trop de problème. Le sens du scope et du cadrage sont éblouissants tandis que la photo automnale ( malgré une copie très aléatoire au niveau des couleurs ) rajoute au sentiment crépusculaire et de défaite en apportant une pointe de douceur qui fait aussi la différence.
On sent que Lee a du respect pour ses personnages et les quelques moments calmes sont assez magnifiques et peuvent être comparer pour le coup à Fuller. La séquence, simple et dépouillée, où un soldat harassé mange une boulette de riz avant qu'un bombardement ne le pousse à se réfugier sous un camion en continuant de se nourrir est formidable. La musique d'ailleurs est très belle bien qu'un peu répétitive.
Elle accompagne admirablement bien la mélancolie presque poétiques de plusieurs moments qui fonctionne dans l'ensemble bien même si la mise en scène est parfois maladroite ( les soldats mourant en criant "maman" ; la mère venant insulter un soldat pour avoir fui ; le sourd entendant des cloches d'église ).
Le film s'impose car, hormis quelques dialogues anti-communistes, Lee ne fait pas un pur film de propagande. D'ailleurs plus le temps passe et plus les ennemis deviennent invisibles à l'écran de façon audacieuse pour un film de guerre où les héros, à moitié fous, ont plus l'air de lutter contre leurs destins que contre une invasion militaire. La conclusion est d'ailleurs pessimiste et désenchanté tandis que les décors se font de plus en plus abstraits et artificiels, confirmant l'originalité du projet ( qui se sentait déjà dans la séquence introductive )
Après, la forme et le discours sont toujours un peu naïfs mais c'est un beau film dans l'ensemble qui vieillit très bien.