Le Western américain : Parcours chronologique I 1930-1949

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Rick Blaine
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique

Message par Rick Blaine »

Jeremy Fox a écrit :
Père Jules a écrit : Très frappé la première fois que je l'ai vu.
La traversée de la ville par les Apaches est elle aussi assez mémorable je trouve. Mais si je ne devais garder qu'une image, ce serait le gros plan sur le visage de Anne Baxter après qu'elle se soit fait embrasser par Gregory Peck.
Je garderais, pour ma part, les images époustouflantes du désert aride et craquelé, qui son parmi les plus ancrées dans ma mémoire de cinéphile.

Mais il faut insister sur Anne Baxter, actrice que j'aime beaucoup de manière générale, qui est parfaite dans Yellow Sky. Comme Whispering Smith, c'est un film qui se trouve au plus haut au panthéon de mes western favoris.
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique

Message par Julien Léonard »

Jeremy, je suis en totale adéquation avec toi. Je ne cesserais de dire à quel point ce film est magnifique... Je ne m'en lasserais jamais. :D

Belle chronique, une fois de plus !
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someone1600
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique

Message par someone1600 »

Encore une fois une superbe chronique pour un film excellent qu'il faudrait bien que je revois d'ailleurs. :D
feb
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Re: Yellow Sky

Message par feb »

Jeremy Fox a écrit :La Ville Abandonnée (Yellow Sky , 1948) de William Wellman
Encore bravo pour cette superbe chronique Jeremy. Mon DVD est arrivé aujourd'hui et je sais que lors de son visionnage j'aurai affaire à un gros film ! Merci encore :wink:
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Jeremy Fox
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique

Message par Jeremy Fox »

Rick Blaine a écrit : Je garderais, pour ma part, les images époustouflantes du désert aride et craquelé, qui son parmi les plus ancrées dans ma mémoire de cinéphile.

.

Le même désert qui avait été foulé quelques mois plus tôt par les trois bandits de John Ford et qui avait avant ça accueilli les dernières séquences du chef-d'oeuvre de Stroheim, Les Rapaces

Anne Baxter ; rien que pour ça, j'ai confiance feb :mrgreen:
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique

Message par feb »

Jeremy Fox a écrit :Anne Baxter ; rien que pour ça, j'ai confiance feb :mrgreen:
Toi tu commences à me connaitre :mrgreen:
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Père Jules
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique

Message par Père Jules »

Jamais vu une beauté aussi "sauvage" que celle de la Baxter dans ce film.
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Re: Yellow Sky

Message par Federico »

Jeremy Fox a écrit :
La Ville Abandonnée (Yellow Sky , 1948) de William Wellman

le plan en caméra subjective sur Gregory Peck vu de l’intérieur du fusil tenu par Anne Baxter a du grandement marquer Samuel Fuller car, contrairement à ce que beaucoup pensaient, ce n’est donc pas lui qui l’aura inventé pour son futur 40 Tueurs (Forty Guns) [Les deux cinéastes possèdent en tout cas en commun une grande rudesse de ton].
Je me demande si en cherchant bien plus loin dans le passé cinématographique, on ne trouverait pas déjà ce type de plan au temps du muet, chez les Russes ou les Allemands par exemple, voire chez les maîtres du slapstick...

Sinon, je n'ai vu ce film qu'une fois et il y a longtemps mais il m'avait époustouflé. Sans nul doute un des plus sublimes westerns que je connaisse. Autant dire que j'éprouve une énorme envie de le revoir...
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Jeremy Fox
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Re: Yellow Sky

Message par Jeremy Fox »

Federico a écrit :
Jeremy Fox a écrit :
La Ville Abandonnée (Yellow Sky , 1948) de William Wellman

le plan en caméra subjective sur Gregory Peck vu de l’intérieur du fusil tenu par Anne Baxter a du grandement marquer Samuel Fuller car, contrairement à ce que beaucoup pensaient, ce n’est donc pas lui qui l’aura inventé pour son futur 40 Tueurs (Forty Guns) [Les deux cinéastes possèdent en tout cas en commun une grande rudesse de ton].
Je me demande si en cherchant bien plus loin dans le passé cinématographique, on ne trouverait pas déjà ce type de plan au temps du muet, chez les Russes ou les Allemands par exemple, voire chez les maîtres du slapstick...
Oui, ça se pourrait qu'il y ait eu ce genre de plan dans le cinéma formaliste russe mais jusqu'à présent, dans le western, c'est la première fois que je le vois.
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Jeremy Fox
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The Man from Colorado

Message par Jeremy Fox »

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La Peine du Talion (The Man From Colorado, 1949) de Henry Levin
COLUMBIA



Sortie USA : 20 janvier 1949


« William Holden : - Dites moi docteur, la guerre pourrait-elle affecter un homme aussi bien qu'Owen au point qu'il ne puisse plus s'arrêter de tuer ?
Edgar Buchanan : - La guerre affecte les hommes de bien des façons différentes. Du temps ! Les hommes ont besoin de temps après la guerre ; et d'un entourage qui les aime et ait confiance en eux. »


Ce western scénarisé par Ben Maddow et Robert Hardy Andrews d’après une histoire de Borden Chase évoquera en effet les affres de l’après-guerre (la guerre civile ici pouvant aussi bien représenter l’après Seconde Guerre Mondiale qui ne s’est terminée que depuis à peine quatre ans), ses conséquences désastreuses aussi bien psychologiques qu’économiques ou sociales. Le western n’étant désormais plus ostracisé, ayant définitivement trouvé une belle légitimité auprès de ‘l’intelligentsia’, on remarque qu’il se débarrasse de plus en plus de ses oripeaux pittoresques ou humoristiques qui étaient encore bien présents jusque là, notamment dans les films avec Errol Flynn ou John Wayne par exemple y compris parmi les plus sombres. On constate ces derniers temps, et plus précisément au cours de cette année 1948, un regain de sérieux, que ce soit au travers de Silver River, Blood on the Moon, Whispering Smith, Yellow Sky ou ce Man from Colorado qui s’enfonce encore plus avant dans la noirceur. La tournure que prend le genre le fait s’éloigner du cinéma de pur divertissement pour aborder de plus en plus souvent des sujets à fortes connotations psychologiques, politiques, dramatiques ou sociales.

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1865 au Colorado. Une troupe d’une centaine de Confédérés se trouve acculée à Jacob’s Gorge par l’armée ennemi. Sentant qu’ils ne pourront pas se défendre sans risquer de tous y passer, ils hissent le drapeau blanc. Du côté de l’armée Nordiste, le colonel Owen Devereaux (Glenn Ford), bien qu’il ait vu aux jumelles ce signal de demande de reddition, se tait et ordonne à ses hommes de se mettre à tirer et d’exécuter sans pitié le détachement adverse. C’est un massacre ! Sur le champ de bataille, le capitaine Del Stewart (William Holden) découvre sous un cadavre le drapeau blanc fixé au bout d’un fusil ; meilleur ami d’Owen, il préfère à son tour ne rien dire d’autant que, de retour au campement, on apprend que la Guerre de Sécession vient de se terminer. Owen n’accepte pourtant pas qu’il y ait eu des souleries suite à cette annonce et empêche Jericho (James Millican), un de ses hommes, d’aller fêter dignement l’évènement. Rendus à la vie civile, Owen et Del retrouvent à Glory Hill, Caroline (Ellen Drew) de qui ils sont tous deux amoureux. Accueilli en héros, dès son arrivée Owen est nommé juge par Carter (Ray Collins), l’homme le plus influent de la région. Dans la foulée, Owen fait de Del le Marshall de la ville. Quant à la plupart des soldats, ils ont la malencontreuse surprise de constater que leurs concessions ont été confisquées au profit d’une compagnie minière dirigée justement par Carter qui leur propose néanmoins de les embaucher mais pour un salaire de misère ; autant dire qu’ils ne comptent pas se laisser déposséder de la sorte malgré le fait que ce soit une loi fédérale qui leur ait porté tort. Owen ne veut rien faire pour les aider ; de plus, les séquelles de la guerre ont l’air d’avoir fait des ravages dans son cerveau malade et il se comporte de plus en plus comme un fou dangereux. On ne compte plus les meurtres, les jugements à l’emporte-pièce et les lynchages injustifiés. Caroline, qu’il vient d’épouser, ne veut pas le suivre sur cette pente périlleuse et même Del se retourne contre lui, se mettant du côté des ex-soldats qui souhaitent à tout prix récupérer leurs terres et leur argent quitte à piller et tuer…

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Ce remarquable scénario serait tombé entre les mains d’un grand metteur en scène, gageons que The Man from Colorado serait une œuvre maîtresse qui ferait aujourd’hui partie des classiques du genre. Mais n’accablons pas trop Henry Levin qui s’en tire néanmoins assez bien même s’il n’arrive que rarement à faire décoller son film faute de souffle, de rythme ou simplement d’idées de mise en scène. En l’état ce western demeure tout à fait honnête déjà par le fait d’être parti sur des bases solides signées Borden Chase qui allait très peu de temps après acquérir ses lettres de noblesse aux côtés d’Anthony Mann, Raoul Walsh ou Robert Aldrich. Nous y reviendrons en temps et en heure ; pour l’instant, arrêtons nous deux secondes sur l'histoire qu'il a écrite d’une noirceur encore rarement égalée dans le genre qui nous intéresse, plus même que que celle de Yellow Sky sans vouloir chercher à les comparer tellement le film de Wellman vole très au-dessus et tellement leurs intrigues n'ont pas grand chose en commun. Mais cette opacité poisseuse ne serait-elle pas à l’origine de ce fait assez curieux, à savoir que le film semble être sorti en Suède six mois avant son avant première aux USA ? Si quelqu’un arrive à en connaître la raison, je serais curieux de le savoir.

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Dans un premier temps, nous assistons donc à ce stupéfiant prologue qui voit un colonel Yankee massacrer un bataillon ennemi alors qu’il avait remarqué que ce dernier demandait sa reddition. Arrivé au campement, il apprend que l’armistice a été signé ; il s’enferme alors dans sa tente pour consigner dans son journal son fait ‘héroïque’ soulageant sa conscience en se disant que c’était un acte de guerre et non un carnage. Mais on constate qu’intérieurement il n’est pas en paix. Puis, une fois revenu dans le civil, il tue de sang froid le seul survivant qui allait le dénoncer avant d’accepter de se faire nommer juge de paix dans la petite ville où il s’installe avec son épouse. Le goût du sang encore dans la bouche, il ne jure que par les représailles et pour se faire n’hésitera pas à tuer des innocents, à faire lyncher de pauvres bougres, anciens soldats sous ces ordres, quitte à se faire lâcher par tous ses amis y compris par sa femme qui ne peut pas l’accepter tel qu’il est devenu, un fou sanguinaire, un homme torturé par ses remords et qui s’en défend en tuant dans sa légalité. Les scénaristes brossent le portrait de ce mégalomane avec une grande densité psychologique et le font intelligemment évoluer ; dommage qu’en sus de la réalisation, le deuxième point faible du film soit l’interprétation à la fois monolithique et quelque peu outrée d’un Glenn Ford qui va néanmoins se révéler par la suite comme étant l’un des plus talentueux acteur du cinéma et notamment du western. Dans La Peine du Talion, à force de roulements d’yeux, mal desservi physiquement par une coiffure qui ne l’arrange guère, on se prend à regretter que les deux rôles principaux n’aient pas été inversés, que William Holden, parfait dans le film en homme droit et courageux, n’ait pas tenté de se mettre dans la peau de ce personnage difficile mais oh combien gratifiant pour un comédien s’il ne tombe pas dans la caricature comme ici ! Quoiqu’il en soit, Owen est un personnage tellement puissant que, malgré une interprétation faiblarde et moyennement convaincante, il nous tient en haleine tout du long.

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Dans le même temps, en plus de ce portrait psychologique à l’eau forte, les scénaristes nous gratifient d’une histoire d’amitié assez attachante, d’une romance plutôt plaisante (les deux amis étant de plus amoureux de la même femme) et d’un arrière fond historique et social assez passionnant. Cette réflexion sur la loi fédérale s’étant injustement substituée pendant la guerre aux coutumes plus équitables occupe une partie non négligeable du film, plus traditionnelle (l’habituelle lutte entre les nantis et les plus défavorisés) mais dans un cadre et une époque assez inédits, ceux de l’après guerre dans une cité minière du Colorado. Les mineurs sont outrés de s’être battu trois ans de leur vie pour leur nation et se voir, enfin de retour chez eux, privés de leurs lopins de terre qui plus est confisqués par les lois du pays pour lequel ils ont risqué de mourir à chaque instant durant de si nombreuses années. On ne le serait à moins. Le juge, mis à cette place par le propriétaire de la mine, ne peut que défendre ce dernier en trouvant comme excuse qu’il ne peut pas faire autrement, étant obligé d’obéir aux lois ; en revanche, le Marshall, son meilleur ami tout en étant son plus grand rival en amour, risquera tout pour venir en aide à ses anciens compagnons d’arme quitte à perdre son travail, son amitié et sa vie. J’espère qu’à partir de ces quelques descriptions, on aura deviné la richesse d’un scénario assez solidement charpenté mais qui se délitera malheureusement plus il avancera vers le final.

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Ce qui aurait du être le paroxysme du film s’avère effectivement assez décevant ; acculé, prêt à utiliser son épouse pour attirer son rival dans un piège mortel, le personnage joué par Glenn Ford va tout simplement décider de mettre le feu au campement minier pour en faire sortir les révoltés à la tête desquels son ex-ami ainsi que l’excellent et prolifique acteur James Millican qui avait vraiment la tête de l’emploi pour jouer les cow-boys ou les outlaws. Et bien, alors que la tension aurait du être à son maximum, elle retombe comme un soufflé devant le bâclage de la séquence qui ne s’avère pas très spectaculaire à cause de transparences hideuses, d’un flagrant manque de rythme dans le montage, le tout dénué de la moindre idée plastique (les nuits américaines disséminées tout le long du film ne sont pas franchement réussies non plus). Sans plus attendre, un happy end de circonstance vient clôturer en à peine trente secondes un western qui nous avait pourtant fait bonne impression presque tout du long même si nous ne nous étions que rarement senti transportés. S’il est dommage qu’un tel postulat de départ, qu’une telle virulence dans le propos, qu’une telle audace dans le choix du sujet, que le portrait d’un psychotique avide de sang aussi cruel (tout en restant attachant par le fait de n’être pas dénué de problèmes de conscience ni d’humanité, hanté et ravagé par des démons nés de la guerre) n’accouche que d’un modeste film de série manquant singulièrement de force et de souffle, nous n’avons néanmoins pas perdu notre temps car l’ensemble est loin d’être désagréable et se suit avec beaucoup de plaisir et sans trop d’ennui même si les dialogues sont abondants et l’action assez restreinte.

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Les caractères sont assez approfondis, le sérieux de l’ensemble est très estimable et les prolongements moraux s’avèrent très intéressants. L’interprétation d’ensemble, excepté Glenn Ford en petite forme et peu convaincant (une fois n’est pas coutume), rien à en redire, c’est un très bon casting que nous ont concocté les pontes du studio. Le film possède en outre une partition réussie de George Duning, dramatique et entêtante, des décors intérieurs assez luxueux et colorés (même si à ce niveau nous sommes loin du précédent western de Glenn Ford pour la Columbia, l’extrêmement sympathique The Desperadoes de Charles Vidor), de beaux costumes et d’imposants extérieurs qui auraient quand même mérités d’être mieux mis en valeur. Curieux d’ailleurs ce contraste entre la noirceur du scenario et la ‘chatoyance’ tout à fait charmante du Technicolor, entre l’opacité de l’ensemble et les scènes romantiques que l’on croirait sorties d’un autre film. Filmé en noir et blanc à la manière d’un film noir, le film aurait peut-être gagné en puissance dramatique ? Glenn Ford et William Holden avait déjà formé pour la Columbia un duo dans Texas de George Marshall en 1941 ; ils feront désormais chacun leur ‘grand’ bonhomme de chemin sans plus jamais se rencontrer. Quant à Henry Levin, il abordera à nouveau le genre à deux autres reprises mais restera surtout dans les annales et dans le cœur des cinéphiles pour avoir réaliser la plus mémorable adaptation d’un roman de Jules verne, le fameux Voyage au Centre de la Terre, la version avec James Mason et Arlene Dahl. Pour en finir avec La Peine du Talion, un western pas pleinement réussi mais curieux et à l’intrigue assez originale pour ne pas m’empêcher de vous le conseiller néanmoins d’autant qu’au fil des visions, il trouve de plus en plus grâce à mes yeux.
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique

Message par Rick Blaine »

Un film qui ne m'avais pas déplu, mais qui ne m'a pas marqué non plus, j'en ai finalement très peu de souvenir, au point qu'il a fallu que j'aille vérifier sur mes listes pour confirmer que je l'avais bien vu... :oops:

Je lui redonnerais surement une chance bientôt, malgré les défauts que tu mentionne, il semble avoir des qualités intéressantes.
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique

Message par Jeremy Fox »

Rick Blaine a écrit : j'en ai finalement très peu de souvenir, au point qu'il a fallu que j'aille vérifier sur mes listes pour confirmer que je l'avais bien vu... :oops:

.
T'inquiètes, tu n'es pas le seul à faire ça ; ça m'arrive fréquemment et souvent pour des westerns d'ailleurs :mrgreen:
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I Shot Jesse James

Message par Jeremy Fox »

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J'ai tué Jesse James (I Shot Jesse James, 1949) de Samuel Fuller
LIPPERT PROD.


Sortie USA : 26 février 1949

En ce début d’année 1949, on commence à voir poindre une nouvelle génération de cinéastes sur les devants de la scène dont Samuel Fuller qui nous livre avec ce western tout simplement son premier long métrage, début d’une longue et belle carrière. L’assassinat de Jesse James est un fait historique devenu quasiment mythique puisque mis en images à de multiples reprises. Presque tout le monde a en tête l’image de cet honorable père de famille monté sur une chaise pour remettre un tableau droit et qui, à ce moment là, se fait tirer une balle dans le dos à bout portant par son ami Robert Ford, ex-membre de son gang à qui l’on promettait l’amnistie après avoir accompli cet acte de vilenie. Samuel Fuller, pour son premier film et avec un budget dérisoire, s’empare à son tour de ce fait ‘légendaire’ pour raconter… une histoire d’amour, ni plus ni moins.

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L’alarme déclenchée par un employé de la banque fait échouer le dernier hold-up du gang des frères James. Des hommes sont tués et Bob Ford (John Ireland), blessé, laisse tomber le butin. Il est sauvé par Jesse ((Reed Hadley) qui l’emmène à Saint Joseph dans Missouri où, caché sous une identité d’emprunt, il vit caché auprès de Zee, son épouse. Bob est l’hôte des James depuis bientôt six mois. Il est follement épris de la comédienne Cynthy Waters (Barbara Britton) qui ne veut pas d’un bandit pour époux, ne souhaitant pas vivre dans l’angoisse perpétuelle. Il lui promet de quitter le gang dès que possible ; quant il apprend que le gouvernement offre l’amnistie ainsi qu’une prime à n’importe quel membre du gang qui livrerait son chef aux autorités, Bob pense à son avenir, à sa liberté et tire dans le dos de Jesse alors qu’il était monté sur une chaise pour remettre un cadre droit. Bob se rend et est amnistié sans cependant toucher la récompense promise. Il se rend immédiatement chez Cynthy espérant enfin se faire épouser ; horrifiée par son geste, elle le repousse au contraire d’autant qu’elle vient de rencontrer John Kelley (Preston Foster) qui ne lui est pas indifférent. Ne perdant pas espoir, Bob reste en ville où il a trouvé un travail de comédien : tous les soirs au théâtre, a lieu la représentation de l’assassinat de Jesse James…

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L’histoire nous est donc déjà connue puisqu’elle a déjà fait l’objet de deux films qui se suivaient, Le Brigand Bien aimé (Jesse James) de Henry King et Le Retour de Frank James (The Return of Frank James) de Fritz Lang. Mais ces oeuvres n’ont pas grand-chose d’autre en commun avec la version qui nous préoccupe, celle-ci se révélant d’une plus grande noirceur, évacuant tout le pittoresque encore présent dans le dytique précédent ; il faut dire qu’au lieu de prendre pour personnage principal le frère de la victime, I Shot Jesse James relate les évènements du point de vue de l’assassin comme le titre nous l’a fait pressentir : un antihéros lâche, égoïste et tourmenté par ses démons, il fallait oser ! Une autre manière d’appréhender le même fait historique, une réflexion sur comment peut se construire une notoriété alors que le seul but de celui qui l’a acquis était la tranquillité. Une vision sombre et désenchantée puisque Bob Ford a tout raté en tuant son mentor, ayant perdu l’amour pour lequel il avait commis cet acte, ayant gagné au contraire une réputation de tireur dont il se serait bien passé, certains pensant devenir des héros à leur tour en le défiant, en l’occurrence ici un adolescent. Bob comprend alors, dès le moment où il retrouve la liberté qu’il en sera en fait toujours privé, qu’il ne trouvera jamais plus la quiétude et que cet ‘emprisonnement’ en dehors des barreaux sera tout aussi difficile à vivre, la solitude semblant devoir être désormais son lot quotidien.

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Même si le réalisateur déclarait avoir voulu faire le portrait d'un assassin en se demandant ce qui poussait un homme à tuer son semblable, ce n’est pas forcément le thème principal du film. De la part de ce baroudeur de la caméra, on pouvait s’attendre à tout sauf à une première œuvre ‘romantique’ et finalement très attachante qui nous surprend par le fait de réussir à nous faire ressentir de l'empathie pour ce traître de Bob Ford, meurtrier par amour. Ce protagoniste nous devient d’autant plus sympathique qu’il est bourré de remords et que nous apprenons bien avant lui que, la femme pour qui il accomplit toutes ces actions indignes, ne partage pas son amour. Une profonde mélancolie (sorte de pitié pour ‘ce pauvre type’) vient alors nous envahir jusqu’à ce que la tragédie finale vienne y mettre un terme. Dommage que les épaules de l’acteur John Ireland (par ailleurs excellent second couteau dans des centaines de films et séries TV et que Samuel Fuller avait découvert et apprécié dans Red River) ne soient pas assez solides pour le porter à tenir le rôle principal d’un film et que Barbara Britton soit plus charmante que talentueuse (ils sont loin d’être tous deux mauvais ceci dit), auquel cas contraire I Shot Jesse James aurait certainement pu atteindre des sommets dans l’émotion. En revanche, son rival, John Kelley, est superbement interprété par un Preston Foster très classieux et charismatique qui en fait un personnage pour lequel on éprouve une forte empathie. Tout comme précédemment à propos de La Peine du Talion où j’aurais bien vu une interversion de rôles entre William Holden et Glenn Ford, je pense que Preston Foster aurait pu être parfait dans la peau du traître amoureux.

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Cette première tentative manque aussi visiblement de moyens qui le privent de plus d’ampleur et de souffle. Fuller tente de pallier cette carence par l’intégration d’une musique un peu trop grandiloquente, en inadéquation avec la sécheresse des images, mais aussi par un montage souvent efficace et beaucoup d’imagination dans sa mise en scène (les quatre plans consécutifs sur des paysages pour remplacer de coûteuses scènes de chevauchées alors que Bob Ford se rend travailler à la mine ; l’utilisation de l’image ‘flashback’ au cours de la séquence théâtrale ; le duel nocturne avec les plans de John Ireland sur fond complètement opaque…) mais son western demeure malgré tout un peu trop bavard malgré une intrigue assez solide. On a souvent parlé de dynamitage du genre et d’iconoclasme à propos de ce premier film de Samuel Fuller ; ce sera vrai par la suite mais ce serait beaucoup exagéré d’en parler pour ce western comme je l’ai lu à plusieurs reprises. Disons que Fuller pallie le faible budget par de belles trouvailles et idées de mise en scène mais c’est le propre des bons réalisateurs de série B. Rien encore ici qui ne bouleverse quoique ce soit ni dans le fond ni dans la forme, The Man from Colorado (pour le fond), Yellow Sky (pour la forme) étant, pour prendre les exemples les plus récents, bien plus révolutionnaire à ces deux niveaux.

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Il faut néanmoins saluer la jolie réussite de ce coup d’essai, une tragédie westernienne romantico-ascétique qui manque certes de rigueur mais dont la fougue finit par emporter l’adhésion. On y trouve une sidérante scène d’ouverture par ses cadrages et sa violence (ce sera un peu la ‘marque de fabrique du cinéaste), de vastes mouvements de caméras et un style aride, certes assez éloigné des canons hollywoodiens de l’époque, le cinéaste privilégiant souvent par exemple les gros plans jusqu’ici assez rares. Le réalisateur arrive à mettre en place, malgré l’austérité de l’ensemble, une tension dramatique certaine (la balade de ‘l’abominable petit lâche’ Robert Ford chanté devant lui dans un saloon par un quidam ne le connaissant pas de visu …). On découvre aussi que chez Fuller, les affrontements physiques ne font pas dans la dentelle et les histoires d’amour sont dénuées de sentimentalisme ; il ne dérogera jamais à cette règle, tout comme il continuera à utiliser plus que de coutume les coupures de journaux, son ancien métier de journaliste remontant à la surface. Un western assez atypique d’une grande liberté d’expression, au ton plutôt inhabituel, souvent maladroit et inachevé, mal rythmé et inégal, mais suffisamment attachant pour avoir envie d’y revenir et surtout très prometteur pour ce jeune metteur en scène.
feb
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique

Message par feb »

Comme d'habitude, super boulot M.Fox :wink: Question bête : il est disponible uniquement en DVD Z1 Criterion ?
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South of St. Louis

Message par Jeremy Fox »

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Les Chevaliers du Texas (South of St. Louis - 1949) de Ray Enright
WARNER


Avec Joel McCrea, Alexis Smith, Zachary Scott, Dorothy Malone
Scénario : Zachary Gold & James R. Webb
Musique : Max Steiner
Photographie : Karl Freund (Technicolor 1.37)
Un film produit par Milton Sperling pour la Warner


Sortie USA : 01 mars 1949


Au Texas, alors que la Guerre de Sécession bat son plein, les trois propriétaires du Ranch ‘The Three Bells’ ont la mauvaise surprise de trouver leur domaine réduit en cendres, leur cheptel volé par la bande de Cotrell (Victor Jory). Kip (Joel McCrea), Charlie (Zachary Scott) et Lee (Douglas Kennedy) se rendent à Brownsville, à la frontière mexicaine, pour se venger et faire payer ses méfaits à ce chef de gang sans scrupules. Seulement ils ne peuvent guère faire plus que de le bourrer de coups de poings car ce profiteur de guerre est protégé de tous côtés, aussi bien par les nordistes qu’il aide par ses pillages à faire rendre âme à l’ennemi, que par les confédérés avec qui il fait de la contrebande d’armes à partir du Mexique. Grâce à la Saloon Gal, Rouge de Lisle (Alexis Smith), deux de nos trois partenaires, avec dans l’idée de reconstruire leur ranch avec l’argent gagné, se lancent eux aussi dans le trafic d'armes au profit de la confédération, faisant ainsi de l’ombre à Cotrell. Quant à Lee, il a décidé de s’engager dans l’armée sudiste. Kip et Charlie, au fur et à mesure de leurs aventures et alors que leurs affaires clandestines s’avèrent juteuses, vont eux aussi tourner différemment et finir par se séparer. Le trio d’amis va-t-il pouvoir se reformer…

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Concernant Ray Enright, modeste mais habile faiseur, au sein d’une filmographie westernienne plutôt très médiocre, on arrive néanmoins à dénicher quelques sympathiques réussites notamment lorsque le réalisateur tourna pour la Universal - Les Ecumeurs (The Spoilers) avec le beau trio formé par John Wayne, Randolph Scott et Marlène Dietrich, Kansas en feu (Kansas Raiders) avec Audie Murphy - ou pour la Columbia - Ton heure a sonné (Coroner Creek), le film qui entama la fabuleuse collaboration entre Randolph Scott et le producteur Harry Joe Brown pour aboutir au corpus justement fameux que Budd Boetticher tourna avec le comédien. Les westerns qu'Enright signa pour la Warner furent en revanche dans l'ensemble assez médiocres, témoin le pitoyable Montana, l’un des pires films de la carrière d’Errol Flynn. Juste avant cela, avec une réputation plutôt flatteuse, Les Chevaliers du Texas se tient plutôt bien sans néanmoins s'avérer inoubliable. En nous replongeant à nouveau - avec le remuant Kansas Raiders - en plein milieu de ce conflit civil meurtrier que fut la Guerre de Sécession, le cinéaste allait se révéler un peu plus convaincant, en profitant pour convoquer la plupart des grands bandits de l’Ouest autour du tristement célèbre William Quantrill. Le Cotrell de Victor Jory dans South of St. Louis est bien évidemment lui aussi inspiré de Quantrill, l’un des profiteurs de guerre les plus sanguinaires, qui à maintes reprises s'est vu personnifier au sein du genre.

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Sur le papier, ce western avait tout pour nous faire saliver : le portrait de trois amis aux tempéraments opposés qui allaient prendre des chemins différents suite à la destruction de leur domaine en pleine guerre civile ; deux femmes (une Saloon Gal et une fille respectable) autour desquelles nos trois partenaires vont tourner ; de l’action, des situations inextricables, un background historique intéressant... Tout semble en place pour nous offrir un spectacle palpitant, rehaussé par l'utilisation toujours chatoyante du Technicolor. Au final, le scénario de James R. Webb et Zachary Gold, à partir d’une intrigue finalement assez simple, ne se révèle pas très bien construit et devient vite inutilement embrouillé, les comédiens ne s’avèrent que moyennement convaincants - pas plus Joel McCrea que ses partenaires - et la réalisation a parfois un peu de mal à faire décoller l’ensemble même si certaines séquences mouvementées sont plutôt réussies, notamment la bagarre à poings nus entre Joel McCrea et Victor Jory, et surtout le gunfight final. Si Karl Freund à la photo nous ravit les yeux, nos oreilles ne sont malheureusement pas autant à la fête ; en effet, le grand compositeur Max Steiner en fait parfois des tonnes pour pas grand-chose, sortant de temps à autres la fanfare à tort et à travers, Alexis Smith s’est également fait offrir à d’autres occasions des chansons bien plus mémorables à interpréter que celles de ce western.

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Ce remake westernien des Fantastiques années 20 (The Roaring Twenties) sera vite oublié malgré quelques petites originalités comme cette idée des éperons/cloches des trois "chevaliers du Texas" ou le fait de voir Joel McCrea sombrer dans l’alcool. Cependant, à condition de ne pas être trop exigeant et d’arriver à passer outre les habituels défauts de la Warner lorsqu’elle abordait le genre (à savoir un humour lourdingue, une interprétation souvent outrée, une musique qui surligne tout à gros traits), il nous reste un agréable et honnête spectacle, un régal pour les yeux et un duel final nerveux et non dénué de panache. South of St. Louis n’aura pas spécialement tenu les promesses d’une intrigue remuante, voire frénétique ; il en était bien évidemment tout autre concernant l'original, l’excellent film noir signé Raoul Walsh, James Cagney et Humphrey Bogart étaient de plus autrement plus charismatiques que leurs remplaçants dans le western, Joel McCrea et Zachary Scott. Redisons le cependant, un western plutôt sympathique.
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