Le Western américain : Parcours chronologique I 1930-1949

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Jeremy Fox
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When the Daltons Rode

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When The Daltons Rode (1940) de George Marshall
UNIVERSAL


Sortie USA : 23 août 1940

Tod Jackson (Randolph Scott) se rend à Guthrie pour y exercer son métier de juriste. En cours de route, il s’arrête à Coffeyville pour rendre visite à ses amis d’enfance, les Dalton. Ici, au Kansas, Rigby (Harvey Stephens) et ses géomètres, exproprient les petits paysans pour le compte d’une compagnie ferroviaire. Encouragé par les Dalton, Tod décide de rester un temps sur place pour plaider la cause des fermiers spoliés et expulsés. Il ne lui faut pas longtemps pour tomber amoureux de Julie (Kay Francis), la fiancée de son ami Bob Dalton (Broderick Crawford). Afin de ne pas provoquer d’embrouilles ou de rancœurs, il prend la décision de poursuivre sa route mais il devra ajourner une nouvelle fois son départ pour se faire l’avocat de Ben Dalton (Stuart Erwin) qui, en voulant chasser les géomètres arrivés sur ses terres, en tue un accidentellement. Ben est jugé mais le procès se termine par un second mort et la fuite des Dalton qui deviennent alors des hors-la-loi blâmés pour tous les crimes commis alentour. C’est le début d’un engrenage de fuites, de désolation et de violence… Tandis que de son côté, Tod ne sait plus trop sur quel pied danser, pris entre son désir d’aider ses ex-amis désormais recherché dans tout le pays, son amour pour Julie et son attachement à la loi…

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En 1939, Henry King réalise Jesse James narrant la biographie romancée du brigand bien aimé. L’immense succès obtenu par le film exhorte les producteurs à chercher l’inspiration de leurs futurs scénarios de westerns dans un des éléments les plus importants de la mythologie de l’Ouest : les bandits de grand chemin. Et Hollywood arrive presque toujours à enjoliver les choses et à trouver des excuses à ces "hors-la-loi malgré eux". La faute en incombe souvent à des financiers ou patrons de compagnies sans scrupules qui, en les poussant à bout, les mènent au crime, tout ceci dégénérant en une spirale de violence sans fin.

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Il en va de même pour ce When the Daltons Rode. Le scénariste Harold Shumate n’a reculé devant aucun compromis pour prendre lui aussi de nombreuses licences avec la vérité. Une anecdote amusante, le scénariste a été jusqu’à oser faire mourir Emmett Dalton alors que son scénario s’inspire du livre même du rescapé de la famille, Emmett en personne !!! Pour en rester dans les éléments constitutifs de ce genre de "biographies" mis en place par Henry King, les frères Dalton sont tous au départ d’honnêtes ranchers qui, par malchance et colère, arrivent à fracasser le crâne d’un géomètre et à tuer un autre homme pendant le procès d’un des leurs. "Pourquoi devrait-on obéir à des lois faites pour des menteurs et des voleurs" dira l’un des frères. A partir de ce moment là, tous les crimes, même quand ils n’y seront pour rien, leurs seront imputés. Voulant attaquer et piller la diligence transportant la paie des hommes de la compagnie ayant voulu les exproprier, ils subiront les représailles par l’incendie volontaire de la maison de leur mère, ce qui les fera commettre un nouveau crime par pure vengeance. L’engrenage est lancé et ne pourra que mal se terminer. La fin tragique de ces héros participe de l’aura de romantisme dont le scénariste et les producteurs ont voulu entourer ces personnages afin de renforcer l’empathie que ressentiront les spectateurs à leur égard.

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Alors que je l'avais trouvé laborieux à la première vision, le film s'est bonifié aux deux suivantes au point de l'avoir grandement apprécié ce matin. L'humour du premier tiers qui m'avait semblé lourd au départ ne venait en fait que de la présence un peu pénible et hors contexte du personnage joué par un Andy devine cabotinant à outrance ; pour le reste, c'est au contraire bon enfant et plutôt frais et agréable comme ces cinq délicieuses premières minutes, petit raccourci rapide de l'histoire récente des USA par le narrateur Edgar Buchanan et le duo savoureux qui s'ensuit avec un Randolph Scott de plus en plus à l'aise dans le genre après sa magnifique interprétation dans le Virginia City de Michael Curtiz quelque mois auparavant ; Il n'a pourtant ici pas spécialement le beau rôle puisqu’il n’est d’aucunes scènes d’action. Bref, alors que Randolph Scott et Kay Francis sont en tête d’affiches, ce sont plutôt Grat et Bo Dalton, joués respectivement par Brian Donlevy et un excellent Broderick Crawford, qui retiennent l’attention. Après une longue présentation des personnages et une tendre romance entre Randolph Scott et Kay Francis, le drame se met en place. La dernière demi-heure, suite ininterrompue d’action et de coups de feu, convient parfaitement à George Marshall qui fait preuve alors d’un solide métier, aidé en cela par le souffle épique (parfois quasi-wagnérien) de la partition de Frank Skinner mais surtout par d'ahurissantes cascades de l’inimitable Yakima Canutt, ce dernier n’hésitant pas à se laisser glisser sous une diligence, à sauter avec son cheval d’un wagon dans une rivière, à courir sur le toit d’un train lancé à vitesse raisonnable…

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Au final, une série B solide, mouvementée et plaisante même si elle n'est pas aussi réussie que le western précédent du cinéaste, le délicieux et émouvant Femme ou démon (Destry Ride Again) avec le couple James Stewart / Marlène Dietrich. Mais ne serait-ce que pour la poursuite des Daltons à la suite de l'attaque d'une banque ou la tuerie finale assez impressionnante, ce western ne mérite pas de tomber dans l'oubli. Universal commençait dès lors à devenir le studio le plus prolifique dans la production de série B westernienne de qualité. When The Daltons Rode en était presque le premier fleuron.
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Jeremy Fox
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Bad Man of Wyoming

Message par Jeremy Fox »

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Wyoming (Bad Man of Wyoming, 1940) de Richard Thorpe
MGM


Sortie USA : 13 Septembre 1940

Reb Harkness (Wallace Beery) est un voleur de train recherché dans le Missouri. Avec son acolyte mexicain Pete (Leo Carrillo), ils décident d’aller se faire oublier sur le territoire du Wyoming. Trahi par son partenaire dès leur arrivée dans cet Etat verdoyant et montagneux, Reb trouve refuge dans un ranch où vivent Lucy Kincaid (Ann Rutherford) et son petit frère Jimmy (Bob Watson) avec qui il se lie d’amitié. Les fermiers du coin sont sous la coupe de John Buckley (Joseph Calleia), un homme d’affaire sans scrupule. Quand le frère de Mehibatel tombe sous les balles des hommes de main de Buckley, Reb qui était tombé sous le charme de cette femme rustre (Marjorie Main), décide, avec l’aide du Général Custer (Paul Kelly) d’aider les ranchers à débarasser la ville de la racaille qui la dirige en y faisant régner la terreur…


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Wyoming marque le début du couple pittoresque constitué par Wallace Beery et Marjorie Main qui se retrouvera sous l’égide de la MGM à cinq autres reprises après le beau succès de ce western ; un drôle de duo se chamaillant constamment sauf dans les rares moments où ils entament tous deux quelques sérénades. Dans le casting on remarque aussi Henry Travers, le futur ange gardien de James Stewart dans La Vie est Belle, dans la peau d’un shérif couard, et Paul Kelly en général Custer. Quasiment aucune affiche sur internet, aucun commentaire sur IMDB, ce western s’avérait une vraie rareté ; il aurait très largement pu le demeurer tellement dans son abyssale nullité on chercherait vainement ne serait-ce qu’un seul élément à sauvegarder. Si, tout de même Jackson Hole, le lieu de tournage derrière lequel se profilent les majesteuses montagnes escarpées du Grand Teton National Park !


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Mais pourquoi la MGM réputée pour être la compagnie par excellence de l’usine à rêve a pu produire de tels navets utilisant à mauvais escient des budgets considérables ? Au final, un western humoristique pas drôle, une comédie westernienne sans rythme, au scénario et à la mise en scène inexistantes. Même Patrick Brion aurait du mal à trouver un quelconque intérêt à ce film d’un de ses chouchous, le metteur en scène du pourtant excellent Night Must Fall trois ans auparavant et des futurs très bons Ivanhoé, Trois Petits mots (Three Little Words) ou La Vallée de la Vengeance (Vengance Valley) pour n'en citer que trois. Quand à l’interprétation, elle va du fadasse au très pénible sans passer par d'autres étapes intermédiaires, Wallace Beery ayant déjà été bien plus inspiré même s’il n’a jamais été un comédien très sobre. A fuir sans aucun remords et surtout pas besoin de perdre son temps à en rajouter des tartines !
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Re: Le Western Américain : Parcours chronologique

Message par Grimmy »

Bravo, bravo Jeremy. Ce que tu fais est juste fantastique !! J'ai envie de tout voir, de tous les acheter !! Même les mauvais !!
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Jeremy Fox
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Re: Le Western Américain : Parcours chronologique

Message par Jeremy Fox »

Grimmy a écrit :Bravo, bravo Jeremy. Ce que tu fais est juste fantastique !! J'ai envie de tout voir, de tous les acheter !! Même les mauvais !!
:oops: 8) :D Ca fait très plaisir ; je dois dire que de mon côté je m'amuse comme un petit fou. Je remercie d'ailleurs Cathy au passage pour m'avoir aidé à trouver des "pièces manquantes".

Niveau DVD le bilan est pour l'instant plus que positif ; quasiment (presque) tous les films importants existent sur ce support.

Et l'on peut voir que niveau thématique, nous avons schématiquement pour le moment d'un côté les films qui abordent la conquête de l'Ouest avec les voyages périlleux des pionniers se rendant dans les "terres promises" et leurs difficultés à survivre une fois arrivés au terme de leur odyssée ou bien la construction du rail ; de l'autre, la grande majorité, ceux qui, après la Guerre de Sécession, décrivent l'éternelle rivalité entre petits fermiers et gros propriétaires de bêtes à cornes ou d'autres affaires tout aussi juteuses, que ce soient des lignes de chemins de fer ou des établissements qui rapportent. Les biographies de gangsters entrent d'ailleurs parfaitement bien dans la seconde catégorie. Très peu encore d'histoires familiales ou psychologiques.
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hellrick
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Re: Le Western Américain : Parcours chronologique

Message par hellrick »

Pas encore eu l'occasion de le dire, mais juste bravo à toi pour ce travail de titan :D
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Re: Bad Man of Wyoming

Message par Julien Léonard »

Jeremy Fox a écrit : Wyoming (Bad Man of Wyoming, 1940) de Richard Thorpe
C'est curieux, avant même de commencer à lire ta chronique, je ne le sentais pas ce film (les captures peut-être ?). Par contre, beaucoup plus convaincu par Les Daltons arrivent... Ce serait bien si j'arrivais à mettre la main dessus, car à part les quelques grands classiques du western édités chez Universal (ou tout du moins prestigieux en termes de budgets), je n'ai pas trop été faire un tour du côté de leurs séries B (à part Le déserteur de Fort Alamo). Et puis, j'adore Randolph Scott, alors... A découvrir, donc.

Encore merci à toi ! :)
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Cathy
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Re: Le Western Américain : Parcours chronologique

Message par Cathy »

Jeremy Fox a écrit :
Grimmy a écrit :Bravo, bravo Jeremy. Ce que tu fais est juste fantastique !! J'ai envie de tout voir, de tous les acheter !! Même les mauvais !!
Je remercie d'ailleurs Cathy au passage pour m'avoir aidé à trouver des "pièces manquantes".
Encore que visiblement ce ne soit nullement des chefs d'oeuvre indispensables :fiou: !
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Jeremy Fox
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Re: Le Western Américain : Parcours chronologique

Message par Jeremy Fox »

Cathy a écrit :
Jeremy Fox a écrit :
Je remercie d'ailleurs Cathy au passage pour m'avoir aidé à trouver des "pièces manquantes".
Encore que visiblement ce ne soit nullement des chefs d'oeuvre indispensables :fiou: !
Mais c'est loin d'être fini et déjà le Curtiz valait largement le coup d'oeil :wink:
O'Malley
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Re: The Oklahoma Kid

Message par O'Malley »

Jeremy Fox a écrit :
Terreur à l’Ouest (The Oklahoma Kid, 1939) de Lloyd Bacon


James Cagney et Humphrey Bogart se révèlent ici non seulement médiocres mais aussi oh combien ridicules ! Avec sa veste à lanière, James Cagney en cow boy d’opérette mal grimé en fait des tonnes dans son personnage de Robin des Bois du Far West tuant comme il respire mais capable aussi de pousser la chansonnette voire la berceuse pour endormir un nourrisson.
oui, c'est pour cela que je garde un souvenir amusant (mais très lointain) de ce western. L'ensemble ne me semblait pas sérieux du tout.
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Jeremy Fox
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Re: The Oklahoma Kid

Message par Jeremy Fox »

O'Malley a écrit :
Jeremy Fox a écrit :
Terreur à l’Ouest (The Oklahoma Kid, 1939) de Lloyd Bacon


James Cagney et Humphrey Bogart se révèlent ici non seulement médiocres mais aussi oh combien ridicules ! Avec sa veste à lanière, James Cagney en cow boy d’opérette mal grimé en fait des tonnes dans son personnage de Robin des Bois du Far West tuant comme il respire mais capable aussi de pousser la chansonnette voire la berceuse pour endormir un nourrisson.
oui, c'est pour cela que je garde un souvenir amusant (mais très lointain) de ce western. L'ensemble ne me semblait pas sérieux du tout.
Oui mais justement, ce n'est même pas un nanar avec de l'humour involontaire ; j'ai juste trouvé ça navrant car ça semble quand même se prendre au sérieux.
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Jeremy Fox
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KIt Carson

Message par Jeremy Fox »

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Kit Carson (1940) de Georges B. Seitz
UNITED ARTISTS


Sortie USA : 26 août 1940


Le trappeur Kit Carson (Jon Hall) et ses amis Ape (Ward Bond) et Lopez (Harold Huber) viennent d’échapper à une attaque indienne ; ils ont l’intention de prendre du repos à Fort Bridger mais le capitaine John C. Fremont (Dana Andrews) demande à Carson d’être son éclaireur pour conduire un convoi de colons à travers la Sierra Nevada et l’Oregon pour se rapprocher de la Californie. D’abord réticent, Kit revoit sa position lorsque c’est la jolie Dolores (Lynn Bari) qui le sollicite, cette dernière lui ayant tapée dans l’œil et allant faire partie du voyage qui doit la conduire à rejoindre son père. Le périple va s’avérer dangereux d’autant que les Indiens Shoshones se font équiper en armes à feu par le dictatorial général Castro qui ne souhaite pas que la Californie soit annexée par les américains…

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Étonnement, alors qu’il fut le héros d’innombrables BD et romans, Kit Carson n’a jamais vraiment été mis en avant au cinéma contrairement à d’autres célèbres aventuriers et trappeurs tels Daniel Boone – avec qui il eut des liens de parenté - ou Davy Crockett. C’est d’autant plus curieux et dommage de ne pas l’avoir croisé plus souvent sur grand écran que sa vie fût sacrément mouvementée et qu’il fit partie des plus grands pionniers de l’histoire américaine, l’un de ceux à l’origine des mythes fondateurs du Far West. Même si de nos jours quelques portraits brossés de lui ne sont pas spécialement flatteurs, nombre des premières publications le concernant donnent de lui une image globalement positive, bien plus que celle de la plupart des autres célébrités de l’Ouest. Une de ses connaissance le décrivait ainsi dans les années 1850 : "un gentleman par instinct, droit, pur et chaleureux, aimé aussi bien des Américains que des Indiens et des Mexicains." Plus récemment mais néanmoins voici déjà 50 ans, l’un de ses biographes écrivait : "Que ce soit du point de vue de ses exploits ou de sa personne, Carson ne fut pas surestimé. Si l'histoire ne devait conserver le souvenir que d'une seule personne, digne d'admiration, parmi les Mountain Men, Carson serait le meilleur choix possible. Il était, parmi ces hommes, celui qui avait de loin le plus de qualités et le moins de défauts."

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Rapide survol de sa biographie, tout du moins la première moitié qui nous amène au point où débute le film qui nous concerne. Il naît dans le Kentucky en 1809. Orphelin de père à l’âge de sept ans, il doit dès lors travailler à la ferme familiale puis trouve un emploi dans une sellerie au départ de la piste de Santa Fe. Là, il écoute le récit des aventuriers et trappeurs qui parcourent le pays jusqu’au Far-West et à l’âge de 16 ans, des rêves d’aventure plein la tête, il part à son tour à la découverte du continent en s’engageant comme palefrenier dans une caravane de marchands. En 1929, il effectue sa première saison en tant que trappeur qui le conduit jusqu’aux territoires Apaches encore inexplorés. Il va tour à tour épouser une indienne Arapahoe (qui décède en couches), une indienne Cheyenne (qui l’abandonne pour suivre la migration de sa tribu) puis enfin une fille de bonne famille de 14 ans. En 1842, il retourne dans l’Est afin de confier sa fille de son premier mariage à des parents afin qu’elle reçoive une bonne éducation. C’est sur un bateau à vapeur au cours de ce voyage qu’il rencontre John C. Frémont qui se prépare à conduire une expédition à South Pass et qui cherche un guide. Kit accepte et ce périple de cinq mois pour cartographier la région est un succès ; le rapport de Frémont est publié par le Congrès des États-Unis d’où découlera une vague de caravanes d'émigrants partant pour cette nouvelle terre promise à l’Ouest.

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En 1843, Frémont et Carson partent cartographier la seconde moitié de la piste de l’Oregon et se retrouvent en Californie alors sous domination mexicaine. Ils doivent vite rebrousser chemin pour ne pas déclencher une guerre. Nous en arrivons en 1845, année à laquelle démarre le film de Seitz et la troisième expédition de Frémont qui est dans les faits envoyé en Californie pour susciter la fibre patriotique des colons américains de la région, leur promettant que s’ils parviennent à déclencher une guerre avec le Mexique, il leur enverra la force militaire pour les protéger, en profitant pour annexer la région et l’amener dans le giron des USA. C’est là que l’on entrevoit le mieux la fantaisie des scénaristes quant à la réalité historique puisque dans Kit Carson, ce sont les colons qui s’élèvent contre la dictature et les exactions des mexicains suite aux incendies de plusieurs haciendas par l’armée de Castro. Vu par ce bout de la lorgnette hollywoodienne, les Indiens sont des sauvages sans foi ni loi armés par les diaboliques mexicains, aucun des deux peuples n’étant épargnés par le scénariste George Bruce qui est assez manichéen dans sa manière de décrire sans beaucoup de nuances l’apport de la civilisation dans l’Ouest sauvage par les bons blancs américains, seuls garants des libertés. Mais depuis le temps, l’on connaît parfaitement bien Hollywood et il n'est pas besoin de s'offusquer plus avant ; si l’on sait faire abstraction de cet aspect de propagande – n’oublions pas l’année de tournage du film, les auteurs poussant à l’interventionnisme américain dans le conflit mondial qui faisait alors rage – et si le viol de l’histoire ne vous rebute pas, il faut bien avouer que nous nous trouvons là devant un film d’aventure d’une belle efficacité, tout autant au niveau de l’écriture que de la mise en scène.

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On se satisfera donc aisément de quelques idées assez jubilatoires comme celle de la baignoire géante séparant hommes et femmes par un mur pour une séquence digne des bonnes comédies américaines ; de quelques autres qui feront probablement grincer des dents comme celle de la torture puis de l’exécution de l’espion mexicain ; du joli triangle amoureux qui se noue - totalement fictif - d’autant que les deux hommes s’avèrent de dignes gentlemen, se souciant plus du bonheur de leur amoureuse que de savoir sur lequel va se reporter son choix, les deux hommes gardant une solide amitié malgré leur rivalité amoureuse ; de constater que nos trois personnages principaux, aussi droits soient-ils, se permettent de douter ainsi que d’avouer leurs faiblesses et erreurs. On sera également agréablement surpris par des séquences d’action non seulement très bien menées mais également superbement rythmées – à l’exception de la dernière un peu bâclée -, par des décors naturels de Monument Valley filmés avec talent et majesté, ainsi que par une interprétation d’ensemble tout à fait honorable, Jon Hall en Kit Carson arrivant à faire oublier par sa belle prestance les premiers acteurs pressentis pour le rôle (pas moins que Victor McLaglen, Randolph Scott, Joel McCrea and Henry Fonda), Dana Andrews très bien dans la peau de John C. Fremont ou encore la charmante Lynn Bari ainsi qu’un chaleureux Ward Bond et son boomerang pour arme, tous s’avérant parfaits dans leurs rôles respectifs. Notons aussi pour les amateurs de serials que nous trouvons réunis dans le film Clayton Moore et Jay Silverheels qui seront peu après les célèbres Lone Ranger et Tonto.

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Le film est dynamique, épique, vigoureux, chaleureux, ne manque pas d’humour, file à 100 à l’heure et il faut bien avouer que cela est très plaisant sur toute la durée malgré un petit ventre mou à mi-parcours. C’est fort bien réalisé, la logistique est assez impressionnante et l’on ne s’attendait vraiment pas à trouver un film indépendant aussi spectaculaire pour l’époque. On le doit en partie à l’exigence et à l’éthique du producteur Edward Small à la carrière plus qu’intéressante, à George B. Seitz qui nous avait déjà donné précédemment une très bonne version du Dernier des Mohicans avec Randolph Scott ainsi qu'au réalisateur de seconde équipe Arthur Rosson qui nous offre quelques plans assez époustouflants sur Monument Valley qui n’ont pas trop à rougir face à ceux de John Ford qui nous avait fait découvrir la région l’année précédente avec son inoubliable Stagecoach. Certainement pas un grand film mais un western de très bonne tenue.
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Re: When the Daltons Rode

Message par Link Jones »

[quote="Jeremy Fox"]
When The Daltons Rode (1940) de George Marshall
UNIVERSAL


Je l'ai revu en même temps que toi à peut-être un jour près, et ce fut un vrai régal de retrouver la bande des Daltons. Quand je pense que j'avais été profondémment déçu à la première vision ... il faut dire qu'à l'époque je découvrais en parallèle les films de Mann, de Ford, et qu'il ne faisait pas le poids. Aujourd'hui les sorties DVD de western sont si pauvres, que la redécouverte d'une série B un peu oubliée au fond du placard est un grand moment !

En tout cas, les Daltons m'ont bien amusés dans leur péripéties rocambolesques, et comiques. Leurs nombreuses fuites deviennent de plus en plus improbables, mais pris dans l'action on se laisse prendre au jeu ; les cascades sont remarquables ; la scène du tribunal est un grand moment, carrément grotesque, comique ! :wink:

Hier soir également :D j'ai revu "Le Retour de Frank James" et j'ai également eu la surprise de le trouver presque aussi bon que le "Jesse James" de King, un peu moins romantique. Les effets spéciaux sont moyens, poursuite à cheval notamment ; mais les images sont parfois superbes, avec de beaux éclairages nocturnes. La VF d'époque est quand même assez insupportable surtout pour le doublage de Gene Tierney, j'ai zappé ainsi en VOSTA et VF sur de nombreux passages. :wink:
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Re: When the Daltons Rode

Message par Jeremy Fox »

Link Jones a écrit :

Hier soir également :D j'ai revu "Le Retour de Frank James" et j'ai également eu la surprise de le trouver presque aussi bon que le "Jesse James" de King, un peu moins romantique. Les effets spéciaux sont moyens, poursuite à cheval notamment ; mais les images sont parfois superbes, avec de beaux éclairages nocturnes. :wink:
Oui pour moi aussi la surprise fut de taille surtout que j'avais toujours critiqué ce film en comparaison avec celui d'Henry King ici même :oops: Par contre si les transparences sont effectivement assez ratées lors de la poursuite, hormis ce défaut, la séquence est splendide. Et oui les éclairages nocturnes sont extraordinaires et du coup je m'étonne que le film n'ait pas eu une meilleure presse déjà rien que pour son aspect plastique.

Même sentiment et même revirement que toi concernant les Daltons :wink:
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Brigham Young

Message par Jeremy Fox »

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L’Odyssée des Mormons (Brigham Young, 1940) d’Henry Hathaway
20TH CENTURY FOX


Sortie USA : 27 septembre 1940

Ne considérant pas le très beau The Trail of Lonesome Pine comme faisant partie du genre, Brigham Young est le premier western d'envergure d'Henry Hathaway, n'ayant réalisé avant celui-ci que de petites bandes de série que peu de monde semble avoir vu. C'est donc le début d'une belle filmographie du cinéaste dans le genre qui nous intéresse ici.

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A la question de Bertrand Tavernier dans son « Amis Américains » qui voulait savoir si Hathaway avait fait ce film en tant que supporter des Mormons, ce dernier lui répondit : «Absolument pas. J’ai simplement lu leur histoire et cela m’a fasciné. » Sur quoi il enchaînait un peu parlant de ce qu’il pensait de son long métrage : « C’était un film drôlement bon. Vous savez, le genre de film difficile à faire, c’est un film avec une caravane de chariots. On n’arrive pas à faire rejaillir l’intérêt : on est obligé de commencer toutes les séquences par les chariots qui avancent, et la scène suivante, les chariots continuent à avancer ou ils s’arrêtent et ensuite repartent. C’est dur de varier la construction plastique. Ensuite, le second genre le plus difficile : c’est le film religieux. Dans Brigham Young, j’avais les deux. On passait des chariots qui roulent à la religion pour revenir aux chariots qui roulent. C’est un miracle qu’on s’en soit sortis. »

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Et il avait raison ; sans atteindre des sommets, son film se révèle franchement bon ne tombant à aucun moment dans le prêchi-prêcha ni dans la mièvrerie, travers dans lesquels il aurait effectivement pu être tenté de se vautrer avec un tel sujet de départ, l’histoire d’un des ‘prophètes’ de la religion des Mormons conduisant son peuple vers leur terre promise. Au final, une aventure humaine plus qu’un laborieux sermon. En 1844, après avoir été évincé quelques années auparavant de l’Ohio puis du Missouri, les Mormons sont à nouveau victimes de persécutions dans l’Illinois en raison de leurs croyances religieuses. Les habitants font tout pour les chasser allant jusqu’aux expéditions punitives se terminant par des meurtres de sang froid. A la suite d’un procès truqué, Joseph Smith (Vincent Price), le fondateur de leur Église, est violemment abattu par une foule déchaînée. Il trouve cependant en Brigham Young (Dean Jagger) un digne successeur ; malgré l’avis de certains voulant rester pour se défendre, il décide de ne pas tenter le diable et de conduire l’exode de sa communauté hors de cet État où on les malmène. C’est le début d’ un long et pénible voyage en chariots vers les plaines d’Amérique du Nord ; en 1947, tombé en arrêt devant une vallée située en Utah, Brigham et ses centaines de suiveurs y fondront la future Salt Lake City après avoir passé un rude premier hiver au cours duquel beaucoup faillirent mourir de faim.

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Alors que la vie de Brigham Young avait été déjà pas mal mouvementée, Henry Hathaway et son scénariste Lamar Trotti (dont je ne me lasserais jamais de dire tout le bien que j’en pense) décident de débuter sa biographie au moment où, à Carthage (Illinois), il prend la succession du fondateur de l’église des Mormons après que ce dernier se soit fait purement et simplement massacré par une foule haineuse lui déchargeant des coups de fusil à bout portant. Un seul flash back lors du procès de Joseph Smith nous fera revivre la première rencontre entre les deux hommes. Dean Jagger, l’un des très grands seconds rôles des années 40 et 50, semble véritablement habité par son personnage, un homme décrit comme profondément humain et rarement sentencieux. Charismatique sans trop en faire, l’acteur est excellent jusque lors de ce final où, harassés par les épreuves qu’ils ont enduré et l’hiver rigoureux qu’ils ont eu à subir, ses fidèles se retournent contre lui le taxant de menteur et de faux prophète incapable d’enrayer le dernier fléau qui leur tombe dessus, une invasion de crickets ; Lamar Trotti, avec sa tendresse habituelle, finit d’en faire un homme fragile et encore plus attachant.

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Et, malgré aussi un Tyrone Power assez effacé et des seconds rôles prestigieux tels John Carradine ou Brian Donlevy (encore eux, de quasiment tous les westerns de ces années !), ce sont surtout les personnages féminins qui nous restent en tête après la fin du film. Mary Astor (inoubliable l’année suivante face à Bogart dans Le Faucon Maltais) et la sublime Linda Darnell (future Chihuahua de John Ford dans My Darling Clementine) dans l’un de ses premiers grands rôles nous livrent de magnifiques compositions et offrent ainsi deux très beaux portraits féminins. La première interprète l’épouse aimante et compréhensive de Brigham Young, la seconde une jeune femme qui, après la mort de son père persécuté pour ses croyances, suit la communauté sans pour autant vouloir adhérer elle-même à leur religion et qui tombe amoureuse d’un des membres du groupe. Toutes deux filmées avec grâce et sensibilité sont certainement les protagonistes les plus attachants de cette fresque ne manquant pas de souffle, narrant les persécutions (50 premières minutes) puis l'exode (30 minutes suivantes) et enfin l'arrivée de la communauté religieuse dans la vallée du Lac Salé sous les Montagnes Rocheuses avec les difficultés qu’elle eut à s’y installer au cours d’un premier hiver glacial (30 dernières minutes). Une sorte de "remake" des 10 commandements façon western plutôt bien mené par un Hathaway en pleine possession de ses moyens surtout quand il s'agit de filmer d'immenses paysages et des scènes mouvementées (les séquences initiales montrant les cruelles exactions commises par les habitants de l’Illinois à l’encontre des Mormons possèdent une réelle puissance, celle que Zanuck souhaitait avoir dans ses films à caractères sociaux de l’époque comme Les Raisins de la colère). Parfois bavard, quelquefois frisant l'académisme par son sérieux imperturbable (quoique la discussion sur la polygamie entre Tyrone Power et John Carradine fasse preuve d’humour) mais retombant toujours sur ses pattes grâce à la conviction du réalisateur, du scénariste et des interprètes.

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Même si sa communauté manque un peu de vie (Hathaway est plus un cinéaste de l’individualité que du groupe), même si la caravane de La piste des Géants avait plus d’ampleur, même si la communauté fordienne de Sur la piste des Mohawks était bien plus chaleureuse, il n’en reste pas moins qu’Henry Hathaway nous offre, avec une figuration importante, une belle photographie et de splendides paysages naturels (le panoramique à 180° qui ouvre la séquence de l’arrivée au dessus de Salt Lake City est superbe), une épopée spectaculaire et intimiste tout ce qu’il y a d’honorable, une vraie réussite dans son genre qui prône de plus un respectueux message de tolérance. On y voit, à Council Bluffs, les Indiens être les seuls à accueillir avec chaleur les Mormons, se découvrant à l’occasion des frères de persécutions dans ce pays qui leur en a fait voir de toutes les couleurs. Et puis la touchante romance entre Tyrone Power et Linda Darnell achève de faire de ce Brigham Young un western qui mérite d’être redécouvert.
someone1600
Euphémiste
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Re: Le Western Américain : Parcours chronologique

Message par someone1600 »

Vraiment passionnant ce topic... qui risque aussi de me couter cher... lol. :wink:
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