Premake/Remake

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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francesco
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Re: Premake/Remake

Message par francesco »

Gloire à Ross Hunter ! :D Grâce à Cathy j'ai pu découvrir (dans une vf a priori sympathique mais très confuse) le remake de My Man Godfrey. Pour beaucoup de cinéphiles passer de La Cava (1936) à Henry Koster (1957), de William Powell à David Niven et de Carole Lombard à June Allyson c'est en quelque sorte illustrer la lente décadence du cinéma américain.

Pas pour moi ... (mais je suis un peu pervers.) En fait ce sont deux films à la fois très semblables (le début c'est copier coller) et opposés dans leur ambition. A la comédie sociale des années 30, à l'arrière plan économique très présent, succède sur le même canevas, mais cette fois-ci prétexte plus qu'objet, un gros bonbon rose, gentiment et joliment sentimental.

Le clochard devenu valet ne s'impliquera dans aucune action (à part sauver la famille de la ruine) et la réflexion n'est simplement pas comparable. Dans le remake David Niven est en fait, presque par hasard, en tout cas pas réellement pas nécessité économique, un réfugié menacé d'expulsion. Ce n'est pas très important et ça sert surtout à nous servir une adorable scène de retrouvaille sur un bateau. On évacue d'ailleurs presque immédiatement toute allusion (et surtout toute représentation -presque pas de décharge) sordide ou simplement attristante. Même si je ne suis pas très friand, par personnalité, du "sérieux" au cinéma je dois reconnaitre que ce remake inoffensif montre bien la force du film conféré au film de La Cava par son arrière-plan.

Ce qui ne change pas donc c'est la représentation de la famille loufoque dans laquelle tombe Godfrey : on perd un fils (je crois), mais on garde le musicien parasite, le père fatigué, la mère hystérique (Alice Brady est remplacée par Jessy Royce-Landis), la peste (Martha Hyer) et la petite dernière. Les rapports sont à peu près identiques et la trame très fidèle de ce point de vue, quelques dialogues sont même repris intégralement. La VF saturée n'aidant sans doute pas j'ai parfois eu l'impression d'une hystérie survoltée et épuisante, sans la verve absurde et pourtant naturelle des screwball. Comme si quelque chose des années 30 était impossible à reproduire 20 ans plus tard. A d'autres moments, cependant, j'ai ri d'aussi bon coeur que pour la première version.

Le film est un projet Ross Hunter qui s'est appliqué à refaire dans les années 50 les grands succès Universal des années 30. En général il allait plutôt chercher du côté du mélodrame, mais comme il disposait à ce moment à la Universal de June Allyson qui avait déjà rejoué Katharine Hepburn dans Les Quatre filles du Docteur March, Norma Shearer dans Femmes et Claudette Colbert dans New York-Miami il s'est décidé à produire un remake. C'est sans doute beaucoup plus un film de producteur que de réalisateur et c'est là où pour les amateurs du monsieur (dont je suis inconditionnel) on reconnait sa pâte dès le générique, marqué par les couleurs, le glamour, le luxe qu'il a toujours systématisé. Même la musique, très lyrique, est immédiatement associée à ses grands mélodrames. Elle insistera d'ailleurs nettement plus sur les rapports amoureux que sur le rythme de la comédie. Bref, de ce point de vue, c'est un régal.

Quand à l'interprétation à proprement parler tout le monde s'applique avec conviction à remplir son rôle et semble avoir bien vu la première version (en particulier Niven et Royce Landis). On profitera avec plaisir et sans remord de ce qu'ils nous offre donc. Deux différences majeures : le rôle de l'ami qui reconnait Godfrey à une soirée donnée par ses employeurs est cette fois ci tenu par ... Eva Gabor, toute froufroutante. Et June Allyson, dont c'est l'avant dernier rôle principal, offre une performance très différente que celle de Lombard, exploitant sa gentillesse naturelle et son absence de charme pulpeux (elle est très bien habillée par Jean Louis, mais un peu trop âgée pour le rôle) avec des résultats attendrissants (comme souvent avec elle) et un humour charmant. On perd l'éblouissante virtuosité de Lombard, on gagne une plus grande crédibilité amoureuse puisque j'ai toujours eu le sentiment qu'Irène dans la version La Cava était une arriérée mentale ou du moins une demi folle. Le réalisateur prend avec raison le temps d'exploiter cette nouvelle face, plus humaine, du personnage.

Bref un remake pas du tout indispensable (en fait l'intrigue et les interprétations perdent simplement leur sens profond en dehors du contexte de la crise des années 30 et de la popularité de la screwball) et en même temps très attachant.

Merci Cathy !
Dernière modification par francesco le 23 juin 11, 20:11, modifié 2 fois.
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Message par joe-ernst »

francesco a écrit : (en particulier Niven et Ross Landis).
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Cheers !
L'hyperréalisme à la Kechiche, ce n'est pas du tout mon truc. Alain Guiraudie
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Re: Premake/Remake

Message par francesco »

joe-ernst a écrit :
francesco a écrit : (en particulier Niven et Ross Landis).
Darling, my name is Jessie Royce Landis.
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Cheers !

Oui mais je suis obsédé par Ross Hunter. Ceci explique cela :mrgreen:

Cela dit je corrige, merci beaucoup.
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Ann Harding
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Message par Ann Harding »

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En kvinnas ansikte (Le Visage d'une femme, 1938) de Gustaf Molander avec Ingrid Bergman, Anders Henrikson et Tore Svennberg

Anna Holm (I. Bergman), défigurée dans sa jeunesse, est à la tête d'une bande de maîtres-chanteurs. Un jour, alors qu'elle était venue faire chanter une femme, elle rencontre un chirurgien plasticien qui lui propose de l'opérer...

Ce mélo est tiré d'une pièce française de Francis de Croisset. L'intrigue est particulièrement délirante et pourrait donner lieu à un sommet du kitsch. Mais, Molander prend le parti du réalisme et ne cherche en aucune façon à donner au film une quelconque tonalité flamboyante. La neutralité du ton ne fait que renforcer les invraisemblances du scénario. Ingrid Bergman apparaît d'abord en femme avide et haineuse qui cherche à se venger de la société en volant et en faisant chanter des hommes ou des femmes riches. Son visage est déformé par une cicatrice qui vaut son pesant de latex. Selon la psychologie de bazar du film, son âme se reflète sur son visage. La cicatrice a induit la haine. Lorsqu'elle retrouve visage humain, son âme est censée retrouver le chemin de la vertu comme le lui dit le chirurgien qui l'a opérée. En fait, elle poursuit immédiatement une entreprise criminelle en se faisant embaucher -sous un faux nom- comme gouvernante d'un jeune garçon. Elle doit le faire disparaître pour le compte d'un parent qui veut hériter de la fortune du grand-père de l'enfant. Evidemment, la femme haineuse se transforme en femme aimante qui materne le petit. La rupture de ton après la première partie du film est assez difficile à avaler. Nous ne voyons pas d'évolution dans le personnage, mais un revirement à 180°. Cependant, cette seconde partie renferme quelques scènes intéressantes comme une course en traîneaux où le méchant emmène l'enfant vers la mort. Il est poursuivi par un autre traîneau où se trouve Ingrid et un parent de l'enfant. Le final -très moralisateur- atteint des sommets dans l'abnégation et la rédemption. Nous sommes vraiment face à un matériel suranné qui aurait bien besoin d'un traitement plus moderne. Je suis quand même très étonnée de voir à quel point les scénarios utilisés par le cinéma suédois dans les années 30 avaient perdu en qualité par rapport à la décennie précédente. Je ne suis pas étonnée que la MGM ait racheté ce sujet pour en faire un remake. Dans le cadre hollywoodien, ce mélo peut peut-être prendre une autre dimension grâce à ses excès. Ingrid Bergman -qui a cette fois-ci le rôle principal- joue avec virtuosité son rôle de femme haineuse et malade avant de redevenir une douce créature. Le film est une curiosité pour les fanas de Bergman. Mais, je ne le recommanderais pas à quelqu'un qui veut découvrir le cinéma suédois.

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A Woman's Face (1941, G. Cukor) avec Joan Crawford, Melvyn Douglas et Conrad Veidt

Anna Holm (J. Crawford) est accusée de meurtre. Tour à tour tous les témoins défilent à la barre pour raconter la vie de cette femme défigurée durant son enfance...

Ayant vu récemment la version suédoise de 1938, En kvinnas ansikte de Gustav Molander, de cette pièce de Francis de Croisset, j'étais assez curieuse de voir comment ce mélo tiré par les cheveux avait été traité par Hollywood. D'emblée, le film de Cukor est infiniment mieux construit que celui de Molander. Il faut dire que le scénariste Donald Ogden Stewart a donné à cette histoire une substance qui est absente de la version suédoise. Les personnages, tels que celui du médecin et de Torsten Baring ont été considérablement renforcés et l'intrigue est reserrée. Tout d'abord le film est construit en flash-backs qui nous font découvrir peu à peu la personnalité d'Anna Holm par les yeux de ceux qui l'entouraient. Et puis, les personnages secondaires sont beaucoup intéressants que chez Molander. Il faut dire que chaque petit rôle est tenu par un pilier du 'character acting': Donald Meek, le serveur obséquieux, Reginald Owen en maître-chanteur, Marjorie Main, en féroce gouvernante ou Albert Bassermann en consul généreux. Je trouve que Crawford réussit à créer un personnage nettement plus crédible que Bergman. On croit dur comme fer à cette femme disgraciée qui en veut au monde entier jusqu'à ce qu'un homme jette un regard sur elle. Et c'est là aussi que le film gagne énormément, le personnage de Torsten Baring (joué à merveille par Veidt) apporte ambiguité et motivations aux actions d'Anna Holm. dans le film suédois, Baring n'était qu'un comparse. Stewart a éliminé un autre personnage, dont Bergman tombait amoureuse, au profit de Baring. Les relations de Crawford avec son chirurgien sont également plus intéressantes, bien que pas toujours bien développées. La fin du film est en fait plus satisfaisante chez Cukor que chez Molander, bien qu'on y sent une concession à la censure. Chez Molander, Anna après la mort de Baring (qu'elle n'a pas provoquée) décide de renoncer à celui qu'elle aime (un autre personnage éliminé chez Cukor) pour devenir missionnaire en Orient. Ce sommet de l'abnégation rendait le film encore irréel. Finalement, le film de Cukor -bien qu'imparfait- m'a intéressée de bout en bout alors que celui de Molander est resté bien plat. Il faut aussi citer la cinématographie de Robert Planck qui donne une saveur noire au film. Au total un bien meilleur film que la version suédoise de 1938.
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Cathy
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Re: Premake/Remake

Message par Cathy »

Je reposte ma critique de La Mousson que j'avais faite, il y a un certain temps, et je vais compléter par celle de la version Negulesco

La Mousson, The rain cames (1939) - Clarence Brown

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Un médecin indien tombe amoureux de la femme d'un Lord anglais, sur fond de Mousson et de catastrophe.

La Mousson est un film bizarre, enfin sans doute est-ce le livre de Louis Bromfield qui va un peu dans tous les sens. Le film est divisé en trois parties. La première présente les personnages et dessine une critique de la société anglaise colonialiste en Inde qui vit pourtant en harmonie avec les indiens. On voit aussi l'influence de la culture occidentale sur eux, comme cette maharani qui fume des cigarettes et joue au poker. Il y a aussi le portrait de Ransome, un aristocrate anglais qui vit dans l'alcoolisme et regarde cyniquement tout ce qui se passe, Il y a Fern une jeune femme qui se rebelle et tombe folle amoureuse de celui-ci, il y a naturellement Lord et Lady Esketh, qui fut une ancienne conquete de Ransome. Le film oscille donc entre cette galerie de portraits peu reluisants, seul le médecin indien semble plein de nobles pensées. Puis il y a cette seconde partie qui tourne au film catastrophe avec la mousson et ce tremblement de terre aux tragiques conséquences. Les scènes de catastrophe sont d'ailleurs superbement filmée d'ailleurs par Clarence Brown, avec ce tremblement de terre, puis le barrage qui cède et amène avec lui la peste. Enfin la troisième partie voit la rédemption des personnages à travers leur abnégation pour soigner l'épidémie de peste.
Côté interprète, si le générique met en tête Tyrone Power, la véritable vedette est Georges Brent qui est admirable en alcoolique cynique, Myrna Loy est encore dans la partie de sa carrière où ses rôles ne sont pas exempts de défaut, quant à Tyrone Power, il est impeccable en médecin indien plein de dignité. Maria Ouspenskaya campe une maharani attachante, avec son physique si particulier sans oublier Brenda Joyce, lumineuse dans son rôle ! Toutefois le film manque sans doute un peu de rythme dans la première partie, même si elle sert de présentation des personnages, et il manque certaines scènes qui nuisent à la cohérence de l'histoire, on se demande ainsi comment Handsome et Fern seuls dans une maison encerclée par les eaux se retrouvent au palais du maharadjah sans que la décrue n'ait été évoquée ou d'autres détails du même acabit. Ceci étant la grande scène catastrophe est admirable et le film reste quand même plaisant sans doute grâce à ses interprètes.


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La Mousson, the Rains of Rainchipur (1955) - Jean Negulesco

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Jean Negulesco réalise seize ans après la version Brown, sa propre adaptation du roman de Louis Bromfield, car on ne peut pas parler à proprement de remake. Certes on a les personnages principaux ce couple d'anglais mariés par raison et non par amour, cet ami alcoolique, cette femme et sa fille qui vivent dans la mission, la maharani et naturellement le médecin indien. Les relations sont totalement différentes, notamment celles du couple où le mari est fou amoureux de sa femme dont on a du mal à comprendre le côté nymphomane affirmé, curieusement la liaison entre l'ingénieur alcoolique et Lady Esketh est gommée. Le film débute par une mise en situation du couple, de leur mariage de raison, et non de sentiment. Ici le mari est traité comme un être malheureux, amoureux transi qui accepte tout par amour pour sa femme, d'ailleurs contrairement à la première version, le mari ne meurt pas dans la catastrophe. Curieusement on conserve par contre les relations entre Fern, cette jeune américaine exilée et l'ingénieur. Si dans la première version, la catastrophe naturelle sert de rédemption à tous les personnages, ici elle est déjà moins impressionnante visuellement parlant, l'épisode de la peste est totalement gommé, et l'héroïne égoïste finie quittera certes son amant médecin, mais cela ne semble pas une grande rédemption, contrairement à la première version où Lady Esketh devient infirmière au service de tous les malades et blessés. Est-ce du aux actrices choisies pour les rôles, au tempérament dramatique des films de Brown, mais la première version s'avère beaucoup plus tragique que la seconde qui finalement sombre dans un simple mélodrame classique, où la femme repart avec son mari, apaisée et sans doute pouvant enfin éprouver des sentiments pour lui.
Le personnage de la maharanni est aussi traité différemment, dans la première version on la voit clairement fumer, jouer au poker, alors que dans le second, même si elle demande des cigarettes et dit aimer le poker, cela est plus attenué. Le personnage du médecin semble bien plus fade dans la version Negulesco que dans la version Brown. Richard Burton qui pourtant ne manque habituellement pas de charme, semble ici éteint. On n'arrive pas vraiment à croire à cette histoire d'amour impossible. Si la première version du film semblait spéciale, celle-ci tient sans doute plus la route, par une certaine unité de ton entre les différentes parties entourant la catastrophe, mais elle semble s'éloigner plus du roman et privilégier une grande comédie dramatique permettant à Lana Turner de faire son numéro de belle larmoyante. Fred McMurray complète le casting dans le rôle de l'alcoolique, mais contrairement à Georges Brent on n'a jamais ce sentiment d'homme qui se détruit petit à petit, et ne trouve sa rédemption qu'à travers l'amour. Quant à Michael Rennie, il incarne un mari fou amoureux et trahi fort séduisant.
Le film n'est pas dénué de qualités et se laisse voir sans déplaisir, mais il est bien évident que le premier était plus ambitieux esthétiquement parlant, les reconstitutions étant bien plus impressionnantes et finalement les personnages s'avérant plus complexes aussi.
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Cathy
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Re: Premake/Remake

Message par Cathy »

La Foire aux illusions, State Fair (1945) - Walter Lang et (1962) - José Ferrer

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Une famille se rend à la grande foire annuelle, les parents pour concourir pour des plats de cuisine pour la mère et un porc nommé blue Boy pour le père. Le fils et la fille vont quant à eux tomber amoureux avec des fortunes diverses.

La Foire aux illusions a été tourné une première fois en 1933 avec Janet Gaynor dans le rôle de Margy. Mais Rodgers et Hammerstein s'emparent de l'histoire et la transforment en comédie musicale. Curieusement ici la musique n'est pas restée spécialement dans les mémoires, même s'il y a quand même des mélodies entraînantes ou entétantes. La première version est une version typique de la Fox, avec son technicolor éblouissant et une évocation d'une foire située dans l'Ohio. Dans la seconde version la foire devient texane et se déroule à Dallas. Aux côtés Kitschs et bon enfant de la première, succedera une fête plus "contemporaine" et à la fois plus et moins mise en valeur. L'histoire reste dans ses grandes lignes la même, mais dans la première version, la jeune femme dont tombe le fils est une chanteuse qui est déjà mariée, alors que dans la seconde, la libération sexuelle étant en train de se montrer à Hollywood, c'est le fameux concept de la "bad girl" opposé à la "good girl" qui fait qu'Emily quitte le jeune homme. Là aussi grosse différence, le fils qui n'a aucun hobby réel dans la première version est passionné par les courses de voitures dans la seconde, ce qui permet la mise en scène d'une course avec ses moments forts. Le couple de fermiers va dans les deux cas à la fête foraine, mais il y a une tendresse et une complicité dans la première version qui n'est pas assez développée dans la seconde. José Ferrer préfère privilégier les relations entre le père et le fils après que celui-ci largué par Emily rentre saoul ! Cette scène est assez typique aussi de l'époque du film ! Ceci étant, elle casse quelque part le "pari". En effet dans la première version, les parents ignorent tout de ce qui s'est passé pour leur fils, la tristesse de la fille après le départ de Pat est poignante avec Jeanne Crain et n'est même pas suggérée dans la seconde version, l'attente de la jeune femme n'est pas montrée, toujours pour privilégier le fils et sa relation avec Emily.

La première version s'avère une comédie bon enfant avec cette famille américaine typique qui campe entre une caravane et une tente, alors que dans la seconde, on a une famille qui loue un mobil home, nous avons l'impression d'avoir des fermiers plus "parvenus" que dans la version "Lang". Il y a aussi une grosse différence, c'est dans le casting, si Jeanne Crain et Dana Andrews forment un couple charmant et attendrissant dans le premier film. Il n'en est rien dans le second, le personnage interprété par Bobby Darin est assez antipathique, Pamela Tiffin qui reprend le rôle de Margy est inspide à souhait. Et leur couple ne suscite que peu d'empathie. Il est vrai qu'Ann-Margret campe Emily avec tout son sex-appeal aux côtés d'un Pat Boone un peu veule, mais tout de même touchant. Curieusement bien qu'Ann-Margret se dise une "bad girl", elle semble bien moins vulgaire que Vivian Blaine, une vedette typique de la Fox, qui montre un peu plus de charisme toutefois que dans les films tournés autour de sa personnalité. Les deux couples de parents sont différents mais aussi efficaces dans les deux versions, Charles Winniger a la tête de l'emploi tout comme Fay Bainter, nous sommes devant un couple de fermiers typiques, Tom Ewell et Alice Faye reprendront leurs rôles. On ajoutera d'ailleurs une scène musicale pour celle-ci. Le premier va dans la veine plus comique lié à son tempérament, notamment quand il chante pour son porc.Il ne faut pas oublier aussi Edward Meek dans la première version irrésistible en juge sensible au charme de l'épouse.

Le premier film est une comédie musicale absolument charmante, porté par son casting, ça chante tout le temps, les numéros se succèdent. José Ferrer privilégie un côté plus "mélodramatique", accentuant les rencontres entre les personnages et le côté sexuel évident. Si les chansons phares y sont toutes présentes, elles sont moins nombreuses. La première version musicale est toutefois une véritable réussité, si la musique n'est pas aussi attrayante que dans le roi et moi, South Pacific ou la mélodie du bonheur, la mise en scène est bien plus efficace que dans les versions filmées de Carousel, South Pacific ou Okhlahoma. La seconde version est intéressante, mais le casting plus terne ne suscite pas l'empathie au même titre que le premier film.

Gros coup de coeur pour la première version en tout cas ! A noter qu'une fois encore les chansons ne sont pas sous-titrées alors que dans les comédies musicales de Rodgers et Hammerstein, elles sont souvent importantes pour l'évolution des personnages.
Dernière modification par Cathy le 14 janv. 12, 21:57, modifié 2 fois.
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Re: Premake/Remake

Message par Jeremy Fox »

Tiens moi aussi avait eu l'occasion de comparer les deux avec une petite préférence pour la première que j'avais trouvé très charmante. Mais la seconde était loin de m'avoir déplu


State Fair : La Foire aux Illusions (1946) de Walter Lang 20TH CENTURY FOX

Une famille de fermier se rend à la foire annuelle. Pendant que les parents participent aux concours de cornichons, de Mincemeat et de cochons (sic), leurs deux enfants vivent de leurs côtés de romantiques aventures sentimentales (presque) sans lendemain (d'où le titre français "La foire aux illusions"). Où l'on se rend compte une fois de plus que les livrets d'Oscar Hammerstein II ne faisaient pas dans l'originalité niveau intrigues ! Mais vu que son mélodiste attitré, le génial Richard Rodgers, compose pour lui d'admirables chansons, l'ensemble est très attachant...


State Fair : La Foire aux Illusions (1962) de José Ferrer 20TH CENTURY FOX

Et bien voilà, quasiment le même avis que pour l'original. Si ce remake est inférieur à la version de Walter Lang, le film se suit lui aussi avec plaisir. Comme quoi, avec Rodgers et Hammerstein, les réalisateurs qui ne paient pas de mine s'en sortent beaucoup mieux que les cinéastes réputés, Henry King et Fred Zinnemann s'y étant cassés les dents avec fracas (Robert Wise rattrapera le coup avec brio). Beau scope plutôt correctement utilisé, une Ann-Margret qui nous offre un numéro dynamique et qui s'en sort aussi très bien dramatiquement lors de sa scène de séparation d'avec Pat Boone. Pamela Tiffin et Bobby Darin ne font pas le poids face à Jeanne Crain et Dana Andrews de la version 1946 mais le couple âgé interprété par Tom Ewell et Alice Faye est extrêmement sympathique. En prime, une séquence de course automobile plutôt bien menée. Aussitôt vu, aussitôt oublié mais loin d'être désagréable.
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Re: Premake/Remake

Message par Cathy »

Le second ne m'a pas déplu, mais quand on le voit juste après le premier, il apparaît plus comme une comédie dramatique de l'époque à la "Delmer Daves" que comme une simple comédie musicale. Et succéder à Jeanne Crain et Dana Andrews, c'est impossible, il y a une force et une tendresse qui semble lier ce couple, alors que dans le second, on est plus dans le type qui veut "se faire" la jeune fille. Mais bon c'est l'époque qui veut cela ! Le premier film est intemporel, alors que le second est solidement ancré dans les films des sixties avec tous les thèmes à la mode et notamment une libération sexuelle évidente !
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Re: Premake/Remake

Message par Jeremy Fox »

Cathy a écrit :Le second ne m'a pas déplu, mais quand on le voit juste après le premier, il apparaît plus comme une comédie dramatique de l'époque à la "Delmer Daves" que comme une simple comédie musicale. Et succéder à Jeanne Crain et Dana Andrews, c'est impossible, il y a une force et une tendresse qui semble lier ce couple, alors que dans le second, on est plus dans le type qui veut "se faire" la jeune fille. Mais bon c'est l'époque qui veut cela ! Le premier film est intemporel, alors que le second est solidement ancré dans les films des sixties avec tous les thèmes à la mode et notamment une libération sexuelle évidente !
Entièrement d'accord et c'est aussi parce que j'aime beaucoup le style des comédies américaines des années 60 justement que le deuxième m'a bien plu aussi.
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Re: Premake/Remake

Message par Ann Harding »

Je n'ai pas vu les versions musicales, mais le film d'Henry King de 1933 est charmant avec une distribution qui comprend Janet Gaynor, Lew Ayres et Will Rogers. C'est un film sans prétention, sans lourdeur que King savait faire mieux que personne.
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Re: Premake/Remake

Message par Federico »

C'est une info qui date de quelques mois donc peut-être déjà signalée sur Classik mais Nicolas Winding Refn serait en train de plancher sur un remake de Logan's run (L'âge de cristal) après le film de 1976 réalisé par Michael Anderson et la série TV qui en fut dérivée dès l'année suivante. Comme interprète principal, il reprendrait Ryan Gosling avec lequel il est paraît-il devenu inséparable depuis l'étonnant Drive. Ça risque de dépoter. Pas de date de sortie prévisionnelle pour l'instant (IMDB qui ne se mouille pas indique... 2014).
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Re: Premake/Remake

Message par Ann Harding »

Deux adaptations de They Knew What They Wanted de Sidney Howard à deux époques différentes. Deux raretés fort intéressantes.

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A Lady To Love (1930) de Victor Sjöström avec Edward G. Robinson, Vilma Banky et Robert Ames

Tony Patucci (E.G. Robinson) est viticulteur dans la Napa Valley en Californie. En visite à San Francisco, il remarque une jeune serveuse, Lena (V. Banky) et en tombe amoureux. Il lui envoie une lettre pour lui proposer de l'épouser. Mais, au lieu de joindre sa photo, se trouvant trop vieux et trop laid, il met celle de son ami Buck (R. Ames). Lena accepte et arrive à Napa...

En 1925, Sidney Howard, un dramaturge réputé de Broadway, avait écrit une pièce à succès They Knew What They Wanted qui reçut le prix Pulitzer. Dès 1928, le cinéma s'en empare avec une première adaptation muette de Rowland V. Lee, The Secret Hour, avec Pola Negri et Jean Hersholt. En 1930, Victor Sjöström réalise son premier film parlant à Hollywood avec A Lady To Love. Il repartira pour l'Europe immédiatement après. On sent que le grand Victor se désintéresse de ce cinéma parlant où les contraintes imposées par l'ingénieur du son doivent être écrasantes. Même si le montage est parfois assez bancal, la direction d'acteurs montre que Sjöström connait bien son métier. La pièce de Howard s'intéresse à un homme d'âge mûr qui cherche à se marier avec une femme bien plus jeune que lui. Il lui offre cependant une vie confortable dans sa maison de la Napa Valley comparée à celle qu'elle avait dans un petit restaurant populaire de San Francisco. Mais, Tony a trop peur de lui déplaire et préfère utiliser la photo de son ami Buck pour attirer la belle. Le choc est brutal lorsqu'elle arrive et qu'elle découvre que son futur époux n'est pas tout jeune et ne ressemble guère à la photo. Lena est furieuse contre Buck qui s'est prêté à cette masquarade, croit-elle. Mais, elle va néanmoins épouser Tony, bien que celui-ci soit immobilisé par une double fracture des jambes. Le soir-même de ses noces, Lena succombe au charme de Buck. Tony réalisera son infortune, mais lui demandera quand même de rester. Dans ce rôle fort en gueule, Edward G. Robinson utilise un accent italien à couper au couteau, et qui n'est pas très convaincant (pas plus que dans Tiger Shark !). Mais, Edward fait un numéro de cabotinage suffisamment carabiné pour qu'on s'intéresse à lui. Il remplit l'écran de sa forte présence, même s'il est couché durant une bonne partie du film. Face à lui, on pourrait craindre que la blonde hongroise Vilma Banky ne fasse pas le poids. En fait, pas du tout, elle réussit l'exploit de lui tenir tête et montre qu'elle n'avait pas grand chose à craindre du cinéma parlant. Vilma Banky avait été importée à Hollywood par Samuel Goldwyn en 1925 pour être la partenaire de Ronald Colman. Elle fut aussi la partenaire de Rudolph Valentino dans deux films, dont l'excellent The Eagle (L'Aigle noir, 1925). Dès sa première scène, on voit que sa voix grave et posée passe superbement au micro. Son accent, loin d'être rédhibitoire, lui donne un charme équivalent à celui de Garbo. Evitant toute emphase théâtrale, elle donne la réplique du tac au tac à un Robinson déchaîné auquel elle fait une toilette décapante dans son lit. Le film profite de ces années où la censure est légère pour nous montrer l'attraction entre Lena et Buck, bien que celle-ci soit mariée. Le ton du film reste assez léger et se termine par une réconciliation entre les deux époux mal assortis. Ce film est une vraie curiosité dans la carrière de Sjöström et de Robinson.

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They Knew What They Wanted (1940) de Garson Kanin avec Charles Laughton, Carole Lombard, William Gargan et Harry Carey

Tony Patucci (C. Laughton) croise une jolie serveuse, Amy Peters (C. Lombard) dans un restaurant de San Francisco. Il décide de la demander en mariage après avoir envoyé la photo de son ami Joe (W. Gargan) à la place de la sienne...

En 1940, le vétéran Erich Pommer est sous contrat à la RKO pour produire plusieurs films. Il choisit de faire une nouvelle adaptation de la pièce de Sidney Howard avec une distribution de grand luxe qui va réunir Carole Lombard et Charles Laughton. Les deux acteurs sont dans des rôles à contre-emploi. La brillante comédienne des meilleures screwball américaines joue ici une petite serveuse qui rêve d'une vie meilleure. Et ce grand cabot de Laughton revêt une perruque noire bouclée et prend un accent italien pour jouer ce viticulteur italo-américain qui parle un anglais sommaire. Durant le tournage, le malheureux metteur en scène, Garson Kanin, va en voir des vertes et des pas mûres avec un Laughton en plein doute existentiel qui le mène en bourrique. Pour travailler son accent, il écoute du Rossini et du Vivaldi (!) Puis, il demande constamment à être emmené dans un petit verger, situé à plusieurs dizaines de kilomètres du tournage, pour pouvoir 'se concentrer' sur son personnage. Laughton est totalement écoeuré par la facilité de sa partenaire Carole Lombard qui rentre naturellement dans son personnage sans aucun chichi. Cette nouvelle adaptation de la pièce d'Howard a subi de nombreuses modifications, censure oblige ! Le film est cependant bien plus noir que la version précédente, A Lady to Love. Là, Amy se laisse séduire par Joe, mais le regrette immédiatement. Elle n'a pas encore épousé Tony, ce qui évite l'adultère condamné par le Production Code. Et elle rejette Joe immédiatement après leur aventure d'une nuit. Mais, elle se retrouve enceinte et décide d'avoir cet enfant toute seule avant de, peut-être, revenir vers Tony qui lui ouvre les bras malgré cela. Ce mélo finalement assez noir est dominé par une Carole Lombard qui prouve qu'elle était aussi une excellente actrice dramatique. Quant à Laughton, il cabotine à tout va, comme le faisait Robinson dans A Lady To Love. Vers la fin, il montre un peu plus de retenu et parvient à être émouvant. Dans les seconds rôles, on reconnaît Harry Carey, la star des westerns muets de John Ford, avec son accent de cow-boy et également un tout jeune Karl Malden, éméché, qui tente d'embrasser Carole Lombard. Dans ces années-là, le scénariste Garson Kanin travaille comme metteur en scène à la RKO où il va faire plusieurs films de belle qualité comme A Man to Remember (1938), restauré en 2006, et The Great Man Votes (1939) avec John Barrymore que je rêve de découvrir. En tout cas, They Knew What They Wanted est un film étonnant dans la carrière de deux grands acteurs.
villag
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Re: Premake/Remake

Message par villag »

Les americains,ayant horreur des films étrangers nous refont : MILLENIUM , LES HOMMES QUI N AIMAIENT PAS LES FEMMES avec l'interprete des derniers Bond....remake inutile vu l'excellent film suedois, vu il y a peu sur Arte et qui adapte le même roman.....
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Cathy
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Re: Premake/Remake

Message par Cathy »

Une étoile est née, AStar is born (1954) et (1937) - George Cukor et William Wellman

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Une jeune femme Esther Blodgett devient une star de cinéma grace à Norman Maine star sur le déclin du fait de son alcoolisme notoire.

William A. Wellman tourne la première version d'une étoile est née en 1937. A travers le portrait de deux vedettes l'une en pleine ascension, l'autre sur le déclin, le réalisateur se penche comme l'a si souvent fait Hollywood sur ses propres coulisses, les attachés de presse qui font et défont la carrière d'un acteur, les producteurs plus ou moins conciliants avec leurs stars, les tournages, les fêtes, l'alcoolisme des vedettes, la versatilité du public qui adore un jour un acteur et se détourne de lui le lendemain. Les deux films racontent donc la même histoire, mais pas de la même façon. Il y a même beaucoup de différence, et ce n'est pas uniquement du au fait de l'insertion de numéros musicaux dans la seconde version. Nous ne sommes pas dans le remake servile d'ailleurs cela aurait été étonnant de la part d'un réalisateur tel que George Cukor. Ce dernier transpose le film dans le monde de la comédie musicale, permettant à sa vedette Judy Garland de briller. Il y a tout de même de grosses différences sur le fond/
En effet dans la première version, nous assistons à la totale ascension d'Esther Blodgett, son départ de la campagne, sa galère à trouver un travail à Hollywood, alors que dans la seconde version la jeune femme est déjà chanteuse et si son passage devant la caméra se fait tout autant grâce à sa rencontre avec l'acteur, on ne suit pas son envie de faire du cinéma. On se retrouve plus face à une jeune femme qui saisit une opportunité, qu'à une jeune femme folle de cinéma qui veut en faire son métier.
Il y a aussi les différences sur la forme et on se rend compte que le film plus concis de Wellman tient mieux la route. Certes Cukor filme de superbes scènes musicales comme celle du film dans le film. Nous avons le droit à un numéro grandiose par son esthétique avec ces décors géométriques. Il permet aussi à Judy Garland de chanter "Swanee". Mais ces numéros musicaux plombent le film tout comme les photos ajoutées dans le DVD et qui prouvent que le film tenait sans ces scènes qui permettaient de voir quelques liens entre Esther et son ami musicien et Esther et Norman. Il y a aussi ce numéro répété de vendeur de journaux qui alourdit l'ensemble. Il est évident que Cukor voulait mettre sa propre touche une fois encore, mais ces numéros n'apportent rien à l'histoire. Dans la première version, Norman et Esther assistent aussi à l'avant première du film, mais on voit juste un générique et une courte scène. On ne voit jamais rien d'autres des tournages, on ne voit que les costumes, une robe de hollandaise ou une autre de noble du 18ème.
La rencontre entre Norman et Esther est aussi décrite différemment dans la première version, l'acteur fait scandale à l'Hollywood Bowl mais dans la salle, alors que dans la seconde version, il veut participer à un gala sur scène et la jeune femme arrive à le canaliser en coulisses.
Dans la première version, la véritable rencontre des deux héros interviendra lors d'une party où Esther engagée en tant que serveuse d'un soir parodie les stars de l'époque dont Mae West. C'est assez intéressant aussi de voir que quand elle se promène devant le fameux théâtre chinois, passage incontournable des films sur Hollywood, les empreintes importantes sont celles de Harold Lloyd ou de Shirley Temple.

Dans la scène finale, Vicki Lester défaille en revoyant les empreintes de Norman Maine au fameux Théâtre chinois, alors que dans la seconde version, c'est un souvenir plus personnel un coeur dessiné sur les murs d'une coulisse où figurent les initiales des deux amoureux. On retrouve par contre des copiés-collés, comme la scène de la cinique où l'acteur fait sa cure de désintoxication, par contre dans la seconde version, l'acteur semble plus atteint physiquement. Il y a le même mariage chez un juge devant une cellule avec deux prisonniers ou évidemment la fameuse scène des Oscars et la gifle involontaire du mari à sa femme. A noter que dans la seconde version on a le droit à des noms de concurrentes, alors que dans la première version, seule Vicki Lester est citée comme gagnante. Il y a aussi naturellement la grande scène finale où l'acteur prend conscience du sacrifice de son épouse et la scène de la baignade-suicide fatale.
Le plus gros changement est sans doute l'importance des personnages secondaires entourant Esther. En effet dans la première version, c'est la grand-mère d'Esther qui la pousse à faire du cinéma et à revenir sur sa décision à la fin du film. Il y a aussi cet ami, réalisateur de seconde équipe qui est remplacé par un musicien dans le second film, musicien qui n'a d'ailleurs finalement aucune scène dans le film hormis d'être l'alter ego de la grand mère de la première version dans la scène finale. La version Wellman semble plus axée sur les relations du couple notamment dans cette scène plutôt comique du voyage de noces en caravane totalement occultée dans la seconde version, la version Cukor est plus dans le decorum, la party hollywoodienne où l'on passe des films, les scènes de tournage, cette scène de coulisses totalement inutile dans la fin, hormis celle de montrer des artistes en tenues bariolées.

Côté acteurs, Janet Gaynor est une Vicki Lester diantrement attachante pas larmoyante pour deux sous, Judy Garland est certes mise en valeur dans les numéros musicaux, mais on ne croit pas vraiment à la carrière époustouflante de Vicki Lester. Fredric March est aussi plus intéressant que James Mason dans le rôle de Norman Maine. Le second semble promener toujours une espèce de petit sourire "idiot" et on croit moins à son couple que dans la première version. Il est excellent parfois dans la scène finale où on retrouve le grand James Mason. Lionel Stander ou Jack Carson plus habitués aux rôles de seconds rôles sympathiques sont tous les deux odieux à souhait dans ce rôle de Libby l'attaché de presse qui n'aime pas Norman Maine. Adolphe Menjou a une toute autre stature en producteur que Charles Bickford. Andy Devine est dans son rôle habituel de second rôle "comique" dans la première version. Au final la version Cukor déploie un faste qui rend certes hommage à Hollywood, mais l'histoire d'amour qui est quand même le thème central du film est bien plus mis en valeur dans la première version. Le remake de Cukor est une oeuvre à part entière, mais sans doute faut-il ne pas avoir en tête la version Wellman, tant celle-ci est supérieure.
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Jeremy Fox
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Re: Premake/Remake

Message par Jeremy Fox »

Cathy a écrit : Le remake de Cukor est une oeuvre à part entière, mais sans doute faut-il ne pas avoir en tête la version Wellman, tant celle-ci est supérieure.
Pas d'accord du tout ; les deux films sont de superbes réussites mais en ce qui me concerne, c'est le Cukor qui a ma très large préférence. Un des chefs-d’œuvre de la comédie musicale pour ma part ; un film bouleversant.
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