Keisuke Kinoshita (1912-1998)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Alligator
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Keisuke Kinoshita (1912-1998)

Message par Alligator »

http://akas.imdb.com/name/nm0455839/

Eien no hito (Un amour éternel) (Keisuke Kinoshita, 1961) :

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Je poursuis ma promenade dans le cinéma nippon avec ce Kinoshita que je ne connaissais pas du tout.

Par bien des aspects, mais surtout dans l'esthétique, les grands plans paysagés, les lents et longs travellings, la photo, on sent une influence très importante du cinéma occidental. Je ne sais pas dans quelle mesure l'accompagnement à la guitare, presque flamenco, invite à faire ce type de rapprochement.

L'histoire est quant à elle extrêmement marquée par la culture et la société japonaise d'avant guerre. Le film retrace une histoire d'amour contrariée, c'est le moins que l'on puisse dire, d'un couple à travers pratiquement toute leur existence. La guerre les sépare mais plus encore le fils du gros propriétaire local qui use de son pouvoir jusqu'à l'abominable. Jaloux de leur amour, il profite de l'absence de Takeshi pour lui ravir sa copine, Sadako, en la violant et lui faisant un enfant de la honte.

Mélodrame assez chargé d'autant que les deux tourtereaux ne parviennent pas à se révolter, par honneur et esprit matérialiste (comme il sera justement pointé par le bourreau Heibei à la fin). Ils passent leur existence à souffrir, à s'éviter tant que faire se peut.
Tous les personnages s'ingénient à se renvoyer sans arrêt la violence qu'ils se font subir. Les enfants sur les parents, les parents sur les enfants ou les parents entre eux. C'est à l'approche de la mort de Takeshi qu'ils se présentent des excuses, se pardonnent leur haine afin de libérer leurs enfants de ce lourd passif. Bref, toute une tragédie familiale d'un autre temps où le pathos joue un ciment bien pesant. Kinoshita parvient d'une certaine mesure à éviter, sur les 100 minutes que dure le film, que le trop plein mélodramatique empêche le récit de générer quelques élans aériens.

Effectivement il s'appuie sur ce qui fait l'essentiel, selon moi, du film, le talent enchanteur des comédiens.

Encore une fois, Hideko Takamine éclabousse l'écran de son charme et de son assurance naturelle. L'immense qualité de cette actrice se retrouve également dans l'extrême élégance de sa pudeur de jeu. Comment dire? Elle n'est jamais dans l'exubérance, même dans les scènes dramatiques, elle semble parer son personnage d'une sorte de contention, à l'économie, dans le soucis constant de précaution, de ne pas en donner trop. Et c'est formidable. Je la trouve tout simplement sublime de justesse.
Heibei est joué par Tetsuyo Nakadai. Il dévoile ici grâce à un rôle complexe, qui évolue sur une grande échelle de temps et d'émotions, des talents que je ne lui connaissais pas encore. Je l'ai lui aussi trouvé d'une précision réjouissante.
Les deux comédiens avaient pourtant fort à faire. Un mélo pareil, chargé au pathos double couche, pouvait constituer un écueil bien tranchant avec une invite à l'ampoule méchamment éclatante. Or, tous deux évitent avec une classe émouvante cet obstacle majeur. Chapeau bas!
Tutut
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Re: Keisuke Kinoshita (1912-1998)

Message par Tutut »

Il est aussi connu pour avoir réalisé le premier film en couleur au Japon, Carmen revient au pays avec aussi Hideko Takamine.
homerwell
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Re: Keisuke Kinoshita (1912-1998)

Message par homerwell »

Je fais mon Nestor ! :D
Re: Keisuke Kinoshita chez mk2

Message de homerwell » Dim Avr 06, 2008 5:24 pm

Je me suis passé un amour éternel. Et je ne suis pas déçu, j'ai même adoré. Peut être le meilleur film du coffret Kinoshita mk2 mais j'ai encore 2 films à voir : les vingt-quatre prunelles et la ballade de narayama donc on verra bien.

Il s'agit d'un drame familial qui se déroule sur une trentaine d'années. Une histoire découpée en 5 parties qui voit passer les changements imposés par la guerre, la bombe, la réforme agraire, les contestations politiques des année 60.
On pense nécessairement à Nuages d'été de Naruse dont le personnage féminin très fort m'avait marqué durablement.
Ici ce sont les relations entre deux hommes et une femme qui marquent le spectateur.
Enfin je ne résiste pas au plaisir de vous glisser deux captures du film qui interviennent à des moments clefs ; comme ça je n'ai pas besoin de vous expliquer pourquoi je trouve que les images sont magnifiques. (ce que je sais très mal faire...)

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Le topic du coffret MK2 consacré à ce réalisateur :

http://www.dvdclassik.com/forum/viewtop ... =kinoshita
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Re: Keisuke Kinoshita (1912-1998)

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Re: Keisuke Kinoshita (1912-1998)

Message par cinephage »

Je replace ici un avis de beb sur un film que je viens de découvrir...
beb a écrit :La Ballade de Narayama (Keisuke Kinoshita - 1958)

Filmé en studio à part la scène finale, ce film pourrait n'etre que du theatre filmé, genre kabuki.
C'est très loin de cela.
Des décors montrés comme de vrai décors de théatre, mais d'une beauté à tomber, avec des couleurs magnifiques.
Un rythme lent et une histoire classique, déjà connue si on a vu le film de Imamura, mais vraiment passionnante.
Beaucoup de plans larges, très peu de gros plans, quelques-uns notamment sur la merveilleuse Kinuyo Tanaka.
Ce film a un coté hiératique...je vais faire une comparaison assez osée probablement, mais il me fait penser dans un genre absolument différent à 2 films de Rohmer : La marquise d'O et Perceval le Gallois. Meme recherche plastique, meme solennité, meme recherche de décors très theatraux (pour Perceval).

Bref, vous aurez compris que j'ai adoré ce film.

Coté DVD, copie parfaite.
Coté suppléments, 4 doc intéressant. A noter quand meme que l'interview de Kiju Yoshida est au choix, catastrophique ou hilarante : filmé n'importe comment, Yohisda ne répond pas aux questions, on se pose des questions sur la traduction, et enfin traduit en français en direct mais à la 3ème personne, du coup on ne sait plus qui est qui. Le mieux est de couper l'image, trop moche, et de couper le traduction... 8)
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Re: Keisuke Kinoshita (1912-1998)

Message par cinephage »

La Ballade de Narayama (Keisuke Kinoshita - 1958)

Hé bien je partage totalement l'enthousiasme de beb, même si je dois avouer n'avoir jamais vu le remake plus récent, et plus connu, de Shohei Imamura.
Par son artificialité totalement acceptée, le film prend une force énorme, démonstrative, joue d'une beauté picturale de tous les instants, multiplie les effets visuels, les jeux sur les faux semblants, exploite son décor en studio avec une inventivité qui laisse baba. Branches devant la caméra, filtres de couleur, jeux sur les éclairages, faux raccords, les idées sont innombrables, et on se laisse vraiment séduire par ce déballage d'effets, aussi ingénieux que surprenant.

Accompagné en permanence d'un shamizen et de la voix d'un conteur/chanteur, le film me semble être au théâtre japonais ce que les contes d'Hoffmann serait à l'opéra, mutatis mutandis. L'intrigue, que je ne connaissais pas, est d'une dureté qu'on peut comprendre dans le Japon de l'après-guerre, puisqu'il nous décrit un monde en pleine disette, où le manque de nourriture fait souffrir la population, au point que les anciens doivent renoncer à la vie, et que le vol soit le plus grand crime qui soit. Alors que la caméra approche rarement les personnages (à l'exception de Kinuyo Tanaka, actrice misoguchienne ici dans un rôle à la mesure de son talent en vieille femme), la distance reste la règle et ajoute à la dureté du récit. Pourtant, c'est de ce juste placement, et de ce récit scandé, que vient une émotion sourde qui va croissant au long du film.

Un très beau film, en tout cas, qui laisse songeur et dégage une grande force.
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Re: Keisuke Kinoshita (1912-1998)

Message par bruce randylan »

Le fantôme de Yotsuya (1949)

Première version filmée de l'histoire du fantôme de Yotsuya de Nanboku Tsuruya IV, pierre emblématique du fantastique japonais. Dans cette histoire, le spectre d'Oiwa l'épouse empoisonnée et défigurée de Iémon (un samurai pauvre qui cherche à se re-marier à une riche héritière) revient pour se venger de son mari qui a causé sa mort. De nombreuses autres adaptation ont été faite : Kenji Misumi Nobuo Nakagawa, Tai Kato, Shiro Toyoda (pas vu celle-là) et surement beaucoup d'autres. Chaque version diffère des autres avec de nombreuses variations autour de Iémon.

Cette version en 2 parties de 1h25 chacune est de loin la plus ambitieuse en terme narrative. Sa durée fleuve lui permet de développer avec soin ses personnages. D'un point de vue psychologique, cette adaptation est de loin la meilleure, la plus équilibrée, la plus juste et aussi la plus crédible dans l'évolution de Iemon. Il n'est pas comme dans les autres versions un être sois diabolique, soit victime des événements. Il est ici seulement un samurai qui se pose des questions et est pris dans l'engrenage d'une situation qu'il lui même mis en place malgré lui.
Kinoshita s'attarde sur ses doutes, sa culpabilité, ses craintes. Le film est étonnement mélancolique, insistant d'ailleurs plus que les autres sur la pauvreté du couple. La musique aussi renforce ce sentiment bien que le thème soit utilisé bien trop souvent.
Les autres protagonistes sont aussi bien traités avec ce soucis de composer des caractères équilibrés. Seul l'ami de Iemon est peut-être trop unilatéralement mauvais, dénué de scrupule et manipulateur au possible. En tout cas, ils donnent l'occasion d'un casting prestigieux pour un jeu forcément théâtral mais qui passe bien. : Ken Uehara, Tanaka Kinuyo dans un double rôle, Haruko Sugimura, Daisuke Kato....

La première partie qui s'arrête après la mort de dame Oiwa est ainsi très réussie, le cinéaste prend son temps mais la narration n'est pas lente pour autant ni même répétitive. Sa mise en scène est classique dans le bon sens du terme avec des fulgurances épatantes : l'ouverture dans la cour de prison sous la pluie aux impressionnants travellings, la mort de oiwa filmé en un plan-séquence passant de Iemon à l'extérieur à sa femme à l'intérieur. C'est d'ailleurs ce qui surprend dans le film : le sens du hors-champ et des ellipses. Beaucoup de scènes importantes sont coupées ou supprimées de la narration et ne sont pas forcément toujours racontées après coup. C'est vraiment osé et ça relance à chaque fois l'histoire.

La deuxième partie est malheureusement inférieure : alors qu'il aurait encore plus dû se recentrer sur Iemon et sa culpabilité, Kinoshita perd son temps dans des sous- intrigues secondaires parfois dispensables. Trop de personnages cassent le rythme et on perd la dimension psychologique initiale. C'est dommage puisque le film n'est pas du tout un film de fantôme dans le sens où toutes les apparitions ne sont issues que de l'esprit de Iemon rongé par le remord.
Noyé dans les nombreux personnages, on devient ainsi un peu trop passif même si là aussi quelques moments brillants viennent stimuler la rétine : un combat sur (et sous) un pont filmé derrière des branches, des conversations filmés en panoramas/travelling et surtout un final époustouflant qui se déroule dans une maison en flamme. Vraiment spectaculaire avec des plans qu'on imagine dangereux pour l'équipe et les acteurs. Okamoto s'en souviendra pour le sabre du mal.

Un peu frustrant donc pour sa deuxième partie qui n'est pas à la hauteur. Frustrant aussi car la copie était bien fatiguée et ne rendait vraiment pas justice à la photographie qui avait l'air magnifique et très contrastée.
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bruce randylan
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Re: Keisuke Kinoshita (1912-1998)

Message par bruce randylan »

Tout dépend des films et des séances. Pour Naruse par exemple, ca refuse du monde. Pour les films de fantômes, on pouvait être 10 dans la salle.
Pas moyen de réserver. Quand les places sont payantes, je crois que tu peux acheter plus séances d'un coup si tu les enchaines.

Après il faut en fait surveiller si les séances sont gratuites et si le cinéaste est connu. Par exemple dans le futur cycle ATG qui commence mardi, les places sont en entrées libres et il y a des Oshima ou Imamura. Ceux-ci seront à coup sûr blindés. Par contre, un film comme l'empire de punks fait par un inconnu dans les années 80, ça sera moins la cohue.
Pour les films gratuits je conseille donc de venir au moins une demi-heure avant voire une heure si c'est un mec célèbre à la réalisation.

Pour les séances payantes (entre 2 euros et 4 euros), tu peux venir 15 minutes avant sauf si bien-sûr c'est Naruse ou Mizoguchi.

Attention aussi de bien surveiller les programmes, certains films sont seulement sous-titrés anglais. Ne pas hésiter aussi à consulter de temps en temps le site internet ou les fascicules spécialement conçu pour les cycles car les horaires et les films évoluent régulièrement selon la disponibilité des copies (ne pas trop se fier donc aux livrets trimestriels dont les infos sont parfois caduques). Sinon, les séances commencent à l'heure et le sièges ne sont pas forcément les plus confortables. :mrgreen:
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Re: Keisuke Kinoshita (1912-1998)

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Re: Keisuke Kinoshita (1912-1998)

Message par bruce randylan »

La rivière Fuefuki (1960)

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Le destin d'une famille de paysans s'étalant sur plusieurs générations, témoins et acteurs d'incessantes guerres civiles qui se déroulent sur la rive opposée à celle sur laquelle ils vivent modestement.

Rétrospectivement, c'est quand même extraordinaire que ce film soit sorti un France en DVD. Un cinéaste pas forcément très connu chez les cinéphiles et un film assez particulier, quasi conceptuel. On n'ira pas s'en plaindre, à part pour regretter que ce genre de sortie n'existe désormais plus, puisque La Rivière Fuefuki est une immense réussite tant plastique que thématique.

Il y a d'abord ce parti pris audacieux de noir et blanc tantôt colorié partiellement, tantôt teinté. Ca m'a fait pensé au cinéma muet avec la peinture au pochoir et les teintages de manière générale. Je ne sais pas quelle était vraiment la source d'inspiration pour Kinoshita et à la rigueur, ce n'est pas très grave dans le sens où le résultat me semble assez unique d'autant qu'il n'y a pas toujours de logique dans l'utilisation des parties coloriées et leurs fréquences d'utilisations. Il y a bien une fonction psychologique ou narratif mais rien n'est définitif ou systématique non plus. Je pense que ça permet de créer une surprise permanente, désamorçant certaines attentes. Quelque chose d'imprévisibles un peu comme les aléas de la vie.

Ca conduit à un scénario tout autant audacieux avec son refus d'une narration conventionnelle, sans pour autant s'enfermer dans des contraintes absolues. Le film est donc essentiellement raconté au travers d'ellipses couvrant plusieurs décennies avec un minimum de repères temporaires (seules les batailles sont datées). Une coupe peut tout à la fois sauter 10 ans ou quelques jours avec une brillante fluidité, évitant pas mal d'écueils et de facilités comme des fondus au noirs.
Il en ressort une sorte de fuite en avant de temps sur lesquels les personnages n'ont aucune emprise.
Cette idée est formidablement symbolisé par l'utilisation de cette immense décor avec ce pont surplombant un large fleuve prenant une multitude de sens : une impossibilité de progression social, la séparation entre la vie et la mort, le temps qui s'écoule et aussi une force immuable contre lequel les personnages ne peuvent pas lutter. Ceux-ci sont littéralement écrasés par leurs conditions de vie et les tumultes de l'histoire, relayés à être avant tout des témoins impuissants des luttes de pouvoir. Kinoshita appuie cette notion en ayant très peu recours aux grands plans. L'essentiel de sa mise en scène repose sur des longs plans larges où les individus paraissent dérisoires dans le cadre, surtout face aux proportions du fleuve et du pont qui dégage quelques chose de fascinant et d'hypnotique. Une sorte d'attirance inexplicable auquel l'humain ne peut résister : celui de franchir ce pont et y trouver dans les exploits guerriers un espoir de sortir de sa condition. Tout gravite autour de ce besoin d'évolution. Le cadre et l'environnement bien sûr mais aussi les mises en gardes des aïeux qui à force de les décourager crée l'effet inverse : les pousser vers les champs de bataille.

Avec ce double dispositif de réalisation, le film, tout en étant incroyablement répétitif dans son scénario, est quasiment passionnant de bout en bout. Curieusement, c'est lorsqu'on s'éloigne longuement de la maison et des rives du fleuve que l'intérêt retombe un peu lors des 20 dernières minutes (mais peut-être dû à un problème de concentration – Brucette n'étant pas très discrète quand elle est au téléphone). Mais jusque là, c'était fabuleux et les petits intermèdes guerriers n'en ressortent que plus impressionnant, tranchant avec le calme et l'aération de la nature pour une fureur des champs de bataille formidablement retranscrite dans des plans sensationnels par leur ampleur et leur sens du mouvement.


Bien qu'épuisé, le DVD MK2 se trouve encore sans avoir à débourser une fortune :wink:
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Re: Keisuke Kinoshita (1912-1998)

Message par Commissaire Juve »

bruce randylan a écrit :
Il y a d'abord ce parti pris audacieux de noir et blanc tantôt colorié partiellement, tantôt teinté. Ca m'a fait pensé au cinéma muet avec la peinture au pochoir et les teintages de manière générale. Je ne sais pas quelle était vraiment la source d'inspiration pour Kinoshita et à la rigueur, ce n'est pas très grave dans le sens où le résultat me semble assez unique d'autant qu'il n'y a pas toujours de logique dans l'utilisation des parties coloriées et leurs fréquences d'utilisations...
Ah ouiii, je me souviens ! ça m'avait carrément dissuadé de me l'offrir.
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Re: Keisuke Kinoshita (1912-1998)

Message par bruce randylan »

Et c'est bien dommage !
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Re: Keisuke Kinoshita (1912-1998)

Message par Commissaire Juve »

Ah non... désolé :? ... je me suis refait la BA, c'est pas possible (je ne supporte déjà pas les couleurs dans les films muets ; alors là).
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Re: Keisuke Kinoshita (1912-1998)

Message par bruce randylan »

Un toast pour mademoiselle (1949)

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Ayant dépassé la trentaine depuis quelques années, un garagiste célibataire est approché par un client qui lui propose un mariage arrangé avec une femme issue de la bourgeoisie. Au début septique, il tombe amoureux au premier coup d'oeil mais sa timidité et sa maladresse lui font commettre plusieurs maladresses. De plus, en allant chez elle, il apprend que cette famille, autrefois aisée, connaît désormais la précarité.

Une délicieuse comédie romantique qui ne manque ni de personnalité ni de justesse dans la subtilité grâce à la mise en scène et aux bonnes idées de Kaneto Shindo au scénario.
Car derrière la formule d'un genre déjà bien rodé où sont déclinés les différents actes incontournables, il y a une peinture sociale finement intégrée : un pays en reconstruction, les bouleversement économiques (fin de la bourgeoisie, émergence d'entrepreneurs issus de la classe ouvrière), évolution des mœurs... C'est d'autant plus intelligent que ces éléments apparaissent au travers de la caractérisation des personnages : Shuji Sano, sous l'euphorie de sa rencontre, embarquant son ami pour déambuler en moto dans un quartier en travaux ; son malaise qui le pousse à manier une guitare alors qu'il ne sait pas en jouer (en opposition de Setsuko Hara dont la famille a du revendre son piano) ; les meubles abîmés et non entretenus ; ou encore les mouvements de grues qui dévoile les nouveaux types d'habitations.
Malgré sa relative discrétion, la réalisation de Kinoshita est redoutable de précision qu'il s'agisse des travellings qui dynamisent et redéfinissent les relations dans les scènes de dialogues ou du découpage qui malmène l'espace pour traduire l'inquiétude de Shuji Sano dans l'attente du premier rendez-vous.
Et si je disais que la structure du film est assez conventionnel, il n'empêche pas que le ton est par moment suffisamment pessimiste et amer pour qu'on doute nous-mêmes longtemps des réelles motivations de Setsuko Hara. La conclusion reste prévisible mais sa concision confirme toutes les nombreuses qualités du film : une fragilité émotionnelle, une mise en scène à l'écoute des personnages, un traitement subtil et des acteurs attachants.

Il est passé à la cinémathèque un aprés-midi à 15h, j'espère qu'il sera reprogrammé début mars dans des horaires plus pratiques.
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