MEURTRE PAR PROCURATION (NIGHTMARE)

4,5/6
Réalisé par le souvent sous-estimé Freddie Francis, NIGHTMARE constitue un bon exemple de « psycho thriller », évidemment inspiré par les grands classiques de l’épouvante à twist que furent PSYCHOSE ou LES DIABOLIQUES mais néanmoins suffisamment original pour emporter l’adhésion. La Hammer proposa d’ailleurs plusieurs films sur ce modèle comme par exemple HURLER DE PEUR ou PARANOIAQUE.
L’intrigue, signée du grand scénariste Jimmy Sangster, se montre au départ assez convenue et prévisible mais la seconde partie du métrage, beaucoup plus surprenante, relance l’intérêt.
Janet, une jeune fille mal dans sa peau, souffre de cauchemars récurrents depuis son plus jeune âge, époque où elle a vu sa mère poignarder son père jusqu’à ce que mort s’ensuive. Victime de visions macabres, Janet se voit forcée de quitter son école pour rentrer à la maison familiale, sous l’observation d’un médecin chargé de veiller sur elle et de la guérir, si toutefois c’est possible. Malheureusement, la situation empire et Janet est assaillie de rêves morbides de plus en plus réalistes, au point qu’elle commence à soupçonner l’existence de forces occultes désirant sa perte…
Production Hammer atypique loin des monstres du bestiaire traditionnel (vampires, loups-garous,…) ayant assuré la renommée de la compagnie, NIGHTMARE se révèle décidément très intéressant et parfois même passionnant. La principale qualité du film de Francis réside bien sûr dans le script très travaillé de Jimmy Sangster. Si les quarante premières minutes se conforment aux clichés du « psycho thriller » en détaillant la sombre machination visant à pousser une jeune fille à commettre un meurtre (pas de surprise ici, le spectateur comprend rapidement la direction que va suivre l’intrigue), la seconde moitié se montre nettement plus originale en multipliant les retournements de situation surprenants. Evidemment, NIGHTMARE brode un peu avec le vraisemblable lors de la succession finale de pirouettes « capilotractées » mais, comme il s’agit d’une caractéristique du genre et que Sangster amène tous ces twists avec beaucoup de talent nous ne ferons pas le difficile et prendrons l’ensemble comme un honnête divertissement horrifique bien ficelé.
Dés la première séquence, un passage intriguant et angoissant situé dans un asile psychiatrique qui se révèle en réalité un cauchemar assaillant la jeune héroïne, NIGHTMARE accroche le public et entame un jeu macabre dans lequel les apparences s’avèrent trompeuses, amenant le spectateur a constamment remettre en question la « réalité » des images proposées. Un travail splendide pour une construction scénaristique d’une belle richesse témoignant de l’inventivité d’un Sangster n’hésitant jamais à pratiquer la surenchère afin de maintenir l’intérêt.
Au niveau de la mise en scène, Francis se montre pour sa part franchement efficace et même inspiré, tirant admirablement parti d’un noir et blanc riche et oppressant. Optant pour un métrage ramassé et sans fioriture, le cinéaste quitte rarement les personnages principaux et sa caméra les suit dans des intérieurs menaçants. Une séquence particulièrement réussie nous montre une des protagonistes, cadrée en plongée, explorer une pièce déserte. Une porte claque et la jeune femme se trouve filmée en contre-plongée, la peur se lisant sur son visage. Simple mais effectif, à l’image du métrage dans son ensemble que l’on aurait tort de limiter à une belle « mécanique » angoissante. Le vétéran John Wilcox, responsable de la photographie, utilise, de son côté, les ombres à bon escient pour épaissir davantage l’atmosphère et donner une personnalité à ce NIGHTAMRE. Visuellement, le métrage s’avère donc de toute beauté et s’inscrit résolument dans le peloton de tête des plus grandes réussites esthétique de la Hammer. Les séquences de cauchemar possèdent en outre une véritable qualité et dégagent l’onirisme fantastique requis, Francis réussissant des passages très convaincants sans que le spectateur ne puisse trancher sur la véracité des faits proposés. Rêves, hallucinations ou événements réels ? Les différentes interprétations coexistent et le scénario, malin, n’en réfute aucune avant les dernières minutes de projection.
L’intrigue complexe de Sangster nécessitait un casting concerné pour rendre vraisemblable certaines séquences pouvant, en de mauvaises mains, faire basculer le métrage dans le comique involontaire et le ridicule. Heureusement, les interprètes sont toujours crédibles et Jennie Linden, remplaçant Julie Christie, livre une performance mémorable de jeune fille à la fois paniquée et hystérique, susceptible de plonger dans la folie ou de devenir une meurtrière à la moindre fêlure de sa raison. Julie Linden a quasi exclusivement travaillé pour la télévision (notons parmi ses rares apparitions sur les grands écrans Dr WHO AND THE DALEKS et WOMEN IN LOVE de Ken Russell) mais se sort remarquablement de ce rôle difficile. Moira Redmond, David Knight et la plupart des seconds rôles sont tout aussi convaincants et ce casting solide concourt lui aussi à la réussite de NIGHTMARE. Notons d’ailleurs la belle caractérisation des personnages, en particulier celui de Janet, que le film va pourtant évacuer de l’intrigue durant sa seconde moitié, reprenant la construction particulière de PSYCHOSE et déplaçant le centre d’attention d’une protagoniste à une autre.
En résumé, NIGHTMARE, loin d’être un simple décalque de PSYCHOSE ou des DIABOLIQUES (auquel le scénario emprunte cependant beaucoup), constitue une belle surprise dans le sous-genre, un temps fécond, du thriller horrifique teinté d’un surnaturel discret. Peu connu, le métrage mérite largement d’être redécouvert et réévalué pour en apprécier toutes les qualités et les fans de la Hammer aimeront sans doute se plonger dans les méandres de son scénario. A (re)voir.