Cinéma muet français

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Ann Harding
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Re: Cinéma Muet Français

Message par Ann Harding »

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Barrabas (1920, L. Feuillade) en 12 épisodes avec Gaston Michel, Fernand Hermann, Edouard Mathé, Georges Biscot et Blanche Montel
Image (Gaston Michel tenant le révolver)

Jacques Rougier sort de prison. Il est immédiatement pris en charge par une organisation criminelle secrète 'Barrabas'. Alors qu'il tente de quitter cette vie de crime, il se retrouve inculpé de meurtre. Il est condamné à la guillotine bien qu'innocent. Il laisse un testament à son avocat Jacques Varèse (F. Hermann). Celui-ci va tenter de percer le secret de cette organisation dont le chef est le banquier Strélitz (G. Michel)...

Avec ce sérial en 12 épisodes, Feuillade poursuit sur la lancée de Fantômas. Nous sommes à nouveau face à un grand maître du crime. Gaston Michel prête sa barbe blanche et sa haute stature à Strélitz, un monstre froid qui peut éliminer femme ou enfant d'un trait de crayon. Comme le dit l'une de ses victimes, Noëlle Maupré: "On peut ne pas croire en Dieu, mais quand on connait Strélitz, on est bien obligé de croire en Satan." Chacun des membres de l'organisation porte un tatouage au bras qui fait de lui un membre à vie de Barrabas. Face à cette organisation riche (elle possède hôtel et clinique) et tentaculaire, l'avocat Varèse (F. Hermann) et son ami le journaliste Raoul de Nérac (E. Mathé) vont devoir se battre. Ils peuvent compter sur le renfort de Laugier (Laurent Morlas), un garagiste ami de Nérac et du crémier Biscotin (G. Biscot). Mais, la lutte sera difficile ponctuée d'enlèvement, de chantage et de meurtre. La film contient quelques cascades spectaculaires comme celle dépeinte sur l'affiche ci-dessus où Laurent Morlas saute sur le toit d'un train en marche depuis un pont. Et Blanche Montel s'échappe d'un vieux manoir par les toits avant de traverser les fossés en marchant sur une planche étroite. Le film commence à Paris avant de se déplacer à Marseille et à Nice (où Gaumont possède des studios). Le film contient quelques vues aériennes spectaculaires de Nice où on peut admirer la jetée promenade maintenant disparue. Les héros se déplacent en train, en voiture, en avion biplan ou en hydravion. Les personnages restent des esquisses ; mais la narration est menée de main de maître. Parisette, qui était un mélodrame, révélait les faiblesses des personnages. Feuillade est plus doué pour tisser une trame à suspense que pour la subtilité psychologique. Dans une histoire criminelle comme Barrabas, les personnages sont suffisamment typés pour nous faire oublier qu'ils sont des stéréotypes. Et l'intrigue se déroule suffisamment rapidement pour qu'on soit pris par le récit. Gaston Michel, un vétéran du théâtre français, est parfait en maître du crime. Son allure suggère un banquier prospère et inoffensif. Il arrive facilement à tromper son monde. La copie numérisée du Forum des Images est superbe: entièrement teintée et bien contrastée. (Seuls quelques épisodes sont un peu trop sombres.) Un très bon Feuillade. :)
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Major Dundee
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Re: Cinéma Muet Français

Message par Major Dundee »

Encore MERCI Ann pour tous ces précieux comptes-rendus.
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- J'aurais cinq ans... Ce serait du joli !


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Message par allen john »

Major Dundee a écrit :Encore MERCI Ann pour tous ces précieux comptes-rendus.
Cà fait rêver 8)
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origan42
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Re: Cinéma Muet Français

Message par origan42 »

allen john a écrit :
Major Dundee a écrit :Encore MERCI Ann pour tous ces précieux comptes-rendus.
Cà fait rêver 8)
Oh que oui... (soupir)
+1 (soupir)
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Ann Harding
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Re: Cinéma Muet Français

Message par Ann Harding »

Je suis contente de voir que les comptes-rendus des vieilleries que je vais voir intéressent quelques personnes. :wink: :D
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Ann Harding
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Re: Cinéma Muet Français

Message par Ann Harding »

Pour changer des habituelles fictions, je me suis intéressée à deux documentaires de l'époque muette, à nouveau au Forum des Images.

Paris-Cinéma (1929) de Pierre Chenal
En trente minutes, Pierre Chenal nous montre comment on fabrique un film de A à Z. Ce merveilleux documentaire commence dans l'usine Debrie (une des marques préférées de l'époque muette en France) où nous découvrons comment sont fabriquées les caméras. On découvre également le mécanisme d'avancement de la pellicule ainsi que le système des obturateurs. Puis lors d'une visite chez Pathé-Kodak, on voit la fabrication de la pellicule suivie du laboratoire où le négatif est développé et les copies sont tirées sur une tireuse. On découvre également les différents objectifs: zoom, lentille déformante, système de cache. Chenal visite également le génial Ladislas Starevitch qui réalise alors des films animés avec des marionnettes avec le système 'stop motion'. C'est absolument merveilleux de le voir photographier ses insectes avec une pince pour bouger les yeux et les pattes. Puis, nous allons dans les coulisses du studio rue Francoeur pour assister au tournage du Capitaine Fracasse d'A. Cavalcanti. On y voit les opérateurs montés sur des chariots à roulettes pour les travellings ou réalisant des plans avec la caméra mobile (qui a l'air particulièrement lourde!). ce formidable documentaire se termine à la Gare de Lyon où Augusto Genina tourne de nuit Quartier Latin. Une petite merveille! :D

Etudes sur Paris (1928) d'André Sauvage
Nous partons pour une promenade dans le Paris des années 20 pendant 75 min. Et quelle promenade! Contrairement à Berlin: Die Sinfonie der Grosstadt (1927) de Ruttmann, le réalisateur ne cherche pas à rythmer cette promenade du matin au soir pour nous faire sentir le pouls de la ville. Ici, nous entrons dans Paris par le nord. A l'époque, il y a encore énormément d'usines aux portes de Paris. Nous arrivons doucement au centre ville par les canaux et la Seine. Les bords de l'eau à l'époque grouillent de vie: les lanvandières qui lavent le linge dans l'eau du fleuve, les péniches qui apportent le ravitaillement pour les citadins, les chemins de halage, les écluses où les bateaux sont tirés par des hommes ou des chevaux. Il y a aussi cet établissement de bains sur une barge qui offrent des 'bains chauds'! On voit bien sûr, le Paris des monuments: place de la Concorde, Opéra, Tour Eiffel. Mais, ce n'est pas le plus intéressant dans ce documentaire. J'ai été fascinée par les rues de l'époque et le petit peuple de Paris. Vers les abattoirs de Vaugirard, on voit des immenses charettes de paille qui vont vers le marché aux chevaux (où se trouve maintenant le marché aux livres anciens de la rue Brancion). Les portes de Paris sont encore des zones en friche, les fortifs ou encore des petits jardins ouvriers. Le film se termine au Jardin du Luxembourg qui n'a pratiquement pas changé: les promenades sur les ânes et les petits bateaux sur le bassin central sont toujours là. La circulation automobile est déjà incroyablement imposante. On voit encore quelques charettes tirées par des chevaux, mais pratiquement tous les véhicules sont motorisés. Le trafic arrive déjà à saturation avec en plus les tramways le long des grandes avenues et des boulevards. Si vous êtes parisien (ou pas!), c'est vraiment une ballade nostalgique fantastique dans le Paris des années folles.
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Re: Cinéma Muet Français

Message par Korea »

bonjour, il y t'il une possibilite de les voir????
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cinephage
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Re: Cinéma Muet Français

Message par cinephage »

Korea a écrit :bonjour, il y t'il une possibilite de les voir????
En t'inscrivant au Forum des Images, tu obtiens un accès à une banque de films d'une taille considérable, que tu peux consulter à satiété... Je pense que c'est ainsi qu'Ann a pu voir ces films, qui sont ainsi parfaitement visibles, pour pas très cher. A condition d'être parisien...
I love movies from the creation of cinema—from single-shot silent films, to serialized films in the teens, Fritz Lang, and a million others through the twenties—basically, I have a love for cinema through all the decades, from all over the world, from the highbrow to the lowbrow. - David Robert Mitchell
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Ann Harding
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Re: Cinéma Muet Français

Message par Ann Harding »

Pour voir les films, il suffit d'aller au Forum des Images et de prendre un billet pour la Salle des Collections. Cela coûte 5 euros pour quatre heures de visionnage. :wink:
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Ann Harding
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Re: Cinéma Muet Français

Message par Ann Harding »

Le Pied Qui Etreint (1916, J. Feyder?) avec Kitty Hott, Georges Biscot

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Cette parodie de the Exploits of Elaine (1914, L. Gasnier) produite par Gaumont semble avoir été réalisée par J. Feyder. Je dis bien, semble, car il est fort difficile d'attribuer un film à un réalisateur à cette époque-là. Le film part d'une bonne idée qui est de parodier les sérials américains avec leurs intrigues tirées par les cheveux. Hélas, le résultat n'est pas à la hauteur. Les gags sont incroyablement laborieux et les quelques bonnes idées sont étirées jusqu'à plus soif... On ne peut guère sauver que le numéro de Biscot en Chaplin (voir photo ci-dessus), bien qu'il soit très mal dirigé. Les premiers courts-métrages de Feyder à la Gaumont sont incroyablement meilleurs et plus subtils. Vous pouvez d'ailleurs en voir trois exemples sur le coffret Gaumont Vol 2: Des Pieds et des Mains (commencé par G. Ravel, fini par Feyder) ainsi que Têtes de femme, femmes de tête et Un Conseil d'ami. Il y a une énorme erreur au générique de cette restauration de la Cinémathèque avec Gaumont: le rôle principal du détective est attribué à André Roanne alors que c'est un acteur ventripotent assez âgé (voir ci-dessus l'homme avec le chapeau melon à la main). André Roanne n'apparaît que quelques secondes vers la fin en pompier....
Jihl
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Re: Cinéma Muet Français

Message par Jihl »

Ann Harding a écrit :Finis Terrae (1929, Jean Epstein)

Je me suis replongée pour la deuxième fois dans ce film de Jean Epstein qui vient d'être rediffusé par Arte. J'ai retrouvé avec plaisir les paysages sauvages de petites îles qui entourent Ouessant. Epstein a utilisé un parti pris documentaire tout à fait recommandable, utilisant des pêcheurs et les habitants d'Ouessant pour son film. Mais, comme la première fois, je reste dubitative en ce qui concerne le jeu des 'acteurs'. Il faut dire que l'intrigue reste terriblement mince avec ce pêcheur de goëmon qui s'est blessé à la main. Il reste fort longtemps à contempler son pouce blessé avant de faire quoi que ce soit... On peut regretter qu'Epstein ait voulu absolument faire une fiction de ce qui aurait pu être un formidable documentaire sur la vie dans ces îles du Ponant. Le résultat est une intrigue qui provoque l'ennui, surtout dans la deuxième partie du film. On a l'impression de voir un film de 120 au lieu de 80 min! La musique à base d'instruments à vents ne fait qu'ajouter à l'ennui ressenti avec ses tonalités sombres.
Et bien moi ça m'a plutôt plu. C'est vrai que c'est parfois un peu lent et que le jeu des acteurs est limite ; mais j'avoue avoir été quand même impressionné par les recherches graphiques de Epstein. Certains plans sont vraiment magnifiques et les cadrages des plans fixes sont souvent très soignés et influencés par la photographie. En revanche Epstein est moins à l'aise pour faire bouger sa caméra ou ses acteurs. Mais j'ai vraiment pris du plaisir grâce à un master HD de tout beauté proposé par Arte. 5,5/10
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Re: Cinéma Muet Français

Message par Ann Harding »

Un Chapeau de Paille d'Italie (1927, René Clair) avec Albert Préjean, Olga Tschekowa, Vital Geymond et Alice Tissot

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Fadinard (A. Préjean) se prépare à épouser Helène. Mais en traversant le bois de Vincennes, son cheval a malencontreusement mangé le chapeau de paille d'Anaïs Beauperthuis (O. Tschekowa) qui folâtrait avec son amant, le colérique Lt Tavernier (V. Geymond). Il ordonne à Fadinard de retrouver rapidement un autre chapeau ou il détruira son appartement...

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Cette merveilleuse comédie de René Clair est une brillante adaptation de la comédie d'Eugène Labiche. Nous suivons durant toute une journée les mésaventures de Fadinard qui essaie maladroitement de réparer les dommages causés au chapeau d'Anaïs, tout en faisant face à Monsieur le Maire et à sa belle famille envahissante. Tous les personnages secondaires sont merveilleusement dessinés depuis la vieille cousine (A. Tissot) qui bourre de coups de coudes son pauvre mari dont la cravate s'est détachée jusqu'au cousin Bobin à l'air ahuri qui cherche partout son gant. Tout ce beau monde est agité de mouvements spasmodiques comme la mariée qui a une épingle dans le dos. Tout est superbement chorégraphié et le film evite le verbiage inutile avec très peu de cartons d'intertitres. Clair réussit à raconter son histoire visuellement comme le fait Lubitsch dans Lady Windermere's Fan (1925). Et avec cela, le film est d'une superbe élégance visuelle grâce aux décors du génial Lazare Meerson. On ne peut que louer tous les acteurs; Albert Préjean est un superbe Fadinard dépassé par les événements. Olga Tschekowa est la femme infidèle qui s'évanouit à tout bout de champ et Alice Tissot est fidèle à ses rôles de vieille enquiquineuse. Le tout nouveau DVD chez Flicker Alley offre une très belle copie avec des intertitres en anglais (sous-titrés en français et espagnol). Il offre également deux partitions différentes: une au piano de Philip Carli, qui met en valeur les situations, et une seconde avec un ensemble de chambre du Mont Alto Motion Picture orchestra qui utilise intelligemment des extraits de musique française de la fin du 19ème. Les suppléments sont deux courts-métrages, un petit film sur la Tour Eiffel de Clair, La Tour (1927) et Noce en Goguette (1907, F. Zecca). Si j'ajoute que le DVD est Zone 0, vous devriez tous vous précipiter pour découvrir cette petite merveille du cinéma français. :D
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Dernière modification par Ann Harding le 6 avr. 10, 12:09, modifié 2 fois.
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Re: Cinéma Muet Français

Message par allen john »

Ann Harding a écrit :Un Chapeau de Paille d'Italie (1927, René Clair) avec Albert Préjean, Olga Tschekowa, Vital Geymond et Alice Tissot
Tu l'as reçu! je pense que le mien ne devrait pas tarder. Les captures donnent très envie, et j'aime énormément ce film, alors, ça va être une bonne semaine. :mrgreen:
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Re: Cinéma Muet Français

Message par Ann Harding »

Le Tourbillon de Paris (1928, J. Duvivier) avec Lil Dagover, Léon Bary et Gaston Jacquet et René Lefèvre

ImageImage (Léon Bary & Lil Dagover)

Amiscia (L. Dagover) une cantatrice célèbre a fui Paris pour un petit village de haute montagne où elle vit retirée du monde. Son époux, Lord Abenston (G. Jacquet) vient l'y chercher pour la ramener dans sa propriété en Ecosse...

Ce film est une heureuse surprise dans la filmographie muette de Duvivier. Bien que le début du film laisse supposer un de ces drames mondains comme les affectionnaient le public de la fin des années 20, il se révèle bien plus intéressant que d'autres productions de l'époque. D'abord, la comédienne allemande Lil Dagover réussit à habiter son personnage de manière tout à fait convaincante. Elle nous transmet les émotions qu'elle ressent avec énormément de talent; après tout, elle avait déjà derrière elle un beau palmarès comme le rôle féminin principal dans Le Cabinet du Dr Caligari (1920). On sent une véritable actrice de l'écran contrairement à d'autres actrices françaises de l'époque souvent issues du théâtre. Le meilleur moment du film est celui où sur scène, Amiscia (L. Dagover) perd tous ses moyens, prise d'une crise de trac épouvantable, elle s'effondre sous les huées d'une cabale montée par un amant éconduit. Duvivier utilise à profusion les surimpressions et les fondus durant une bonne partie du film, mais, c'est durant cette scène qu'il réussit au mieux son pari. Prise dans un tourbillon, Amiscia est en train littéralement de se noyer avant de reprendre le dessus et de reconquérir le public. ce fut pour moi le moment le plus émouvant de tout le film. Comme dans Au Bonheur des Dames (1930), Duvivier utilise la caméra mobile avec beaucoup de bonheur et donne au film un mouvement et une ampleur bien venue. Une autre séquence illustre avec intelligence le chant de Lil Dagover qui interprête la belle mélodie de Fauré, Les Berceaux. Sur l'image apparaissent les vers de Sully-Prudhomme avec une illustration visuelle des mots: les grands vaisseaux qui s'éloignent laissant les femmes et leurs enfants derrière eux. J'ai été étonnée par cette séquence car Dimitri Kirsanoff a repris exactement les mêmes images pour illustrer la même mélodie pour son court-métrage Les Berceaux (1935) avec Ninon Vallin. Il a certainement pris l'idée chez Duvivier. (Vous pouvez voir le Kirsanoff sur YouTube ici). La fin du film est assez convenue et on peut penser qu'il manque quelques scènes. La copie de la Cinémathèque était de très belle qualité. Une très bonne soirée. :)
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Re: Cinéma Muet Français

Message par Ann Harding »

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Maman Colibri (1929, J. Duvivier) avec Maria Jacobini, Franz Lederer et Jean Dax

La baronne de Rysbergue (M. Jacobini) rencontre au cours d'un bal masqué Georges (F. Lederer) qui a l'âge de son fils aîné, et dont il est l'ami. Malheureuse en ménage, elle quitte son mari pour suivre Georges en Afrique du Nord où il est officier dans un régiment de spahis...

Cette adaptation d'une pièce d'Henry Bataille montre les outrages du temps. Sur un sujet rebattu - une femme d'un certain âge avec un jeune amant - le film ne réussit pas à convaincre. Alors que Hugo von Hofmannsthal a créé un chef d'oeuvre sur le même sujet avec son Rosenkavalier, ici, nous restons malheureusement dans les clichés du roman de gare. Le film débutait pourtant bien avec une scène de bal enjouée et virevoltante. Duvivier en profite pour insérer toute une série de gros plans suggestifs : bouteille de champagne dont le bouchon saute, jambes gainées de soie, main qui caresse un dos dénudé, etc. On ne pouvait suggérer mieux l'atmosphère de licence du lieu. Franz Lederer dans le rôle de l'amant reste un personnage falôt et sans consistance. Maria Jacobini donne à son rôle de femme mûre une certaine classe, mais, elle ne réussit pas à être réellement émouvante. Il faut dire que l'intrigue s'embourbe et que la suggestion du temps qui passe n'est montrée que par des longs plans de l'actrice observant ses rides dans un miroir. Le déplacement de l'intrigue en Afrique du Nord est le prétexte à de longues séquences sur les coutumes locales qui font penser à du remplissage. Il est dommage que la copie allemande présentée ait manqué à ce point de contraste car la cinématographie d'A. Thirard devait être bien plus belle qu'elle ne paraissait là.
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