Mikio Naruse (1905-1969)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Alisou Two
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Re: Mikio Naruse

Message par Alisou Two »

il n'existe pas apparemment d'affiches des films de NARUSE
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k-chan
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Re: Mikio Naruse

Message par k-chan »

ALISOU TWO a écrit :il n'existe pas apparemment d'affiches des films de NARUSE
Bien sûr que si, comme tous les films je pense. Après, tout dépend de la rareté. C'est sûr que pour les trouver en haute résolution, si tu veux te faire des jaquettes, ça va être très dur. Voici l'affiche de Au gré du courant :

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Alisou Two
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Re: Mikio Naruse

Message par Alisou Two »

en dehors du "repas" "nuages d'été et nuages flottants" que j'avais déjà en coffret dvd
j'ai vu sur cinéclassics dans le cadre du cycle consacré à NARUSE
"le grondement de la montagne" (excellent )
et "l'histoire d'une femme" (moyen)
avec une image impeccable et un son de trés bonne qualité,
vivement la suite...
Alisou Two
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Re: Mikio Naruse

Message par Alisou Two »

le cycle de NARUSE sur cinéclassics est vraiment EXCEPTIONNEL
et permet de voir des films sur le câble qui n'ont jamais été diffusés
et qui n'existent pas en DVD (excepté NUAGES D'ETE NUAGES FLOTTANTS LE REPAS)
vendredi 20 juillet c'était AU GRE DU COURANT qui est certainement l'un de ses films les plus émouvants
vivement
le 1er août pour découvrir LE SIFFEMENT DE KOTAN
et le 8 août COURANT DU SOIR
il est regrettable que la programmation de ces films ait lieu entre juillet et août pendant une période de "vacances"!
espérons que cinéclassics les programme de nouveau (1 ou 2 diffusions) à la rentrée de septembre
santiago
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Re: Mikio Naruse

Message par santiago »

C'est déjà ça et une bonne occasion de découvrir Naruse pour les cinéphiles. J'ai tellement galéré ces dernières années pour voir ses films (jusqu'à commander des DVD en Corée avec des sous titres anglais). C'est un grand bonheur de pouvoir voir, en ce qui me concerne, 4 films que je ne connaissais pas de mon cinéaste favori.
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Re: Mikio Naruse

Message par Alligator »

Iwashigumo (Nuages d'été) (Mikio Naruse, 1958) :

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Un film qui passe... comme des nuages d'été dans le ciel me direz-vous avec malice. Si, si. Hé bien oui. Un film sur le temps qui passe et qui rend nostalgique, qui interroge sur son rapport à la société qui bouge plus vite que soi. Et j'aime bien ce genre de film.

Quand en plus, il s'inscrit dans une histoire familiale, une chronique douce et amère parfois, quand il pénètre un quotidien en s'y ancrant de manière tout fait réaliste (j'exagère un peu, voir le casting), faisant le portrait d'un Japon des années 50 en pleine mutation économique, sociale et culturel, alors je me laisse aller à suivre délicatement et avec attention la tournure des évènements.

Surtout, je me surprends à être attaché à ses personnages profondément humains. On est frappé par la grande et fraîche capacité de communiquer de ce petit monde rural, malgré les bouleversements qu'il connait. Pourtant en conflit, entre parents soucieux de léguer un maigre patrimoine agricole et une jeunesse qui veut s'extirper au plus tôt de cette misère pour aller trouver un travail salarié urbain, les personnages parviennent à exercer avec franchise et courage leur expression, malgré les désaccords, malgré les angoisses. Chacun réussit à s'exprimer, à écouter l'autre. Une attitude collective étonnante qui peut être lue comme un artifice didactique. "Voilà comment le Japon change et doit changer. Prenez-en votre parti et changez!" J'y ai songé. Mais je l'ai refusé ensuite pour prendre un plaisir très satisfaisant.

En effet, le film n'a rien d'une bluette, même sociale. On y rajeunit, on s'y fatigue, on y souffre, on y a peur, on sourit, on rit, on affronte avec courage ou colère l'avenir et l'inconnu. On y aime. Ces familles m'ont ravi. Par leur art de vivre leur époque, leur aptitude à se parler, qui ne se manifeste pas forcément de suite mais après mûre réflexion (je pense au père, je crois que c'est Keiju Kobayashi, ce type m'a épaté et surtout ému), leur courage devant les épreuves de l'amour déçu (je pense à l'admirable et magnifique Chikage Awashima). Les comédiens sont très bons, sans extravagance, simples, directs, sans fioriture et d'une élégance folle. Les jeunes femmes sont un peu trop belles et pimpantes d'ailleurs pour figurer des paysannes mais passée cette incongruité criante, elles réussissent à donner néanmoins une vraie consistance à leurs personnages.

En somme pour mon premier Naruse, je suis conquis.

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Re: Mikio Naruse

Message par Alligator »

Inazuma (L'éclair) (Mikio Naruse, 1952) :

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Mon deuxième Naruse, pris au hasard, s'avère être un choix judicieux. Le premier m'avait beaucoup plu. Les relations entre les personnages étaient agréablement apparues comme l'essentiel de la richesse de ce cinéma.

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Ici c'est plus diffus sur ce point précis. Le personnage principal Kiyoko, interprétée avec brio par Hideko Takamine, jolie brin de jeune femme, est pleine de rêves, en premier lieu celui de s'émanciper. Elle est une rebelle qui attend le bon moment pour quitter la cellule familiale, une mère gentille mais qu'elle juge faible, voire un peu immorale, une soeur beaucoup trop gentille aussi, qui se fait avoir par son défunt époux qui menait une double vie avec maitresse et enfant et surtout elle quitte une autre soeur arrogante, vénale, agressive, dont l'ambition perfide consiste à la marier à son amant, parce qu'il est riche. Lui mettre un mari dans les pattes, voilà bien un projet ridicule pour Kiyoko! En effet, la petite révoltée, si elle rêve ce n'est pas de convoler en justes noces, non, mais plutôt d'étudier, de bibliothèques, de se rendre indépendante par les livres. Elle a fait une croix sur ses sentiments. Elle ne perd pas ses illusions, elle les gomme, met un voile sur son coeur. Les affaires de coeur, ce sont pour elle des affaires d'argent d'abord, des dépendances douteuses, des boulets, des libertées malmenées, voire des relations animales, le sexe c'est caca, les hommes font rien qu'à penser à ça, sont bêtes! Bref, manque plus qu'un bel et aimable garçon pour faire valdinguer toutes ses primes assurances.
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Ce qui ne manque pas d'arriver comme de bien entendu et de la perturber au plus haut point. Tout son système défensif en prend un méchant coup dans les gencives.
Et l'heure de grandir sonne, soudainement. Dans un éclair. L'heure de faire table rase du passé, de faire les comptes. Et ce passage à l'âge adulte est filmé sur une heure trente avec beaucoup de finesse, de délicatesse et surtout de justesse.

Ce portrait de jeune femme ne se contente pas d'être uniquement cela, il y associe aléas et petits drames familiaux. Qu'elle le veuille ou non Kiyoko est forcément liée à sa famille. Chaque membre de la famille, au sens large, pratiquement romain, apporte son lot de grâce au film et justifie finalement le regard porté par Kiyoko.
Spoiler (cliquez pour afficher)
Pourtant quand elle s'est enfin délivrée du poids familial, quand elle est parvenue à exprimer les rancoeurs à l'égard de sa mère, dans l'orage et le tonnerre paroxystiques, la fille et la mère rentrent ensemble en riant. Naruse montre bien par là que le regard posé par la fille sur la famille, bien que violent et plein de ressentiments, est une sorte d'outil, de medium, de passage nécessaire pour aller plus loin. Comme un rite d'initiation, elle parvient à dire. Pour faire. Et ce regard est un regard parmi d'autres, la beauté de l'individu et ses particularités, sa personnalité au sein d'un groupe avec ses différences, ses divergences, qui ne défont pas ses liens indéfectibles sur lesquels l'individu se construit tant bien que mal.
Bref, c'est la vie et c'est bien. Naruse par le regard de Kiyoko propose le sien, plein d'humanité. C'est beau.

Ce film de 1951 est une formidable tranche de vie, fraîche, triste, tout à la fois, humaine.

La réalisation est dépourvue d'effets. D'une simplicité telle que le récit parait d'un naturel très émouvant. Les acteurs sont remarquables ; la mise en scène affiche une incroyable modernité.

Au début de ma critique j'évoquais l'heureux hasard dans le choix du film, mais après mûre réflexion, j'ai le sentiment que n'importe quel film de Naruse me plaira. Entre les deux films, la filiation m'est évidente. Le style simple et direct éclate. A bien des égards, je crois retrouver un profond amour de la narration et de la consistance dans les personnages. Ici je songe obligatoirement dans la même famille de cinéastes à Sirk et ses personnages complets, à l'épaisseur humaine attachante (même si chez Sirk cela n'apparait pas au premier abord). Naruse donne dans la sincérité. Il embrasse ses personnages avec affection et humanité. Je suis désolé d'user ce terme à tort et à travers mais je n'arrive pas à trouver plus juste et évocateur pour Naruse, pour Sirk ou Monicelli. J'adore cet amour franc, massif et dénué de tout ridicule parce qu'il n'est en aucune manière béât ou fantasmatique. Il s'avère de noir comme de blanc, tout en nuances, réaliste et naturaliste.

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Alisou Two
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Re: Mikio Naruse

Message par Alisou Two »

bonne continuation du cycle NARUSE sur cinéclassics
avec "le sifflement de Kotan "
Best
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Re: Mikio Naruse

Message par Best »

Sur les 7 films de Naruse que j'ai eu la chance de voir, j'avoue qu'aucun n'a pour l'instant surpassé le fabuleux Okasan (La mère), revu hier avec autant de plaisir que lors de ma découverte. Un bijou !

J'en profites pour remettre la critique que j'avais effectuée à l'époque.

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Okasan est un petit miracle. Concentrer autant de beauté et d'humanité en à peine plus d'1h37 relève en effet du génie et propulse sans peine ce film réalisé en 1952 par Mikio Naruse parmi les plus beaux que je connaisse.

Première réussite du film et loin d'être la plus inintéressante, les personnages concernés par ce quotidien si bien retranscrit portent en eux cette flamme née d'une étincelle d'humanité qui les rendent terriblement attachants. Je le dits sans détour, j'aime cette famille unie et ceux qui la composent, tout comme je savoure la présence de ces amis si bien croqués qui participent activement à l'histoire. Dans un même élan, la vie des personnages extérieurs croisés au fil de l'histoire est évoquée par petites touches savamment intégrées au récit. Ils constituent tous un fragment de l'âme du film et brillent jusque dans ses moindres recoins, transformant chaque seconde comme autant de moments privilégiés. On ne saurait espérer mieux.
Le scénario, en l'apparence très simple mais d'une richesse intérieure infinie, se déroule entièrement dans un charmant village et ses alentours, le plus souvent dans la maison même de notre sympathique famille. La beauté du cadre est d'ailleurs marquante à plus d'un titre, vu qu'elle succède à une longue période marquée par la guerre. Mais qu'importe, la nature à repris ses droits en même temps que la vie reprend son cours.

" La mère " se démarque aussi par l'intelligence qui habite chaque parcelle de son scénario. Baigné dans la réalité de la vie avec ses joies et ses peines, et pourtant jamais déprimant, il est bien au contraire porteur d'espoir et d'un farouche optimisme, jusque dans son malheur lui aussi fortement présent. Ceux qui ont survécu à la guerre feront tout pour rendre prospère le futur de leurs enfants, qui représentent l'avenir de tout un peuple. Toujours d'actualité par de nombreux aspects bien qu'étant imprégné de la culture Japonaise de l'époque, Okasan est une oeuvre intemporel qui saura toucher toutes les générations sans exceptions. A ce titre, les femmes tiennent ici un rôle très important. Elles sont mises en avant avec une intelligence et une justesse d'esprit à laquelle on ne peut que rendre hommage tant celle-ci se fait rare chez beaucoup de cinéastes.

Autre chose qui surprend agréablement dans cette subtile combinaison de sentiments ou l'amitié et l'amour maternel tiennent une place de choix, l'histoire propose des amours ni tragiques ni passionnels mais d'un naturel illustré par une sincérité de tous les instants. C'est ainsi que Mikio Naruse affine les sentiments de chacun, dans le but de rendre leur relationnel le plus intéressant possible. Et comme je l'espérais secrètement, la tristesse ne prend jamais le pas sur le bonheur, même si certains passages d'une tendresse à faire chavirer n'importe quel cœur portent l'émotion à un degré d'intensité m'ayant bouleversé à plusieurs reprises. Apaisant et touchant à plus d'un titre, Okasan est également très drôle grâce à son humour accrocheur qui agrémente le cours du récit, éloignant ainsi irrémédiablement toute forme d'ennui.

Rien à redire non plus sur le plan technique. Outre sa réalisation superbe, chaque plan est animé de manière à le rendre vivant. Peut importe le procédé utilisé, Mikio Naruse transmet toujours une émotion et déclenche une réaction, qu'il s'agisse d'un sourire, d'un rire ou même d'une larme.

Okasan se regarde l'œil brillant d'une lueur de bonheur, léger, le cœur attendri et porté par un enthousiasme communicatif. Une seule chose à faire donc, se poser tranquillement et laisser la magie opérer. Vous ne le regretterez pas !
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Re: Mikio Naruse

Message par Alisou Two »

de nouveau un grand film en couleurs COURANT DU SOIR vendredi dernier
Alligator
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Re: Mikio Naruse

Message par Alligator »

Musume tsuma haha (Filles, épouses et mère) (Filles, épouses et une mère) (Mikio Naruse, 1960) :

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Les sous-titres à l'anglais approximatif (orthographe innovante, syntaxe improbable) m'ont peut-être un peu perturbé par moments. J'ai parfois eu du mal à suivre le récit. Ou disons plutôt, je n'ai pas eu accès à toutes les subtilités des dialogues.
Aussi est-ce sans doute plus de ce côté là que je vois le malaise de mon visionnage.

L'histoire ne m'a pas autant parlé qu'à l'accoûtumée. Et comme souvent avec Naruse, le souffle immense de l'histoire m'ébouriffe vers la fin et donne tout le poids légitime du film. Ici, j'ai frôlé l'orgasme sur les dernières minutes du film. Malheureusement, c'est un peu court pour me faire oublier les trop nombreux moments où les sous-titres m'ont laissé tout seul, planté devant les images comme un con. Bref, voilà une histoire de vieille mère de famille qui devient un poids pour ses enfants que je devrais revoir pour mieux l'apprécier. Vivement une édition française.

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Re: Mikio Naruse

Message par Alisou Two »

dommage que le cycle consacré à NARUSE soit fini
il a permis de faire découvrir aux abonnés de CINECLASSICS
des films le plus souvent accessibles avec des raretés
comme LE SIFFEMENT DE KOTAN , AU GRE DU COURANT , COURANT DU SOIR et son dernier film NUAGES EPARS
Alligator
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Re: Mikio Naruse

Message par Alligator »

Hideko no shasho-san (Mikio Naruse, 1941) :

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J'ai décidément du mal à comprendre les films que je vois en ce moment. L'automne n'est pas si rude a priori.
Quoiqu'il en soit, ce film présente dans un laps de temps assez court, moins d'une heure, le portrait/trajet de deux personnes, Mr Sonoda (Kamatari Fujiwara en conducteur de bus) et Okoma (la délicieuse Hideko Takamine en hôtesse ou poinçonneuse du même bus). Bizarre que le titre japonais reprenne le nom de l'actrice et non celui de son personnage.
Ils travaillent dans un vieux bus rouillé et sale. L'entreprise est vieillissante. Le patron se soucie plus de son argent, de sa limonade que de son entreprise et ses employés. Ces derniers au contraire se démènent pour sauvegarder la frêle affaire. Ils s'allient les services d'un écrivain public pour rédiger le discours informatif qu'Okoma se propose d'offrir aux clients afin d'agrémenter leur voyage.

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Lors de leur trajet, Naruse promène sa caméra sur le Japon rural des années 40, où les costumes cravates cotoient de plus en plus les kimonos. L'on sent déjà que le Japon change.

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Naruse comme à son habitude laisse une très large place à ses personnages et surtout ne parait pas montrer du doigt leurs défauts. Comme cherchant à n'être qu'un témoin, sans jugement, il les filme. On frôle l'aspect documentaire. Les nombreux plans décrivant à l'envie les paysages soulignent cet effet de la mise en scène.
C'est donc toujours cette réalisation pleine de délicatesse qui embrasse tout le film et lui donne une résonnance apaisée.

Au final, on ne sait que trop penser. On a l'impression d'avoir assisté à une scène, presque un conte, une portion de vie, mais sans savoir au juste ce qu'il faut en conclure. Une sorte de fable sans morale. La force de Naruse est de donner une grande liberté, morale s'entend, à ses personnages mais ici le spectateur que je suis se retrouve un peu trop seul à donner du sens à cette histoire. Je suis encore un peu perdu, deux jours après l'avoir vu.

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Re: Mikio Naruse

Message par bruce randylan »

Histoire d'une femme ( 1963 )

Tout l'art de Naruse est exprimé dans ce drame, puits sans fond de mélancolie et de pessimisme résigné.
Chez Naruse, presque tout pourrait être résumer en une phrase "les hommes vivent et meurent, les femmes subissent et survivent".

Voilà donc l'histoire d'une femme japonaise, Nobuko Shimizu, qui tient un salon de beauté et vit avec sa belle-mère et son fils Kohei. Quand son fils l'abandonne pour aller vivre avec une jeune femme, elle commence à se rappeler son passé par brides jusqu'à ce qu'elle apprenne la mort de son fils dans un accident de voiture qui lui fera retracer tout une bonne partie de sa vie.

La début est plutôt anecdotique, sans vraie direction narrative claire qui déstabilise quand on glisse dans des souvenirs que rien visuellement ou sonorement ne vient séparer du présent.... Puis au fur et à mesure des minutes, une certaine tristesse s'insinue dans les images quand on commence à différencier les flash-backs plus aisément... La mort de son fils va bien-sur accentuer le drame dans un long flash-back qui suit les premières années de Kohei

On commence doucement à comprendre la douleur muette qui déchire cette femme, cette mère, cette épouse, cette belle-fille.... Car chez Naruse, les femmes sont tout ça à la fois... là où les hommes ne sont que des hommes, des employés au mieux...
On revit donc avec elle la découverte de la maitresse de son mari, les temps de restrictions de la guerre, son conflit avec sa belle-mère, l'appel de la son mari sous les drapeaux, sa mort, son histoire d'amour avortée avec un ami de son époux, la vente de riz au marché noir sous l'occupation américaine...
Et au fur et à mesure que le temps, on devient de plus en plus bouleversé par le portrait de cette femme, confronté à ses désillusions, ses peurs, ses douleurs, ses courts espoirs, son désespoir...

L'émotion finit par atteindre son paroxysme quand on revient dans le présent et qu'on revit quelques séquences du début du film leur donnant une nouvelle résonance. Et que dire des dernières scènes où cette Nobuko Shimizu qui n'était plus qu'une mère rencontre la femme qui lui a v"volé" son fils et qu'elle apprend que celle-ci est en enceinte. La cruauté et la méchanceté de sa première réaction est bientôt rattrapé par l'envie, voire la nécessite, de connaitre son futur petit-fils...
Un dernier quart d'heure qui m'a complètement bouleversé au point d'avoir encore des larmes au yeux en écrivant ses lignes et me rappelant ces images d'un beauté simple et inoubliable...

Et cette beauté, il faut en parler... Dans un scope noir et blanc magnifique, Naruse confirme son affiliation avec le cinéma épuré de Ozu où la staticité de la caméra ne nuit jamais aux personnage, à l'émotion ou à l'histoire... Au contraire, sa réalisation exprime toute sa tendresse, toute sa passion, tout son humanisme dans une succession de plans d'une incroyable pudeur qui en décuple la puissance émotionnelle.
Comment ne pas ne pas être bouleverser devant le visage de Hideko Takamine, d'une mélancolie inconsolable et fataliste ? Comment pouvoir retenir ses larmes devant trois générations de femmes abandonné par leur hommes et formant une famille presque malgré-elle ? Comment ne pas être déchirer par ce bref baiser échangé au milieu de décombres ? Comment ne pas être frissonner d'émotion devant les retrouvailles d'une femme et sa brue abritée chacune sous la parapluie durant une puissante averse ?
Comment aussi ne pas sourire devant la dernière scène pleine de malice et sérénité où l'héroïne semble enfin avoir trouvé une certaine paix ?

Nietzsche avait écrit " ce qui ne te tue pas, te rend plus fort", Naruse aurait pourrait dire "Ceux qui ne t'ont pas survécu, te rende plus forte...et belle"
"celui qui n'est pas occupé à naître est occupé à mourir"
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Boubakar
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Re: Mikio Naruse 3 films - Coffret Wild Side

Message par Boubakar »

Je me suis fait les 3 films du coffret ; si Le repas et Nuages d'été sont très biens, Nuages flottants est vraiment un cran au-dessus, on y retrouve quelque chose de mélodramatique dans tous ces films.
C'est une excellente découverte ! :)
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