Crìa Cuervos (Carlos Saura - 1976)
Modérateurs : cinephage, Karras, Rockatansky
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Petit UP car c'est ressorti mercredi et je l'ai enfin vu, hier, au Champo à Paris (merci Carlotta).
J'ai été moi aussi décontenancé. Je m'attendais à quelque chose de beaucoup plus classique, peut-être du genre L'INCOMPRIS, ou à un film qui m'aurait fait monter les larmes aux yeux. En fait, comme le dit MJ, c'est un film très sombre. N'étant pas au courant des mutliples lectures, j'ai vu ça au 1er degré, à savoir un film à hauteur d'enfant, toujours vu par les yeux d'Anna Torent. C'est déjà un point que j'ai beaucoup apprécié. On ne vit jamais ce deuil du point de vue des adultes.
C'est donc très sombre, et c'est en quelque sorte l'histoire d'une gamine qui sort brutalement de l'enfance et qui perd en même temps beaucoup d'illusions.
Le 1er choc vient de la perte de ses parents à quelques années d'intervalle. Elle découvrira ensuite que le monde des adultes n'est pas aussi digne de confiance, avec beaucoup de secrets et de mensonges. A commencer par son père qui est un coureur de jupons invétéré et qui enclenchera des souvenirs à la petite (avec la bonne entre autres). C'est ensuite la tante, traitée de "sorcière" par la bonne, qui est d'abord présentée (à l'enterrement) presque comme une gouvernante stricte et sans coeur (c'est ensuite que l'on apprend qu'elle est de la famille). Par la suite on sentira un désarroi de ce personnage face à l'éducation pas toujours facile de ces 3 enfants, mais jamais en tout cas elle n'apparaitra aussi chaleureuse que Géraldine Chaplin, la mère. Surtout que cette tante sera rapprochée des mensonges du père, via une liaison adultère.
Autre choc, assez violent et frontal, c'est celui avec la mort. Elle perd déjà ses parents et fait d'abord face (dans le film) à l'approche du corps à l'enterrement (Torent refusera d'embrasser son père). Mais auparavant (montré via un flashback) elle aura été témoin des souffrances de sa mère malade. Même pour les adultes, ce sont des choses qui marquent (les scènes sont très dures et insistantes) alors on imagine facilement ce qu'il peut se passer dans la tête d'une enfant.
Autre chose. Ce qui est très touchant, aussi, comme l'explique MJ, c'est la façon des enfants d'aborder le deuil. Ana Torent imagine et revoit des moments avec sa mère, montrant comment elle comble l'absence en s'imaginant des conversations par exemple.
Autre aspect particulier du film, le double rôle de Chaplin, dont celui de la fille adulte et qui nous parle face caméra. C'est une utilisation risquée du regard caméra qui donne au film un aspect, un ton, parfois singulier.
C'est un des nombreux exemples de "surprises" dans le film (un autre est que la mort de la mère, qu'on a déjà vu et qu'on prend d'abord pour un personnage vivant, n'est pas annoncée tout de suite). Par contre j'ai admiré le beau travail sur les flashbacks, très bien amenés.
Voilà donc quelques bribes de souvenirs sur un film dans lequel j'ai eu du mal à m'investir. Je pensais être boulversé, je suis resté un peu en dehors en fait, en observateur. Par contre je suis absolument d'accord sur la petite Ana Torent (que j'ai découvert dans TESIS) et qui est incroyable ici, d'un magnétisme saisissant. D'accord également à propos de la chanson "porque te vas" que je connaissais je ne sais comment et qui m'a beaucoup plu, avec un charme rétro 70's certain, et surtout une joie et une mélancolie mélangée qui m'ont beaucoup touché. Les scènes où la petite écoute cette chanson sont vraiment belles.
Finalement j'en parle assez chaleureusement, comme quoi ça m'a peut-être plus marqué que je ne le pensais.
Pour l'anecdote, il y avait aussi Thierry Klifa dans la salle (ou alors c'est quelqu'un qui lui ressemblait comme deux gouttes d'eau).
J'ai été moi aussi décontenancé. Je m'attendais à quelque chose de beaucoup plus classique, peut-être du genre L'INCOMPRIS, ou à un film qui m'aurait fait monter les larmes aux yeux. En fait, comme le dit MJ, c'est un film très sombre. N'étant pas au courant des mutliples lectures, j'ai vu ça au 1er degré, à savoir un film à hauteur d'enfant, toujours vu par les yeux d'Anna Torent. C'est déjà un point que j'ai beaucoup apprécié. On ne vit jamais ce deuil du point de vue des adultes.
C'est donc très sombre, et c'est en quelque sorte l'histoire d'une gamine qui sort brutalement de l'enfance et qui perd en même temps beaucoup d'illusions.
Le 1er choc vient de la perte de ses parents à quelques années d'intervalle. Elle découvrira ensuite que le monde des adultes n'est pas aussi digne de confiance, avec beaucoup de secrets et de mensonges. A commencer par son père qui est un coureur de jupons invétéré et qui enclenchera des souvenirs à la petite (avec la bonne entre autres). C'est ensuite la tante, traitée de "sorcière" par la bonne, qui est d'abord présentée (à l'enterrement) presque comme une gouvernante stricte et sans coeur (c'est ensuite que l'on apprend qu'elle est de la famille). Par la suite on sentira un désarroi de ce personnage face à l'éducation pas toujours facile de ces 3 enfants, mais jamais en tout cas elle n'apparaitra aussi chaleureuse que Géraldine Chaplin, la mère. Surtout que cette tante sera rapprochée des mensonges du père, via une liaison adultère.
Autre choc, assez violent et frontal, c'est celui avec la mort. Elle perd déjà ses parents et fait d'abord face (dans le film) à l'approche du corps à l'enterrement (Torent refusera d'embrasser son père). Mais auparavant (montré via un flashback) elle aura été témoin des souffrances de sa mère malade. Même pour les adultes, ce sont des choses qui marquent (les scènes sont très dures et insistantes) alors on imagine facilement ce qu'il peut se passer dans la tête d'une enfant.
Autre chose. Ce qui est très touchant, aussi, comme l'explique MJ, c'est la façon des enfants d'aborder le deuil. Ana Torent imagine et revoit des moments avec sa mère, montrant comment elle comble l'absence en s'imaginant des conversations par exemple.
Autre aspect particulier du film, le double rôle de Chaplin, dont celui de la fille adulte et qui nous parle face caméra. C'est une utilisation risquée du regard caméra qui donne au film un aspect, un ton, parfois singulier.
C'est un des nombreux exemples de "surprises" dans le film (un autre est que la mort de la mère, qu'on a déjà vu et qu'on prend d'abord pour un personnage vivant, n'est pas annoncée tout de suite). Par contre j'ai admiré le beau travail sur les flashbacks, très bien amenés.
Voilà donc quelques bribes de souvenirs sur un film dans lequel j'ai eu du mal à m'investir. Je pensais être boulversé, je suis resté un peu en dehors en fait, en observateur. Par contre je suis absolument d'accord sur la petite Ana Torent (que j'ai découvert dans TESIS) et qui est incroyable ici, d'un magnétisme saisissant. D'accord également à propos de la chanson "porque te vas" que je connaissais je ne sais comment et qui m'a beaucoup plu, avec un charme rétro 70's certain, et surtout une joie et une mélancolie mélangée qui m'ont beaucoup touché. Les scènes où la petite écoute cette chanson sont vraiment belles.
Finalement j'en parle assez chaleureusement, comme quoi ça m'a peut-être plus marqué que je ne le pensais.
Pour l'anecdote, il y avait aussi Thierry Klifa dans la salle (ou alors c'est quelqu'un qui lui ressemblait comme deux gouttes d'eau).
- odelay
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Il faudrait que je me refasse le film que j'avais enregistré sur ARTE en VO il y a qq années. J'en avais gardé un très bon souvenir.
J'aimerais beaucoup que toute la collaboration Saura/ G.Chaplin (Anna et les loups, les yeux bandés, Elisa mon amour et Maman a 100 ans en plus de Cria...) soient de nouveau visible, car je crois que ces films faisaient partie des plus intéressants de son auteurs et étaient parmi ceux qui avaient forgé sa grande réputation.
J'aimerais beaucoup que toute la collaboration Saura/ G.Chaplin (Anna et les loups, les yeux bandés, Elisa mon amour et Maman a 100 ans en plus de Cria...) soient de nouveau visible, car je crois que ces films faisaient partie des plus intéressants de son auteurs et étaient parmi ceux qui avaient forgé sa grande réputation.
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- Mogul
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Déçu...Je n'ai pas grand choses à lui reprocher si ce n'est que le film ne m'a jamais surpris, touché, intrigué. J'ai souvent eu l'impression d'avoir déjà vu tout cela 36 fois ailleurs. La platitude et la sécheresse de l'interprétation et de la mise en scène n'ont rien arrangé et ont même éveillé un début d'agacement vers la fin.
- -Kaonashi-
- Tata Yuyu
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Un extrait sur youtube.
Ce n'est pas grand chose, mais je trouve ce passage très touchant, et ça me donne encore plus envie d'aller voir le film !!
(Merci à Ben Castellano pour le lien !)
Ce n'est pas grand chose, mais je trouve ce passage très touchant, et ça me donne encore plus envie d'aller voir le film !!
(Merci à Ben Castellano pour le lien !)
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- Décorateur
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Vu mercredi au Champollion.
Ben, en fait, c'est un bon film, voire très bon par moments, mais je n'en suis pas ressorti bouleversifié pour autant. Certes, il a des qualités grosses comme ça (Geraldine, Ana, une grand-mère émouvante, une mise en scène très inspirée, une noirceur bien dosée). Mais c'est tout. Je n'ai pas pulsionné grave à fond dessus. Peut-être que je m'attendais trop à un "Shining" du deuil de l'enfance.
Ben, en fait, c'est un bon film, voire très bon par moments, mais je n'en suis pas ressorti bouleversifié pour autant. Certes, il a des qualités grosses comme ça (Geraldine, Ana, une grand-mère émouvante, une mise en scène très inspirée, une noirceur bien dosée). Mais c'est tout. Je n'ai pas pulsionné grave à fond dessus. Peut-être que je m'attendais trop à un "Shining" du deuil de l'enfance.
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Revu avec plaisir. Toujours aussi fort et poignant.
Del Toro a du être marqué par le film.
Del Toro a du être marqué par le film.
"De toutes les sciences humaines, la pipeaulogie - à ne pas confondre avec la pipe au logis - ou art de faire croire qu'on sait de quoi on parle, est sans conteste celle qui compte le plus de diplômés !" Cosmo (diplômé en pipeaulogie)
- MJ
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- Inscription : 17 mai 05, 19:59
- Localisation : Chez Carlotta
J'ai découvert le film en début de semaine et je dois avouer qu'il a bien du mal à quitter mes pensées.
En plus de constituer un des plus beaux films sur l'enfance, Cria Cuervos s'avère être aussi un poignant portrait de femmes. Carlos Saura nous conte l'histoire de trois générations de madrilènes, famille reconstituée contrainte de cohabiter dans une maison, microcosme clos et étouffant, théâtre de tous les affrontements. Toutes continuent de chérir un passé qui n'est plus. Ana, la jeune protagoniste, campée par une Ana Torrent stupéfiante, est notre guide éclairée dans cet univers sombre et imprégné de l'odeur de la mort. A travers son regard nous percevons la grandeur et la beauté que le réalisateur insuffle à la femme et qui entre en opposition avec le caractère vil propre aux personnages masculins. Sur ce point, j'ai l'impression que le film aurait pu inspirer Pedro Almodovar pour Volver.
Cria Cuervos est aussi une magnifique oeuvre sur le deuil. Ana ne supportant pas le récent décès de sa mère se réfugie dans un passé révolu et s'invente un monde où sa mère, toujours présente, lui serait exclusive. Cela donne lieu à des scènes superbes, notamment celle où Geraldine Chaplin mange Ana Torrent de baisers. Cependant le film n'est pas exempt de scènes ancrées dans la réalité, renvoyant au petits plaisirs du quotidien, simples et pourtant bouleversants. Je suis définitivement fan de la séquence durant laquelle les petites filles dansent sur Porque te vas.
Le personnage d'Ana est ambivalent. Motivée par l'idée de donner la mort, à son père ou à sa tante, elle n'en reste pas moins une enfant qui a besoin de sa mère. Et c'est ce cri que Cria Cuervos nous fait entendre.
En plus de constituer un des plus beaux films sur l'enfance, Cria Cuervos s'avère être aussi un poignant portrait de femmes. Carlos Saura nous conte l'histoire de trois générations de madrilènes, famille reconstituée contrainte de cohabiter dans une maison, microcosme clos et étouffant, théâtre de tous les affrontements. Toutes continuent de chérir un passé qui n'est plus. Ana, la jeune protagoniste, campée par une Ana Torrent stupéfiante, est notre guide éclairée dans cet univers sombre et imprégné de l'odeur de la mort. A travers son regard nous percevons la grandeur et la beauté que le réalisateur insuffle à la femme et qui entre en opposition avec le caractère vil propre aux personnages masculins. Sur ce point, j'ai l'impression que le film aurait pu inspirer Pedro Almodovar pour Volver.
Cria Cuervos est aussi une magnifique oeuvre sur le deuil. Ana ne supportant pas le récent décès de sa mère se réfugie dans un passé révolu et s'invente un monde où sa mère, toujours présente, lui serait exclusive. Cela donne lieu à des scènes superbes, notamment celle où Geraldine Chaplin mange Ana Torrent de baisers. Cependant le film n'est pas exempt de scènes ancrées dans la réalité, renvoyant au petits plaisirs du quotidien, simples et pourtant bouleversants. Je suis définitivement fan de la séquence durant laquelle les petites filles dansent sur Porque te vas.
Le personnage d'Ana est ambivalent. Motivée par l'idée de donner la mort, à son père ou à sa tante, elle n'en reste pas moins une enfant qui a besoin de sa mère. Et c'est ce cri que Cria Cuervos nous fait entendre.