Jean Cocteau (1889-1963)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Jordan White
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Jean Cocteau (1889-1963)

Message par Jordan White »

J'aime à peu près tous les fims qu'il a réalisé et j'adore ses dessins, mais il y a trois films qui surpassent les autres à mon avis c'est Le Testament d'Orphée, Le sang du poète et surtout la Belle et la Bête qui est un film d'une splendeur de tous les instants. Y'a t-il des films que vous aimez beaucoup moins chez lui, voire pas du tout ?
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Beule
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Message par Beule »

Oui un: Orphée.
Cette transposition du mythe dans le Paris existentialiste ne me touche guère. Dialogues qui se voudraient modernes mais qui ne sont que datés et théatraux, et qui ne transportent plus aucune poésie selon moi, direction d'acteur raide et guindée; je reste impénétrable aux charmes de ce film là, à la différence de La Belle et la Bête ou du très sous-estimé Aigle à Deux têtes (mais là je suis partial, il y a Edwige qui y livre la prestation de comédienne du siècle - par anticipation:Ta gueule Roy :mrgreen: :arrow:)
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Roy Neary
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Message par Roy Neary »

Beule a écrit :par anticipation:Ta gueule Roy :mrgreen: :arrow:)
C'est dommage, c'est un film que j'aime bien. :lol:
Mais il est clair que La Belle et la Bête est indétrônable dans mon esprit tant ce film déploie une technicité et sens visuel originaux pour exprimer une poésie de tous les instants.
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Majordome
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Message par Majordome »

Roy Neary a écrit :
Beule a écrit :par anticipation:Ta gueule Roy :mrgreen: :arrow:)
C'est dommage, c'est un film que j'aime bien. :lol:
Mais il est clair que La Belle et la Bête est indétrônable dans mon esprit tant ce film déploie une technicité et sens visuel originaux pour exprimer une poésie de tous les instants.
La Belle et la Bête est un tel coup de maître qu'il est effectivement difficile de juger le reste de la filmo à l'aune de celui-ci...
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Billy Budd
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Message par Billy Budd »

Voilà quelqu'un dont j'apprécie davantage le personnage que l'oeuvre même si j'y suis aussi sensible
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Margo

Message par Margo »

Vous savez quoi ? (je sens mes dernières minutes en tant qu'admin arriver... :oops: )... je n'ai jamais vu de film de Jean Cocteau... :oops:

Bin ouais :arrow:
Cosmo Vitelli
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Message par Cosmo Vitelli »

Margo a écrit :Vous savez quoi ? (je sens mes dernières minutes en tant qu'admin arriver... :oops: )... je n'ai jamais vu de film de Jean Cocteau... :oops:

Bin ouais :arrow:
On a tous des lacunes de taille (quoique je ne sois pas particulièrement porté sur l'oeuvre de Cocteau :roll: ) dans notre cinéphilie, je te rassure. :D
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Boubakar
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Re: Jean Cocteau

Message par Boubakar »

Orphée (1950)

Décidément, j'apprécie de plus en plus l'œuvre de Jean Cocteau, et cette très belle revisitation du mythe d'Orphée et Eurydyce me comble encore une fois.
Le film emprunte une touche assez mystique, ornée de sacrés trucages (le plan "négatif" ou le passage dans les deux mondes), ainsi que de très astucieux plans (une discussion dans la cuisine, où la caméra est au-dessus des deux personnages), mais surtout, c'est magnifique à voir, le film a une certaine pureté, je ne sais pas comment exprimer cette sorte de sensation de perfection qui s'en dégage (des acteurs jeunes et beaux, des décors flambants neufs...). Je ne connais pas trop Cocteau en-dehors de ses films, mais on sent quand même un très fort talent pictural, voire sculptural (dans la représentation des corps notamment) qui se dégage.
Tout comme La belle et la bête, sans doute son meilleur film, Orphée me laisse aussi une très forte impression, quelque chose qui me parait peu commun au cinéma français.
Et le dvd proposé par M6 Vidéo est de très bonne tenue (l'image n'a pas un seul défaut).
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Watkinssien
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Re: Jean Cocteau

Message par Watkinssien »

Je réalise que Jean Cocteau, à l'instar de Sacha Guitry, est plus "connu" aujourd'hui grâce à sa contribution au cinéma, alors qu'il est un artiste touche-à-tout complet (littérature, poésie, graphisme, peinture, théâtre, sculpture).

C'est peut-être un peu exagéré, comme affirmation, mais c'est l'impression générale que je ressens.

Sinon, j'aime beaucoup ses films, en particulier son sublime La Belle et la Bête.
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chrislou
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Re: Jean Cocteau

Message par chrislou »

Il à également signé entre autres les dialogues du magnifique 'l'éternel retour' de Jean Delannoy (1943).
Je viens de terminer la lecture du journal de tournage de 'la belle et la bête' et je dois dire qu'il était bon de pouvoir plonger au coeur de cette aventure difficile et tourmenté en compagnie du maitre, souffrant dans sa chair pendant les neufs mois de production, victime d'énormes problèmes physique.
Un beau récit que je conseille aux amateurs du poête.
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Re: Jean Cocteau (1889-1963)

Message par Strum »

Orphée (1950)

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Selon la mythologie grecque, Orphée descendit aux enfers pour aller chercher sa femme Eurydice, dont la mort le désespérait. Hadès, ému par la lyre et les mots de l'aède, lui permit de ramener Eurydice à la surface de la Terre, à condition de ne jamais se retourner pour la regarder sur le chemin du retour. Comme on le sait, Orphée n'y parvint pas. Son amour et son inquiétude étaient si grands qu'il se retourna pour regarder Eurydice et la perdit alors à jamais. C'est un des grands mythes de l'amour fou.

La manière donc Cocteau approche le mythe d'Orphée est symptomatique et révèle ses obsessions et ses préférences. Il se désintéresse totalement de l'histoire d'amour entre Orphée et Eurydice. Orphée, vu par Cocteau et joué par Jean Marais, est un poète affecté dans ses manières et épris avant tout de lui-même. Ses fréquents emportements de colère vis-à-vis d'Eurydice, qu'il accable de commentaires mysogines ("Ah, les femmes !"), donnent l'impression qu'il n'éprouve pour elle aucune véritable tendresse. La très belle idée selon laquelle Orphée ne peut regarder Eurydice sans la perdre est d'ailleurs tournée en ridicule par Cocteau qui en fait la base d'une scène de vaudeville où Eurydice est contrainte de se cacher sour la table du salon de leur demeure pour éviter d'être vue.

Ce qui intéresse Cocteau dans le mythe grec, c'est le fait qu'Orphée soit poète (l'Orphée du mythe grec, un aède, n'était autre qu'un poète chantant) et surtout qu'il rende visite aux enfers. A l'instar des rites et des croyances orphiques de l'antiquité grecque qui n'ont que peu à voir avec le mythe d'Orphée lui-même tel qu'il a été rapporté, Cocteau s'intéresse à la vie après la mort, comme s'il en escomptait un retour.

Avec Orphée, Cocteau trace le portrait du poète en narcisse. Ce n'est pas l'amour des autres qui fait le poète, c'est l'amour de lui-même. Orphée s'aime et l'on peut observer chez lui de nombreux miroirs où sans doute il se mire en ses heures de rêveries. "Les miroirs sont les portes par lesquelles entre la mort. Regardez-vous toute votre vie dans un miroir et vous verrez la mort travailler sur vous ", nous dit encore Cocteau. Et c'est la plus belle idée du film. Se regarder dans un miroir, s'aimer soi-même, c'est donc aimer la mort, sa propre mort. Orphée, vu par Cocteau est l'histoire d'un poète qui s'aime tellement qu'il finit par aimer sa propre mort, jouée dans le film par Maria Casarès.

Le monde d'après la mort fascine Cocteau. Il tourne Orphée en 1950, et à cette époque, le souvenir de la guerre et des ruines est encore vif. Alors Cocteau filme le monde d'après la mort dans son film comme un monde de ruines où errent quelques âmes en peine progressant lentement dans des rues désertes, battues par ce vent mystérieux qui vous cloue sur place dans les cauchemars. Ce paysage abandonné et plongé dans une obscurité silencieuse est parfois filmé par transparence ou en négatif ; et peut-être faut-il comprendre ce procédé technique littéralement, comme si la mort était le négatif de la vie. En ce monde, les aides de la mort ressemblent à des motards de brigade fasciste, et comme pendant la guerre, des figures anonymes interrogent des prisonniers et leurs font signer des déclarations sans qu'ils puissent les relire. On y trouve aussi un au-delà de la mort, pire que la mort, qui attend ceux qui, déjà mort, y sont arrêtés ; et c'était justement une des leçons de la guerre, qu'il existe des lieus et des épreuves pires que la mort.

Contrairement à l'Orphée du mythe, l'Orphée de Cocteau rend visite au monde de la mort pas moins de trois fois (lorsque Maria Casarès l'emmène dans la "zone" au début du film, lorsqu'il part chercher Eurydice, et enfin lorsqu'il meurt lui-même). A chaque fois, il en revient, comme si le poète était pour Cocteau un passeur entre le monde des vivants et celui des morts, qui traverse les miroirs et pénètre les arcanes du monde. C'est parce qu'il est immortel, nous dit Cocteau, qu'il a ce pouvoir, à moins qu'il ne devienne immortel que parce qu'il a d'abord traversé les cercles des mondes.

Comme le poète qui lui préfère la mort, Cocteau ne semble pas avoir beaucoup d'estime pour le monde des vivants de son film : les journalistes et les badauds y épient le poète et chacun parle de façon un peu théatrale afin de se donner de l'importance. Les bacchantes du mythe sont représentées par Cocteau sous les traits hystériques de fans du poète à la mode (comprendre qu'il ne s'agit pas d'Orphée), qui naturellement haïssent Orphée. On devine une charge de Cocteau contre la jeunesse du milieu littéraire de 49/50. De manière générale, les scènes dans le monde des vivants sont les plus faibles du film, qui concentre sa poésie dans les images du monde des morts et dans ces merveilleux moments où des silhouettes d'hommes et de femmes passent au travers des miroirs comme des noyés descendant dans les profondeurs d'un lac.

Orphée est le film d'un misanthrophe qui s'est beaucoup regardé dans les miroirs, un film inégal mais beau et étrange, qui semble désespérer de la vie, où les images rappelant la guerre sont plus poétiques que le présent. Je ne sais si c'est ce que voulait Cocteau, mais l'effet produit est vraiment très singulier.

Jean Marais est affecté et irritant en Orphée, et son jeu tout en éclats de voix m'a paru forcé - de tous les choix du film, il est pour moi le moins heureux, bien que cela relève d'un paradoxe pour un film de Cocteau. On peut lui préférer François Perrier, parfait en Heurtebise, qui arrive d'un simple soulèvement de sourcil à exprimer le trouble de son personnage, et Maria Casarès, hiératique et terrible en princesse de la nuit, qui parvient à rendre le personnage de la mort elle-même émouvante.
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Kevin95
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Re: Notez les films naphtas - Octobre 2010

Message par Kevin95 »

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Le Sang d'un poète (Jean Cocteau) Image

Premier essais d'un Cocteau assoiffé de cinéma et qui ici sans gènes aucunes expérimente jusqu'au bout ce nouveau jouet et commence à inscrire un style unique dans le cinéma français.
C'est même assez drôle de voir à une époque où la grande majorité des metteurs en scènes privilégiait le théâtre filmé (avec l'arrivé du son) un "débutant" s'amuser avec les images au détriment d'une forme de narration qui ici, soyons franc, est quasi inexistante. Divisé en chapitres improbables, Le Sang du poète sur une durée courte narre l'histoire d'un artiste halluciné, d'une bataille de boules de neiges et d'une étrange partie de cartes. Comme souvent avec Cocteau la forme cinématographique est basique mais ce qu'il y a à l'intérieur du cadre est un foisonnement d'idées visuelles tantôt superbes tantôt étranges voir même parfois complètement ratés. Ici, le meilleur de l'auteur est certainement dans le première partie (les délires de l'artiste) avec des tics ou trouvailles symptomatiques de son auteur (ralentis ou bande à l'envers) et des scènes instantanément cultes (la bouche, les différentes portes etc...), c'est certainement parmi ce qu'a fait de mieux le bonhomme et c'est même assez frappant de voir que des Godard et surtout Lynch doivent énormément à ce film (entre autre bien sur). Après ça se corse, tout y est plus abstrait mais aussi plus brouillon, la bataille de neige (référencé dans Les Enfants Terribles écrit l'année d'avant) est trop courte pour être marquante et les poses surréalistes de la partie de cartes indéchiffrables (en tout cas pour moi)... très Marienbad au demeurant.
Vraiment pour la première demi-heure, Le Sang d'un poète vaut le coup d'œil.
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Re: Jean Cocteau (1889-1963)

Message par Akrocine »

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Orpheus
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Re: Jean Cocteau (1889-1963)

Message par Barry Egan »

Je rejoins l'avis de Strum sur "Orphée", le film est trop affecté pour réussir pleinement son coup. C'est justement parce que l'amour terrien n'est pas au centre de l'intrigue que ses aspects métaphysiques en deviennent vains. Or, effectivement, Maria Casarès et François Perrier sont les vrais héros du film. C'est parce qu'il donne une image humaine à la mort, comme la religion a pu donner une image humaine à Dieu, que l'œuvre devient émouvante en fin de parcours, bien que la musique se charge un peu trop de clôturer le récit, clôture dont l'image seule dans ce cas précis ne peut pas se charger. Une punition pire que la mort, cela reste inenvisageable au cinéma.
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Jack Carter
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Re: Jean Cocteau (1889-1963)

Message par Jack Carter »

Retrospective du 15 au 26 novembre à la Cinematheque Française

https://www.cinematheque.fr/cycle/jean- ... -1131.html
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The Life and Death of Colonel Blimp (Michael Powell & Emeric Pressburger, 1943)
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