Voilà sans doute une découverte qui a de quoi me réconcilier avec le cinéma de Boorman. J'ai eu un peu de mal à entrer dans le film , m'attendant à quelque chose de plus brutal et nerveux. Or, "Delivrance" fonctionne plus sur un mode onirique et lancinant, dégageant une certaine douceur qui contraste avec les evènements extrèmements violents qui le secoue. Rythmé uniquement par les restes de son entétant "Duelling banjo" d'ouverture et les sons en eux mèmes, le film procède par une succession de plans assez longs qui immergent totalement dans le décor...
L'utilisation ample du scope est parti intégrante de la réussite de ce parti pris, tout comme la photo sublime de Vilmos Sgizmond (travail beaucoups plus impressionnant que les photos de Rousselot chez le réal depuis "La forêt d'Emeraude")... Les scéquences nocturnes d'escalade de Jon Voight sont à ce niveau purement fantastiques... Quand on sort de "Delivrance" beaucoups de moments restent en mémoire sur le mème processus qu'au réveil d'un rêve, que ce soit cette escalade que le viol, le passage ou Voight veut tuer un daim avec son arc, ou les dernières images du ilm.
Dans un mode relativement abstrait, le cinéaste étale des idées sur la nature sur lesquels il ne manquera pas encore de revenir. L'invasion de la ville et de la civilisation sur cet espace de forêt et de rivière est au coeur de l'oeuvre, sans éviter parfois un certain schématisme. La confrontation du groupe avec de divers ploucs dangereux évoque par moment le "Massacre à la tronçonneuse" d'Hooper, mais on pense aussi, surtout quand on prend en compte la relation entre le quator de personnages (qui inclut une relation fraternel), au futur "Simple Plan" de Raimi... C'est en voyant "Délivrance" que je me rend compte qu'il apparait clairement que le travail effectué par Boorman sur le film transpire encore dans le résultat final, et que quand il accuse Raimi d'avoir pompé tout ses story-board, ce n'est peut-être pas forcément sur le mode aigri.
Un dernier mot sur l'interprétation: Reynolds a une composition ingrate dans laquelle il se tire avec extraordinairement d'humanité et de magnetisme. Et Jon Voight n'est pas en reste : bien que communiquant assez peu, les héros de "Délivrance" nous concernent en permanence. C'est aussi grâce à eux qu'on se laisse emporter par la mélodie de cette ballade cruelle du fond des bois.
5/6
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