George Sherman (1908-1991)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Julien Léonard
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Re: George Sherman (1908-1991)

Message par Julien Léonard »

J'ai parcouru la chronique, encore un très bon boulot tout à fait intéressant pour redécouvrir Sherman. Allez, zou, je m'en garde la lecture complète pour ce soir.

Les bonus ont l'air assez intéressants en plus... (y'a Patrick Brion... désolé pour le retard pour le recopiage de l'entretien, par ailleurs... ce sera pour très bientôt).
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villag
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Re: George Sherman (1908-1991)

Message par villag »

Comanche Territory m'interesserait assez; l'ai vu au ciné tout gamin, et puis Maureen O' Hara jeune ......!
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Jeremy Fox
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Re: George Sherman (1908-1991)

Message par Jeremy Fox »

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Le Diable dans la peau (Hell Bent for Leather - 1960) de George Sherman
UNIVERSAL



Avec Audie Murphy, Stephen McNally, Felicia Farr, Robert Middleton
Scénario : Christopher Knopf
Musique : William Lava & Irving Gertz sous la direction de Joseph Gershenson
Photographie : Clifford Stine (Eastmancolor 2.35)
Un film produit Gordon Kay pour la Universal


Sortie USA : 01 février 1960


Le maquignon Clay Santell (Audie Murphy) se rend à Sutterville pour y acheter des chevaux. Ayant fait une halte avant d’atteindre la ville, il voit arriver un homme blessé à qui il propose de partager son repas ; faisant semblant d’accepter, le ‘faux’ blessé frappe son hôte, lui vole sa monture et s’enfuit à vive allure. Clay a néanmoins eu le temps de lui tirer dessus, le touchant à l’épaule, et de récupérer le fusil de son agresseur. Arrivé en ville à pied, il constate qu’on le regarde d’une drôle de façon ; en effet, à la vue du fusil qu’il s’est procuré, les habitants le prennent pour le meurtrier de deux de leurs concitoyens qu’on est justement en train de mettre en terre. C’est ainsi que, malgré ses dénégations, on pense qu’il s’agit de Travers (Jan Merlin), criminel recherché et poursuivi depuis un certain temps par le Marshall Deckett (Stephen McNally). Ce dernier arrive justement et, seul à connaître le visage du hors-la-loi, profite de la confusion pour confirmer les soupçons des villageois. Las de poursuivre Travers et avide de toucher la prime promise, il ne fait effectivement rien pour les détromper ; il compte même le ramener dans sa ville de Denver et l’y faire pendre à la place du véritable assassin, en retirant ainsi une gloire plus rapide que s’il avait dû poursuivre son épuisante chasse à l’homme. Mais en cours de route Clay réussit à fausser compagnie à l’opportuniste homme de loi. Pour sauver sa peau, il prend en otage Janet (Felicia Farr), l’institutrice locale qui, convaincue de son innocence, va tout faire pour le tirer de ce guêpier…

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Après avoir pris le contrepied des critiques français de l’époque (et de celles d'il y a encore peu de temps) qui traitaient pour la plupart George Sherman avec mépris, le considérant comme un simple tâcheron, et après avoir à plusieurs reprises reporté avec insistance toute votre attention sur le réalisateur américain, voici qu’à mon tour je me mets à douter de ses réelles capacités. Car il faut bien l’avouer, depuis 1952 et le très bon The Battle at Apache Pass (Au mépris des lois), le cinéaste n’a plus arrêté de me décevoir. Le Diable dans la peau n’échappe pas à la règle : même si le postulat de départ pouvait sembler captivant, la désillusion est de nouveau au rendez-vous. Force est donc de constater qu’après 1952, la plupart de ses westerns furent bien moins enthousiasmants que les précédents. Après Les Rebelles (Border River) et Le Trésor de Pancho Villa, on aurait pu se dire que le Mexique ne semblait pas avoir grandement inspiré le réalisateur ; mais ses derniers westerns pro-indiens, Le Grand chef (Chief Crazy Horse) et Comanche n’étaient guère meilleurs, voire même pires. Au vu de Duel dans la Sierra, et même si ce dernier était cette fois loin d’être mauvais contrairement à tous les autres titres cités ci-dessus, et à moins d’un dernier sursaut à venir (Big Jake avec John Wayne en 1970), je continue de penser que sa période faste se situe bel et bien derrière lui, ses meilleurs westerns ayant été ceux tournés entre 1948 et 1952 pour la compagnie Universal, studio pour qui ce fut également la période glorieuse concernant le genre. Mais avant de critiquer de nouveau négativement ce nouvel opus, rappelons nous quand même que George Sherman a réalisé une dizaine de très bons westerns et parmi ceux-ci, son chef-d’œuvre, Tomahawk, un western pro-Indien d’une rare puissance d’évocation à propos des massacres perpétrés envers les 'Natives'.

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Une confusion d’identité amenant à faire prendre un innocent pour un meurtrier que l’on poursuit dans le but de le lyncher. Une jeune femme prise en otage par cet homme pour garantir sa survie, d’abord effrayée puis devenant sa ‘complice’ au fur et à mesure de leur périple. Un homme de loi sachant pertinemment que l’homme traqué n’est pas le coupable mais qui le pourchasse cependant sans relâche pour retirer plus rapidement la gloire et la prime promises pour sa capture... Des personnages et un postulat de départ à priori très séduisants sur le papier même si pas spécialement originaux non plus. Quoi qu’il en soit, que les divers éléments de l’intrigue soient conventionnels ou non, on sait très bien que ce n’est jamais le gage de la réussite ou de l’échec d’un film ; tout dépend de ce qu’en font leurs auteurs. En l’occurrence, avec ces bases, des cinéastes comme Budd Boetticher ou Anthony Mann, des scénaristes tels Borden Chase ou Burt Kennedy auraient facilement pû accoucher d’un chef-d’œuvre. Malheureusement, que ce soit George Sherman ou son scénariste Christopher Knopf (homme ayant presque exclusivement travaillé pour la petite lucarne), tous deux ratent le coche. Et pourtant le début de leur western promettait d’être captivant ; la rencontre initiale de Clay et de l’homme avec qui il va être confondu faisait entrer d'emblée le spectateur au cœur de l’action ; l’arrivée de Clay à pied dans un village semblant mort et perché sur le flanc d’une colline s'avérait elle aussi assez intrigante, ces décors naturels étant assez insolites. La tension montait ; on comprenait alors que le personnage joué par Audie Murphy n'allait pas tarder à se mettre dans une situation inextricable, lui qui ne venait ici que dans l'intention d'acheter des chevaux.

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Puis, on comprend très vite la globalité des enjeux dramatiques avec l’arrivée du Marshall qui explique d’emblée à son ‘prisonnier’ qu’il sait très bien qu’il n’est pas l’homme qu’il recherche mais qu’il fera tout comme, lassé de poursuivre le vrai coupable qu’il aurait de toute manière bien plus de mal à appréhender et à ramener. Clay réussit à s’enfuir, va tenter de sauver sa peau en prenant en otage une jeune institutrice et tous deux vont essayer d’échapper aux poursuites de l'homme de loi et du posse qu'il a levé. A partir de là, alors qu’on aurait pu s’attendre à une course-poursuite haletante, faute à une écriture très lâche, à une mise en scène peu inspirée et à une interprétation sans grandes nuances, on se prend très vite à regarder sa montre. Même la séquence de l’apparition de l’inquiétant Robert Middleton dans la cabane, qui semble vouloir amener une forte tension, retombe très vite comme un soufflé à cause d’un bavardage intempestif sans grand intérêt. Un gros problème de rythmique que n’arrange guère de très grosses incohérences comme celle du passage du col. C’est une ascension que l’on dit très difficile, que seul un homme a réussi jusqu'à maintenant, mais que nos deux fugitifs terminent en un coup de cuiller à pot comme s’ils n’avaient grimpé que deux étages. Alors que, dans le même temps, les poursuivants, plus nombreux et à cheval, les talonnant pourtant d'assez près, décident de les rattraper en faisant un contournement de la montagne qui durera cinq heures ! La suspension d’incrédulité a beau être largement à ma portée, il existe des invraisemblances tellement grosses qu’elles nous font néanmoins sortir du film. On pourrait citer d’autres exemples de ce style qui démontreraient le manque de rigueur du scénario ; un scénario souvent incohérent aggravé par une description des personnages sans grand intérêt psychologique et des dialogues sans punch et peu intéressants.

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George Sherman est cependant lui aussi fautif dans l’ennui qui s’installe, déjà par le fait d'une direction d’acteurs assez frivole, certains en faisant bien trop alors que d’autres se révèlent bien trop fadasses y compris un comédien que j’apprécie pourtant beaucoup, Audie Murphy. Fatigué, les traits tirés, il déçoit un peu ici, n’apportant aucun relief à un personnage qui en était au départ dépourvu. On aurait aimé voir l’acteur plus convaincant dans le rôle de cet homme simple et honnête auquel il aurait été très facile de s’identifier et qui, suite à une confusion d’identité, se retrouve victime de circonstances qui vont l’entrainer dans une cavale éperdue, poursuivi par une population vengeresse et un Marshall opportuniste et malsain qui n’hésite pas à faire tuer des innocents ou à pratiquer le passage à tabac. Ce dernier, c’est Stephen McNally, le héros de Apache Drums (Quand les tambours s’arrêteront) de Hugo Fregonese ; bien dirigé, il peut faire illusion mais au vu de son cabotinage parfois un peu pénible ici, on se rend compte que nous n’avons pas à faire à un immense comédien. On imagine aisément comment un tel personnage aurait pu faire gagner en intensité le film s’il avait eu pour interprète un Richard Widmark ou un Dan Duryea. Huit ans auparavant, Audie Murphy et Stephen McNally s’était déjà trouvés tous deux à l’affiche d’un western autrement plus enthousiasmant dans lequel ils étaient du même côté de la loi, Duel at Silver Creek (Duel sans Merci) de Don Siegel. Heureusement, Felicia Farr, la comédienne fétiche de Delmer Daves (inoubliable dans La Dernière Caravane, Jubal, 3.10 pour Yuma), s’en tire en revanche plutôt bien, le protagoniste qu’elle eut ici à interpréter s’avérant du coup le plus intéressant de l'intrigue. Là où le cinéaste nous déçoit également, c’est par une mise en scène assez paresseuse, bien moins inspirée ici que par le passé notamment dans son appréhension de l’espace ainsi que dans l’utilisation des paysages à sa disposition (le fameux Lone Pine en l’occurrence, au sein duquel Boetticher a filmé un grand nombre de ses chefs-d’œuvre). Alors qu’il nous avait impressionné au début des années 50, y compris dans son médiocre Le Grand chef qui demeurait malgré tout plastiquement superbe, on ne retrouve plus ici, même s’il reste quelques très beaux plans, ni sa science du cadrage ni la beauté de ses mouvements de caméra.

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Ainsi, malgré une histoire à priori captivante, on ne se passionne guère par ce qui se déroule sous nos yeux d’autant que cette série B très conventionnelle, outre être intempestivement bavarde, est affublée d’une musique stridente, bruyante et assez vite pénible, l’abondance de cuivres s’avérant peu en phase avec ce qui se passe à l’écran, aucune mélodie n’étant mémorisable, pas plus le thème romantique ; nous sommes cent coudées au dessous des compositions pour le studio signées Hans J. Salter ou Herman Stein. Un western qui ne décolle donc jamais vraiment et dont la conclusion parait trop hâtive. Entre temps, nous aurons néanmoins pu apprécier une assez belle photographie, quelques séquences sortant un peu du lot (notamment les dix premières minutes) ou des décors insolites comme celui de la petite ville de ‘Paradise’ qui anticipe celles que l'on trouvera dans les westerns de Clint Eastwood. Maintenant, que cet avis ne vous fasse surtout pas fuir ! En effet, je vous demande de juger par vous-même car assez peu de voix ne viennent s’élever contre cette série B au contraire souvent louangée avec un enthousiasme non feint.
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Jeremy Fox
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Re: George Sherman (1908-1991)

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La Fille des Prairies (Calamity Jane and Sam Bass, 1949) de George Sherman
UNIVERSAL


Avec Yvonne De Carlo, Howard Duff, Dorothy Hart, Norman Lloyd, Lloyd Bridges
Scénario : Maurice Geraghty et Melvin Levy d'après une histoire George Sherman
Musique : Milton Schwarzwald
Photographie : Irving Glassberg (Technicolor)
Production : Leonard Goldstein et Aaron Rosenberg pour Universal


Sortie USA : 04 juillet 1949

Alors que le western hollywoodien avait déjà tracé des portraits, certes romancés, de nombreux hors-la-loi tels Jesse James, Billy The Kid, les Daltons ou même Belle Star, Sam Bass était resté jusque là plus ou moins sur le carreau si l’on excepte une apparition dans Badman’s Territory de Tim Whelan en 1946. Moins connu en France que ses prédécesseurs sus-cités, il fut pourtant pour les américains une sorte de héros, un Robin des Bois du Far-West qui aurait encore plus mérité que Jesse James le surnom de ‘brigand bien aimé’. Orphelin à l’âge de 10 ans, élevé par un oncle peu sympathique, il quitte son foyer à 18 ans et deux ans plus tard arrive à Denton, Texas. Poursuivi par la malchance, il devient hors-la-loi malgré lui. A 26 ans, il est le chef du plus important gang de détrousseurs de trains. Mais au lieu de provoquer la colère des texans, c’est l’admiration qu’il fait naître. En effet la rumeur enfle, qui fait dire qu’il dévalise les riches pour donner aux pauvres. Si ce n’est pas toujours tout à fait exact, il est vrai en revanche qu’il était d’une grande générosité, ne volant parfois que la somme qu’il souhaitait se faire rembourser estimant qu’il s’était fait léser, payant aux fermiers les cheveux qu’il leur dérobait… Quoiqu’il en soit, il est désormais recherché par les Texas Rangers qui ont du mal à le trouver, aucun civil ne tenant à ce qu’il soit arrêté. Malheureusement le gang a son Judas en la personne de Jim Murphy qui donne à la police les indications nécessaires pour l’appréhender. On lui tend une embuscade dans la bourgade de Round Rock où il venait cambrioler une banque. Mortellement blessé, il succombe le 21 juillet 1878 le jour même de son anniversaire ; il n’avait que 27 ans. C’est soi disant Calamity Jane qui aurait recueillit son dernier soupir. Un an après le traître se suicide par peur de se faire retrouver par ses anciens complices.

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Une belle histoire quasi-romanesque qui a fait entrer Sam Bass dans la légende de l'Ouest et dont le film de George Sherman prend pour point de départ. Car le titre français (La Fille des Prairies) est un peu mensonger ou tout du moins trompeur ; si Calamity Jane est bien de la partie, c’est avant tout le parcours de Sam Bass qui nous est conté, sa partenaire, ‘amie sincère et désintéressée’, n’apparaissant à l’écran pas plus qu’à peu près la moitié de la durée du film. Le premier titre de tournage était d’ailleurs The Story of Sam Bass. Il est étonnant qu’un tel personnage n’ait pas fait l’objet de plus de films à sa gloire car il avait tout pour plaire aux spectateurs. Et si Howard Duff avec son visage poupin semblait de prime abord mal pouvoir l’incarner, ce comédien méconnu (ayant bien plus tourné pour la télévision que pour le cinéma) s’en est au contraire remarquablement bien sorti et il m’a franchement étonné sans jamais trop en faire ; car c’est un peu la caractéristique principale de cette belle réussite de George Sherman que de ne pas trop en faire justement. Les comédiens sont tous dirigés avec rigueur et c’est la sobriété qui est mise en avant y compris chez Calamity Jane (loin des exubérantes prestations de Jean Arthur ou plus tard de Doris Day) ou le vieux râleur ‘Brennan style’ qui ne joue pas nécessairement le pittoresque ou le picaresque. Le Sam Bass d’Howard Duff, c’est son air de monsieur tout le monde, son manque de charisme, sa naïveté qui nous le rendent si proche et si humain. Car quel beau personnage comme d’ailleurs tous les autres qui gravitent autour ! Tenez d’ailleurs, si nous vous les présentions à travers le pitch du film.

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Arrivant d’Indiana sans un sou en poche, le jeune et naïf Sam Bass (Howard Duff) espère récupérer à Denton un mandat de son oncle. Il se rend au bureau de poste du coin tenu par la jolie Kathy Egan (Dorothy Hart) qui, tombée sous son charme, immédiatement en confiance, lui fait crédit d’une somme dont elle a deviné qu’il ne recevrait jamais. Elle le fait ensuite embaucher par sa belle-sœur, la femme du shérif (Willard Parker), à la ferme familiale. Alors qu’une course de chevaux est organisée avant le départ des convois de bétail, Sam fait la rencontre de Calamity Jane (Yvonne de Carlo) qui, éblouie par sa manière de s’occuper des bêtes et épatée par sa gentillesse, tombe elle aussi amoureuse de lui. Sa connaissance des chevaux fait bientôt de Sam l’acquéreur de l’étalon le plus rapide de la région ; s’il se fait licencier par le shérif qui n’a, pour de mauvaises raisons, plus confiance en lui, il n’en arrive pas moins à bien gagner sa vie en remportant toutes les courses qui se présentent. Travaillant désormais avec Joel Collins (Lloyd Bridges) en tant que convoyeur de bétail, il arrive à Abilène où il va devoir s’affronter sportivement avec Harry Dean, le grand ponte local dont les hommes n’ont jamais perdu une course ; mais pour cause, il triche et, ayant appris par Calamity (sans aucune mauvaise intention de sa part) que Sam montait une bête redoutable, il la fait empoisonner. Les circonstances font que, après la course perdue et en état de légitime défense, Sam tue le collaborateur de Dean. Dès cet instant, il sera recherché, deviendra par la force des choses, hors-la-loi, et, la malchance aidant, finira sous les balles des Texas Rangers mourant dans les bras de celle avec qui il avait finalement décidé de vivre.

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Même si j’ai averti au départ de la présence de spoilers, je ne pense pas que ce soit gênant de les connaître sachant pertinemment qu’un film sur la vie d’un bandit se terminera quasiment toujours tragiquement, l’aura romantique de son héros étant ainsi considérablement renforcée. La séquence finale avec ce très beau thème de Miklos Rozsa (non crédité au générique mais bien l’auteur aisément reconnaissable de la musique) est d’ailleurs vraiment très émouvante et confirme tout le bien que je disais plus haut de l’acteur qui a endossé la défroque du généreux bandit. Le dernier et discret travelling arrière montant entérine le fait de nous faire penser que nous avons probablement vu l’un des films les plus réussis du très inégal George Sherman dont nous constaterons plus loin dans notre parcours qu’il était aussi capable du pire. Peut-être, qu’étant l’auteur de l’histoire pour une des rares fois de sa carrière, le cinéaste s’est-il senti plus concerné que de coutume d’où l’impression de plénitude qui se dégage de son film. Dans tous les cas, une sacrément belle surprise que ce western malheureusement méconnu dont le premier quart d’heure se révèle un modèle d’écriture ; les personnages et les situations nous sont présentés avec rigueur, modestie et nous nous étonnons du ton inhabituel qui couve durant ces premières minutes et qui continuera jusqu’au bout même si les conventions se feront plus nombreuses durant la seconde partie.

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Quid de ce ton inaccoutumé ? Une démonstration par des exemples sera beaucoup plus parlante. Le héros de cette histoire ne ressemble justement pas du tout à un héros ; visage poupin, sans charisme particulier, on ne le présente à aucun moment comme ‘Bigger than Life’. Le shérif mène une vie de famille rangée auprès d’une épouse aimante, s’excuse de ses jugements à l’emporte pièce et de son caractère soupe au lait. Les deux rivales en amour ne se jalousent jamais directement, s’apprécient même probablement sans se l’avouer et essaient juste de faire pencher la balance de leurs côtés quant elles se trouvent avec l’homme sur qui elles ont toutes deux jetées leur dévolu. Les cow-boys ne fanfaronnent pas, ne sont ni vantards, ni violents, ni susceptibles, ni querelleurs, ni vulgaires ; au contraire, ils n’hésitent pas à se pardonner, à s’excuser et possèdent tous un grand fond d’humanité. Vous avouerez sans difficulté j'imagine que des personnages ainsi caractérisés étaient assez peu courants à l’époque. Rarement nous n’avions vu des protagonistes aussi naturels et humains dans un western jusqu’à présent ; le ton et les notations psychologiques se révèlent étonnamment justes. Et puis, iconographiquement parlant, nous y trouvons des choses assez nouvelles à la date à laquelle nous en sommes arrivés de ce parcours chronologique comme par exemple cette épicerie-bureau de poste ou ces courses de chevaux dont la parcours est jalonné par des arbitres. On y trouve aussi une attention toute particulière portée à l’amour des chevaux (les bêtes sont somptueusement harnachées) et à ce petit monde gravitant autour de ces courses se déroulant tout au long du parcours des convoyeurs.

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Alors évidemment, la mise en scène de George Sherman peine à faire de ce western le grand moment qu’il aurait pu être (les séquences de courses par exemple s’avèrent peu enthousiasmantes) mais une fois ce manque de souffle et d’ampleur accepté, il faut se laisser porter par cette belle histoire et ses respectueux protagonistes qui volent honnêtement ! Alors que Sam Bass et son gang viennent d’attaquer une diligence pour y voler une faible quantité d’argent laissant le reste à son propriétaire, voici le dialogue qui s’ensuit :
- Joel Collins : “Well, we could've had our ranch out of that box.”
- Sam Bass : “No, we couldn't, Joel. The way we did it, even if this thing comes out, people will know that we took back only what he stole from us. They'll be on our side.”
- Dakota : “Sure, we wouldn't want 'em to think we robbed this stage dishonestly.”

Même si la révélation de ce film n’est autre que le comédien endossant le rôle titre, aux côtés d’un Howard Duff donc sacrément bon, grâce à une superbe direction d’acteur, tous les autres arrivent à se hisser à son niveau à commencer par Lloyd Bridges, Willard Parker (superbe dans la peau du shérif) ou Dorothy Hart dont nous avions déjà croisé la jolie frimousse dans Gunfighters de George Waggner avec pour partenaire Randolph Scott. Quant à Yvonne De Carlo, ce n'était pas nécessairement une grande actrice, loin de là, mais elle a néanmoins le mérite de nous rendre très attachante sa Calamity Jane. Une actrice un peu plus chevronnée et un réalisateur plus doué auraient probablement tiré ce western vers de belles hauteurs ; en l'état, il demeure plus qu'acceptable, vraiment très bon !
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Re: George Sherman (1908-1991)

Message par Jeremy Fox »

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Tavernier (et c'est une nouvelle fois tout à son honneur) fait son mea culpa dans les bonus de ce DVD sur sa notule consacré au réalisateur. Et bien on peut dire que ce Tomahawk vient démontrer pourquoi. C'est évidemment un cinéaste inégal, capable du pire mais parfois du meilleur comme ici. Il s'agit probablement de son film le plus réussi, un superbe western pro-indien : décors merveilleusement mis en valeur, interprétation parfaite (Van Heflin mais aussi Alex Nicol en boucher, Preston Foster et Yvonne de Carlo merveilleusement belle), mise en scène d'une belle efficacité, très beau scénario. Rien à jeter. J'espère être plus convaincant dans un avis bien plus étayé très bientôt au cours de mon parcours chronologique. Je poste des captures dans le topic FAQ dans la foulée :wink:
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Re: George Sherman (1908-1991)

Message par Rick Blaine »

Tu es déjà très convainquant. D'autant que les images du DVD que tu as posté dans le topic idoine sont :shock: .

Je vais surement le regarder ce week-end et tu m'as donné hâte!

Et puis ça me confirme dans l'apriori positif que j'avais sur le film, notamment lié à la présence de Van Heflin qui a quelques réussites westerniennes à son actif: 3h10 pour Yuma, Le Salaire de la Violence (j'omets volontairement Shane, même si lui y est bon). Et puis j'aime toujours voir des westerns avec des indiens! :D
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Re: George Sherman (1908-1991)

Message par Rick Blaine »

Et bien j'ai vu Tomahawak et je suis également totalement convaincu par ce film très réussi.
Comme dans Au mépris des Lois, j'aime notamment beaucoup la manière dont Sherman gère l'espace, et sait rendre les scènes d'action et les batailles à la fois très lisibles et très dynamiques. En s'appuyant sur un scénario excellent, il livre ici le meilleur film que j'ai vu de lui.
A souligner, encore une fois, la performance de Van Heflin qui décidément est toujours juste.

J'ai hâte de lire la chronique détaillée dans le fil chronologique sur ce film qui mérite sans rougir sa place au côtés des grands western pro indiens du début des 50s

Et en plus le DVD et magnifique, conclusion, il faut le voir! :D
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Re: George Sherman (1908-1991)

Message par Jeremy Fox »

Rick Blaine a écrit :ce film qui mérite sans rougir sa place au côtés des grands western pro indiens du début des 50s
:)

Effectivement, il n'a pas à rougir et peut se ranger aux côtés des meilleurs même s'il ne possède ni la force de Deevil's Doorway ni la poésie picturale de Broken Arrow. En revanche, il s'avère peut-être encore plus progressiste et plus fort dans son sujet ; la narration par Jim Bridger du massacre d'indiens par les soldats m'a semblé bien plus puissante que les mêmes scènes filmées dans Soldat Bleu de Ralph Nelson. Qu'as tu pensé du personnage joué par Yvonne de Carlo ?

De tous les westerns de Sherman vus, je viens de vérifier sa filmo, c'est de loin son meilleur à mon avis.
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Re: George Sherman (1908-1991)

Message par Rick Blaine »

Jeremy Fox a écrit : Qu'as tu pensé du personnage joué par Yvonne de Carlo ?
Pas très convainquant. Voir même un peu fade. Certes elle est très belle, mais son personnage n'est pas des plus intéressants. Heureusement que le sentimentalisme, comme le dit Tavernier, est évacué du film dès que possible, car faire gagner du poids à l'histoire Van Heflin/De Carlo n'aurait pas été un bonne idée. Heureusement je trouve que ça na pas vraiment d'impact sur la qualité du film, qui est suffisamment vivant pour ne pas être affecté par les faiblesses relatives d'un personnage secondaire.

C'est vrai que l'aspect progressiste est très fort, la prise de partie est encore plus nette que dans Broken Arrow (je n'ai pas vu Devil's Doorway, j’attends que wild side nous le sorte), et ce dès l'ouverture du film. Ça donne d'ailleurs lieu à de très belles scènes.
Spoiler (cliquez pour afficher)
Je pense à celle où Nuage Rouge vient relever ses morts lors de la bataille finale, sous le regard des soldats qui ne tirent plus, qui m'a vraiment remuée.
Comme Tavernier dans son commentaire, tu parles de Soldat Bleu, ça vaut quoi?
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Re: George Sherman (1908-1991)

Message par Jeremy Fox »

Rick Blaine a écrit :Comme Tavernier dans son commentaire, tu parles de Soldat Bleu, ça vaut quoi?
Pas accroché lors de ma dernière vision ; question de mise en scène surtout. Et sinon, j'ai bien aimé le personnage de De Carlo au contraire même s'il n'est pas très important.
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Re: George Sherman (1908-1991)

Message par Rick Blaine »

Jeremy Fox a écrit : Pas accroché lors de ma dernière vision ; question de mise en scène surtout.
J'avais vu Duel at Diablo, du même Nelson, et je ne l'avais pas trouvé très convainquant non plus, même si ce n'était pas désagréable. Je verrais peut-être ça plus tard.
Jeremy Fox a écrit : Et sinon, j'ai bien aimé le personnage de De Carlo au contraire même s'il n'est pas très important.
En fait je trouve que le personnage de De Carlo est un rouage narratif utile pour montrer l'opposition Nicol/Van Heflin, mais rien de plus. Je n'ai pas ressenti grand chose vis à vis de ce personnage. Reste que j'ai tout de même trouvé agréable de la voir si belle à l'écran, mais je n'ai pas eu d'empathie pour le personnage.
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Re: George Sherman (1908-1991)

Message par Jeremy Fox »

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Tomahawk (1950) de George Sherman
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Avec Van Heflin, Yvonne de Carlo, Alex Nicol, Preston Foster, Jack Oakie, Tom Tully, Susan Cabot
Scénario : Silvia Richards & Maurice Geraghty d’après une histoire de Daniel Jarrett
Musique : Hans J. Salter
Photographie : Charles P. Boyle
Une production Leonard Goldstein pour la Universal


Sortie USA : 05 février 1951


Pourquoi ce Tomahawk est-il resté jusqu’à présent dans l’obscurité la plus totale ou alors présenté en France dans une version très courte d'à peine 66 minutes ? Du fait de la réputation moindre de son réalisateur comparativement aux grands d'Hollywood ou serait-ce dû à ce qu’il a été produit par la compagnie Universal, studio moins prestigieux que ses aînés encore à cette époque ? Toujours est-il que s’il a été remarqué en France l’année de sa sortie (Jean-Louis Rieupeyrout en dit grand bien dans son livre consacré au western daté de 1953), il a ensuite complètement déserté toutes les diverses anthologies contrairement à ses deux prestigieux prédécesseurs, La Flèche Brisée (Broken Arrow) et La Porte du Diable (Deevil’s Doorway), qui squattent les histoires du cinéma dans le domaine des premiers westerns pro-indien. Non pas qu’ils ne méritent pas de s’y trouver (tout au contraire) mais ils auraient pu faire une petite place à leurs côtés pour ce superbe film signé George Sherman sorti très peu de temps après. Ne possédant ni la douceur élégiaque de Delmer Daves ni la puissance dramatique et plastique d’Anthony Mann, le réalisateur de l’excellent Calamity Jane and Sam Bass l’année précédente nous livre néanmoins un western qui mérite de toute urgence d’être redécouvert car, en plus d’être un excellent divertissement, va peut-être encore plus loin que tout ce qui s’était fait jusqu’à présent dans sa prise de position en faveur de la nation indienne et se révèle être un pamphlet assez impitoyable contre le gouvernement américain et sa gestion des affaires indiennes. Tomahawk prend ainsi fait et cause pour les indiens d’une manière vraiment inhabituelle pour l'époque.

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« Voici le territoire du Wyoming. L’année 1866. Par une chaude journée de ce début d’été, deux mondes différents se sont réunis pour parler. Il y a de l’amertume ici, de la suspicion et de la méfiance [… ] C’est la conférence de Laramie. Un baril de poudre prêt à exploser à tout moment. Il en faudrait peu pour allumer la mèche. Il y a des hommes importants et puissants ici ; d’un côté les chefs des nations Sioux, de l’autre les représentants des Etats Unis. Mais il faudra un grand homme pour comprendre les deux parties ». Cet homme, c’est le trappeur Jim Bridger (Van Heflin) qui arrive à persuader les hauts dignitaires de Washington d' abandonner l'idée d'ouvrir la piste Bozeman qui aurait traversé les territoires de chasse indiens, ce qui aurait mis en péril la survivance des tribus Sioux. Mais Red Cloud met fin à la conférence quand il apprend qu'un fort vient d'être construit à l'orée de leur territoire, tout en promettant que son peuple ne déclenchera pas les hostilités tant qu'ils ne seront pas attaqués. Une nuit, alors qu'il convoie le chariot de deux saltimbanques, Dan Castello (Tom Tully) et sa nièce Julie Madden (Yvonne de Carlo), le lieutenant Dancy (Alex Nicol) tue sauvagement et sans pitié un jeune indien qui s'était approche du campement. Peu de temps après, les soldats sont attaqués à leur tour mais arrivent sain et sauf auFfort Kearny nouvellement construit. Jim Bridger, qui semble avoir une dent contre Dancy et qui pour cette raison souhaite ne pas trop s'en éloigner, accepte la proposition du colonel Carrington (Preston Foster) lui demandant de se joindre à eux en tant qu'éclaireur. Il arrive donc à son tour dans la place forte accompagné par son partenaire Sol Beckworth (Jack Oakie) et Monahseetah (Susan Cabot), une Cheyenne qui a du mal à se faire accepter par les soldats. La tension monte à l'intérieur du fortin : les 'va-t-en guerre' s'impatientent et rêvent de gloire et de promotion, la pulpeuse Julie Madden fait tourner quelques têtes, les militaires prennent Bridger pour un espion de Red Cloud alors que dans le même temps les tribus indiennes commencent à se rapprocher dangereusement, le nombre de leurs guerriers s'accroissant de jour en jour. Quand Jim Bridger se voit dans l'obligation de tuer le fils préféré du chef Red Cloud pour sauver la vie de Julie, les choses s'accélèrent et, alors que la guerre est sur le point de se déclencher, il choisit malgré lui le camp des blancs...

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Comme on peut le constater à la lecture de l'histoire, le film, s'il n'est pas impartial et prend au contraire clairement partie pour le camp des indiens, n'est pas manichéen pour autant. L'intrigue a beau être très simple, elle est loin d'être simpliste et il en va de même pour tous les protagonistes ; s'ils sont assez fortement caractérisés par l'écriture sans faille de la scénariste progressiste Silvia Richards (qui, comme Elia Kazan, se verra dans 'l'obligation' de dénoncer ses petits camarades sous la juridiction MacCarthy), certains ne subissent pas moins d'intéressantes évolutions durant le courant du film. Preuve en est le superbe personnage de Julie Madden interprétée par une Yvonne de Carlo qui aura rarement été aussi belle et qui à priori n'était là que pour apporter la traditionnelle touche de romance au film. Il n'en est rien et il s'agit plutôt d'une sorte de témoin des évènements ; dès qu'elle entre en scène, il semble que les scénariste adoptent son point de vue pour faire essayer de comprendre la situation. Se trouvant là par hasard alors qu'elle n'a rien à y faire, ayant des à priori à l'encontre les indiens, elle est plus à même de s'étonner de la réalité qu'elle découvre ; c'est un peu à travers son regard qu'on va suivre les évènements. Ballotée entre le lieutenant belliciste et le trappeur, elle essaie de faire la part des choses en les écoutant parler tous deux. Au fur et à mesure, ses opinions changent, surtout après que Jim Bridger lui ait raconté la tragédie qu'il a vécu quelques années auparavant et qui n'est autre que le véritable massacre de Sand Creek opéré par "les volontaires du Colorado" emmenés par le colonel Chivington, un pasteur assoiffé de sang !

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Cette séquence d'une grande puissance dramatique est la seule se déroulant en extérieur mais tournée en studio, probablement car elle s'avérait longue et difficile. Jim ayant été dans l'obligation de tuer le fils du chef Red Cloud pour sauver la vie de Julie, ils se réfugient tous deux dans une espèce de grotte pour échapper aux poursuivants. Là, Van Heflin, les yeux embués et la voix tremblante de colère et de chagrin, narre à Julie les évènements qui lui ont enlevés d'un coup son épouse indienne et ses deux enfants. Il s'agit de la même séquence que Ralph Nelson filmera 20 ans plus tard dans Soldat Bleu (Soldier Blue) ; Van Heflin prouve son talent de comédien en rendant la scène au moins aussi puissante mais cette fois par la seule force des dialogues et de sa manière de les interpréter, un peu comme la séquence de bataille contée par Henry Fonda dans Sur la piste des Mohawks (Drums along the Mohawk) de John Ford. Historiquement, le massacre de Sand Creek a eu lieu le 29 novembre 1864. Le colonel Chivington et sa troupe attaquèrent un camp de Cheyennes et d'Arapahos massacrant des centaines de guerriers mais aussi des femmes, enfants et vieillards qu'ils dépecèrent et mutilèrent ensuite pour aller afficher publiquement ces trophées de guerre (scalps, organes génitaux et autres morceaux humains) dans différents lieux publics comme par exemple l'Apollo Theater de New York. Une ignominie sans nom que Georges Sherman arrive à nous faire revivre par la seule force de persuasion de son acteur principal.

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Historiquement, Tomahawk (qui représente ici la traduction anglaise du nom indien donné à Jim Bridger) convoque plusieurs autres évènements réels s'étant déroulés sur un laps de temps assez conséquent ; tout ne s'est pas passé exactement de la même façon, les acteurs du drame n'étaient pas forcément présents à ces moments décrits mais Sherman et ses scénaristes cherchent avant tout à sensibiliser les spectateurs de l'époque à la cause indienne, ne s'offusquant pas des incohérences temporelles ou des anachronismes, leur seul but étant de proposer une histoire puissante qui frôle parfois le documentaire. En effet le film s'ouvre sur un discours un peu emphatique mais édifiant sur la situation de l'époque au moment de la conférence de Laramie (été 1866) puis évoque tour à tour la massacre de Fetterrman (décembre 1866) et enfin le combat de Hayfield datant d'août 1867 et qui a été renommé ici la bataille de Powder River (titre sous lequel le film a été distribué en Angleterre). Le western de Georges Sherman condense tous ces évènements sur une durée assez courte d'à peine quelques jours. Le film évoquant donc de nombreux faits réels concernant les guerres indiennes, il m'a semblé intéressant de les résumer brièvement pour remettre le film dans son contexte historique puisque Tomahawk ne fait que narrer d'une façon plus resserrée les évènements décrits ci-après qu'il fait se télescoper. Voilà prévenus ceux que le sujet ne passionnerait pas des masses ; qu'ils n'hésitent pas à sauter le paragraphe suivant !

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Suite au massacre de Sand Creek (raconté plus haut et dans e film par l'intermédiaire de Van Heflin), les Indiens ne se manifestent pas trop violemment de suite même s'ils empêchent les colons et soldats de s'installer sur leurs terrains de chasse de Powder River. Le déclenchement des hostilités eu réellement lieu en 1866 lorsque le général Carrington se mit à faire construire des forts sur les terres Sioux et Cheyennes en complète violation d'un traité signé seulement une année auparavant. Craignant une invasion militaire de leurs territoires, plusieurs tribus indiennes firent alors coalition sous l'autorité du chef Red Cloud. Parti de Fort Laramie en mai 1866, Carrington rejoignit le Wyoming à la tête de 700 hommes pour s’établir à Fort Kearny, le dernier fort en date. Pas un jour durant sa construction ne se déroula sans qu’une alerte se déclencha, les indiens ne souhaitant pas que les soldats s'installent et érigent des fortifications sur leur territoire. L’affrontement entre le Capitaine Fetterman et les Sioux allait se dérouler dans ce contexte très tendu. Se vantant de pouvoir traverser les campements indiens à la tête de seulement 80 hommes, un prétexte pour prouver ses dires lui fut donné lorsqu’on l’envoya au secours d’un détachement de bucherons. Carrington lui demanda cependant de ne pas dépasser une certaine crête auquel cas contraire il serait probablement tombé dans un piège. Fetterman n’en faisant qu’à sa tête poursuivit les indiens au-delà de cette limite et fit tomber son détachement dans une embuscade ; ce fut l’une des plus désastreuses défaites des Tuniques Bleues précédant de dix ans celle de Little Big Horn. En revanche, lors du combat de Hayfield qui se déroula deux ans plus tard, les soldats américains l’emportèrent sur les Sioux de Red Cloud grâce aux nouveaux fusils Springfield à répétition qu’ils eurent à leur disposition et qui prirent les indiens par surprise. Il y eut encore quelques affrontements que passe sous silence le film de Sherman avant que le traité de Laramie soit signé en 1868 par lequel les indiens récupérèrent leur territoires, les soldats devant déserter les forts de la vallée de Powder River.

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Et c’est aussi là que se termine Tomahawk, au moment où les Sioux obtiennent quelques années de paix bien méritées. Dans la réalité, l'aventurier Jim Bridger, le héros du film, ne se trouvait pas sur place lors des deux grandes batailles qui clôturent le film. Il n'en a pas moins été l'un des artisans des différentes tentatives de paix entre les colons et les indiens. C'était un de ses 'Mountain Man' qui se maria à trois reprises avec des femmes indiennes de qui il eut cinq enfants. Tour à tour explorateur, (c'est lui qui découvrit les geysers de Yellowstone), trappeur et éclaireur pour l'armée américaine, il avait tout pour être un jour incarné dans un western hollywoodien. Et c'est l'inoubliable Athos de George Sidney, le non moins mémorable Charles Bovary de Vincente Minnelli qui s'en chargea ! Sans trop en faire, il s'avère parfait dans ce rôle d'un homme qui n'aspire qu'à la paix pour lui et son peuple mais qui va devoir faire le médiateur et finalement être tiraillé lors du déclenchement des hostilités, ayant à faire un choix cornélien quant au camp qu'il devra rejoindre. A ses côtés Yvonne De Carlo qui, non seulement a rarement été aussi bien mise en valeur, mais qui va se révéler une formidable actrice ; le rôle écrit par Silvia Richards y est aussi certainement pour quelque chose. Le reste de la distribution ne démérite pas. Alex Nicol est impeccable dans le rôle du salaud massacreur de peaux rouges ; la preuve, il arrive par moment à nous être malgré tout attachant notamment lorsqu'il se voit rabroué par Julie. Preston Foster dans la peau du Général Carrington est tout aussi impeccable, Susan Cabot de même grimée en indienne. Et alors, que l'on craignait que Jack Oakie et Tom Tully ne soient là que comme faire valoir humoristique dans une histoire très grave qui ne semblait pas en avoir besoin, les deux acteurs se révèlent au contraire très sobres et sacrément attachants eux aussi. Enfin, le véritable indien John War Eagle est on ne peu plus convainquant dans le rôle du grand chef Sioux, Red Cloud (Nuage Rouge). Bref, à l'image du film, un casting de tout premier ordre au sein duquel un Rock Hudson que l'on risque de rater si l'on est pas très attentif !

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Si nous avons dit tout le bien qu'il fallait penser du scénario et de l'interprétation, la mise en scène de George Sherman n'est pas en reste. Ayant à sa disposition pour ses extérieurs les superbes paysages des Black Hills dans le Dakota, immenses étendues tour à tour verdoyantes et sèches encore jamais vues jusque là dans un western (les mêmes paysages qui seront utilisés par Kevin Costner pour le magnifique Danse avec les Loups), où les sommets montagneux font de loin penser à des pyramides, où les paisibles collines cachent des lacs d'une grande clarté, il les met merveilleusement en valeur en les filmant avec force majestueux et très larges plans d'ensemble, magnifiques et lents travellings. Alors que je n'en attendais pas autant de lui, il nous étonne par son sens du montage et de l'espace lors notamment de la chasse au bison et des batailles d'une belle lisibilité et par son dynamisme lors des nombreuses chevauchées : les panoramiques et travellings qui suivent les cavaliers sont d'une grande beauté. Il nous surprend également lorsqu'il pose sa caméra et attend des entrés de champ par l'avant ; à ce propos, il suffit d'admirer la séquence de poursuite à cheval de Yvonne de Carlo par un guerrier Sioux lui même précédant Van Heflin : le plan au sommet de la colline qui les surprend à débouler au devant de la caméra est tout simplement génial. Et des idées de mises en scènes aussi belles et parfois virtuoses, nous en trouvons quelques autres au cours du film (le travelling arrière suivant van Heflin et Yvonne de Carlo à l'intérieur de la cour du fort, le plan de Susan Cabot derrière la palissade, la séquence émouvante au cours de laquelle Red Cloud vient constater ses morts d'après la bataille...) sans qu'elles ne nous apparaissent comme 'm'as tu vu' et sans que jamais elles ne nous détournent du sérieux du thème et de l'intrigue. Etant un film de série B restreint dans sa durée, on peut regretter quelques fins de séquences un peu abruptes et un final vite expédié.


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Entendre parler sioux sans même que ce soit sous titré, être témoin d'une dénonciation aussi acerbe de la culpabilité des dirigeants de Washington en ce qui concerne l'inexcusable massacre d'une nation (et non seulement de ses guerriers mais aussi de ses civils), entendre stigmatiser avec virulence la fourberie et l'irrespect des paroles données lors des conférences de paix, se trouver devant un film prenant pour thématique principale une réflexion sur la survivance de la race Sioux... tout ceci était alors vraiment nouveaux. Une chronique historique que l'on se doit de prendre avec tout le sérieux possible et dont il faut saluer le courage. D'autant plus lorsque le réalisateur ne tombe jamais dans le piège du sentimentalisme malgré deux personnages féminins importants. Quant à l'adhésion des thèses défendues, une vrai conviction des auteurs qui impose le respect. Un très beau scénario progressiste mis en scène avec sincérité et efficacité, qui mérite sans honte sa place aux côtés des autres grands western pro indiens de ce début de décennie d'autant qu'il n'en oublie pas pour autant les amateurs d'action. Une grande réussite et une formidable découverte soutenue par une partition efficace signée Hans Salter !

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Rappelons nous que George Sherman était déjà l'auteur de Commanche Territory, film pro-indien très naïf mais qui avait précédé ceux de Delmer Daves et Anthony Mann et qu'il mettra encore en scène de nombreux autres westerns défendant la cause indienne. Un réalisateur inégal mais néanmoins à réévaluer de toute urgence, ce que fait Bertrand Tavernier à travers son Mea Culpa dans le bonus du DVD ; après l'avoir lapidé dans son 50 ans de cinéma américain, il révise son jugement du tout au tout en défendant le film pendant presque une demi-heure.
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Rick Blaine
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Re: George Sherman (1908-1991)

Message par Rick Blaine »

Jeremy Fox a écrit : Un western injustement oublié et (j'enfonce encore le clou Rick :oops: ), j'ai trouvé le personnage joué par Yvonne de Carlo sacrément bien écrit et bougrement touchant.
:D J'aurais surement l'occasion de réévaluer mon jugement sur ce point, c'est un film que je reverrais avec plaisir!
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Jeremy Fox
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Re: George Sherman (1908-1991)

Message par Jeremy Fox »

Tom Peeping
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Re: George Sherman (1908-1991)

Message par Tom Peeping »

Merci pour ce papier sur ce western dont je n'avais jamais entendu parler et qui me donne sacrément envie de le découvrir!
... and Barbara Stanwyck feels the same way !

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