Le Western américain : Parcours chronologique III 1955-1959

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Jeremy Fox
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

Message par Jeremy Fox »

Chip a écrit :Jock Mahoney a un physique extraordinaire, de l'allure, mais il ne peut se comparer à Van Heflin, je ne vois pas Mahoney dans " Shane", " 3h 10 to Yuma" , " Gunman's walk" ou " the strange love of Martha Ivers ". ..
Comme je ne vois pas Heflin dans les deux superbes films de Bartlett. :idea: Les deux acteurs sont totalement différents donc on leur a donné des rôles quasiment à l'opposé, l'un sérieux, l'autre plus nonchalant et ironique.

Mais encore une fois, personne n'a cherché à les comparer il me semble.
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Jeremy Fox
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The Last of the Fast Guns

Message par Jeremy Fox »

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Duel dans la Sierra (The Last of the Fast Guns - 1958) de George Sherman
UNIVERSAL


Avec Jock Mahoney, Linda Cristal, Gilbert Roland, Lorne Greene, Eduardo Noriega
Scénario : David P. Harmon
Musique : supervisée par Joseph Gershenson
Photographie : Alex Phillips Jr. (Eastmancolor 2.35)
Un film produit par Howard Christie pour la Universal


Sortie USA : Juillet 1958


En ces années 1880, la plupart des prestigieux bandits de l’Ouest ne sont plus de ce monde ; Brad Ellison (Jock Mahoney) en est un des derniers ‘spécimens’ encore vivant, un tireur d’élite que beaucoup tentent toujours de provoquer pour la gloire. Il ne peut faire autrement que de sans cesse se battre pour sauver sa vie. Après avoir à nouveau tué en duel un homme qui l’attendait de pied ferme, il est envoyé cherché par le millionnaire John Forbes (Carl Benton Reid) qui a une mission a lui proposer. Le vieil homme paralysé lui demande de retrouver son frère disparu depuis une vingtaine d’années mais qui lui avait néanmoins fait signe de vie voici cinq ans par l’intermédiaire d’une lettre dans laquelle il disait vivre à San Vicente au Mexique. John propose à Brad la coquette somme de $25,000 s’il retrouve la trace de son frère mort ou vif, sans quoi un de leurs anciens et malhonnêtes partenaires se verra reverser la fortune qu’ils avaient découvert sous la forme d’un filon d’or. Brad accepte le travail sachant qu’avec une telle récompense il pourra enfin se retirer de cette vie d’éternelle fuite et pouvoir s’acheter un ranch en Orégon. Le voici en route pour le Mexique où il entame son enquête ; certains semblent ne pas apprécier sa présence et Edward Forbes, louangé par les péons de la région, parait s’être volatilisé, la plupart le disant mort sans pouvoir dire où il a été enterré. Brad insiste néanmoins pour poursuivre sa quête pour laquelle il va recevoir de l’aide du contremaitre d’un grand propriétaire terrien, Spaniard Miles (Gilbert Roland), dont il vient de sauver la vie…

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Une réflexion sur les tireurs d’élite qui ne peuvent avoir un seul instant de tranquillité à cause de leur réputation (voir à ce propos le plus beau film sur ce thème, le splendide La Cible humaine - The Gunfighter de Henry King), la description de la fin d’une civilisation basée sur la loi du plus fort, la peinture de l’hémorragie des outlaws allant se réfugier de l’autre côté de la frontière, le tout au sein d’une intrigue de film noir ; avec de tels éléments, même si pas nécessairement novateurs, il y avait de quoi accoucher d’un très bon film. Mais George Sherman ayant perdu la main depuis un bon moment, 1952 exactement, après le très bon The Battle at Apache Pass (Au mépris des lois), même si le postulat de départ pouvait sembler alléchant, la déception est de nouveau au rendez-vous. Le cinéaste était pourtant expressément revenu à la Universal pour tourner ce scénario qui lui tenait grandement à cœur. Maintenant que George Sherman est revenu dans les petits papiers de pas mal de monde, force est de constater qu’après 1952, la plupart de ses westerns furent bien moins enthousiasmants que les précédents. Après Les Rebelles (Border River) et Le Trésor de Pancho Villa, on aurait pu se dire que le Mexique ne semblait pas avoir grandement inspiré le réalisateur ; mais ses derniers westerns pro-indiens, Le Grand chef (Chief Crazy Horse) et Comanche n’étaient guère meilleurs, voire même pires. Au vu de Duel dans la Sierra, et même si ce dernier est loin d’être mauvais contrairement à tous les autres titres cités ci-dessus, à moins d’un sursaut à venir, je continue de penser que sa période faste se situe bel et bien derrière lui, ses meilleurs westerns ayant été ceux tournés entre 1948 et 1952 pour la compagnie Universal. Depuis, il n’a cessé de me décevoir ; mais le déclin ne sera peut-être pas irrémédiable puisqu'il n'en a pas encore fini avec sa carrière westernienne.

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N'en restons pas sur une image aussi négative et rappelons que George Sherman a réalisé une dizaine de très bons westerns et parmi ceux-ci, son chef-d’œuvre, Tomahawk, un western pro-Indien d’une rare puissance d’évocation à propos des massacres perpétrés envers les 'Natives'. Même si après The Battle of Apache Pass (Au mépris des lois) en 1952, le cinéaste ne nous a plus donné d’autres titres aussi réussis dans le genre, on pouvait néanmoins fonder un semblant d’espoir sur ce western mexicain doté d’une intrigue de film noir. La première séquence confirmait cette attente ; depuis Le Grand Chef, Sherman ne nous avait pas offert, plastiquement parlant, d’aussi beaux plans et cadrages. Un cavalier passe au bord d’une tombe creusée dans la terre au milieu du cimetière, le compositeur venant ironiquement placer quelques mesures du Dies Irae sur l’image. Vues sur la ville avec au premier plan, de dos, un homme qui semble attendre le cavalier, prêt à se battre en duel avec lui. Il n’est pas interdit de penser que Sergio Leone a vu ce film à l'époque puisque certains plans ainsi que d’autres situés un peu plus tard (notamment tous ceux lors des scènes de morts violente) semblent annoncer son cinéma. Et alors que le duel va avoir lieu, plan de coupe sur le trou creusé du début avec le bruit de la détonation. Le drame a eu lieu en hors-champ et l’on comprend immédiatement que l’homme est mort et que la tombe venait juste d’être creusée à son intention par le tireur d'élite. Début fulgurant et assez génial par ses partis pris de mise en scène, du niveau de la première séquence toute aussi fabuleuse et sur le même modèle de Sept hommes à abattre (Seven Men from now) de Budd Boetticher. Puis on apprend à connaitre l’antihéros (puisqu’il s’agit d’un tueur à gages) interprété par Jock Mahoney, un homme fatigué par cette vie d’éternelle fuite et qui n’aspire plus qu’à une chose, gagner une grosse somme d’argent afin de pouvoir se retirer le plus loin possible dans un coin tranquille où il pourrait s’occuper de son propre ranch.

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Brad Ellison est un homme blasé et qui sait ses jours comptés s’il ne va pas se terrer très loin du Far-West. C’est pour cette raison qu’il accepte presque sans réfléchir l’offre que lui fait le milliardaire, pensant que s’il mène à bien sa mission, il pourra ensuite réaliser ses rêves ; mais on se rend aussi immédiatement compte qu’il a pitié de l’handicap de son employeur, ce qui nous le rend tout de suite encore plus humain. Une fois les bases de l’intrigue posées, la quête peut commencer et l’on quitte immédiatement les USA pour le Mexique ; et une fois encore (mais ce sera presque la dernière) le film de Sherman de nous étonner positivement avec la séquence de l’arrivée de Brad au Mexique où il retrouve des personnages ayant réellement existés, Johnny Ringo (le personnage interprété par Gregory Peck dans La Cible humaine), James Younger et Ben Thompson. Scène originale et assez passionnante au cours de laquelle on assiste à une discussion entre ces derniers outlaws américains, à leur évocation de la mort toute récente de Billy the Kid et Jesse James, à leurs aveux quant à l'anxiété qu'ils ont de leur avenir compromis. C’est à ce moment que le titre original prend tout son sens crépusculaire, Brad semblant être considéré comme l'ultime tireur d’élite, ces derniers n'ayant plus leurs places dans la nouvelle société qui se construit. Non seulement Jock Mahoney interprète un personnage assez richement décrit et attachant mais rien que le fait de le voir bouger et se déplacer, rien que de l’entendre parler et de le voir jouer, est un véritable plaisir. Pour tout dire, rien que pour sa présence, Duel dans la Sierra mérite d’être vu et peut même se laisser regarder sans ennui. Le comédien porte tout simplement le film sur ses épaules, tous les autres faisant un peu pâle figure à côté même si Gilbert Roland est à nouveau tout à fait convaincant dans la peau d’un personnage qui manque néanmoins singulièrement de consistance (comme quasiment tous les autres d’ailleurs). Car que dire du personnage de Linda Cristal excepté qu’il s’avère totalement insignifiant (voire parfois encombrant), guère aidé par l’interprétation sans saveur de la comédienne ? Quand à Lorne Greene (futur interprète de Bonanza) et Eduard Franz, ils n’ont pas non plus vraiment la part belle.

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Car oui, à l’exception du portrait que brosse de Brad Ellison le scénariste David P. Harmon (déjà auteur pour George Sherman de Reprisal, western que je n’ai jamais eu l’occasion de voir), là où le bât blesse c’est avant tout dans l’écriture de son répétitif scénario et surtout de ses pompeux dialogues qui sonnent presque constamment faux, Harmon recherchant sans cesse le mot d’auteur, la métaphore ou l’aphorisme, au point de les rendre pesants et parfois même ridicules et prétentieux (les discours du ‘padre’). C’est à ce moment là qu’on repense à ceux de Burt Kennedy pour Budd Boetticher et qu’on se dit qu’on regrette ces séquences similaires chez ces derniers qui semblaient au contraire d’une grande justesse, l’auteur sachant choisir le juste milieu entre répliques cinglantes et réalisme. Ici non seulement les dialogues sont trop écrits mais ils tiennent une trop grande place tout en étant parfois très obscurs, l’intrigue devenant par ce fait parfois peu compréhensible et mal ficelée alors qu’au final elle se révèle simplissime. Comment faire compliqué… ? Un gros problème d’écriture avec quelques sacrées baisses de rythme qui rendent le film plus languissant que nonchalant, plus monotone que réellement captivant, la parabole morale de la fin ne faisant qu’alourdir le propos. Heureusement, après aussi quelques idées de mise en scène assez maladroites comme ce plan de coupe sur le coassement d’un corbeau alors que c’est le cri d’un homme torturé que l’on aurait du entendre, durant les 10 dernières minutes, George Sherman retrouve les immenses qualités du début, faisant montre de sa maitrise totale du cinémascope en magnifiant les décors naturels qu’il a à sa disposition. L’arme utilisée par Brad Ellison pour le ‘duel’ final est également très originale. Ces quelques séquences rattrapent un peu le long ventre mou de la partie centrale du film.

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Une intrigue de film noir (on pense au début à des films comme The Big Sleep de Howard Hawks avec cet handicapé envoyant ce ‘détective’ revenu de tout en mission pour aller retrouver un membre de sa famille) en décors westerniens pour un film à énigmes (où s’est caché le personnage recherché et pour quelles raisons ? Est-il mort ou encore vivant ? Pourquoi les paysans lui sont-ils autant attachés ? Qui a tué les précédents ‘détectives’ partis à sa recherche ?) qui s‘achève en fable spirituelle un peu lourde, mais qui nous aura permis de faire un bout de chemin, au milieu de magnifiques paysages superbement photographiés par Alex Phillips, aux côtés de cet acteur devant lequel je ne cesse de m’extasier depuis sa découverte dans Joe Dakota. Il est assez curieux de voir que Jock Mahoney joue une fois de plus dans un western dans lequel les coups de feu peuvent se compter sur les doigts d’une main ; mais contrairement aux films de Richard Bartlett, on trouve ici quelques morts très violentes, préfigurant même la décennie suivante, qu’elle soit italienne ou américaine. Décevant mais pas mauvais pour autant ; bien meilleur en tout les cas que les quatre ou cinq westerns précédents du cinéaste. Il faut également savoir que ce western a ses ardents défenseurs ici même ou en la personne de Bertrand Tavernier.
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

Message par Julien Léonard »

Chronique étayée et bien argumentée, même si je ne suis pas d'accord tu t'en doutes. :mrgreen:

Pour ma part, il reste un western superbe, faisant même partie de mon top 50. Jock Mahoney est formidable (il faut dire qu'il figure trois fois dans mon top 50, avec aussi 24 heures de terreur et L'héritage de la colère).

Tu me donnes envie de revoir Joe Dakota du même coup. J'avais aimé, mais sans débordement. Quelque-chose me dit qu'il faut que je le redécouvre.
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Jeremy Fox
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

Message par Jeremy Fox »

Julien Léonard a écrit : Jock Mahoney est formidable (il faut dire qu'il figure trois fois dans mon top 50, avec aussi 24 heures de terreur et L'héritage de la colère).
Nous sommes bien d'accord y compris sur ces deux films. Rapport aux côtés obscurs de l'intrigue, je me demandais si ça ne pouvait pas venir aussi d'un mauvais sous-titrage car il y a vraiment certaines phrases que je n'ai pas compris du tout :o
Julien Léonard
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

Message par Julien Léonard »

Peut-être, sachant que les sous-titres français, ce n'est pas souvent de la traduction littérale. Il y a parfois des contresens sur certains films.

Sinon, concernant le côté "dialogues trop écrits" du film, je suis assez d'accord. Et paradoxalement pour une fois, je trouve que cela lui donne de la force, une force poétique à vrai dire, avec quelques répliques somptueuses. Un peu maniériste dans le dialogue dirons-nous, mais d'une façon que je trouve très séduisante et assez sobre. :)
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Jeremy Fox
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Buchanan Rides Alone

Message par Jeremy Fox »

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L'aventurier du Texas (Buchanan Rides Alone - 1958) de Budd Boetticher
COLUMBIA


Avec Randolph Scott, Craig Stevens, Barry Kelley, L. Q. Jones, Tol Avery
Scénario : Charles Lang
Musique : supervisée par Joseph Gershenson
Photographie : Lucien Ballard (Columbia Color 1.85)
Un film produit par Harry Joe Brown pour la Columbia


Sortie USA : 1er août 1958


Tom Buchanan (Randolph Scott), un mercenaire ayant participé à la révolution mexicaine, décide maintenant de retourner dans son Texas natal pour s'y fixer. A la frontière californienne, il s'arrête dans la petite ville d’Agry dont il se rend vite compte qu’elle est sous la coupe de la famille du même nom. Pour avoir pris la défense de Juan (Manuel Rojas), un Mexicain venant de commettre un meurtre sur la personne du fils du juge Agry, Tom est arrêté, dépouillé de son argent et jeté en prison : les habitants comptent bien le lyncher dès le lendemain en compagnie de l’assassin. Mais la pendaison est stoppée net par le juge qui vient d’apprendre que le riche père du criminel a l’intention d’octroyer une juteuse rançon en échange de la vie de son fils. Dès cet instant, Tom se trouve malgré lui emporté dans un tourbillon de jeu de dupes entre les trois frères Agry (le juge – Tol Avery, l’hôtelier – Peter Withney et le shérif – Barry Kelley), qui espèrent chacun de leurs côtés s’approprier cette manne financière. Avant que ne se résolve l’affaire et que Tom et Juan se sortent enfin de la facheuse situation dans laquelle ils se trouvent, les morts vont s’accumuler, tout ce petit monde s’entretuant joyeusement pour une simple sacoche d’argent qui circule des uns aux autres…

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En cette année1958 sort le western de Budd Boetticher le plus iconoclaste, un film à l’ironie mordante et qui confirme la richesse de la collaboration entre le cinéaste et le comédien Randolph Scott (cycle communément appelé Ranown pour englober ses deux producteurs, Randolph Scott et Harry Joe Brown), une ‘série’ loin de ne comporter que des films interchangeables mais au contraire, malgré leurs innombrables points communs, très différents les uns des autres. Ici, Tom Buchanan, un aventurier ayant participé à la révolution mexicaine, décide maintenant de retourner dans son Texas natal pour y couler des jours paisibles avec l’argent gagné à se battre dont il compte se servir pour s’acheter un ranch. A la frontière californienne, il a la très mauvaise idée de s'arrêter dans la petite ville d’Agry dont il découvre très rapidement en lisant les enseignes qu’elle est sous la coupe de la famille du même nom dont les membres sont tous plus infâmes les uns que les autres. Pour avoir pris la défense d'un Mexicain venant de commettre un meurtre sur la personne du fils du juge (un Agry évidemment), il se trouve malgré lui emporté dans un tourbillon de jeu de dupes entre les trois frères Agry (le juge, le tenancier d’hôtel et le shérif) qui espèrent chacun récupérer la rançon que le riche père du criminel doit apporter en échange de la vie de son fils. L’inénarrable Amos, interprété par Peter Whitney, passe son temps à courir d’un de ses frères à l’autre en fonction de leurs situations dans cette histoire, se rapprochant à chaque fois de celui sur le point de remporter le gros lot… On l’aura compris à la lecture de cette description, autant 7 hommes à abattre (Seven Men from Now), L’homme de l’Arizona (The Tall T) et Decision at Sundown, les trois westerns précédents du cycle, étaient graves et tendus, autant celui-ci s’avère détonant par son humour dévastateur et sa dérision constante. Un western au ton unique, qui ne ressemble et ne ressemblera à aucun autre. Dans la filmographie de Boetticher, il pourrait cependant s’apparenter au diversement apprécié et pourtant fort séduisant La Cité sous la mer (City Beneath the Sea) avec Robert Ryan et Anthony Quinn, tout aussi divertissant.

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J'ai déjà évoqué à quelques reprises une ‘certaine’ filiation entre les westerns de Boetticher et ceux de Sergio Leone. Alors que dans les autres films, elle se situerait plutôt au niveau plastique (plus encore à partir des deux prochains westerns de la série, ceux en Cinémascope, et sans que le style et le ton de ces deux réalisateurs puissent être comparables), elle est encore plus flagrante ici mais cette fois plus dans le fond que dans la forme. Charles Lang, déjà auteur précédemment du génial Decision at Sundown, a écrit un scénario qui, avant Yojimbo, aurait très bien pu inspirer le réalisateur italien pour l'intrigue de Pour une poignée de dollars. En effet le Buchanan de Randolph Scott, comme ‘l'homme sans nom’ de Leone, se retrouve coincé entre deux camps qu'il va petit à petit conduire à s'entretuer, sauf que si Clint Eastwood agit à dessein, Randolph Scott, ne comprenant rien à ce qui lui arrive, provoque les choses presque sans s’en rendre compte, d’où une partie de l’humour qui en découle. De même que les deux autres films de la trilogie leonienne semblent avoir subi une influence de son final qui voit tout un petit monde agité prêt à risquer sa vie pour s’approprier une sacoche de dollars jetée au centre de la rue. Tout aussi nonchalant que l’homme au poncho et au cigare mais beaucoup plus naïf et dépourvu de tout cynisme, Tom Buchanan prend tout à la légère et a constamment le sourire aux lèvres, ce à quoi l’acteur ne nous avait guère habitué dernièrement (hormis dans le premier quart d’heure de The Tall T) et qu’il accomplit à merveille. Le comédien prouvait ici, après son Bart Ellison déprimé dans Decision at Sundown, qu'il avait une palette 'dramatique' un peu plus large qu'on a souvent voulu lui attribuer, q'il pouvait être aussi convaincant et efficace dans la légèreté que dans la gravité.

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Malgré tout, il se ferait presque parfois voler la vedette, s’il avait bénéficié d’un plus grand temps de présence, par L.Q. Jones dans le rôle savoureux de Pecos Hill, adjoint du shérif qui va choisir de passer dans le camp de Buchanan pour la simple et unique raison qu’il est Texan comme lui. Après qu’il ait placé son coéquipier, qu’il vient de tuer, en haut d’un arbre pour qu’il ne se fasse pas dévorer par les animaux (une idée et une image très cocasses), il lui adresse ces mots de prière : "Lafe, you and me worked for Lou Agry for nearly a year, and though I don't guess we was ever real buddies, I'm sorry it was me who stopped your clock. You had your good side, Lafe, but you had your bad side, too. Well... like cheatin' at stud and emptying my pockets whenever I got drunk. But I ain't holding these things against you, Lafe. And if you're holding a grudge against me, Lafe, just remember that when it come down to choosing between you and Buchanan here, well, I just had to choose Buchanan on account of he's a West Texan. And like I always say, let bygones be bygones. And I hope you're saying the same wherever you are. Well, so long, Lafe. You died real good", cette litanie ayant été débitée sous l’œil amusé et étonné de Buchanan. Désolé pour les non-anglophiles mais j’ai jugé cet exemple parfait pour illustrer la qualité et la drôlerie des dialogues et pour faire appréhender l'humour noir et l’ironie constante des situations. En exagérant un peu, Buchanan Rides Alone n’est pas très éloigné du surréalisme.

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L'humour est donc sans cesse présent mais jamais forcé, ne faisant jamais sombrer le film dans la lourdeur ou le burlesque : à son origine, nous trouvons surtout le personnage décomplexé de Buchanan et un comique de répétition (le barman bedonnant et couard courant sans cesse d'un de ses frères à l'autre suivant le vent, ballotté comme une balle de ping-pong, sans cesse sur le point de faire un infarctus ; les prisonniers constamment enfermés et sortis de prison…) Même Howard Hawks dans ses films les plus décontractés n’aurait jamais proposé un tel dialogue : alors que Buchanan et son associé de fortune (quelques heures auparavant, il était chargé de le trucider) viennent de faire prisonniers leurs poursuivants, le second demande au premier : "What're we gonna do now, Buchanan ?", ce à quoi Buchanan lui répond : "Foist we take care of the hawses. Then I….. I don't know, I’m not sure !" avant de tourner les talons et passer hors champ. Le raconter par écrit n’est peut-être pas très drôle, mais voir à l’écran un Randolph Scott (et son curieux chapeau trop petit pour lui) aussi ‘je-m'en-foutiste’ et inconséquent s’avère bougrement réjouissant. Voir ensuite les prisonniers arriver à se dépêtrer de leurs liens en à peine dix secondes nous semble alors bien plus drôle que peu crédible, les deux séquences procédant plus ou moins du même ‘humour ZAZ’ avant l’heure d’autant que le personnage de Buchanan est à la fois très charismatique (bardé qu’il est au début de ses impressionnantes cartouchières) tout en représentant une sorte de cool attitude.

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A côté de cela, le scénario, rocambolesque à souhait, est parfaitement bien mené, les scènes d'action ne manquent pas de punch, la photographie de Lucien Ballard magnifie les paysages, et l'interprétation est globalement excellente que ce soit les premiers ou seconds rôles ; il s'agit vraiment d'une constante du cinéaste que de faire vivre autant de personnages sans en sacrifier un plus que l'autre. Parmi ceux-ci nous trouvons Carbo interprété par Craig Stevens (le futur Peter Gunn de Blake Edwards), tout de noir vêtu, le seul habitant d’Agry-Town semblant être loyal (même si c’est envers un salaud, en l’occurrence le juge), Barry Kelley dans le rôle du shérif corrompu ainsi que Peter Whitney dans celui du barman, sorte d’idiot du village, bedonnant et transpirant. Que l’on m’apprenne que Joel et Ethan Coen auraient vu et revu ce Buchanan Rides Alone avant de se lancer dans leur carrière au cinéma ne m'étonnerait guère tellement certains des personnages de Blood Simple, Miller’s Crossing ou Fargo font penser à ces trois là. A l’exception de Randolph Scott, tous les comédiens de ce film ont surtout fait une carrière à la télévision et demeurent encore aujourd’hui très peu connus. Soulignons également que parmi eux, quasiment aucun rôle de femme, donc pas la moindre trace de romance qui aurait pu affadir l’ensemble ; même si Budd Boetticher est très doué pour ça malgré son idiote réputation de mysoginie, une histoire d'amour n'aurait guère eu de raison d'être au sein de cette intrigue. Pour l’anecdote, que ceux qui auraient cru déjà entendre la musique du générique se rassurent, car il s’agit bel et bien de celle que l’on entendait dans celui de 10 hommes à abattre (Ten Wanted Men) de Bruce Humberstone avec déjà Randolph Scott. La grève des compositeurs battant son plein, les auteurs ont puisé dans les archives Columbia pour le meilleur (le générique justement, signé Paul Sawtel) ou pour le pire ; car il faut bien se rendre à l’évidence : pour le reste du film, la musique a du mal à cadrer avec l’image, s’avérant le gros point faible de ce réjouissant Buchanan Rides Alone.

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Certainement pas aussi parfait que la plupart des autres films du cycle Ranown par le fait de délaisser la psychologie des personnages et de sembler parfois avoir été improvisé sur le tournage, mais néanmoins déconcertant de décontraction, extrêmement jouissif et fichtrement original par son ton, mêlant avec brio humour et action. Après trois westerns aussi sombres que ceux qui ont précédé, voilà une bouffée d’air frais bienvenue au milieu du cycle que cet aventurier du Texas sans vengeur ni personnages rongés par leur passé, n’ayant pas d’autres prétentions que de divertir, bourrée jusqu’à la gueule de ‘punchlines’ enthousiasmantes et de situations drolatiques (sans en avoir l’air) uniquement pour nous rappeler avec humour l’attrait maléfique de l’argent et le pouvoir monopolisé par quelques puissants. Un western léger, d’une belle fluidité scénaristique et d’une totale efficacité, l’action étant constamment lisible, mené tambour battant et riche en rebondissements. Bien évidemment pas aussi puissant que la plupart des autres westerns du cinéaste mais néanmoins presque tout aussi jubilatoire.
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Re: Buchanan Rides Alone

Message par Rick Blaine »

Jeremy Fox a écrit : A suivre : Terreur au Texas (Terror in Texas Town) de Joseph H. Lewis avec Sterling Hayden & Sebastian Cabot (les amateurs de ce dernier film doivent d'ors et déjà se préparer à fuir)

La fin marque par son originalité tout de même. Le reste, je suis d'accord, ça se discute.
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Re: Buchanan Rides Alone

Message par Jeremy Fox »

Rick Blaine a écrit :
Jeremy Fox a écrit : A suivre : Terreur au Texas (Terror in Texas Town) de Joseph H. Lewis avec Sterling Hayden & Sebastian Cabot (les amateurs de ce dernier film doivent d'ors et déjà se préparer à fuir)

La fin marque par son originalité tout de même. Le reste, je suis d'accord, ça se discute.
Certes sauf que cette surprise est éventée dès le générique qui fait office de bande annonce. Décidément, moi et Dalton Trumbo, ça fait deux. le scénario de son film a dû être écrit en 30 minutes sur un coin de table.
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

Message par Julien Léonard »

Je n'ai pas trop aimé Terror in Texas town... Du coup, je peux venir lire ? :mrgreen:
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The Fiend who Walked the West

Message par Jeremy Fox »

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Le Tueur au visage d'ange / Le Tueur qui murmure (The Fiend who Walked the West - 1958) de Gordon Douglas
20TH CENTURY FOX



Avec Hugh O' Brian, Robert Evans, Dolores Michaels, Linda Cristal, Stephen McNally
Scénario : Philip Yordan & Harry Brown d'après le scénario de Kiss of Death de Henry Hathaway
Musique : Divers dont Bernard Herrmann (grève des compositeurs)
Photographie : Joseph MacDonald (Noir et blanc 2.35)
Un film produit par Herbert B. Swope Jr pour la 20th Century Fox


Sortie USA : 01 août 1958


Daniel Hardy (Hugh O’Brian) et trois complices attaquent une banque. Alors qu’il se trouve à l’intérieur du coffre en train de remplir ses sacoches, il est enfermé par un employé qui donne aussitôt l’alerte. Les trois autres voleurs réussissent à s’enfuir, Paul Finney (Ken Scott) emportant avec lui une grosse somme. Daniel est condamné à 10 années d’emprisonnement ; avant de se rendre au pénitencier, il a le temps de dire à sa femme enceinte (Linda Cristal) d’aller demander une part du butin à Paul afin de subvenir à ses besoins. Daniel partage sa cellule avec Felix Griffin (Robert Evans) qui ne purge qu’une légère peine de 90 jours et à qui il raconte sa vie et notamment le hold-up qui lui a valu d’être à ses côtés. Ayant pris connaissance du butin récolté par les complices de son compagnon de cellule, Felix, une fois sorti, n’a plus qu’une idée en tête, se l’accaparer à son tour. C’est à partir de ce moment là que l’on commence à se rendre compte qu’il s’agit d’un dangereux psychopathe, prêt à tout pour obtenir ce qu’il désire. Après avoir terrorisé l’épouse de Dan au point de lui provoquer une fausse couche, il se rend chez Finney, censé être le détenteur de l’intégralité du ‘trésor’. Et effectivement, c’est bien ce dernier qui a tout gardé sans en avoir fait profiter la malheureuse femme du prisonnier. Sous la menace, il révèle la cachette des dollars ; non seulement Felix le dévalise mais l’assassine froidement ainsi que sa mère invalide. Le soupçonnant fortement mais n’ayant aucune preuve contre Felix, les autorités ont l’idée de lui tendre un piège ; pour se faire, ils libèrent Daniel qui espère ainsi se racheter une conduite en aidant à appréhender l’assassin…

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Après les très belles réussites que constituaient Sur la piste des Comanches (Fort Dobbs) et Les Loups dans la vallée (The Big Land), tous deux sortis dans les salles américaines seulement quelques mois auparavant, on pouvait espérer beaucoup en ce milieu d’année 1958 de ce nouveau western signé Gordon Douglas. Cependant, lorsque je le découvrais, quelle ne fut pas mon immense déception pour ce western/thriller que je trouvais aussi mauvais qu’ennuyeux. Et ce n’est aucunement en comparaison de son illustre prédécesseur dont il est le remake (non moins que Kiss of Death - Le Carrefour de la mort de Henry Hathaway qui faisait découvrir au grand public le génial Richard Widmark) puisque je n’en avais alors pas eu connaissance et que je n’aurais de toute manière pas reconnu l’intrigue, mon précédent visionnage du célèbre film noir d’Hathaway étant bien trop lointain. Apprenant ensuite sa très mauvaise réputation aux USA, je me sentais rassuré quand à mon ressenti. Puis je tombais, au sein des bonus du DVD sorti chez Sidonis, sur le semi-enthousiasme de Bertrand Tavernier ainsi que sur des avis élogieux de divers internautes ici et là. Je décidais donc d’oublier ma première expérience malheureuse (due peut-être à de mauvaises conditions ce jour-là) et de redonner au film une seconde chance sans plus aucun à priori. Peine perdue ; sa deuxième vision me fut un égal calvaire ! Le cinéaste fera néanmoins encore pire une dizaine d’années plus tard avec son calamiteux remake de Stagecoach (La Chevauchée fantastique) de John Ford, Gordon Douglas étant même arrivé à rendre mauvais le génial Van Heflin !

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On savait Gordon Douglas capable du meilleur comme du pire. On peut dire que ses tentatives de remakes ou de réadaptations auront donné le pire même si la brillante entrée en matière de The Fiend who Walked the West, avec cette très efficace scène de hold-up nocturne, laissait augurer un western de qualité. Dans le même genre d’idées, celui de mettre en chantier des transpositions westerniennes de fameux films noirs, il y avait déjà eu, pour ne citer que les plus célèbres, Raoul Walsh refaisant son propre High Sierra (La Grande évasion) avec Colorado Territory (La Fille du désert), Edward Dmytryk reprenant House of Strangers (La Maison des étrangers) de Joseph L. Mankiewicz pour faire Broken Lance (La Lance brisée) ou encore Delmer Daves transposant le notoire Asphalt Jungle (Quand la ville dort) de John Huston pour faire The Badlanders (L’or du hollandais). Ces trois relectures avaient été d’honorables réussites, parfaitement transposées dans l'Ouest américain, ce qui en faisaient de purs westerns. Ce n’est pas le cas pour le film de Gordon Douglas qui, hormis les décors et les costumes, ressemble cette fois plus à un thriller psychologique ou à un film noir horrifique qu’à un western. Ce qui n’est d’ailleurs en soi pas un défaut ! Seulement, Gordon Douglas semble ne pas avoir été inspiré par ce script, témoin un montage calamiteux, les séquences se suivant sans aucune fluidité, l’ensemble paraissant totalement haché par des fondus au noir qui semblent avoir été placés n’importe comment ; on a l’impression que la moitié des séquences ont été coupées avant qu’elles n'aient été terminées ; à moins que les auteurs aient voulu utiliser l’ellipse à outrance sans que ce ne soit bien compris par le réalisateur ?! Quoi qu’il en soit, la construction est inharmonieuse au possible.

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Les auteurs sont pourtant loin d’être des débutants et encore moins des tâcherons. Si on ne sait plus trop quoi penser de Philip Yordan qui selon certains n’aurait jamais rien écrit d’autres que des signatures de chèques, Harry Brown est le scénariste de films splendides tels Le réveil de la sorcière rouge (Wake of the Red Witch) de Edward Ludwig, Iwo Jima de Allan Dwan ou encore Le Temps de la colère (Between Heaven and Hell) de Richard Fleischer. Malgré tout, le duo accouche d’un script intempestivement bavard et qui manque singulièrement de concision. Mais la plus grosse erreur vient sans doute du casting car on imagine sans peine qu’avec des comédiens chevronnés, ce western aurait pu se révéler au moins plaisant à regarder. Non seulement Robert Evans s’avère être un sacrément mauvais cabotin mais Hugh O’Brian (second rôle plutôt correct dans de nombreux westerns de série B) se révèle incapable de porter le film sur ses épaules, aussi fade que son partenaire peut-être pénible et peu subtil ; c’est peu dire ! Les personnages interprétés par Linda Cristal, Dorothy Michaels ou Stephen McNally étant sacrifiés, on ne peut pas dire que nous soyons à la fête niveau jeu d’acteurs. Ceux qui auraient envie de voir un honnête western avec un inquiétant psychopathe du style de celui joué par Robert Evans devraient aller jeter un coup d’œil à Crépuscule sanglant (Red Sundown) de Jack Arnold avec un Grant Williams tout à fait mémorable : c'est lui qui, pour son premier rôle au cinéma, était chargé de personnifier Chet Swann, l'inquiétant tueur à gages. La séquence de torture psychologique qu'il inflige à un couple de vieux fermiers pour les effrayer est absolument géniale, d'une extrême tension ; le comédien, beau gosse et tout sourire, accomplit une prestation tout à fait réjouissante, rendant son personnage d'autant plus vicieux et effrayant que son visage n'est jamais crispé et qu'il semble sadiquement s'amuser. Voilà ce que nous aurions aimé dire de l’interprétation de Robert Evans qui ne sera malheureusement qu'outrée et grimaçante, voire même bouffonne et ridicule ; si le comédien est médiocre, en revanche son palmarès en tant que producteur sera impressionnant dans les années 70/80 (Le Parrain, Love Story, Chinatown, Cotton Club...)

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Gordon Douglas, en panne d’inventivité et de dynamisme, tout aussi incapable de donner du rythme à son film (hormis lors de la séquence initiale, celle du hold-up), que de faire naitre une quelconque tension, nous ennuie à mourir ; son film semble durer une éternité. Machiavélisme, sadisme, cruauté, perversion, violences et turpitudes en tous genres (assassinat à l'arc d’une vieille femme estropiée ; maîtresse battue ; femme enceinte terrorisée ; pédophilie sous-jacente…) que l’on regarde pourtant sans jamais être oppressé ni choqué, sans jamais frémir ; ce qui prouve bien le ratage de l’ensemble là où nous aurions souhaité un film glaçant d’effroi. J'ai néanmoins retenu un point positif à ce film, un magnifique noir et blanc par le grand chef-opérateur Joseph McDonald. Pour l’anecdote enfin, en pleine grève des compositeurs, la musique du générique choisie par la Fox n’est autre que celle du célèbre film de science-fiction pacifiste, Le Jour où la terre s’arrêta (The Day the Earth Stood Still) de Robert Wise sans que l’orchestration de Bernard Herrmann ne soit modifiée, le theremin s’y retrouvant aussi. Mais n’écrasons pas plus ce western sous les critiques négatives et laissons les spectateurs juger sur pièce ; au vu de ce que j’ai pu lire à droite à gauche, les conquis sont plus nombreux que les déçus.
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

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TERROR IN A TEXAS TOWN est un western au rythme lent et envoûtant, parsemé de détails insolites. Avec ce film, Joseph H.Lewis met un point final à une carrière consacrée à la série B d'où émerge quelques chef-d'oeuvres inoubliables: " the big combo", " the Halliday brand", et bien sûr " Gun crazy". Si " Terror in a Texas town" n'égale pas ces trois titres, il est bougrement intéressant et original.
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Jeremy Fox
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

Message par Jeremy Fox »

Chip a écrit :TERROR IN A TEXAS TOWN est un western au rythme lent et envoûtant, parsemé de détails insolites. Avec ce film, Joseph H.Lewis met un point final à une carrière consacrée à la série B d'où émerge quelques chef-d'oeuvres inoubliables: " the big combo", " the Halliday brand", et bien sûr " Gun crazy". Si " Terror in a Texas town" n'égale pas ces trois titres, il est bougrement intéressant et original.

Pour ma part, je ne le trouve aucunement intéressant ni original (y compris dans la forme dans la mouvance de 40 tueurs mais pourquoi faire ?) et de plus extrêmement mauvais mais j'en dirais plus la semaine prochaine (d'ailleurs, une fois n'est pas coutume, Tavernier en pense la même chose que moi). Certes il a réalisé des chefs-d’œuvre mais je trouve qu'avec ce film il termine bien mal sa carrière et semble ne s'être intéressé ici qu'à la beauté et à l'originalité de ses cadrages, faisant fi du reste, caricatural, convenu et pour tout dire pénible et ennuyeux. Quant à Gerald Fried, il est crispant.
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Terror in Texas Town

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Terreur au Texas (Terror in Texas Town - 1958) de Joseph H. Lewis
UNITED ARTISTS


Avec Sterling Hayden, Carol Kelly, Sebastian Cabot, Nedrick Young
Scénario : Dalton Trumbo
Musique : Gerald Fried
Photographie : Ray Rennahan (Noir et blanc 1.85)
Un film produit par Frank N. Seltzer pour la United Artists


Sortie USA : Septembre 1958


La petite ville de Prairie au Texas. Le vieil émigré suédois Hansen refuse de vendre sa propriété au riche homme d’affaires Ed McNeil (Sebastian Cabot) qui convoite ses terres ainsi que celles de ses autres voisins, ayant appris qu’elles regorgeaient de pétrole. McNeil envoie à cet entêté son tueur à gages, Johnny Crale (Nedrick Young), afin de le menacer et lui faire changer d’avis. Mais devant la détermination d’Hansen, Johnny l’assassine de sang froid. Ce que le pistolero ne sait pas c’est qu’il y a eu des témoins de son meurtre en la personne des employés mexicains du fermier dont le chef de famille est Jose Mirada (Victor Millan). Trois jours après la mort d’Hansen, son fils George (Sterling Hayden), arrivant de l’Est, vient lui rendre visite. Après qu’il ait été informé de ce drame, il se lance dans une enquête, bien décidé à découvrir les assassins de son père. Malheureusement, il se heurte au mutisme des citoyens de la ville, la peur leur liant la langue. Même Jose Mirada n’ose rien dire, son épouse craignant pour sa vie. Peu après, George est assommé et mis, inconscient, dans un train. Mais quand il reprend ses esprits, ne voulant pas en démordre, il retourne à Prairie bien décidé à aller jusqu’au bout de son idée, venger son père. Il est hébergé par les Mirada qui cette fois lui apprennent la vérité sur l’identité des meurtriers...

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Lorsque l’on évoque le nom de Joseph H. Lewis, on pense avant tout au film noir ; il s'agit en effet, avec pourtant peu de titres à son actif, de l'un des plus grands cinéastes de série B ayant œuvré dans le genre. On se souviendra surtout du fulgurant Gun Crazy (Le Démon des armes), du très bon A Lady Without Passport ainsi que de l'excellent The Big Combo (Association criminelle). Lewis a également réalisé, étalés sur une vingtaine d’années, une quinzaine de westerns devenus pour la plupart rarissimes. Ils furent tournés exclusivement pour les studios Universal et Columbia et ne dépassèrent presque jamais les 60 minutes afin d’être diffusés en salles en premières parties de programme. Si son premier western de relative importance, A Lawless Street (Ville sans loi), était un film très agréable avec Randolph Scott, assez original sur la forme, nous étions loin d'atteindre le niveau des films noirs précités : trop d’afféteries dans la réalisation là où on aurait souhaité plus de simplicité. Cela étant dit, l'intrigue avait tellement été vue et revue que pour sortir du lot, le cinéaste s'était peut-être senti obligé de forcer la dose et de trop en faire au risque de se regarder parfois filmer. On pourrait dire la même chose de Terror in Texas Town sauf que concernant ce dernier film, le constat est encore plus poussé, le cinéaste semblant ne plus s’être préoccupé que de ses cadrages, la minceur à la fois de son intrigue et de son scénario (signé Ben L. Perry puisque Dalton Trumbo était alors ‘blacklisté’ et interdit de travailler à Hollywood suite au maccarthysme) ne pouvant retenir l’attention bien longtemps, l’ensemble s’avérant non seulement prétentieux mais également horriblement languissant, lourd et caricatural.

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Comme l’écrivaient assez justement Bertrand Tavernier et Jean-Pierre Coursodon dans leur 50 ans de cinéma américain : "Il y a un mystère Lewis ; il ne tient pas tant à l'inégalité de sa production, encore qu'entre The Big Combo et 7th Cavalry il y a un vrai abîme, et qu'à côté de recherches techniques ou formelles sidérantes, on peut tomber sur des films totalement plats..." Et l'on ne pouvait qu’entériner cet avis à la vision de 7th Cavalry (La Mission du Capitaine Benson), son western suivant (toujours avec Randolph Scott), qui ne pouvait que décevoir les admirateurs du cinéaste. Encore assez intéressant, ce western de cavalerie était encore inférieur à Ville sans loi, le cinéaste ne faisant des étincelles qu'à de rares instants, le reste s'avérant formellement parlant assez quelconque. On ne peut en revanche pas dire que Terreur au Texas soit plastiquement terne, la photographie en noir et blanc de Ray Rennahan étant somptueuse, les plans de Joseph H. Lewis souvent formidables (voir les premiers gros plans de nuit sur les fermiers, qui font penser à ceux de John Ford dans Les Raisons de la colère). Mais en évoquant justement John Ford, on se souvient à quel point son film le plus formaliste était aussi l’un de ses plus horripilants ; je parle de Dieu est mort (The Fugitive). Il en va de même pour de 16ème western de Joseph H. Lewis qui constitue également son dernier film avant qu’il ne se tourne vers la télévision. Un riche homme d’affaires qui domine la ville et qui fait tout pour s’approprier les terres alentour ; un homme qui vient venger son père tué par ce tyran local ; une petite réflexion sur la fin d’une époque qui n’accepte plus les pistoléros (décidément cette année 1958 semble avoir voulu être celle annonçant le western crépusculaire, le thème ayant été récurrent durant cette période)… on a déjà vu ça cent fois ; mais ça n’aurait pas été gênant si les auteurs avaient cru à ce qu’ils montraient. Malheureusement, ça ne semble pas avoir été le cas tellement l’ensemble se traine lamentablement, écrit à la va-vite avec des dialogues vraiment affligeants de platitude.

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Le budget a certes été minime ($80,000), les jours de tournage réduits à peau de chagrin (10 jours), mais ces contraintes ne doivent pas servir d’excuses à ce ratage, puisque certains westerns ayant été réalisés dans des conditions de production identiques se sont avérés passionnants. Ici, Joseph H. Lewis semble avoir souffert de ces moyens ridicules et parait s’être contenté de se faire plaisir avec ses cadrages. Tavernier et Coursodon écrivaient d’ailleurs "Terror in Texas Town ne vaut que par quelques détails […] Les quelques tirades sociales, d'ailleurs fort mal écrites et pesantes, sont filmées avec un manque absolu de conviction, comme si Lewis s'en désintéressait..." Je ne peux qu’aller dans leur sens même si je comprends parfaitement que ceux qui recherchent un ton autre et une mise en scène moderne et originale puissent avoir pris du plaisir à la vision de ce western qui compte ses admirateurs. Car il est clair qu’il ne ressemble à aucun autre, pour le meilleur ou pour le pire, c’est selon. Déjà le film commence par la fin, le coup du harpon n’étant du coup plus une surprise pour personne (l'affiche ne l'ayant pas caché non plus). Le générique qui s’ensuit constitue une sorte de ‘trailer’ du film, le spectateur pouvant dès lors avoir un aperçu de la plupart des scènes d’action à venir. Tout ceci défile sur l’agaçante musique de Gerald Fried (le premier compositeur de Stanley Kubrick) qui a orchestré sa partition avec seulement deux instruments, la guitare sèche et la trompette. Indépendamment du film, sa musique n’est pas forcément désagréable mais elle colle très mal aux images et surtout ne sait pas s’arrêter aux bons moments, le spectateur ayant parfois envie de crier pour qu’elle stoppe enfin ; ça avait déjà été le cas pour Trooper Hook de Charles Marquis Warren. Pourquoi un tel démarrage qui trompe d’ailleurs le spectateur sur le rythme du film ? Car contrairement à ce que l'’on voit d’emblée, le film sera quasiment dépourvu d’action et de quelques péripéties que ce soit, mais au contraire intempestivement bavard et statique. Les auteurs nous trompent donc d’emblée sur la marchandise inventant en quelque sorte ici la bande annonce mensongère intégrée à même le film ; ce n’est cependant effectivement pas banal même si assez racoleur !

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Au cours du reste du film, hormis de surprenantes idées formelles, pas grand-chose à retenir d’original et surtout pas au sein de l’intrigue languissante et caricaturale à force de clichés. Quant à l’interprétation, hormis Sterling Hayden, charismatique à souhait dans la peau de cet homme naïf et entêté, fonçant tête baissée dans les ennuis, elle n’est pas du tout convaincante, Nedrick Young et surtout Carol Kelly s’avérant non seulement peu expressifs (la comédienne surtout que l’on croirait sortie d’un film de zombies) mais même pour tout dire excessivement mauvais. Sebastian Cabot, un peu meilleur, incarne en quelque sorte le capitalisme galopant prêt à tout pour éliminer la concurrence. Dommage que le scénariste ne lui ait pas donné un rôle plus consistant et moins convenu. Finir sa carrière sur un film aussi fauché (on ne voit jamais personne dans les rues de la ville) en même temps que raté et fortement ennuyeux est assez triste. Heureusement, il nous reste ce duel inattendu, assez concis mais très réussi. Un western certes hors norme sur la forme (car le fond est ultra classique) mais, hormis quelques élément incongrus assez cocasse, péniblement guindé, sans vie et sans âme. Mieux vaut ne pas s’arrêter sur une telle fausse note et retourner voir Gun Crazy ou The Big Combo ; à cette époque pourtant pas si éloignée, le réalisateur possédait encore un sacré sens du rythme et de l’efficacité !
Chip
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

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Critique subjective, bien étayée, qui ne modifie en rien mon avis pour le film.
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Jeremy Fox
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

Message par Jeremy Fox »

Chip a écrit :Critique subjective, bien étayée, qui ne modifie en rien mon avis pour le film.
Heureusement ; il en va d'ailleurs de même pour moi ; rarement une critique n'arrive à me faire changer d'avis sur mon ressenti en tout cas :wink:

Mais existe t'il des critiques totalement objectives ? Et serait-ce vraiment intéressant à lire ? J'essaie de l'être le plus possible mais il y a toujours une part de subjectivité dans l'appréciation d'un film. Et heureusement ; sinon tout le monde aimerait la même chose.
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