Les Rebelles du Missouri (The Great Missouri Raid, 1951) de Gordon Douglas
PARAMOUNT
Avec Wendell Corey, MacDonald Carey, Edgar Buchanan, Ellen Drew, Ward Bond, Bruce Bennett, Anne Revere, James Millican
Scénario : Frank Gruber
Musique : Paul Sawtell
Photographie : Ray Rennahan
Une production Nat Holt pour la Paramount
Sortie USA : 07 avril 1951
Les frères James et leur entourage (parents, complices ou amis) ont décidément le vent en poupe à cette époque ; pas une année sans que leurs exploits, leur légende, leur vie aventureuse ou leurs drames personnels soient évoqués au travers d'un film. Après
J'ai Tué Jesse James (I Shot Jesse James) de Samuel Fuller en 1949 et
Kansas en Feu (Kansas Raiders) de Ray Enright en 1950, voici que Gordon Douglas pour son troisième western nous présente sa propre version de "la période hors-la-loi" des frères James. Il fait débuter son film durant la Guerre de Sécession alors qu’aux côtés des frères Younger, Franck et Jesse sévissent en tant que francs-tireurs, et le fait se conclure, comme il se doit, par la trahison de Bob Ford, lorsque ce dernier tire dans le dos de Jesse alors que, perché sur une chaise, il allait remettre un tableau droit. Un fait historique célèbre, une image désormais connue de la plupart, Henry King ayant fait se terminer sa version par la même séquence, Fritz Lang l’ayant repris au tout début de sa séquelle. Quoiqu'il en soit, Henry King peut dormir sur ses deux oreilles ; sa chronique lyrique tient encore le haut du pavé en ce qui concerne cette "histoire" !


La fin de la Guerre Civile est arrivée mais Frank (Wendell Corey) et Jesse James (MacDonald Carey) ainsi que les frères Younger sont toujours recherchés par l’armée adverse pour avoir fait partie des renégats de Quantrill, auteurs d’innombrables actes de terrorisme. A la ferme familiale des James, le Dr Samuels (Edgar Buchanan), le beau-père des deux frères, est sur le point de se faire lyncher par les soldats nordistes s’il n’avoue pas où se cachent les deux rebelles. Mais Frank et ses hommes arrivent à temps, délivrent le docteur et tuent un des soldats. Désormais recherché pour meurtre, ils sont obligés de partir se cacher loin d’ici jusqu’au jour où ils apprennent que tous les francs-tireurs et partisans sudistes seront désormais amnistiés. Ne voulant prendre aucun risque, craignant un piège, Frank se rend seul dans la ville d'Independence pour savoir ce qu’il en est réellement. Le Major Trowbridge (Ward Bond) lui donne sa parole que toute la bande sera graciée à condition de venir signer l’acte de soumission à l’Union. Mais Trowbridge, désirant ardemment se venger de la mort de son frère causée par les James, ne compte pas honorer sa promesse mais les faire tomber dans un piège dans l’intention de les faire arrêter, juger et faire pendre. Le traquenard échoue et la bande réussit à s’échapper. Leurs têtes étant désormais mises à prix, considérés comme de dangereux hors-la-loi, ils décident maintenant d’agir comme tel et d’attaquer banques et trains. Avant ça, Jesse va soigner ses blessures au Nebraska chez une cousine, Bee Moore (Ellen Drew), dont il tombe amoureux. Ils se marient dans la foulée mais peu après Jesse est de nouveau obligé de fuir, sans cesse poursuivi par Trowbridge qui a quitté l’armée pour ouvrir sa propre agence de détectives…


Quelques mois seulement après le très agréable
Kansas Raiders dans lequel Audie Murphy tenait le rôle de Jesse James sortait donc sur les écrans américains un nouvel opus mettant en scène le célèbre ‘brigand bien aimé’. Était-il bien nécessaire ? Qu’allait-on apprendre de plus que ce qu’Henry King, Samuel Fuller ou Ray Enright nous avaient auparavant dévoilés ? Pas grand-chose mais ce n’aurait pas été gênant si Gordon Douglas nous avait offert un western au moins aussi plaisant que son précédent,
The Nevadan avec Randolph Scott. Mais, si
Les Rebelles du Missouri est passé en France totalement inaperçu, si cette version de la vie des James nous était totalement inconnue, ca me semble normal et mérité au vu de sa médiocrité d’ensemble. Le prologue était pourtant prometteur, qui voyait une cavalcade effrénée des hors-la-loi alors que la douce et grave voix off d’une femme (Anne Revere) nous les décrivait un par un avec une certaine mélancolie semblant annoncer leur destin tragique ; cette femme sait de quoi elle parle pour les connaître très bien puisqu’il s’agit tout simplement de la mère de Frank et Jesse. Où l’on apprend par exemple que Cole Younger aurait du être avocat et d’autres anecdotes qui nous étaient jusque là plutôt ignorées. Si cette femme honnête ne les soutient pas dans leurs crimes et larcins, elle leur trouve quand même l’excuse de l’époque violente à laquelle ils vivent et des humiliations qu’ils ont du subir, estimant que ce sont les vainqueurs de la guerre civile qui les ont poussés dans cette mauvaise voie.


En effet, s’ils aspiraient à la paix quant ils ont appris l’amnistie, certains ne les ont pas laissé se rendre souhaitant au contraire les piéger, les poussant à commettre des crimes par légitime défense. Repoussés par une société qui leur est hostile (on peut certes aussi la comprendre car la bande de William Quantrill était quand même constituée de véritables égorgeurs), voyant toutes les portes de pardon se refermer devant eux, ils n’ont plus qu’une chose à faire : se comporter en hors-la-loi puisqu’ils ont été taxés comme tels ; ils pensent ainsi ne plus rien avoir à perdre. Des hommes victimes des circonstances même si leurs forfaits ne peuvent être tolérables. Cet aspect tragique semblait devoir être très intéressant mais malheureusement le film ne tiendra pas ses promesses par la suite ; le résultat est ultra conventionnel et peu attachant, les scénaristes ayant privilégié la vitesse d’exécution à la richesse des personnages. Un western certes sans temps morts, filant frénétiquement à 100 à l’heure mais du coup sans aucune émotion ! Une succession répétitive et vite lassante de poursuites à cheval, de fusillades, de bagarres, d’attaques de trains et banques, de trahisons, de guet-apens… Si seulement Gordon Douglas avait été inspiré sur le coup ! Mais à part s’essayer à de curieux plans et cadrages (cavaliers vus à partir de l’intérieur d’une grotte, à travers les roues d’un chariot), sa mise en scène manque cruellement de conviction et n’assure finalement pas vraiment probablement peu concerné lui non plus par cette histoire cent fois vue et revue.


La cadence infernale du rythme empêche les spectateurs d’éprouver de l’empathie pour des protagonistes trop chichement écrits ; ce n’est donc aucunement la faute à ces bons comédiens que sont Wendell Corey (le personnage principal de
The Furies d’Anthony Mann), Ward Bond, Edgar Buchanan ou MacDonald Carey s’ils ne sortent pas grandis de l’aventure ; le scénariste ne leur a pas laissé le temps d’approfondir leurs personnages ou de prouver leur talent dramatique. Paradoxalement, alors que leurs temps de présence est moindre, ce sont les femmes qui ont bénéficié du traitement le plus intéressant : Anne Revere, Lois Chartrand et Helen Drew (précédemment vue dans
Le Baron de l’Arizona de Samuel Fuller et dans
Stars in my Crown de Jacques Tourneur) sont bien plus mémorables, leurs personnages constamment sur le qui vive, passant leurs journées dans l’angoisse d’apprendre que leur fils ou époux ait été tué. A niveau comparable, tout aussi rythmé, le film de Ray Enright avec Audie Murphy est largement plus recommandable et beaucoup plus agréable. Le western de Gordon Douglas s'avère d’une grande banalité mais le Technicolor flamboyant, une réalisation carrée et d’honnêtes comédiens pourront néanmoins faire passer un bon moment aux moins exigeants. Ce qui ne fait pas moins de ces
Rebelles du Missouri, la version la moins convaincante et la plus conventionnelle mettant en scène le gang James/Younger. Mais à peine une semaine après, le cinéaste prouvera qu'il était capable, dans le même genre, de faire bien mieux !