Le Western américain : Parcours chronologique II 1950-1954

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Rick Blaine
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 2 (50

Message par Rick Blaine »

Jeremy Fox a écrit : Autre chose pendant que nous y sommes : pour ceux qui liraient mes résumés des histoires (que je mets en italique pour les différencier du reste et non parce que je fais un copier-coller d'une source différente), vous paraissent-ils clairs ? Par exemple celui-ci, car parfois les intrigues sont plutôt ardues à raconter et je me demandais si ceux qui n'auraient pas vu les films y comprendraient quelque chose ?
Pour moi aussi c'est très clair, tu n'en racontes pas trop mais c'est suffisamment détaillé pour savoir de quoi on parle, bref, c'est nickel. :wink:
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Jeremy Fox
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 2 (50

Message par Jeremy Fox »

feb a écrit : capture du titre (ça j'adore :wink: )
Je suis fan ; je ne mettrais que ça en fond d'écran :wink:

Pour le Wise, la source est un enregistrement TV sur DVD en VOSTF ; je vas essayer de le préciser à chaque fois désormais.
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Père Jules
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 2 (50

Message par Père Jules »

Jeremy Fox a écrit :
feb a écrit : capture du titre (ça j'adore :wink: )
Je suis fan ; je ne mettrais que ça en fond d'écran :wink:
Pendant un temps j'avais voulu faire un petit site perso où je n'aurais posté que les captures de titres des films vus.
Mais bon, c'est du boulot, et puis ça n'a aucun intérêt :mrgreen:
feb
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 2 (50

Message par feb »

Jeremy Fox a écrit :Je suis fan ; je ne mettrais que ça en fond d'écran :wink:
:fiou: Les grands esprits se rencontrent
Jeremy Fox a écrit :Pour le Wise, la source est un enregistrement TV sur DVD en VOSTF ; je vas essayer de le préciser à chaque fois désormais.
Merci beaucoup Jeremy pour cette info supplémentaire :wink:
Père Jules a écrit :[Pendant un temps j'avais voulu faire un petit site perso où je n'aurais posté que les captures de titres des films vus.
Mais bon, c'est du boulot, et puis ça n'a aucun intérêt :mrgreen:
Ne te casse pas la tête Papa Jules, va jeter un oeil sur les sites que je consulte de temps en temps
http://www.annyas.com/screenshots/
http://www.shillpages.com/movies/index2.shtml
Que du bonheur :wink:
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Jeremy Fox
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Rocky Mountain

Message par Jeremy Fox »

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La Révolte des dieux rouges (Rocky Mountain, 1950) de William Keighley
WARNER


Avec Errol Flynn, Patrice Wymore, Scott Forbes, Guinn « Big boy » Williams, Dickie Jones, Howard Petrie, Slim Pickens, Chubby Johnson...
Scénario : Winston Miller et Alan Le May
Musique : Max Steiner
Photographie : Ted D. McCord
Une production Williams Jacobs pour la Warner


Sortie USA : 11 novembre 1950


Hasard de la distribution, La Révolte des Dieux Rouges (encore un titre qui ne veut pas dire grand chose par rapport à l'intrigue mais qui a du éveiller la curiosité et les rêves d'aventure de plus d'un jeune cinéphile) pourrait presque être la suite de Two Flags West de Robert Wise, atterri sur les écrans américains seulement un mois auparavant. Rappelons-nous que le personnage de Joseph Cotten, officier sudiste intégré malgré lui au sein des Tuniques Bleues, avait rencontré lors d'une mission en extérieur, des agents confédérés infiltrés qui préparaient au Texas la destruction du blocus que les yankees avaient mis en place pour que les californiens ne puissent pas prendre part à la guerre civile, coupés des lignes de front par d’innombrables patrouilles de soldats de l’Union. Alors que l’année suivante, en 1865, la Guerre de Sécession est en train de basculer vers une victoire presque certaine de l’Union, le petit groupe de confédérés emmenés par Errol Flynn aurait pu être ce groupuscule d'espions "rebelles" puisque, sur les ordres du général Lee, il cherche à atteindre la Californie pour lever des soldats de fortune prêts à se battre pour une cause quasiment perdue, prêt à prendre les rênes de l'état en le déstabilisant et y délogeant tous les Yankees. Le film de William Keighley (notamment coréalisateur des Aventures de Robin des Bois avec Michael Curtiz) est basée sur une histoire vraie ; il débute d'ailleurs à l'époque du tournage, une voiture s'arrêtant devant la plaque commémorative située au sein d'un grandiose paysage rocailleux, à l’endroit même de la mort héroïque des huit soldats confédérés tombés au combat face à une centaine d’indiens.
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Mai 1865, un petit détachement de la cavalerie confédérée conduit par le capitaine Lafe Barstow (Errol Flynn) pénètre en Californie à plus de 3000 kilomètres de la ligne de front afin de lever de nouvelles troupes. Commissionné par le général Robert E. Lee, ils ont rendez-vous au sommet de Rocky Mountain (aussi nommée Ghost Mountain) avec un certain Cole Smith, chef d'une bande de 500 hommes qui doivent prêter main forte aux sudistes dans une dernière tentative désespérée de sursaut face à des ennemis Yankees sur le point de remporter la guerre ; ils espèrent notamment tenter de prendre le contrôle de cette partie de l'Ouest des Etats-Unis à défaut d'être victorieux du conflit civil qui dure maintenant depuis plus de cinq ans. Mais les choses ne se déroulent pas comme prévues et ils se retrouvent bloqués à la cime de cette montagne par le fait d'avoir voulu protéger une diligence d'une attaque indienne se déroulant sous leurs yeux au milieu de l'immense plaine qu'ils surplombent. Ils arrivent à faire fuir les Peaux-Rouges et à sauver le conducteur (Chubby Johnson) ainsi qu'une jeune femme, Johanna Carter (Patrice Wymore), qui se rendait à la rencontre de son fiancé, un lieutenant unioniste (Scott Forbes). Ils retournent alors se réfugier au sommet de Rocky Mountain où ils se retrouvent obligés de tenir le siège face aux indiens qui ne comptent pas en rester sur un échec. Le lendemain matin, alors que les Soshones semblent vouloir leur laisser un répit, une petite troupe de Nordistes partie à la recherche de Johanna arrive à leur rencontre ; l'homme qui la dirige n'est autre que le futur époux de Johanna. Barstow et ses hommes sont obligés de les faire prisonniers de guerre mais la menace indienne est plus que jamais présente. Cole Smith part chercher du renfort mais arrivera-t-il à temps ?

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A les visionner à la suite, il est amusant de constater le grand nombre d'éléments communs entre Two Flags West et ce Rocky Mountain. Les personnages interprétés par Joseph Cotten et Errol Flynn étaient tous deux propriétaires d'une plantation qu'ils ont du abandonner suite à "l'invasion" des soldats ennemis ; ils se sont tous deux retrouvés sur les mêmes champs de bataille et il n'est pas impossible qu'ils aient tués, pour l'un le mari de Linda Darnell, pour l'autre le frère de Patrice Wymore, deux femmes qu'ils ont maintenant face à eux et devant qui ils se sentent un peu gênés même si ces dernières ne leur en tiennent pas rigueur, comprenant qu'il s'agissait d'un "cas de force majeure". Malheureusement, il est un autre point commun entre les deux westerns, pas très glorieux celui-ci : ils s'avèrent être l'un comme l'autre très moyens et souvent ennuyeux malgré des potentiels de départ franchement enthousiasmants. Mais si le film de Wise était plus raté que réellement mauvais, celui de Keighley, entre deux superbes séquences d'action qui ouvrent et clôturent le film, ressemble à du mauvais théâtre, nous proposant un huis-clos à ciel ouvert avec répliques sans intérêts, personnages sans reliefs et bavardage intempestif. Car pour qu'un huis-clos reste passionnant de bout en bout, il faut avant tout des protagonistes richement décrits et des dialogues justes ou brillants ; il n'en est rien ici. Certains réalisateurs comme Budd Boetticher réussiront à nous faire aimer leurs personnages par l'intermédiaire de séquences dialoguées à priori banales mais qui feront percer l'humanité sous leur apparente carapace monolithique ; les scénaristes de Rocky Mountain voulurent faire de même sauf que c'est la facilité qui l'emporte le plus souvent, les anecdotes racontées par les différents personnages la nuit autour du feu de camp n'ayant absolument aucun intérêt, l'émotion n'arrivant presque jamais à affleurer alors qu'il semble que ce soit l'effet recherché. Il faut dire que la direction d'acteur s'avère médiocre et que seul Errol Flynn, malgré la fatigue qui se lit sur son visage grave, arrive à donner un semblant d'épaisseur et de charisme à son personnage d'officier désespéré qui ne vit plus que pour sa mission ("General Lee dealt the cards; it's up to me to play them now"). Patrice Wymore, qui deviendra sa troisième épouse à l'issu du tournage, est une actrice d'une rare fadeur et hormis le fait de rencontrer Slim Pickens pour la première fois, on ne peut pas dire que le reste du casting brille par sa présence et son talent. S'il est sympathique de retrouver Guinn "Big Boy" Williams aux côtés de son partenaire d'élection, il n'a que peu de temps de présence et semble totalement effacé.

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Et pourtant, que ce western débutait bien ! Le générique se déroule sur un thème que Max Steiner a repris d'une autre de ses compositions mais qu'il décline sur un tempo plus lent et sur un ton plus sombre (après ce départ plutôt encourageant, le compositeur s'avèrera malheureusement en très petite forme). La première image qui voit la voiture s'arrêter devant la plaque commémorative et les séquences muettes qui s'ensuivent nous montrant le petit groupe s'avancer au milieu de paysages superbement mis en valeur nous ouvrent l'appétit. Arrivés au sommet de la montagne, le film nous fait découvrir des plans d'ensemble d'une immensité assez impressionnante (rarement nous en avions encore vu de tels excepté chez John Ford notamment dans Fort Apache et Wagonmaster). Les plans à travers la longue vue sont assez novateurs et la poursuite de la diligence par les indiens filmée de très très loin, ne nous montrant que des trainées de poussière, est plastiquement superbement réussie. Certains des plans éloignés nous faisant embrasser d'un seul coup d'œil tous les protagonistes du drame à venir ainsi que la tactique d'attaque des indiens m'ont parfois fait penser aux futurs cadrages sur les champs de bataille du Spartacus de Kubrick ! Autant dire que ce prologue est formidable ! Mais voilà que nos héros décident d'aller aider la diligence à se dépêtrer de cette dangereuse situation. Le montage et le découpage semblent manquer de rigueur mais ça reste encore efficace. Puis la voix-off du personnage joué par Errol Flynn se met à nous présenter ses compagnons alors qu'ils sont en pleine action ; le résultat ne se fait pas attendre : alors que ce devait être le premier climax du film, ça nous le gâche complètement, l'alourdissant considérablement, la force des images étant annihilée par ce commentaire sans intérêt. Quant en plus de ça, le scénariste à décidé en parallèle de nous faire suivre la course d'un chien à la poursuite de son maître sur un thème musical bêta, on déchante immédiatement en se disant que ça se commence sérieusement à se gâter.

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Et en effet, s'ensuivra une heure de film franchement ennuyeuse, un huis-clos en plein air où même les scénaristes se verront dans l'obligation de multiplier parfois les points de vue cassant la dramaturgie et nous rendant le film encore plus raté : pourquoi d'un seul coup aller suivre les Nordistes voire même les indiens (ou pire encore, le chien) durant quelques secondes, cassant ainsi l'unité de lieu et d'action ? Une succession de séquences au cours desquelles les protagonistes se confieront entre eux mais pour nous raconter des anecdotes insignifiantes dans le genre de comment apprendre au chien à s'assoir, comment l'un d'eux a amené un plateau repas au Général Lee et autres situations guère plus passionnantes ou totalement conventionnelles. La photographie est en revanche très réussie, assez culottée concernant les nombreuses séquences nocturnes, le chef-opérateur ayant décidé de les rendre très sombre pour un résultat au plus grand réalisme. Ce fut d'ailleurs le premier film de la Warner depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale a être entièrement tourné en dehors des studios, sur les lieux même de l'action ; et c'est plutôt une bonne chose car l'utilisation des décors naturels de Gallup au Nouveau Mexique est sans doute la meilleure chose du film : Keighley et son équipe filment à merveille ses paysages rocailleux assez étonnants, ses immenses rochers à pics, ses falaises impressionnantes, ses pics redoutables.

Beaucoup de mauvaises idées scénaristiques ou de mise en scène qui ont gâché un beau potentiel de départ pour un western finalement routinier qui mérite néanmoins un coup d'œil ne serait-ce que pour la formidable mise en valeur des paysages ainsi que pour les deux séquences d'action d'une belle efficacité. Ce sera la dernière fois que nous rencontrerons Errol Flynn au cours de notre parcours ; dommage que c'ait été pour un film statique et bavard aussi décevant même s'il s'avère plus réussi que le précédent, le médiocre Montana. L'acteur se révèle pourtant toujours très bon à travers un jeu d'une belle sobriété (c'était Ronald reagan qui avait été prévu au départ, devant donner la réplique à Lauren Bacall qui refusa le rôle avec véhémence). Nous ne croiserons plus non plus le cinéaste William Keighley dont ce fut l'unique incursion dans le genre après avoir été un des hommes à tout faire de la Warner tâtant de tous les genres sans jamais franchement faire d'étincelles. Même si j'ai pu être assez sévère (mais je suis minoritaire concernant ce western), le réalisateur nous laissera néanmoins sur une bonne impression grâce à la séquence de bataille-suicide finale, l'image d'Errol Flynn transpercée de deux flèches dans le dos étant mémorable. Les images qui suivent montrant le régiment nordiste rendant hommage aux soldats ennemis, allant planter un drapeau de la confédération au sommet de la montagne, rattrapent l'ennui que nous avons ressenti durant une bonne partie du film.
Julien Léonard
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 2 (50

Message par Julien Léonard »

Bon, eh bien... que dire, que dire... :mrgreen:

Toujours aussi bien écrit en tout cas, et aussi intéressant. :wink: Je ne suis bien sûr pas du tout d'accord concernant le film en lui-même et les talents (certes discrets, mais régulièrement très solides) de son metteur en scène. :fiou:
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feb
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 2 (50

Message par feb »

Le match continue encore :mrgreen: mais comme l'a dit Julien, une chronique aux petits oignons encore une fois :wink:
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Jeremy Fox
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 2 (50

Message par Jeremy Fox »

Julien Léonard a écrit : Je ne suis bien sûr pas du tout d'accord concernant le film en lui-même et les talents (certes discrets, mais régulièrement très solides) de son metteur en scène. :fiou:
Ca ne fait néanmoins qu'environ pas plus de 10% de divergences sur l'ensemble du corpus westernien ; ce qui est à la fois tout à fait normal et sacrément raisonnable :wink:
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 2 (50

Message par someone1600 »

Tres intéressante chronique tout de meme encore une fois meme si le film ne vaut pas trop la peine selon toi. :wink:
Julien Léonard
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 2 (50

Message par Julien Léonard »

C'est ça le pire... Même quand on n'est pas d'accord avec Jeremy, il exprime tellement bien son ressenti que ses chroniques sont tout de même passionnantes. C'est lourd à la fin ! :mrgreen:
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Jeremy Fox
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Kansas Raiders

Message par Jeremy Fox »

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Kansas en feu (Kansas Raiders, 1950) de Ray Enright
UNIVERSAL


Avec Audie Murphy, Brian Donlevy, James Best, Tony Curtis, Marguerite Chapman, Scott Brady, Richard Arlen, Richard Long, Dewey Martin
Scénario : Robert L. Richards
Musique : Milton Rosen
Photographie : Irving Glassberg
Une production Ted Richmond pour la Universal


Sortie USA : 15 novembre 1950

"And so into the pages of crime history rode five young men : Kit Dalton, Cole and Jim Younger, Frank and Jesse James, five whose warped lives were to be an heritage from their teacher, William Clarke Quantrill". Ainsi la voix du narrateur faisait s’achever ce western de Ray Enright qui allait nous replonger une fois encore au sein de cette meurtrière Guerre Civile qui eut ses profiteurs et non seulement à l'époque de son déroulement (ce fameux Quantrill par exemple) et au moment de la "reconstruction" (les Carpetbaggers) mais aussi [et là sur le ton de la plaisanterie bien évidemment] jusqu'au siècle suivant puisqu'au vu de ce parcours, on constate aisément à quel point ces cinq années de conflits furent du véritable pain béni pour tous les artisans du western hollywoodien ! Ray Enright, en ce début des années 50, remettait dans le même temps au gout du jour la réunion de hors-la-loi célèbres alors bien en vogue la décennie précédente et à laquelle le cinéaste avait déjà contribué avec Bad Men of Missouri. Mais, contrairement à ce dernier, Kansas Raiders peut être considéré comme un de ses meilleurs westerns, à placer aux côtés de Les Ecumeurs (The Spoilers) et Ton Heure a Sonné (Coroner Creek), le reste de sa filmographie, notamment dans le domaine qui nous concerne, s'étant avérée bien médiocre. L'avant dernier western qu'il met en scène ici fait partie de cette vague de séries B produites à tour de bras dans les années 50 par le studio Universal et qui compte son lot de bonnes surprises violentes et remuantes, rehaussées par l'utilisation toujours chatoyante du Technicolor. Un bon cru Enright !

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La Guerre Civile fait rage. Jesse James (Audie Murphy) et son frère Frank (Richard Long), James Younger (Dewey Martin) et son frère Cole (James Best) ainsi que Kit Dalton (Tony Curtis) décident de rejoindre les rangs des Raiders du fameux colonel Quantrill (Brian Donlevy) que l'on a communément baptisé 'la brigade du massacre'. En effet, ayant tous eu à faire avec les soldats de l'Union, ils pensent qu'il s'agit de la meilleure manière de pouvoir venger les membres de leurs familles tombés violemment sous leurs balles. En arrivant dans la ville de Lawrence au Kansas, ils sont pris à partie par des 'Redlegs' qui sont prêt à les lyncher, les prenant pour des espions à la solde de Quantrill. Ils sont in-extremis sauvés de la potence par un capitaine nordiste qui leur déconseille néanmoins, s'ils leurs en prenaient l'envie, de rejoindre les troupes de ce sanguinaire colonel. Malgré tout, refusant de croire à la folie meurtrière de ce dernier, ils finissent par arriver dans son camp et s'engagent à se battre à ses côtés. Convaincu de la loyauté de Jesse, Quantrill en fait même très vite son bras droit. Mais le jeune futur hors-la-loi constate rapidement de visu que la barbarie de son commandant n'était pas une légende ; son sentiment est encore raffermi quand la propre maîtresse de Quantrill, Kate (Marguerite Chapman), lui confie la peur qu'elle éprouve à constater chez son homme une soif de sang et de destruction de plus en plus pressante. Malgré tout, fermant les yeux sur les massacres et autres vilenies, Jesse continue à penser qu'il se bat pour faire vaincre ses idées, celles du Sud. Puis, c'est le raid brutal sur la ville de Lawrence et la preuve que malgré ses promesses Quantrill reste plus que jamais un criminel de guerre ; néanmoins, il lui restera loyal jusqu'à la mort ...

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Quantrill avait été déjà personnifié par Walter Pidgeon dans un honnête western de Raoul Walsh du début des années 40, L'escadron Noir (Dark Command). C'est Brian Donlevy qui, après avoir été le second rôle westernien le plus présent voici dix ans en arrière mais que l'on avait perdu de vue depuis le sublime Canyon Passage de Jacques Tourneur, reprend le flambeau avec une belle prestance, brossant un intrigant portrait de ce mythomane sanguinaire et illuminé. Petit rappel historique concernant les dernières années (celles narrées dans le film) de ce personnage peu recommandable qui utilisa l'uniforme Sudiste pour mieux pouvoir commettre ses méfaits sanglants, tuer et piller à son gré. Souhaitant faire cesse les raids de Quantrill dans l'état du Kansas, un commandant des forces de l'Union fait arrêter les femmes et sœurs de plusieurs hommes du gang mais le bâtiment où elles sont retenues prisonnières s'écroule causant cinq décès. Pour se venger, Quantrill rassemble 450 hommes et s'abat sur la ville de Lawrence la nuit du 20 août 1963 ; résultat, près de 150 hommes, femmes et enfants tués de sang froid et le même nombre d'édifices détruits. Traquée, la bande se réfugie au Texas et se délite peu à peu, les hommes n'arrivant pas à assumer une telle folie meurtrière ; ils se retrouvent à peine une douzaine avec dans l'idée d'assassiner Abraham Lincoln. Le 10 mai 1865, la petite troupe est surprise et si la plupart arrivent à s'échapper, leur chef, blessé d'une balle à la colonne vertébrale, est arrêté. Paralysé, il meurt peu après dans des conditions bien moins héroïques que lors du final de Kansas Raiders où il tombe courageusement et seul sous les balles ennemies.

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Car, comme souvent à Hollywood, le scénariste Robert L. Richards (co-auteur avec Borden Chase du script de Winchester 73) s'est permis de très nombreuses libertés par rapport à la vérité historique à commencer par l'âge des protagonistes ; que ce soient Jesse James ou Quantrill, ils étaient bien plus jeunes à l'époque des évènements, 16 ans pour le premier (contre presque la trentaine pour Audie Murphy) et 25 pour le second alors que Brian Donlevy n’était pas loin de la cinquantaine ! Jesse n'a rejoint son frère qu'à la fin des combats et n'a jamais été spécialement proche de son commandant. Quant à Kate, la maîtresse de Quantrill, encore adolescente à l'époque, il est assez cocasse de savoir qu'elle profitera de l'argent ensanglanté de son amant pour ouvrir une des maisons closes les plus célèbres de Saint Louis. Quoiqu'il en soit, on ne s' offusquera pas de toutes ces fantaisies historiques et multiples invraisemblances scénaristiques d'autant que le film s'avère, sinon passionnant, tout du moins bougrement efficace et plutôt captivant. Les problèmes de conscience de Jesse James face aux boucheries accomplies par le gang dont il fait partie, ses relations ambigües avec la maîtresse de son commandant, le charisme qu'il montre face aux quatre autres futurs hors-la-loi, l'intéressante description des personnages de Quantrill et de Kate font de ce western avant tout destiné aux amateurs d'action un film tout à fait intéressant brossant par ailleurs dans le même temps un tableau d'une grande brutalité et d'une rare noirceur [à l'époque où nous en sommes arrivés] concernant ce conflit. Une des premières séquences nous montre un peloton d'exécution improvisé décimant des dizaines de prisonniers à qui on venait de donner la parole de ne pas leur faire de mal. Et aviez vous déjà vu un ‘héros’ qui, après un combat au couteau avec un homme l'ayant provoqué, au lieu de laisser la vie sauve à son adversaire vaincu, l'achève avec force cruauté ?

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Quant on sait que ce héros a le visage poupin d'Audie Murphy, on est encore plus interloqué. Fils d'un modeste cultivateur de coton, ce fut le soldat le plus décoré de la Seconde Guerre Mondiale. Il commença sa carrière cinématographique en 1948 et tournera des dizaines de westerns de séries B pour la Universal durant les années 50. C'est la première fois que nous le rencontrons dans un western qui sera son genre de prédilection. Il avait été quelques semaines plus tôt Billy the Kid dans The Kid from Texas, western signé de Kurt Neumann (malheureusement pas vu pour cause de copie trop dégueulasse) ; Kansas Raiders est sa deuxième incursion dans le western et il s'y avère immédiatement très à l'aise sans avoir besoin d'en faire trop, son jeu s’avérant d’une grande sobriété (certains parleront sans doute de fadeur). Malgré sa très petite morphologie, il porte le costume de l’Ouest avec une grande classe et son regard acier n'est pas sans efficacité. Loin d'être un grand acteur mais dans son style de rôle, il se révèle tout à fait honnête. En tout cas son personnage est assez ambigu (à cause de sa naÏveté surtout) pour retenir l’attention ; son mélange d’admiration/répulsion pour son chef, l’incompréhensible loyauté qui le liera à ce "père adoptif" sanguinaire, ses états d’âme incessants le rendent assez intéressant. Ce n’est d’ailleurs pas un héros pur et dur puisque, s’il ne participe pas aux massacres, il ne fait rien pour les empêcher, s’il se rend compte que l’armée de Quantrill commet des actes au moins aussi répréhensible que les Redlegs (sorte de milice pro-union) de qui il veut se venger, il n’en continue pas moins de se battre à ses côtés. Ses compagnons affirment même qu’ils se trouvent être dans une situation plutôt enviable ce qui pourra choquer mais ce qui me parait au contraire assez réaliste ; il y a de fortes chances pour que les Raiders de Quantrill n’aient pas été des idéalistes forcenés mais tout simplement des bêtes de guerre adeptes des méthodes expéditives comme décrits ici. Point de moralisme ni de politiquement correct comme nous le dirions aujourd’hui : les protagonistes principaux ne sont en fait que des psychotiques et de ce point de vue, le script est plutôt réussi et ne cherche pas à nous donner bonne conscience.

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Outre Jesse, pour incarner les autres futurs outlaws, une belle kyrielle de petites stars en devenir à commencer par Tony Curtis dans une de ses premières apparitions mais aussi Dewey Martin, le futur interprète d’Howard Hawks notamment dans La Chose d’un autre Monde (The Thing) et surtout La Captive aux Yeux Clairs (The Big Sky), James Best, plus tard aux côtés de Paul Newman dans Le Gaucher (The Left-Handed Gun) d’Arthur Penn et enfin Richard Long, futur héros de la série télévisée La Grande Vallée. Scott Brady interprète un beau salaud et Marguerite Chapman, actrice déjà croisée sous la caméra de Ray Enright dans Coroner Creek, s’avère plutôt douée et charmante, à l’origine d’une romance plutôt attachante. Aucun comédien ne sort vraiment du lot ni ne fait vraiment d’étincelles mais, tout comme le scénario et la mise en scène, l’interprétation d’ensemble reste solide à défaut d’être inoubliable. Les éléments ambigus et les relations intéressantes entre certains personnages qui parsèment le script de Robert L. Richards sont superficiellement survolées et n’empêchent pas l’écriture d’être sans réelles surprises mais ils auront eu au moins le mérite d’exister et de faire dépasser à Kansas en Feu le stade du western trop routinier qu’il aurait été sans ça. Le film s’avère aussi d’une violence assez inaccoutumée lors des séquences de tueries ou de batailles et nous propose des combats assez innovants pour l’époque comme celui qui oppose Audie Murphy et l’espion nordiste : ils se battent au couteau avec chacun un coin du même mouchoir qu’ils ne doivent pas lâcher coincé entre les dents. La conclusion de cette bagarre est, comme nous l’avons déjà dit plus haut, d’une férocité assez surprenante.

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Un plaisant petit western sans prétentions mais aussi sans temps morts qui file à 100 à l’heure, le rythme et l’action étant très soutenus, les pétarades prenant souvent le pas sur les dialogues pour le plus grand plaisir des amoureux de séries B nerveuses et mouvementées. Alors il est vrai que les invraisemblances pullulent, que l’Histoire est déformée sans complexe et que le faible budget alloué fait que certaines images comme celle de l’incendie de La ville de Lawrence en plan d’ensemble font assez cheap. Mais nous n’allons pas faire la fine bouche quand le très moyen Ray Enright arrive à nous délivrer un aussi sombre tableau d’un des chapitres les plus sordides de l’histoire américaine.

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La Guerre de Sécession d’ailleurs assez bien résumée dans le prologue et qui nous donne un assez juste aperçu du ton du film : "For more than four long, bitter years this nation was torn by civil war, the bloodiest and most destructive in our history for it was a war of neighbor against neighbor, family against family, brother against brother, flag against flag. Nor was the slaughter confined to the armies of the North and South alone. This was a war that bred an outlaw army of guerrillas masquerading under the flags of both sides, pillaging, burning and killing for private gain. The most savage and merciless among the lawless tribes whose organized violence terrorized the county were the men who marched, raided, and killed under the ominous black flag of William Clark Quantrill."
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 2 (50

Message par Lord Henry »

Je me demande si ce film ne fut pas l'un des tout derniers à être programmés par Eddy Mitchell à La Dernière Séance.
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 2 (50

Message par Jeremy Fox »

Lord Henry a écrit :Je me demande si ce film ne fut pas l'un des tout derniers à être programmés par Eddy Mitchell à La Dernière Séance.

Bingo ! : la dernière année en 1998 :wink:
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 2 (50

Message par Lord Henry »

Ce qui est remarquable lorsque l'on parcourt ce sujet, outre le plaisir que l'on y prend, c'est de se dire que beaucoup de ces films ont pu constituer l'ordinaire des dimanches après-midi de notre enfance - enfin, je parle des plus expérimentés d'entre nous.
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 2 (50

Message par Jeremy Fox »

Lord Henry a écrit :Ce qui est remarquable lorsque l'on parcourt ce sujet, outre le plaisir que l'on y prend, c'est de se dire que beaucoup de ces films ont pu constituer l'ordinaire des dimanches après-midi de notre enfance - enfin, je parle des plus expérimentés d'entre nous.
Des dimanches après midi, j'étais trop jeune (je ne me souviens que des Gary Cooper), mais surtout des mardis soir sur la 3ème chaîne dans les années 70 bien avant la dernière séance. Grâce déjà à Patrick Brion ! C'est de ces westerns que nous parlions en cours de récréation.
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