Les Blu-ray Le Chat qui fume

Rubrique consacrée aux Blu-ray de films tournés avant 1980.

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Rick Blaine
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Re: Le Chat qui fume

Message par Rick Blaine »

De mon côté l'état était nickel.
Pas encore eu le temps de regarder quoi que ce soit , mais le contenu éditorial semble très costaud.
Bravo en tout cas, ça fait plaisir de voir un travail si riche et si soigné. :wink:
Le Chat qui Fume

Re: Le Chat qui fume

Message par Le Chat qui Fume »

Merci beaucoup. On espère que ça vous plaira :-)
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hellrick
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Re: Le Chat qui fume

Message par hellrick »

Pour les curieux voici mes avis :wink:

TROPIQUE DU CANCER

Curieuse production, TROPIQUE DU CANCER convoque le giallo dans un surprenant cadre tropical prétexte à des scènes mêlant avec adresse érotisme et exotisme sans négliger un aspect documentaire (plus ou moins vériste) hérité du « mondo ». L’ensemble, classique dans son intrigue, s’avère donc original dans son ancrage et anticipe les productions italiennes de la seconde moitié des années ’70, axées sur l’érotisme et la violence en milieu allochtone, dont Joe d’Amato se fit un des chantres.
Le docteur Williams a développé une nouvelle drogue aux pouvoirs étonnants, un aphrodisiaque surpuissant qui attise bien des convoitises. Mais Williams refuse de vendre cette invention lucrative, préférant poursuivre une existence tranquille dans son hôpital d’Haïti. Pourtant, après la mort apparemment accidentelle d’une femme probablement droguée, les soupçons de la police se portent sur le docteur dissimulant un passé trouble. D’autres personnages peu recommandables semblent également très intéressés par la drogue du médecin : Murdock, un trafiquant prêt à tout, et Peacock, un pédophile graisseux. Dans ce climat pesant débarque un ami de Williams, Fred Wright, accompagné de sa charmante épouse soudain fort attirée par les rituels vaudous accomplis par de musculeux mâles dénudés. Mais un assassin, tapi dans l’ombre, commence à frapper dans l’entourage de Williams…
Œuvre étonnante, TROPIQUE DU CANCER place dans un cadre exotique peu conventionnel une enquête policière sans grande surprise qui égrène mécaniquement tous les poncifs du giallo : personnage au passé trouble s’étant racheté une conduite, drogue expérimentale, individus malsains (dont, en particuliers, un adipeux pédophile), sexualité exacerbée et, bien sûr, assassin tout de cuir noir vêtu. Toutefois, ces ingrédients en apparence banale sont cuisinés avec suffisamment de talent pour rendre le résultat intéressant.
Si l’entame peine à passionner en proposant, en rafale, une galerie de personnages souvent peu recommandable, TROPIQUE DU CANCER devient nettement plus intéressant lorsque le scénario entre réellement dans le vif du sujet. Bercé par une partition convaincante du prolifique Piero Umiliani, le long-métrage verse alors volontiers dans un psychédélisme de bon aloi et convoque des passages étonnants. Outre les scènes de rituels vaudous empreints d’un érotisme moite, la séquence la plus mémorable montre la belle Anita Strindberg succomber à la drogue aphrodisiaque et courir, fort peu vêtue, dans un immense corridor aux murs écarlates peuplé de Noirs musclé totalement nus. Sexe et violence dominent, par conséquent, une seconde partie plus enlevée au cours de laquelle le mystérieux assassin décime la majorité du casting. Des mises à mort inventives, notamment le meurtre de Stelio Candelli qui, le visage carbonisé, est jeté au fond d’un silo dont il tente de s’extraire avant que le sadique ne lui broie les mains et ne l’enterre vivant.
La mise en scène se partage entre Giampaolo Lomi et Edoardo Mulargia, deux cinéastes peu connus du bis italien. Le premier vient du documentaire « mondo » et participa à deux des œuvres les plus célèbres de ce genre controversé : LES NEGRIERS et LES DERNIERS CRIS DE LA SAVANE. Après TROPIQUE DU CANCER, Lomi mit en scène, en 1975, l’inconnu I BARONI puis disparut des radars. On devine que le cinéaste s’occupa des séquences de rituels vaudous, lesquels rappellent fortement le « chocumenteur » et joue la carte sensationnaliste : taureau égorgé lors d’un rite de fertilité, indigènes dénudées dansant frénétiquement lors de transes lascives, tamtams à la pulsation rythmique lancinante et même oppressante, etc.
Mulargia, pour sa part, possède une filmographie plus étoffée : il tourna une dizaine de westerns souvent d’honnête tenue (EL PURO LA RANCON EST POUR TOI, VIVA DJANGO) avant sa reconversion, à l’orée des années 80, dans le Women In Prison via LES EVADEES DU CAMP D’AMOUR et sa pseudo suite HOTEL DU PARADIS qui resta son dernier film. Pour leur unique contribution au giallo, les deux compères s’en sortent de belle manière et offrent une réalisation adroite, truffée de cadrages astucieux et d’effets visuels efficaces qui parviennent à transcender une trame quelconque mais non déplaisante.
Servi par une distribution de qualité dominée par le grand acteur de western Anthony Steffen, l’habitué de l’érotisme Gabrielle Tinti (heureux compagnon de Laura Gemser) et la toujours très séduisante reine scandinave du giallo Anita Strindberg, TROPIQUE DU CANCER se distingue suffisamment des thrillers de consommation courante pour mériter l’attention des amateurs. Une œuvre efficace et globalement réussie à laquelle le cinéphile pardonnera volontiers ses défauts (un scénario un brin confus, un rythme assoupi durant la première demi-heure laissant la part belle à une atmosphère pas toujours prenante) pour se concentrer sur ses qualités, à savoir un mélange satisfaisant d’érotisme, d’exotisme et d’enquête policière. Une bonne surprise dans un genre alors encombré par les imitations serviles de Dario Argento.

TERREUR SUR LA LAGUNE


Datant de 1978, TERREUR SUR LA LAGUNE (ou OMBRES SANGUINAIRES) constitue un bel exemple de giallo de « fin de cycle », proposé à une époque où l’âge d’or du genre, qui se situe, grosso modo, entre 1970 et 1973, était déjà révolu. Dans les dernières années des seventies, les thrillers italiens ont été supplantés, tant au box-office que dans le cœur du public, par les polars musclés (dit poliziesco) et les rares cinéastes à encore s’intéresser au giallo cherchent à innover en le mariant à l’érotisme (voire à la pornographie) ou, justement, au poliziesco précité. Antonio Bido, pour sa part, refuse cette voie « abâtardie » et opte pour le traditionalisme. Il livre donc un « film somme » qui assume parfaitement ses nombreuses influences.

Stefano d’Archangelo, un professeur de mathématique exerçant à Rome, profite de ses congés estivaux pour retourner dans son village natal, non loin de Venise. Là, il retrouve son frère, Don Pablo, curé de la paroisse et personnalité centrale de ce petit bled fortement imprégné de catholicisme. Le prêtre doit, d’ailleurs, fréquenter une poignée de personnes qu’il ne porte guère dans son cœur. Il accuse ainsi le comte Pedrazzi, un homosexuel notoire vivant avec un minet d’une vingtaine d’années, de comportements inadéquats envers les jeunes garçons. Don Pablo connaît également la liaison qu’entretient l’apparemment respectable docteur Aloisi avec son infirmière. Une nuit, l’homme d’Eglise aperçoit, depuis sa fenêtre, un meurtre, commis par un inconnu dont il ne voit pas le visage. La victime est une médium et, les jours suivants, Don Pablo reçoit de laconiques mais menaçantes missives anonymes qui lui prédisent son prochain trépas. Stefano qui, entre temps, a entamé une relation amoureuse avec une artiste peintre, mène son enquête et remonte une piste conduisant au meurtre irrésolu d’une gamine, étranglée vingt ans plus tôt dans la région…

Si de nombreux giallos ont pris pour cadre la Cité des Doges (citons, parmi d’autres, QUI L’A VUE MOURIR ?, AMUCK ou NERO VENEZIANO), TERREUR SUR LA LAGUNE place ses caméras dans une petite localité située à quelques encablures de Venise. Délaissant l’atmosphère de mystère et de romantisme inhérent à la Sérénissime, Antonio Bido privilégie un cadre anxiogène et claustrophobe, coupé du monde, au propre comme au figuré, où le temps semble suspendu. L’étranger, en réalité un natif du village revenu au pays après une escapade à la capitale, y apparaît immédiatement suspect. Même les autorités se méfient de lui et de son modernisme, riant des « jeunes d’aujourd’hui », trop efféminés pour être « de vrais hommes ». Ce climat délétère de suspicion rappelle certains giallo ruraux et, en particulier, LA LONGUE NUIT DE L’EXORCISME auquel Bido emprunte plusieurs éléments narratifs. Dans cet univers clos, l’assassin peut agir quasiment à sa guise, sans jamais être inquiété excepté par un pauvre quidam entrainé, bien malgré lui, dans une spirale de violences.

Réalisé un an après WATCH ME WHEN I KILL, ce second effort d’Antonio Bido se montre méritoire mais demeure, à nouveau, plus appliqué qu’inspiré. Manifestement, le cinéaste éprouve encore quelque difficultés à se défaire de ses influences criantes et recycle les conventions et clichés du giallo de manière habile mais sans vrai génie. Outre le cadre isolé de LA LONGUE NUIT DE L’EXORCISME déjà cité, Bido reprend ainsi plusieurs éléments à différents classiques de Dario Argento, dont le tableau recelant un indice essentiel à l’identification du coupable. Le cinéaste aboutit, par conséquent, à un digest d’emprunts allant de L’OISEAU AU PLUMAGE DE CRISTAL aux FRISSONS DE L’ANGOISSE. L’ombre (sanguinaire) de Mario Bava plane également sur l’une ou l’autre scène, la paralytique rappelant, par exemple, un personnage similaire trucidé au début de BAIE SANGLANTE.
L’identité du criminel, de son côté, n’a rien de novateur et les familiers du giallo l’auront probablement deviné dès le départ, en dépit d’une fausse piste assez habile proposée par le metteur en scène. Pour rester en terrain connu, la musique, officiellement (et pour raisons contractuelles) signée du prolifique Stelvio Cipriani, est, en réalité, interprétée par les Goblins qui livrent ici une composition sans surprise mais à l’indéniable efficacité. Enfin, le climax décalque de manière évidente celui de SUEURS FROIDES, un hommage supplémentaire de la part d’un Bido décidément avide de clins d’œil cinéphiliques. Mario Bava, Dario Argento, Lucio Fulci,…la Sainte Trinité du giallo, sur laquelle veille l’ombre tutélaire d’Alfred Hitchcock…on a connu pire références.

Bref, TERREUR SUR LA LAGUNE n’innove nullement mais, pourtant, son déroulement s’avère satisfaisant, tant le metteur en scène prend soin de ménager un whodunit convaincant et une explication finale crédible. En dépit d’une durée excessive (une heure cinquante soit, sans doute, une vingtaine de minutes en trop) et d’un rythme pas toujours palpitant, le cinéaste ne ménage pas ses effets et distille, à intervalles réguliers, un retournement de situation ou un meurtre qui permet de relancer la machine. Signalons, cependant, qu’au niveau de la violence, TERREUR SUR LA LAGUNE joue la carte de sobriété et refuse les hécatombes sanglantes au profit de la suggestion. De même, l’érotisme reste minimal, peut-être pour se différencier davantage de la tendance, commune à la fin des années ’70, de jouer de plus en plus ouvertement la carte sexy. On reprochera toutefois au film un casting inégal et pas toujours concerné, Lino Capolicchio (vu dans LA MAISON AUX FENETRES QUI RIENT) manquant, par exemple, de conviction.

Dans l’ensemble, TERREUR SUR LA LAGUNE demeure un honnête giallo dont la mécanique bien huilée saura intéresser les amateurs du genre et même les adeptes des enquêtes policières à l’ancienne. Si Antonio Bido ne propose rien de fondamentalement original il parvient à ne pas ennuyer le spectateur et maintient son attention grâce à une intrigue solide qui compense les différents bémols du long-métrage. A découvrir.


LA LONGUE NUIT DE L’EXORCISME


Aujourd’hui considéré comme un des maîtres du gore suite à ses métrages de la fin des années ’70 et du début des années ’80 (en particulier L’ENFER DES ZOMBIES, FRAYEURS ou L’AU DELA), Lucio Fulci a pourtant touché à bien d’autres genres du cinéma populaire. Durant une carrière de près de 40 ans et riche de 56 longs-métrages, Fulci à œuvré dans le western, l’espionnage, le drame historique, la fantasy, la science-fiction, l’érotisme, etc. Comme tout réalisateur bis italien qui se respecte, Fulci a également, bien sûr, réalisé quelques gialli comme PERVERSION STORY, LES SALOPES VONT EN ENFER et, dans les années 80, L’EVENTREUR DE NEW YORK et MURDER ROCK. Datant de 1972, LA LONGUE NUIT DE L’EXORCISME mélange un mystère policier typique du giallo à un climat fantastique teinté d’horreur et de perversité enrobant une critique sociale sans concession. Bref, une œuvre originale et fort intéressante à redécouvrir d’urgence en dépit d’un titre français complètement idiot et mensonger, accolé au film en 1978 suite au succès du chef d’œuvre de Friedkin et de ses dérivés.

Dans la petite ville italienne d’Accendura, des enfants sont brutalement assassinés et la police piétine. Un reporter (Tomas Milian) mène également l’enquête mais sans parvenir à identifier le coupable. Alors que les victimes s’accumulent, le bled s’enfonce dans une véritable hystérie paranoïaque et chaque personne en tant soit peu « différente » des normes admises par la communauté se voit soupçonnée. Une bohémienne sera ainsi froidement exécutée, fouettée à coup de chaines jusqu’à ce que mort s’ensuive par des villageois s’improvisant justicier. Mais les meurtres continuent…

Giallo atypique, LA LONGUE NUIT DE L’EXORCISME, confronte la ville « civilisée » et la campagne « reculée » en doublant cette réflexion sociale par une attaque frontale à l’encontre d’une religion morbide et assimilée au mal. Dans ces zones rurales, en effet, la superstition domine et la présence du diable parait plus palpable que celle de Dieu, entrainant des réactions outrées, comme cette sauvageonne mentalement limitée persuadée d’avoir assassiné les enfants après avoir enfoncé des aiguilles dans de petites poupées. Seul le prêtre parait pouvoir se dresser contre la folie menaçant de s’emparer de ses paroissiens mais le final, ironique et critique, réserve d’autres révélations et achève cette vigoureuse charge menée contre le catholicisme et, de manière plus large, l’obscurantisme et la crainte du modernisme. Le mobile des meurtres renvoie en outre à la crainte de voir un environnement clôt et « protégé » succomber aux attaques d’un monde moderne menaçant personnifié par de jeunes demoiselles libertines adeptes des drogues ou, pire encore, par des prostituées venues de la Capitale.
Peut-être par crainte de la censure ou simplement par pudeur, Fulci se refuse à filmer les assassinats des enfants, cibles peu communes des tueurs vêtus de noir du giallo, lesquels s’en prennent généralement à de jeunes demoiselles court vêtues. Les amateurs de crimes sadiques, typiques du genre, en seront pour leur frais mais la découverte des petites victimes possède cependant un côté malsain très réussi. S’il se montre modéré sur la violence, LA LONGUE NUIT DE L’EXORCISME touche toutefois au tabou de la sexualité enfantine et à l’attraction des corps féminins dénudés sur les gamins du village. Une séquence aborde même la pédophilie de manière frontale : une jeune femme très séduisante et entièrement nue (Barbara Bouchet, évidemment) propose à un garçonnet d’une dizaine d’année de lui faire l’amour et se délecte de sa gêne. Toutefois, au niveau du gore, Fulci se rattrape en détaillant longuement le calvaire d’une jeune femme exécutée à coup de chaines pour « sorcellerie ». Le réalisateur ne se prive d’aucun détails sanglants, tout en conférant à la scène, filmée toute en lenteur, une poésie macabre indéniable. La séquence se termine par la lente agonie de la victime, laissée pour morte au bord d’une grand-route alors que les automobilistes poursuivent leur chemin avec indifférence. En quelques minutes exemplaires, Fulci adresse une virulente critique à l’encontre des villageois superstitieux et de leur mentalité bornée, laissant entendre que leur intolérance elle-même a créé le monstre venu supprimer leur progéniture et que tous pourraient basculer dans la folie homicide. Analysant les phénomènes de groupe menant des individus apparemment rationnels et sans histoire à sombrer dans la violence, Fulci s’attaque aux pseudo-justiciers, lesquels ne cherchent nullement à protéger la population mais simplement à assouvir leurs penchants sadiques tout en se donnant bonne conscience. La recherche frénétique d’un bouc-émissaire se trouve elle-aussi dans le collimateur du cinéaste, les villageois soupçonnant plusieurs personnes, considérées comme « non-conformes », sans se douter que le véritable assassin est l’un d’entre eux, paré du mentaux de la respectabilité et fatalement insoupçonné.
Au niveau de l’interprétation, LA LONGUE NUIT DE L’EXORCISME convie la crème des acteurs bis italiens, à commencer par le toujours impeccable Tomas Milian dont l’impressionnante carrière débute à la fin des années ’50 et compte un paquet de classiques comme LE DERNIER FACE A FACE. A ses côtés, dans le rôle du prêtre, nous retrouvons Marc Porel (L’EMMUREE VIVANTE, SISTER OF URSULA), décédé par suicide en 1983 et George Wilson qui fut le Capitaine Haddock dans LE MYSTERE DE LA TOISON D’OR. Le casting féminin, de son côté, comprend Irene Papas (Z, LES CANONS DE NAVARONNE, ZORBA LE GREC,…), Florinda Bolkan (LAST HOUSE ON THE BEACH) et l’inévitable Barbara Bouchet, figure sexy indissociable du giallo (AMUCK, LA DAME ROUGE TUA 7 FOIS, LA TARENTULE AU VENTRE NOIR, THE MAN WITH THE ICY EYES, MEURTRE DANS LA 17ème AVENUE).
Le final, situé au sommet d’une colline, s’avère lui aussi bien saignant et efficace, en dépit de la médiocrité de trucages peu convaincants. Il boucle en tout cas cette virulente diatribe anticléricale de la plus belle des manières même si, en tant que mystère, le métrage se révèle un peu décevant. En effet, l’identité du meurtrier semble évidente et prévisible mais il s’agit d’un bémol mineur tant la critique acerbe de la société italienne prend le pied sur l’aspect purement policier de ce « whodunit ».

Bercé par une superbe musique en complet décalage avec la brutalité des crimes perpétrés, LA LONGUE NUIT DE L’EXORCISME constitue, en définitive, une très intéressante réussite du giallo et une œuvre importante, à redécouvrir pour les fans de Fulci et même pour ses détracteurs habituels qui pourraient être agréablement surpris.


SISTER OF URSULA

Le giallo fut un genre éminemment populaire dans les années ’70 et SISTER OF URSULA apparaît comme une de ses dernières déclinaisons. Lancé par Mario Bava avec le précurseur LA FILLE QUI EN SAVAIT TROP en 1962, il faut cependant attendre le début des seventies pour que le giallo s’impose commercialement. La trilogie animalière d’Argento (L’OISEAU AU PLUMAGE DE CRISTAL, LE CHAT A NEUF QUEUES et QUATRE MOUCHES DE VELOUR GRIS) entraina une série de titres similaires (LA QUEUE DU SCORPION, LA TARENTULE AU VENTRE NOIR, L’IGUANE A LA LANGUE DE FEU,…) puis d’innombrables déclinaisons d’intérêt variable. Le giallo atteignit son zénith, commercial et artistique, avec la sortie des FRISSONS DE L’ANGOISSE d’Argento en 1975 mais la fin de la décennie vit le genre décliner en popularité et en qualité, à quelques exceptions près. Une centaine de métrages apparentés au giallo virent en effet le jour en un laps de temps fort bref et les cinéastes se laissèrent souvent aller à la facilité en ressassant des formules scénaristiques usées et en jouant la carte de l’exploitation pure et simple via un érotisme poussé et un gore excessif. SISTER OF URSULA appartient à cette dernière vague, lorsque le mystère policier et l’ambiance cédaient la place à des procédés racoleurs comme en témoigne aussi GIALLO A VENEZIA ou AU DELA DU DESIR.
Avec SISTER OF URSULA, le scénariste Enzo Milioni effectuait ses peu convaincants débuts de metteur en scène, qu’il allait poursuivre avec seulement deux autres long-métrages, dont le giallo tardif, LUNE DE SANG, datant de 1989. Selon le cinéaste, le projet SISTER OF URSULA se voulait uniquement commercial et son idée était de récolter des fonds pour un métrage plus ambitieux qui, finalement, ne se réalisa pas.
Reprenant les clichés éculés du giallo, SISTER OF URSULA déroule une intrigue banale dans laquelle se mélange trafic de drogue, machination, traumatisme ancien, parapsychologie et, surtout, sexualité débridée.

Deux jolies sœurs autrichiennes, Ursula et Dagmar Beyne, passent leurs vacances au bord de la mer italienne. Les demoiselles ont été abandonnées par leur mère et élevées par leur paternel, devenu dépressif avant de se suicider, un événement ayant profondément traumatisé Ursula. Aujourd’hui âgée de 20 ans, Ursula fuit les hommes dont elle ne supporte pas le contact et réprime complètement sa sexualité. Au contraire, Dagmar adopte un comportement très libre et multiplie les conquêtes, attirant l’attention du directeur de l’hôtel, le séduisant quinquagénaire Roberto Delleri. Mais un petit loubard cocaïnomane, Filippo, tente également sa chance auprès de Dagmar, laquelle ne semble pas insensible à son charme voyou. La quiétude de la station balnéaire se voit alors troublée par la découverte du corps d’une prostituée mutilée au niveau de l’entre-jambe. Suite à un nouveau double meurtre, la police mène l’enquête et le passé des différents protagonistes est exposé…qui est le sadique terrorisant la petite ville ?

Gratuit et provocateur, SISTER OF URSULA consacre une partie conséquente de son temps de projection à des séquences érotiques relativement poussées. L’une d’elle concerne par exemple Stefania d’Amario fort occupée à se caresser langoureusement à l’aide d’un collier à côté de sa sœur endormie. La nudité, tant masculine que féminine, joue la carte du « full frontal » généreux mais le métrage échoue à susciter l’enthousiasme et enquille des passages sexy monotones et mécaniques. Ceux-ci sont classiquement bercés par un jazz de troisième zone s’apparentant dangereusement à de la variété d’ascenseur. Bref, en dépit de tous les efforts d’un Milioni à deux doigts (bien sûr !) de basculer dans le hard, l’érotisme ne fonctionne guère et se montre surtout ennuyeux.
Autre élément de pure exploitation, l’arme utilisée par le tueur n’est autre qu’un olisbos, soit un godemichet de bois massif, avec lequel il éventre ses victimes féminines. Milioni ne détaille pas les meurtres en eux-mêmes mais s’attarde complaisamment sur les demoiselles dénudées et leur entre jambe ensanglanté. Par manque de moyens ou crainte de la censure, les effets gore sont cependant réduits au minimum mais la suggestion malsaine et le sadisme satisfait du meurtrier donnent au métrage une certaine identité.

Au niveau du casting, le cinéaste dévoile sans pudeur les charmes de Stepfania d’Amario (L’ENFER DES ZOMBIES, LES DEPORTEES DE LA SECTION SPECIALE SS,…) mais révèle uniquement la poitrine de Barbara Magnolfi (SUSPIRIA). Dommage d’ailleurs que cette dernière, censée être l’héroïne de l’intrigue, soit reléguée à un rôle passif et mal écrit, dont la caractérisation sommaire rend impossible toute implication du spectateur.
Le mari de Magnolfi, Marc Porel (LA LONGUE NUIT DE L’EXORCISME, JE VAIS CRAQUER), décédé de ses excès de drogues à 34 ans, compose de son côté un personnage louche dont la véritable identité sera révélée lors du final. Comme tout giallo qui se respecte, THE SISTER OF URSULA multiplie évidemment les rebondissements et autres twists durant son dernier quart d’heure. Hélas, la plupart semblent cousus de fil blanc et l’identité du meurtrier, ainsi que son mobile, ne surprendra personne, excepté peut être ceux estimant cette révélation trop évidente pour que le scénariste ne choisissent pas un autre coupable. A tort, THE SISTER OF URSULA assumant jusqu’au bout son côté linéaire, prévisible et sans originalité ! Une sous-intrigue à base de trafic de drogue se voit en outre plaquée sur le film pour lui conférer une certaine épaisseur et le rapprocher des polars à l’italienne. Malheureusement cette partie fonctionne encore plus mal que le coté purement giallo et ne semble là que pour brouiller les pistes et atteindre la durée réglementaire. Reste les paysages italiens, filmés comme des cartes postales touristiques, pour dépayser le spectateur et l’occuper entre deux séquences sexy.

Réalisé avec une absence totale d’implication par un Milioni peu concerné, THE SISTER OF URSULA propose un scénario à la construction familière entrecoupé de quelques meurtres suggérés et de nombreuses scènes chaudes routinières accompagnée d’une infâme muzak. Cependant, malgré tout ces défauts (ou plutôt, pour les plus pervers, à cause d’eux), le métrage reste modérément divertissant et saura contenter, sinon satisfaire, les inconditionnels du giallo.
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Message par Rick Blaine »

Merci. :wink:
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Re: Le Chat qui fume

Message par Kevin95 »

hellrick a écrit :TROPIQUE DU CANCER

Mulargia, pour sa part, possède une filmographie plus étoffée : il tourna une dizaine de westerns souvent d’honnête tenue (EL PURO LA RANCON EST POUR TOI, VIVA DJANGO)
Là tu jettes un froid. La taglia è tua... l'uomo l'ammazzo io était bien naze, j'espère que Edoardo Mulargia se rehausse les manches dans la giallo. :shock:
Les deux fléaux qui menacent l'humanité sont le désordre et l'ordre. La corruption me dégoûte, la vertu me donne le frisson. (Michel Audiard)
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Re: Le Chat qui fume

Message par Le Chat qui Fume »

Purée ... ca c'est du résumé :-)
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Kevin95
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Re: Le Chat qui fume

Message par Kevin95 »

The Brother from Another Planet de John Sayles (1984) et Poor Pretty Eddie de David Worth (1975) sortent en DVD en octobre.
Les deux fléaux qui menacent l'humanité sont le désordre et l'ordre. La corruption me dégoûte, la vertu me donne le frisson. (Michel Audiard)
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Re: Le Chat qui fume

Message par Le Chat qui Fume »

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Si il y a des gens chez DvdClassik qui souhaitent faire des critiques de nos titres faut nous contacter :-)
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Re: Le Chat qui fume

Message par tenia »

J'écris ailleurs, mais je lâcherai peut-être un email à un moment donné. :wink: (faut que je voie si je peux caler ça dans les temps, si c'est pour mettre le test en ligne 3 semaines après la sortie...).
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Re: Le Chat qui fume

Message par C2302t »

Le Chat qui Fume a écrit :Image
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Si il y a des gens chez DvdClassik qui souhaitent faire des critiques de nos titres faut nous contacter :-)
Très beau visuel en tout cas. Je ne sais pas ce que valent les films mais ça donne envie.
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tenia
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Re: Le Chat qui fume

Message par tenia »

J'ai regardé La soeur d'Ursula ce soir, et bon dieu, c'est pas fameux (le film, pas le Blu-ray). La nudité gratuite m'a d'abord bien fait marrer avant de progressivement me faire à moitié dormir car au bout d'un moment, je me suis demandé si c'était un giallo mâtiné de scènes érotiques ou un film de cul soft avec une vague histoire prétexte. La musique au saxo d'ascenseur ne fait pas franchement pencher la balance vers la 1ere proposition...
C'est globalement très long (alors que le film ne dure qu'1h35), pas très bien joué, et surtout complètement à la ramasse côté intrigue et atmosphère, lançant pas mal d'idées en l'air sans trop se préoccuper de où ça retombera. J'espère que Terreur sur la lagune sera mieux...
Le Blu-ray n'est techniquement pas dégueu du tout, même si j'ai connu image un peu plus fine. Mais les bases sont visiblement là : c'est propre, stable et naturel. Les couleurs sont bien jolies aussi, finement saturées. VO correcte, équilibrée et même un peu dynamique. STF forcés. J'ai pas regardé les 2 interviews en entier, mais par contre, j'ai bien aimé le module avec Chouvel, c'est concis mais dense. Par contre, le vent qui souffle sur le micro... :mrgreen:
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Re: Le Chat qui fume

Message par Le Chat qui Fume »

Ah ce putain de vent qui arrive quand on a oublié sa bonnette ... une plaie :-)

Pour La Soeur d'Ursula, au Chat qui Fume on aime bien ce film foutraque qui part en vrille. C'est la même année que Terreur sur la Lagune qui est quand même bien plus carré niveau intrigue et qui est plus proche des premiers gialli.
Mais nous devions faire un bonus sur les producteurs. Ils ont commencé dans le film d'auteur pour finir dans les comédies sexy et ils ont imposé la nudité dans La Soeur d'Ursula. C'est pour ça que le réal et l'actrice détestent ce film. C'est un film qui montre les dérives de la production italienne de la fin de années 70 avec des films comme Play Motel. Giallo a Venise etc etc ...
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Re: Le Chat qui fume

Message par Addis-Abeba »

Petite question au Chat, est ce vous comptez remettre sur votre site le dvd Journée noir pour un bélier ?
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Re: Le Chat qui fume

Message par Le Chat qui Fume »

On en a plus. Comme pour terreur sur la lagune ou La nuit des diables ...
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Re: Le Chat qui fume

Message par Addis-Abeba »

Le Chat qui Fume a écrit :On en a plus. Comme pour terreur sur la lagune ou La nuit des diables ...
Pas de reedition je suppose, merde :( Réponse ultra rapide , merci ;)
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