Walter. - "
Les films d'aujourd'hui sont faits comme des clips. Cut, cut, cut, cut... Le premier plan de la Soif du Mal de Welles, durait 6 minutes et demie..."
Jimmy. - "
6 minutes et demie, Walter ?"
Walter. - "
Enfin, 3 ou 4. Le film entier reposait sur ce premier plan. Mon père était machino sur ce film..."
Victime d’un mystérieux maître chanteur, Griffin Mill (
Tim Robbins)
est un producteur dans une Compagny hollywoodienne. À la fois arrogant et cynique (comme ses amis), il va se disculper d'un meurtre qu'il a pourtant commis, se débarrasser d'un collègue dangereux pour sa carrière et d'une assistante par trop amoureuse, et enfin séduire la femme de sa victime...
Et oui c'est mon grand retour, et aujourd'hui j'ai décidé de m'attaquer à un film un peu particulier. Pourquoi "particulier"?... parce que c'est peut-être un bon film, mais ce n'est pas un film
culte, ou du moins, il n'est pas reconnu comme tel (puisque c'est généralement le temps qui fait d'un film un chef-d'œuvre ou non). Énormément de films exercent sur moi une certaine fascination ; il y a
APOCALYPSE NOW,
SUEURS FROIDES, ou encore...
THE PLAYER. Avec un sens remarquable de la satire et du cynisme, Robert Altman et nous plonge dans les entrailles du système hollywoodien, en multipliant les références aux films noirs américains (à Welles, Hitchcock, à des films mythiques comme
HIGHLY DANGEROUS,
SUNSET BOULEVARD,
M LE MAUDIT, etc.)
On est ravis de voir autant de stars se croiser sans cesse tout au long du film (Nick Nolte, Jeff Goldblum, John Cusack, Bruce Willis, Burt Reynolds, Cher, Peter Falk, James Coburn...), tous réduits au rang de personnages secondaires.
THE PLAYER arrive avant un des plus grands films d'Altman,
SHORT CUTS, pour lequel il reprendra encore une multitude de stars...
Le premier plan du film est superbe. Il présente la quasi totalité des protagonistes du film à l'exception de Larry Levi (
Peter Gallagher), ainsi que le studio de production, en un seul plan. On y croise les dirigeants, les scénaristes, des touristes visitant les studios, le garçon apportant le courrier, les assistantes ou les secrétaires, etc. Il contient quelques notes d'humour (les histoires des scénaristes,
Fred Ward parlant justement des plans-séquence dans les films - cf. citation) et les mouvements de caméras sont très fluides, impécables. Des dirigeants parlent de remplacer Griffin, en passant devant la fenêtre de son bureau. On remarque alors, dès le début, l'importance qu'accorde Altman au son, on entend les différentes discussions où que soient placés les différents personnages. Le plan se termine sur la carte postale (menaçante) envoyée à Mill et le regard inquiet du producteur... ça aura duré 7 minutes 45.
Un des aspects les plus intéressants de
THE PLAYER c'est les personnages, car tous ont des défauts. Griffin Mill est arrogant et cynique, June ment sur ses origines et finit par vivre avec l'assassin de son petit ami (en connaissant la vérité), et même le scénariste assassiné, David Cahane (
Vincent D’Onofrio), est un imbécile dépourvu de talent. Le regard acide d’Altman se fait aussi dans le choix des acteurs, par exemple, il utilise des acteurs de second plan, très souvent cantonnés dans les rôles de méchants, pour interpréter le rôle des producteurs (
Brion James et
Fred Ward)!
Bien sûr, je n'oublie pas le principal thème du film, Hollywood vu de manière acerbe (ou lucide?). La "capitale du cinéma" est vue d'une façon très inquètante, véritable panier de crabes où chacun se doit d'y survivre.
Comble du cynisme, dans
THE PLAYER, un scénariste, Tom Oakley (excellent
Richard E. Grant) essaie de vendre un script intitulé
Habeas Corpus, lequel se termine par une fin triste et pour lequel il réclame des acteurs inconnus du grand public. On découvre finalement, lors d'une projection devant les producteurs, qu'
Habeas Corpus comporte une fin heureuse, et que les héros sont... Julia Roberts et Bruce Willis. Pourquoi? Parce que les projections-tests (couramment utilisées aux États-Unis pour tester le film devant un public) ont prouvées que le public a détesté la fin originale. "
That's the reality..." conclue Tom Oakley...
Et la spirale infernale prend forme à la dernière minute du film: le producteur se voit amené à produire le scénario de sa propre histoire. Ce qui veut dire que le film est en lui-même une mise en abyme, et cela explique ainsi le clap qui apparaît à l'écran dans la toute première scène, accompagné de la voix d'un réalisateur disant d'abord: "
Moteur..." puis "
Action!"
Et on se rend également compte que l'histoire répond aux critères réclamés par les producteurs tout au long du film pour faire "le succès d'un film": suspens, rire, violence, espoir, cœur, sexe... et happy end!
À noter que j'adore aussi la musique de Thomas Newman, envoûtante.
Ma note : 6/6
P.S.: Le DVD du film est une calamité. Le menu est moche, la photo est fade, les bonus ne sont pas nombreux ni intéressants... bref, c'est pourri. Il faudrait peut-être voir la différence avec le zone 1...
(1992)
Un film de
Robert ALTMAN.
Avec
Tim ROBBINS
Greta SCACCHI
Fred WARD
Whoopi GOLDBERG
Peter GALLAGHER