Tod Browning (1880-1962)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

Modérateurs : cinephage, Karras, Rockatansky

bruce randylan
Mogul
Messages : 11652
Inscription : 21 sept. 04, 16:57
Localisation : lost in time and lost in space

Re: Tod Browning (1880-1962)

Message par bruce randylan »

The Eye Of Doom a écrit : Dommage qu'il ne reste rien d'autre du film et pas de documents dispo pour ce faire une meilleure idée.
Il existe quelques photos d'exploitations qui permettent de comprendre un peu mieux à quoi ressembler les décors. :|



Drifting (1923)

Image

En chine, une femme fait partie d'un trafic d'Opium. Pour faire passer une nouvelle cargaison, elle se rend avec son acolyte en campagne où un homme pourrait les aider au grâce à sa mine. Ils ne savent pas qu'il est en fait un agent double travaillant pour le gouvernement.

Avant dernière-collaboration entre Priscilla Dean et Browning (avec encore Wallace Beery) pour un film d'aventures assez pantouflard, du moins jusqu'au 20 dernières bobines.
La première heure est excessivement nonchalante, sans avoir le charme (et la flamboyance) d'un Walsh ou d'un Ford. Quelques touches d'humour bienvenue (Dean balançant ses vêtements au policiers) égarés dans une narration mal construite où le montage parallèle ne fonctionne pas du tout et n'enrichit aucun des personnages. Les enjeux sont en plus trop mince avec pas mal de situations convenues. Les acteurs ne parviennent ainsi pas tous ainsi à exister. Ce sont davantage les personnages féminins qui créent l'adhésion : Priscilla Dean assez vivante mais c'est surtout Anna May Wong qui réussit à être très touchante malgré un rôle cliché au possible. On a même l'impression que Tod Browning lui donne pratiquement la vedette* à quelques reprises et ça fait plaisir de ne pas la voir réduite à jouer les utilités ou la figuration comme dans Mr Wu (elle était au début de sa carrière cela dit et Toll of the sea était sorti l'année d'avant).
Les acteurs masculins sont plus problématiques : Wallace Beery est au final inutile, Matt Moore (l'agent double) transparent et William V. Mong (le père d'Anna May Wong) grotesque avec son maquillage ridicule. Ne parlons pas de l'horripilant mouflet.

Alors que l'ennui routinier s'installe confortablement, une révolte des paysans chinois permet de lancer les festivités du dernier acte. Tout le monde semble se réveiller pour l'occasion : Tod Browning livre un beau chaos à l'image avec des plans larges remplis de demeures en flammes, des foules de figurants déchaînés, des protagonistes face à des menaces dans plusieurs décors, permettant un montage soutenu et une belle alternance de teintages. Même Priscilla Dean se réveille et retrouve son caractère de femme d'action, s'emparant d'un fusil pour repousser plusieurs assaillants qui assiègent la maison où elle a pris refuge.
Une longue dernière séquence assez intense qui sauve le film. Malheureusement, ce petit morceau de bravoure semble incomplet. Est-ce du à la censure mais on ne verra pas les événements que traverse Anna May Wong (qui a du subir au moins un viol). Pas mal de séquences semblent d'ailleurs absentes ou incomplètes tout au long du film : le personnage de Wallace Beery, le contexte géo-politique...

*Edit : En fait, Browning et Anna May Wong ont eu une liaison, ceci explique sans doute cela (liaison assez médiatisée à l'époque puisque interraciale et Wong n'avait que 19 ans, donc mineure là-bas)
"celui qui n'est pas occupé à naître est occupé à mourir"
bruce randylan
Mogul
Messages : 11652
Inscription : 21 sept. 04, 16:57
Localisation : lost in time and lost in space

Re: Tod Browning (1880-1962)

Message par bruce randylan »

Iron man (1931)

Image

Quitté par sa compagne après un combat perdu, un jeune boxeur impulsif se décide à enfin suivre les conseils de son coach. Résultat payant puisqu'il remporte bientôt le championnat, attirant de nouveau son ancienne compagne, davantage intéressée par l'argent et la gloire, qui en fait un personnage mondain.

Un des nombreux films de boxes comme il y en avait par dizaine au début des années 30 et c'est loin d'être le meilleur, sans doute car Tod Browning n'a pas l'air dans son univers et n'injecte par beaucoup de caractère à cette histoire très convenue et totalement prévisible. Par chance, ses comédiens s'en sortent mieux avec un très bon duo chaleureux entre Robert Armstrong (le manager) et Lew Ayres qui bénéficie de bons dialogues. On trouve aussi Jean Harlow, assez caricaturale et jouant à fond la carte des décolletés plongeant qui feront bondir plus d'un censeurs quelques années plus tard.
Un titre typiquement pré-code donc avec immoralité (adultère cynique et personnages alcooliques) et sa narration de 70 minutes qui possèdent pas mal d'ellipses percutantes, sans pour autant rendre le film plus palpitant.
Ca aurait été servi par une réalisation plus inventive, des personnages plus consistants et un scénario moins routinier, ça aurait été mieux.
"celui qui n'est pas occupé à naître est occupé à mourir"
Avatar de l’utilisateur
Watkinssien
Etanche
Messages : 17063
Inscription : 6 mai 06, 12:53
Localisation : Xanadu

Re: Tod Browning (1880-1962)

Message par Watkinssien »

bruce randylan a écrit : Ca aurait été servi par une réalisation plus inventive, des personnages plus consistants et un scénario moins routinier, ça aurait été mieux.

Ah ça, cela me semble logique! :wink:
Image

Mother, I miss you :(
The Eye Of Doom
Régisseur
Messages : 3079
Inscription : 29 sept. 04, 22:18
Localisation : West of Zanzibar

Re: Tod Browning (1880-1962)

Message par The Eye Of Doom »

bruce randylan a écrit :Iron man (1931)

Image
Grand merci pour tes comptes rendus :)
Ils m'auront permis de vivre cette rétrospective par procuration car entre les vacances scolaires et la charge de boulot, je n'aurais finalement assisté à aucune projo.
:cry:
bruce randylan
Mogul
Messages : 11652
Inscription : 21 sept. 04, 16:57
Localisation : lost in time and lost in space

Re: Tod Browning (1880-1962)

Message par bruce randylan »

Watkinssien a écrit :
bruce randylan a écrit : Ca aurait été servi par une réalisation plus inventive, des personnages plus consistants et un scénario moins routinier, ça aurait été mieux.
Ah ça, cela me semble logique! :wink:
Toujours le souci des films "pas mal mais pas top" sur lesquels y-a pas grande chose à dire en fait. On tombe vite dans les banalités :mrgreen:
The Eye Of Doom a écrit :Grand merci pour tes comptes rendus :)
Ils m'auront permis de vivre cette rétrospective par procuration car entre les vacances scolaires et la charge de boulot, je n'aurais finalement assisté à aucune projo.
:cry:
Je t'en prie. Si ça peut aider de se faire une idée, ça me fait plaisir :wink:

Je continue avec une autre rareté :

No woman knows (1921)
Image

Après le décès du père de famille, une mère et sa fille se privent sans ménagement pour payer des cours de violon à leur fils/frère à Dresde. Mais ce dernier dilapide son argent avec une épouse vénale.

Étant donné le niveau de cette première période du cinéaste, je n'espérais pas grand chose de ce mélodrame et il s'impose au final comme l'un de ses meilleurs titres muets (hors Chaney). Pas d'exotisme ni de freaks mais une histoire touchante et crédible, filmée avec sensibilité et tendresse par une cinéaste, entièrement consacré à ses comédiens qui sont souvent très justes... Sauf quand Mabel Julienne Scott essaie de faire la fille en colère. Mais le reste du temps, elle est formidable et extrêmement émouvante, sans tomber dans le tire-larmes facile. Des qualités présentes dans le scénario qui, tout en reposant sur des éléments stéréotypés, dressent des personnages crédibles aux réactions humaines.
Browning et ses auteurs ne méprisent ni ne jugent personne, et préfèrent même reléguer hors-champ le personnage les plus caricatural comme l'épouse du frère qui n'apparait que dans une seule scène. L'histoire se limite au final à 4 personnages et leurs interactions dans un nombre réduit de décors. On se recentre ainsi vraiment sur la psychologie en approfondissant les personnages. Il y a ainsi de très jolis moments : la gêne mêlée de jalousie du patron de voir un ami d'enfance de Mabel Julienne Scott revenir dans sa vie, la réaction de cette dernière devant sa nièce, un placard vide ou encore la dernière scène (vraiment très belle, feutrée et filmée avec délicatesse).

Quand on connaît la future prédilection du cinéaste pour le sadisme et la cruauté, c'est surprenant de le voir si talentueux dans le drame intimiste.

Sinon, plus curieusement, le générique met en avant Max Davidson qui n'apparait que 5 minutes au début. Et contrairement à ce que l'introduction laisse croire, les origines juives des personnages n'ont aucune influence sur l'intrigue. A moins que ça ne fasse partie de scènes manquantes mais ça n'a pas l'air d'être le cas. La copie ayant survécu est certes incomplète avec seulement quelques scènes qui semblent écourtées.
"celui qui n'est pas occupé à naître est occupé à mourir"
bruce randylan
Mogul
Messages : 11652
Inscription : 21 sept. 04, 16:57
Localisation : lost in time and lost in space

Re: Tod Browning (1880-1962)

Message par bruce randylan »

Fin de la rétrospective à la cinémathèque :

Dollar Down (1925)
Image

Malgré sa situation enviable dans une usine, un homme doit faire face à de nombreuses dettes contractées par son épouse et sa femme. Obtenant une promotion, il espère remettre ses finances à flot, mais sa famille continue leur folie dépensière pour épater la haute société.

Une grosse rareté qui n'a survécu qu'au travers une unique copie à laquelle il manque la dernière bobine et dont de très nombreux passages sont fortement endommagés.
On se consolera en se disant qu'il ne s'agît pas d'une pièce maîtresse dans la carrière du cinéaste. Une comédie impersonnelle à l'argument assez limité, très prévisible et moralisatrice dont la dernière partie (perdue donc) avait l'air de sauter à pied joint dans le grotesque avec un stratagème pour le moins farfelue pour sauver la réputation du père, accusé à tort de corruption.
En revanche, comme dans No woman Knows, il faut reconnaître que la direction d'acteur élève le niveau du script et que les personnages restent attachant. Le ton lorgne heureusement plus du coté de la comédie (de moeurs) que du mélodrame pour quelques scènes amusantes entre Roscoe Karns et Ruth Roland, soit la jeune accro du shopping et son cousin, plus économe.
Si Cinématographiquement ce n'est pas très mémorable, tout en étant globalement divertissant, Dollar Down est davantage intéressant pour sa dimension historique avec un portrait déjà grinçant de la société de consommation et sa publicité galopante qui pousse à l'achat frénétique et aux crédits. Durant plusieurs séquences, le film est pratiquement un manifeste pour convaincre les gens d'économiser et de ne pas vivre au dessus de leur moyen, y compris au sein de l'école avec des cours d'épargne au primaire ! Il y a même des images tout droit sorti de vraies manifestations avec des parades d'enfants déguisés en adultes et brandissant des pancartes encourageant à épargner pour s'assurer un avenir plus sûr.

Assez stupéfiant quand on voit que le film est sorti deux ans avant le krach boursier de 1927 :o


Fast Workers (1933)
Image

Deux amis qui travaillent à la construction de gratte-ciel s'amusent à se jouer des tours quand il s'agit de filles, surtout pour prouver que celle que veut épouser le plus naïf des deux est loin d'être une femme parfaite. Ce qui arrive souvent.

Encore un film à part dans la carrière de Browning pour cette comédie qui rappelle davantage les Wellman/Curtiz/Mayo pré-code et surtout certains Walsh. Tout ce qui touche au quotidien des ouvriers sur les chantiers est excellent, vif, drôle, spirituel, plein de bonnes idées et assez spectaculaires mine de rien (malgré les inévitables transparences).
La partie rivalité amoureuse est un peu moins originale mais fonctionne une fois de plus par ses comédiens et leur caractérisation. On voit que Browning aime chacun de ses personnages, y compris les seconds rôles dont des second rôles habituels comme Sterling Holloway et Vince Barnett.
John Gilbert est irréprochable et forme un délicieux duo avec Mae Clarke, pétillante d'ironie. C'est assez immoral avec beaucoup de sous-entendus sur la vie sexuelle des personnages qui n'ont pas l'air très prudes.
Robert Armstrong est un peu en retrait, peut-être pas à la hauteur de son rôle, un peu trop nounours au gros cœur. Il est plus crédible dans le dernier tiers quand il devient une cocotte minute sous pression.
1933 oblige, l'intrigue est ramassée et plutôt efficace en 66 minutes sans que la narration et les personnages soient sacrifiés. Ca manque sans doute de surprises et j'aurais apprécié davantage de séquences sur les tours en constructions, pour autant je vais cracher dans la soupe et ce Fast Workers est une très très bonne surprise.
"celui qui n'est pas occupé à naître est occupé à mourir"
Avatar de l’utilisateur
Tommy Udo
Producteur
Messages : 8689
Inscription : 22 août 06, 14:23

Re: Tod Browning (1880-1962)

Message par Tommy Udo »

bruce randylan a écrit :Fast Workers (1933)
Image

Deux amis qui travaillent à la construction de gratte-ciel s'amusent à se jouer des tours quand il s'agit de filles, surtout pour prouver que celle que veut épouser le plus naïf des deux est loin d'être une femme parfaite. Ce qui arrive souvent.

Encore un film à part dans la carrière de Browning pour cette comédie qui rappelle davantage les Wellman/Curtiz/Mayo pré-code et surtout certains Walsh. Tout ce qui touche au quotidien des ouvriers sur les chantiers est excellent, vif, drôle, spirituel, plein de bonnes idées et assez spectaculaires mine de rien (malgré les inévitables transparences).
La partie rivalité amoureuse est un peu moins originale mais fonctionne une fois de plus par ses comédiens et leur caractérisation. On voit que Browning aime chacun de ses personnages, y compris les seconds rôles dont des second rôles habituels comme Sterling Holloway et Vince Barnett.
John Gilbert est irréprochable et forme un délicieux duo avec Mae Clarke, pétillante d'ironie. C'est assez immoral avec beaucoup de sous-entendus sur la vie sexuelle des personnages qui n'ont pas l'air très prudes.
Robert Armstrong est un peu en retrait, peut-être pas à la hauteur de son rôle, un peu trop nounours au gros cœur. Il est plus crédible dans le dernier tiers quand il devient une cocotte minute sous pression.
1933 oblige, l'intrigue est ramassée et plutôt efficace en 66 minutes sans que la narration et les personnages soient sacrifiés. Ca manque sans doute de surprises et j'aurais apprécié davantage de séquences sur les tours en constructions, pour autant je vais cracher dans la soupe et ce Fast Workers est une très très bonne surprise.
Un film inédit que Patrick Brion devrait nous passer au CDM.
En tout cas, merci pour tes commentaires :D
bruce randylan
Mogul
Messages : 11652
Inscription : 21 sept. 04, 16:57
Localisation : lost in time and lost in space

Re: Tod Browning (1880-1962)

Message par bruce randylan »

Sinon, c'est sorti chez Warner Archives en Zone 1 (ce qui est quelque part cohérent puisque le style évoque plus les Warner de cette période que ceux de MGM)
"celui qui n'est pas occupé à naître est occupé à mourir"
Avatar de l’utilisateur
Supfiction
Charles Foster Kane
Messages : 22126
Inscription : 2 août 06, 15:02
Localisation : Have you seen the bridge?
Contact :

Re: Tod Browning (1880-1962)

Message par Supfiction »

Ciné concert The wicked darling au festival d’Arras:
https://www.culturopoing.com/culturonew ... 9/20210401
The Eye Of Doom
Régisseur
Messages : 3079
Inscription : 29 sept. 04, 22:18
Localisation : West of Zanzibar

Re: Tod Browning (1880-1962)

Message par The Eye Of Doom »

Outside the law.
Je vais le faire rapide: c’est pas terrible.
Sans le grand Lon dans un double role (méconnaissable d’ailleurs), on s’emmerderai pas mal.
Ce film de gangsters est plombé par plusieurs choses:
* Priscilla Dean: franchement cette actrice a un joli sourire, y met du sien mais ella a trois expressions. Et manque franchement de finesse. Elle est (tres) Assez insupportable.
* tout un millieu de film avec scenes de couple et bambin. C’est pas que le gamin joue mal mais bon….
* un discours moralisateur à gros trait.

Donc il y a Lon et une scene de baston finale qui reveille un peu le spectateur.

Pour me rincer l’oeil j’ai enchaîné sur Underworld de Sternberg, on n’est pas dans la même cours meme si l’ami Georges Bancroft surjoue « un peu »… :mrgreen: et que Sternberg est encore en rodage.
Avatar de l’utilisateur
Thaddeus
Ewok on the wild side
Messages : 6143
Inscription : 16 févr. 07, 22:49
Localisation : 1612 Havenhurst

Re: Tod Browning (1880-1962)

Message par Thaddeus »

Image


L'inconnu
On pourrait dire de Tod Browning qu’il est touché par la grâce de l’étrange. Le milieu des baraques foraines, les extravagances du cirque, l’incongruité des caractères et des situations constituent l’assise d’une réflexion ironique mais grave sur la relativité de la morale, de la normalité et du bon sens. Le cinéaste puise dans les coups cruels du destin la force d’un film d’épouvante à la sourde poésie, où quelques murs suffisent à prendre le personnage au piège de la fatalité, où la difformité physique n’est qu’une apparence, où les impulsions violentes de l’amour se manifestent comme envers des instincts criminels. Dans cet univers de faux-semblants et de chausse-trappes, Lon Chaney compose une mémorable figure d’assassin passionnel, aussi pathétique qu’inquiétant. 5/6

Dracula
Malgré la redoutable épreuve du temps (les chauves-souris en carton animées par des fils, l’interprétation datée de Lugosi qui a l’air d’un ténor d’opéra proche du retour d’âge), le maître-étalon du film de vampires à l’américaine est loin d’avoir perdu toutes ses couleurs (métaphoriquement parlant). Car Browning possède un sens impeccable de la rétention, voire de l’épure, et qu’il sait raconter en images sobres mais expressives la célébrissime histoire du compte transylvanien, comme sa photographie devait passer au charbon, comme si l’écran était une feuille blanche sur laquelle il était possible de dessiner les ombres au fusain. Sans verser dans le guignol, en misant plus sur l’immobilité et la suspension que sur l’action, il invente un climat de fantastique et d’angoisse qui captive d’un bout à l’autre. 4/6

Freaks
On le sait depuis toujours, le véritable fantastique se nourrit aux racines les plus tangibles de la réalité. Le cinéaste l’a compris, et c’est en déplaçant la distorsion des apparences sur le terrain du mélodrame sentimental qu’il fait de cette œuvre unique une balise parmi les plus lumineuses et inclassables du cinéma. Hommes-troncs, sœurs siamoises, femmes à barbe, hydrocéphales apparaissent dans toute leur différente humanité d’êtres disgraciés, comme de purs produits de la nature, et nous plongent dans les abîmes du moi malade : la pire terreur secrète de tout un chacun, la vérité que l’on se refuse trop souvent à voir en face. Conte cruel traversé d’humour noir et d’éclairs surréalistes, ce side show en folie agit comme un fascinant spectroscope de notre propre monstruosité – "We accept it, we accept it, one of us, one of us…" 5/6

Les poupées du diable
Pour l’Amérique des années trente, la France est le pays de Monte-Cristo et de Feuillade, et Paris la ville de Fantômas et des surréalistes. Rien d’étonnant donc à ce que le film y croise des thèmes purement fantastiques à certains des ressorts les plus significatifs du mélodrame, selon une série de dualités aisément reconnaissables. Browning greffe ainsi les idées du savant inventeur d’un produit démoniaque et de la possession d’un esprit par un autre à des enjeux sentimentaux très concertés : il y a du Jean Valjean dans le portrait de cet homme qui fomente sa vengeance sous les habits d’une vieille dame et choisit de disparaître après avoir fait retrouver le bonheur à sa fille. Quant aux séquences "miniaturisées", elles délivrent une poésie et un enchantement qui n’ont rien à envier à L’Homme qui rétrécit. 4/6


Mon top :

1. Freaks (1932)
2. L’inconnu (1927)
3. Dracula (1931)
4. Les poupées du diable (1936)

Artiste du rêve et du cauchemar, très porté sur le pathétique, la bouffonnerie et la féérie macabre, Todd Browning a construit une œuvre insolite autour des marginaux de ce monde et de l’envers inquiétant de notre quotidien. Sa puissance suggestive, alliée à une étonnante faculté d’émerveillement, en font sans doute l’une des plus séminales du cinéma fantastique.
1kult
Directeur photo
Messages : 5320
Inscription : 27 sept. 10, 00:54
Contact :

Re: Tod Browning (1880-1962)

Message par 1kult »

J'ai revu hier à la Cinémathèque Française de Paris L'Inconnu, dans le cadre de Toute la mémoire du monde. Si le film est toujours aussi fort, si la restauration, certes perfectible (poussières, rayures, défauts de moisissures divers) apporte un vrai plus au vu de ce qu'on connait, et si la musique de Gaspar Claus, minimaliste et précise, sait relever le film d'une étrangeté bien sentie, le vrai plaisir était ailleurs. En effet, comme expliqué par JF Rauger en intro, on part de deux copies d'exploration de qualité différente (ça se sent, parfois au sein du même plan, où on passe d'une source à l'autre), cette restauration de 2022 par la George Eastman Fondation... est une version inédite ! Du générique MGM au carton The End, la durée du film était de 67 minutes. On gagne donc pas loin de 10 minutes par rapport à la version qui circulait jusqu'à maintenant !

Les séquences se situent principalement, après un rapide scan du fichier sur YouTube, au début. On a par exemple une petite introduction, d'un enfant qui observe le cirque. Plus tard, avant le numéro du perso de Lon Chaney, on en a deux autres, des funambules et un clown. Après le numéro ensuite, tous les membres du cirque se retrouvent autour du feu. Rien de fondamentalement différent, mais le film prend plus son temps. De fait, l'une des grandes révélations du film au bout de 10 minutes, arrive plus tard, ce qui permet de plus rentrer dans le film.

Je suis étonné que la Cinémathèque n'ait pas plus capitalisé sur cette version "longue" !
1Kult.com, le Webzine du cinéma alternatif en continu !
------------
Le site : http://www.1kult.com
Le facebook : http://www.facebook.com/1kult
le twitter : http://www.twitter.com/1kult
Le compte viméo : http://www.vimeo.com/webzine1kult
The Eye Of Doom
Régisseur
Messages : 3079
Inscription : 29 sept. 04, 22:18
Localisation : West of Zanzibar

Re: Tod Browning (1880-1962)

Message par The Eye Of Doom »

1kult a écrit : 13 mars 23, 09:42 J'ai revu hier à la Cinémathèque Française de Paris L'Inconnu, dans le cadre de Toute la mémoire du monde. Si le film est toujours aussi fort, si la restauration, certes perfectible (poussières, rayures, défauts de moisissures divers) apporte un vrai plus au vu de ce qu'on connait, et si la musique de Gaspar Claus, minimaliste et précise, sait relever le film d'une étrangeté bien sentie, le vrai plaisir était ailleurs. En effet, comme expliqué par JF Rauger en intro, on part de deux copies d'exploration de qualité différente (ça se sent, parfois au sein du même plan, où on passe d'une source à l'autre), cette restauration de 2022 par la George Eastman Fondation... est une version inédite ! Du générique MGM au carton The End, la durée du film était de 67 minutes. On gagne donc pas loin de 10 minutes par rapport à la version qui circulait jusqu'à maintenant !

Les séquences se situent principalement, après un rapide scan du fichier sur YouTube, au début. On a par exemple une petite introduction, d'un enfant qui observe le cirque. Plus tard, avant le numéro du perso de Lon Chaney, on en a deux autres, des funambules et un clown. Après le numéro ensuite, tous les membres du cirque se retrouvent autour du feu. Rien de fondamentalement différent, mais le film prend plus son temps. De fait, l'une des grandes révélations du film au bout de 10 minutes, arrive plus tard, ce qui permet de plus rentrer dans le film.

Je suis étonné que la Cinémathèque n'ait pas plus capitalisé sur cette version "longue" !
Merci pour ce retour.
J’avais prevu de venir mais « Passe ton bac D’abord! », j’ai fait de la physique avec mon fils….
J’espère qu’Eureka ou Kino sortiront un bluray…
Avatar de l’utilisateur
Flol
smells like pee spirit
Messages : 54619
Inscription : 14 avr. 03, 11:21
Contact :

Re: Tod Browning (1880-1962)

Message par Flol »

Quand tu parles de la "George Eastman Fondation"...on pense au même George Eastman ?
Spoiler (cliquez pour afficher)
Image
1kult
Directeur photo
Messages : 5320
Inscription : 27 sept. 10, 00:54
Contact :

Re: Tod Browning (1880-1962)

Message par 1kult »

Flol a écrit : 13 mars 23, 10:40 Quand tu parles de la "George Eastman Fondation"...on pense au même George Eastman ?
Spoiler (cliquez pour afficher)
Image
Presque !

Pour plus de précision: la restauration a été réalisée avec le soutien de la National Film Preservation Foundation, à partir d'une copie restaurée du George Eastman Museum et une copie nitrate du Národní filmový archiv (Prague).

https://www.eastman.org/
1Kult.com, le Webzine du cinéma alternatif en continu !
------------
Le site : http://www.1kult.com
Le facebook : http://www.facebook.com/1kult
le twitter : http://www.twitter.com/1kult
Le compte viméo : http://www.vimeo.com/webzine1kult
Répondre