Demi-Lune a écrit :
Finis, les privés distingués : le Mike Hammer d'Aldrich est un type antipathique et assez minable. Finies, les femmes fatales sensuelles et voluptueuses de la haute société : les femmes dans ce film n'ont que peu de classe, ce sont des prolétaires. Fini, le glamour du noir et blanc : chez Aldrich, la photographie est clinique, captant l'agonie de décors désertiques
Non, on ne peut pas dire ça!!
Tu trouves le Sam Spade interprété par Bogart distingué? dans le fond c'est déjà un type à la moralité plus que douteuse, et nous ne sommes qu'à la naissance du genre, qui compte finalement peu de privés élégants. Les femmes fatales du film noir ne sont pas nécessairement issues de la haute société, pensons au rôle de Peggy Cummings dans
Gun Crazy par exemple, mais on en trouvera d'autres. Enfin concernant la photo, les films noirs au noir et blanc glamour existent certes, mais ils ne constituent pas forcément la majorité du genre, même avant 1955, pensons à
Woman on the Run ou
The Prowler par exemple, ce dernier répondant bien il me semble, à la notion de photographie "clinique".
Je ne nie pas qu'il y ait des idées dans
Kiss me Deadly, notamment dans la violence qui émane de la première partie, atout essentiel du film pour moi, on peut évoquer son McGuffin original (mais pas révolutionnaire, Dick Powell mêlait film noir et question nucléaire dans
Split Second deux ans plus tôt), par contre je le trouve trop mal utilisé ici pour marquer un vrai tournant (là c'est purement subjectif).
Je ne suis pas un grand fan de
Kiss me Deadly, mon avis sur la question est probablement biaisé par ce ressenti, mais je ne peux y voir, même en tentant d'être objectif, une révolution ou même un tournant pour le genre.
Gun Crazy, que je citais plus haut, dénote bien plus à l'époque de sa sortie par ses choix stylistique (et flirt lui aussi dans son final avec le fantastique, d'une manière bien plus subtil je trouve). Deux en plus tard,
Nightfall en brouillant définitivement les lignes du bien et du mal (devenant ainsi le fleuron du film "gris") m'apparait plus nettement l'annonciateur du "chant du cygne" du genre (si tant est qu'il y en ait réellement un).
Il y a des idées dans le film d'Aldrich, pas de tournant pour moi, il n'y a pas de rupture stylistique nette, il n'ya pas non plus un avant et un après
Kiss me Deadly dans les films noirs de l'époque. Ca ne me saute pas aux yeux en tout cas.