Les mains d’Orlac 1924
Un pianiste qui a perdu ses mains dans un accident de train se voit greffer les mains d’un assassin.
Plusieures choses frappent a la vision de ce film de Wiene.
En premier lieu il est tres différent dans sa forme du delire expressionniste de Caligari.
Dans Caligari, les decors, la forme, les costumes portent l’extravagance, les tournants des personnages, alors que le jeu des acteurs est relativement sobre.
Dans Les mains d’Orlac, c’est l’inverse. Intérieurs bourgeois, gargote borgne, rues anonymes, tout se veut plutot realiste, jusqu’à la saisissante restitution de l’accident de train.
Par contre les acteurs portent leur émotion et affres sur leur visage et dans leur gestuelle.
On atteint meme ici une sorte de sommet, Conrad Veidt le semblant un corps etranger au film, tant sa performance est extreme.
C’est bien la, pour moi, le defaut du film: l’acteur en (sur)fait des tonnes. Et ca ne marche pas toujours.
On alterne des scenes assez incroyables où il est littéralement tiré par ses mains, où il tente de se les arracher, …. Et des scenes où il surjoue à mort la douleur et l’angoise intérieure.
En fait, la gestuelle de l’acteur est saisissante mais ses expressions faciales outrancières.
Du coup, j’ai finalement trouvé Alexandra Sorina, qui joue l’epouse, bien meilleure. Attention elle n’est pas vraiment sobre, elle joue dans le plus pur style expressionniste mais elle emeut. Ses scènes sont quasiment toutes reussies.
Elle porte aussi une charge erotique manifeste, entre sa robe déchirée par la recherche de son mari dans les amas de ferrailles disloqués ou dans l’incroyable scene où
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- elle se dirige vers le bas ventre de son mari, sur son lit d’hopital, comme pour lui faire une fellation.
Il y a bien sur dans la thématique des pertes des mains et leur possession par un tiers une allégorie sur la castration et sur la pulsion sexuelle.
C’est un des aspects surprenants de ce curieux film.
Si je n’ai pas toujours accroché au surjeu de Veidt, il y a toute de meme plusieurs scenes tout à fait remarquables, notamment l’incroyable visite de l’épouse chez son beau père
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- La mise en scene nous le montre de loin, assis dans une alcove, comme une araignée.
J’ai aussi beaucoup aimé les scenes de l’accident et toute la fin dans la gargote.
Voila donc un film curieux qu’on aurait tord de sous estimé meme si il n’emporte pas complètement l’enthousiasme.
A découvrir.
A noter une copie fort correcte proposée par Eureka. Elle est composé d’un mix des deux versions existantes, avec des variations de qualité dues aux différences de format des matériaux d’origine.
On ne peut que regretter que comme c’est le cas le plus souvent la copie n’a pas été vraiment nettoyée numériquement. Les originaux sont assez rayés. Rien qui gene la vision mais bon.
J’ai oublié de preciser que c’est une adaptation du roman de Maurice Renard sorti 3 ans auparavant. J’ai lu le roman il y a bien trop longtemps et suis incapable de dire si le film lui est fidèle. Ayant relu dernièrement Le docteur Lerne (1908) et l’incroyanble recit de sf Le peril bleu (1910) , on ne peut que regretter qu’ils n’aient pas fait l’objet d’adaptation a l’epoque.
Wiene est un cineaste mal connu, écrasé par son film manifeste. Du coup, il y a peut etre d’autres muets d’interêt à découvrir?