Je suis surpris que si peu d'entre vous aient cité
Dressed to Kill que je tiens pour un très grand De Palma. Certes Francis l'a fait, mais avec un mépris qui me sidère. Outre le fait qu'il ne t'eut pas coûté bien cher de signaler les spoilers que tu as disséminés assez légèrement au fil de ton texte cher Francis, permet moi de remettre en question (
SPOILER) tes assertions quant à l'homophobie et la transexualophobie du scénario. Certes le personnage du Dr. Eliott interprété par Caine, n'apparaît pas sous son jour le plus rayonnant, certes outre son profond déséquilibre mental (schizophrénie) le personnage vit visiblement une crise d'identité sexuelle aiguë qui l'amène à désirer une opération. Mais, je te le demande, à quel moment le film indique-t-il qu'une des données est concomitante de l'autre ? Rien ne me paraît moins évident.
Le Dr. Eliott est habité par deux personnalités, le Docteur donc, et l'entité féminine répondant au prénom de "Bobbi" je crois. Il se trouve que ladite Bobbi a des tendances délétères l'amenant à massacrer son prochain à coups de rasoir finement ajustés. Soit. Mais l'on retrouve (au cinéma et dans la réalité) ces tendances chez bien d'autres individus qui ne connaissent pas l'instabilité du personnage de Caine. En outre il y a dans le film de De Palma une séquence fort intéressante à cet égard. On y voit le Dr. Eliott que l'on ne sait encore ni schizophrène, ni meurtrier en train de regarder une émission à la télévision sur les transsexuelles (tu remarqueras la marque du féminin, signe que j'ai retenu ta leçon de l'autre topic
). Lors de ma découverte du film, j'ai trouvé la scène inutile, superfétatoire, j'en suis même venu à penser qu'elle gâche un peu le suspense du film puisque avec cette "licence scientifique" si chère en général au cinéma hollywoodien (mais pas seulement, rappelez vous
Godzilla), elle introduit déjà la notion de transsexualité à laquelle on ne saurait penser à ce moment là, introduction trop hâtive qui m'a amené à deviner à l'avance la clef du film dans l'obscurité pourtant habilement tissée par De Palma. Cette scène m'a donc laissé perplexe jusqu'à ce que je revoie le film. Et c'est à ce moment que j'ai compris que ce passage était indispensable, ô combien, car il réfute totalement l'idée même de la critique que tu formules contre le scénario du film. Que voit on dans cette émission de télévision ? Des transsexuelles qui mènent une vie normale, voire même héroïque, puisque l'une d'elles vient témoigner de son engagement comme correspondant de guerre (il me semble, je ne saurais le dire avec certitude). Le très est peu être un peu trop épais, un peu forcé, mais ta critique ne tiens plus le moins du monde puisque cette scène l'anticipe et apporte un contrepoids évident au personnage de Caine qui n'est certes pas le gendre idéal à bien des égards. .
Par ailleurs (mais cela devient hors-sujet), il appartient bien sûr à ton droit le plus strict de ne pas apprécier le film pour ses qualités artistiques (car je réfute donc totalement ta charge à l'encontre du fond idéologique) mais je retiens pour ma part le plus bel hommage peut être fait à Hitchcock, notamment à travers la fameuse scène du musée (mais pas seulement, il y a aussi cette formidable poursuite dans le métro qui préfigure à
Carlito's Way) que tu cites fort justement. A ce film je ne reproche qu’une fin que je trouve maladroite et une photo datée. Par contre, je retiens à jamais le plan en plongée où Caine assassine une infirmière devant un parterre d'aliénés massés selon un principe scénographique renvoyant directement à la salle de cinéma et ses spectateurs. Cette image aussi fascinante que terrifiante continue encore de me hanter...