7swans a écrit :Dans une maison de vacances, je dois avoir 7 ou 8 ans et dans le salon plongé dans le noir, une télévision à tube cathodique diffuse des images d'un film avec Patrick Bruel (?!), il tient quelque chose qui pourrait ressembler à une hache (?!).
Plus intriguant, la pièce est totalement vide et Patrick (?!) n’a aucun spectateur. Sauf moi, peut-être, qui regarde de loin, assis sur une marche de l’escalier, presque caché par la rambarde. L’ambiance est lourde, c’est une nuit chargée de fin d’été sur la côte charentaise, le film n’a rien de rafraîchissant, il est sombre et son atmosphère me pèse. De loin, j’aperçois cet autre témoin silencieux, un petit éléphant de bois qui diffuse une forte odeur, posé sur la table basse. Il est là depuis le début du séjour et il ne bougera pas. Ni maintenant, ni les années suivantes, pas d’un pouce, jusqu’à la mort de la tante de mon père.
Soudain, je frémis, une image, une action, quelque chose dans le Trinitron qui me semble insupportable et je remonte 4 à 4 les marches de l’escalier infini qui me mène vers ma chambre, sous les toits. Apeuré, je me cache sous ma couverture orange. Elle gratte mais produit une légère odeur de moisie réconfortante, l’odeur du temps qui s’enferme dans les fissures des murs des pièces inoccupées, de ces maisons qui ne vivent que l’été. Encore maintenant, cette odeur que je peux retrouver en vacances, me renvoie vers Patrick (?!) et sa hache (?!). Elle me hérisse le poil.
Alors cette nuit-là, sous ma couette, j’invoque l’image familière et fantasmatique de ma copine Laurène pour chasser l’image de l’homme qui se cassait la voix. Je chantonne Romeo and Juliet de Dire Straits, que j’écoute en boucle à cette période en calant le rythme de mon chant (englisho-yaourt) sur celui de Knopfler dans la version du double live d’Alchemy. J’aime beaucoup la transition avec Love Over Gold. J’avais dû en parler à Laurène, ce jour-là sur la plage du Pigeonnier. Probablement, parce que j’en parlais à tout le monde. Déjà j’oubliais Patrick (?!), et sa hache (?!), pour me plonger dans le nouveau maillot de bain de Laurène ou dans ses yeux toujours bleus.
Je n’ai jamais cherché à savoir de quel film il s’agissait. J’imagine presque qu’il n’existe pas. Mon trauma d’enfance, bien réel, ne serait qu’une fantaisie.
Près de 30 ans plus tard, dans les rayons de Gibert, je tombe sur une jaquette qui attire mon attention.
"La Maison assassinée"
Mon cœur bat un peu plus vite.
Une fois de retour chez moi, je pars à la recherche d’un extrait sur Youtube et tombe sur le film complet. Fébrile, je parcours le fichier nerveusement, j’avance rapidement, clique et fixe mon regard. J’imagine que je fronce les sourcils et me mord l’intérieur de la joue. Mais rien ne me renvoie à mon souvenir. Alors je ne sais pas. C’était peut-être ça, peut-être pas, peut être rien.
En revanche, j’ai recroisé Laurène cet été sur la place du marché de Royan.
Elle était rayonnante.
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