Joseph H. Lewis (1907-2000)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Jeremy Fox
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Re: Joseph H Lewis

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La critique de Ville sans loi
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Jeremy Fox
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Re: Joseph H Lewis

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daniel gregg
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Re: Joseph H. Lewis (1907-2000)

Message par daniel gregg »

Il y a quand même de ces pointures sur Amazon, qui ne se privent pas en plus de poster des commentaires péremptoires et définitifs (commentaire lu sous l'annonce du coffret Gun crazy).
Et le champion HC, se fait attacher à son pseudo, le titre d'"amateur éclairé". :lol:
Jospeh H. Lewis (1907-2000) n'est guère connu que pour quelques réussites mineures comme The big Combo (1955) ou Terror in a Texas town (1958) : obscur réalisateur de série B, on reste confondu devant la maîtrise et l'originalité dont il a pu faire preuve avec cet incroyable Gun crazy (1950) qui est un des grands chefs d'oeuvre méconnus du film noir au panthéon duquel il mérite de figurer. L'histoire est simple : un jeune homme fanatique de tir rencontre une saltimbanque de fête foraine. Le mélange détonnant des deux personnalités en fait un couple de braqueurs qui partent en cavale au mépris des lois de la société. Le thème rappelle évidemment les Amants de la nuit, Bonnie & Clyde ou Badlands : un jeune couple d'amoureux, ça peut être dangereux. Même si Dalton Trumbo est au scénario, c'est surtout l'originalité de la mise en scène qui fait le prix de Gun Crazy : on croirait voir un Welles par moment (les cadrages en particulier sont en permanence étonnants). La fin du film, qui rappelle beaucoup le High Sierra de Walsh, est admirable. Précipitez vous sur ces 90 mns de pure adrénaline.
NB : ce dvd z1 comprend une vo avec STF
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Major Tom
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Re: Joseph H. Lewis (1907-2000)

Message par Major Tom »

daniel gregg a écrit :Il y a quand même de ces pointures sur Amazon, qui ne se privent pas en plus de poster des commentaires péremptoires et définitifs (commentaire lu sous l'annonce du coffret Gun crazy).
Depuis 2004 et un fameux commentaire sur le dernier Tears for Fears comme étant "ce que la pop a produit de plus beau depuis Sgt. Pepper et les Beach Boys", j'ai arrêté. :mrgreen:
daniel gregg
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Re: Joseph H. Lewis (1907-2000)

Message par daniel gregg »

Major Tom a écrit :
daniel gregg a écrit :Il y a quand même de ces pointures sur Amazon, qui ne se privent pas en plus de poster des commentaires péremptoires et définitifs (commentaire lu sous l'annonce du coffret Gun crazy).
Depuis 2004 et un fameux commentaire sur le dernier Tears for Fears comme étant "ce que la pop a produit de plus beau depuis Sgt. Pepper et les Beach Boys", j'ai arrêté. :mrgreen:
:lol:
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Jeremy Fox
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Re: Joseph H. Lewis (1907-2000)

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Le western du Week-end : Terreur au Texas qui sort justement mercredi chez Sidonis
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Profondo Rosso
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Re: Joseph H. Lewis (1907-2000)

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Le Maître du gang (1949)

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Frank Warren et George Pappas, agents du fisc, tentent de confondre un chef de gang, de fraude fiscale. Plusieurs témoins disparaissent. Les deux hommes réussissent à retrouver la femme d'un comptable assassiné, prête à témoigner. Mais le procès se déroule dans un climat de haute tension...

Le Maître du gang est un film noir librement inspiré des circonstances qui firent réellement tomber Al Capone. Ce n'est en effet pas ses multiples activités criminelles qui conduisirent le baron crime en prison, ni même une grande entité policière comme le FBI. Al Capone fut condamné pour fraude fiscale après une minutieuse enquête de l'IRS (équivalent américain du fisc) qui mis à jour ses malversations financières. Le film prend pour base une partie d'un article de la revue Collier qui proposait la biographie de Frank J. Wilson, agent de l'IRS et un des principaux acteurs de l'inculpation de Capone. Le film déplace les évènements du début des années 30 à la période contemporaine de la production (et le type de criminalité qui va avec) et, tout en laissant clairement deviner la réalité dont il est question, change les lieux et les noms. La ville est plus anonyme et n'évoque pas forcément Chicago, Frank Wilson est rebaptisé Frank Warren sous les traits de Glenn Ford et Al Capone n'est jamais explicitement nommé même si son ombre plane sur le film. Simplement appelé "Big Boss", c'est à l'instar de ce que fut Capone (et qui était bien rendu dans Les Incorruptibles de Brian de Palma (1987)) une véritable coqueluche des médias dont il démultiplie les ventes par ses différentes astuces pour échapper à la justice. Ce ne sera qu'une élégante et insaisissable silhouette que l'on observe de loin entouré de photographes.

Le film joue habilement entre cette dimension médiatique de la cible, la menace criminelle du cadre urbain réaliste et le méticuleux travail des enquêteurs de l'IRS. Joseph H. Lewis se montre donc ici plus avare en flamboyants morceaux de bravoure comparé à ses films noirs les plus fameux comme Gun Crazy (1950) ou The Big Combo (1955). Il parvient cependant à captiver sur le quotidien fastidieux de protagonistes épluchant des dossiers dans des bureaux exigus, en quête du moindre élément de preuve. La tension dramatique naît de la rencontre et de la vue du découragement d'autres qui avant, eux, tentèrent sans succès de s'attaquer à cette mafia tentaculaire avec des conséquences personnelles dramatiques. C'est le dilemme de Frank Warren, rongé par la culpabilité de si longuement délaisser son épouse (Nina Foch). La menace et le pouvoir de la mafia repose sur une capacité à frapper le traitre ou le curieux à tout moment, l'occasion pour Lewis de déployer sa maestria le temps d'une scène de poursuite urbaine haletante. L'impunité reste l'élément le plus récoltant lorsqu'apparait à de multiple reprise le visage carnassier et corrompu de l'avocat véreux O'Rourke (Barry Kelley de faux airs d'Harvey Weinstein) venant sourire aux lèvres libérer les suspects pour quelques vice de forme fallacieux. La peur, la révolte et finalement le courage qu'inspire cette impunité fait ainsi osciller le ton du film entre espoir et renoncement. Il faudra que la rue et l'institution rassemblent enfin leurs efforts pour que l'action réussisse, ce qui est magnifiquement amené dans le cheminement de Glenn Ford et des petites gens courageux. Tout cela est fait avec une concision narrative exemplaire (1h20 pour un récit sacrément dense) et très fidèle aux vrais évènements. Par exemple lors du procès d'Al Capone, le changement de jurés achetés est bien mieux amené que dans Les Incorruptibles ou cela se fait en milieu d'audience ce qui est impossible en réalité. Pas le Joseph H. Lewis le plus nerveux, mais un très bon film noir. 5/6
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Jeremy Fox
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Re: Joseph H. Lewis (1907-2000)

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The Eye Of Doom
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Pour une fois je ne serais pas en phase avec Profondo Rosso. Le film a de tres nombreuses qualités, l’interprétation, le personnage de l’avocat, l’atmosphère de menace sourde,le boss hors champ,… mais j’ai bien moins accroché que pour The line up de Siegel (Eli Wallach!) et L’inexorable enquête de Karlson (Broderick Crawford!) decouverts semaine derniere.
Trop distant du personnage principal probablement…
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Profondo Rosso
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Re: Joseph H. Lewis (1907-2000)

Message par Profondo Rosso »

Gun Crazy (1950)

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Bart Tare a toujours été fasciné par les armes, au point qu'il tente d'en voler une dans la vitrine d'un marchand, à l'âge de 14 ans. Après la maison de correction et l'armée, il revient au pays, avec des idées de vie honnête et sereine... Mais un jour, un cirque visite la ville, et Bart assiste au numéro de tir d'Annie Laurie Starr, qui possède, comme lui, une suprême adresse dans cet exercice... Il s'engage à ses côtés, c'est bientôt le mariage et la ruine... Les deux tireurs d'élite en viennent à penser au braquage

Gun Crazy est une véritable pépite du film noir qui transcende son statut de série B par un sous-texte provocant, une urgence au service d’une mise scène novatrice. Au départ il s’agit d’une nouvelle de MacKinlay Kantor publiée dans le quotidien The Post. Ce dernier étant un journal plutôt républicain et conservateur, on pourrait s’étonner quand on pense à la furie du film de les voir publier pareil récit. En fait si le film reprend en grande partie les évènements de la nouvelle, le point de vue est très différent. L’histoire de MacKinlay Kantor racontait du point de vue extérieur d’un camarade son enfance auprès de Bart Tare, son obsession pour les armes à feu et dépeignait ses exploits criminels avec cette même distance, l’axe étant mis sur le quotidien de la petite ville et l’impact des méfaits de « l’enfant du pays ». La fratrie de producteur dirigeant la petite compagnie King Brothers Productions engage avant tout Mackinlay Kantor pour le prestige rattaché à son nom puisqu’un de ses romans est la base du récemment oscarisé Les Plus belles années de notre vie de William Wyler (1946). Kantor est initialement associé au scénario et à la production mais peu à peu écarté car son script s’avérait trop prétentieux quand les King souhaitaient un produit dans la lignée de leur seul succès commercial d’alors, Dillinger (1945). Dalton Trumbo alors sur la liste noir entre dans la danse pour rédiger sous pseudonyme un script bien plus alerte que va sublimer Joseph H. Lewis à la réalisation, en bon maître de la série B nerveuse.

Il reste néanmoins de vraies traces de la nouvelle dans l’ouverture sur l’adolescence de Bart Tare (John Dall), partagé entre l’environnement provincial paisible où il a été élevé et son attrait névrotique pour les armes. Ce schisme qui aura des répercussion plus tard se traduit malgré cette obsession par une incapacité et un dégoût à tuer suite à un traumatisme d’enfance. On peut facilement faire le raccourci entre le fait d’éprouver du désir sexuel mais d’être impuissant, et le décloisonnement concret et symbolique se fait avec la rencontre d’Annie Laurie Starr (Peggy Cummins), éminente gâchette dans une troupe de cirque. Elle est le pendant inversé et complémentaire de Tare, quand ce dernier refoule ses pulsions, Anne a la détente facile et ne rêve que de trouver un partenaire pour l’accompagner dans les crimes qui lui offriraient une meilleur vie. La première rencontre est un moment d’anthologie, Annie surgissant comme un fantasme filmé en contre-plongée du point de vue de Tare, toute sourire et lâchant un coup de feu en l’air. Joseph H. Lewis filme les deux futurs amants durant ce duel armé que deux animaux en chaleur qui se jaugent, se reniflent et s’épient avant de sauvagement s’étreindre. Ce désir ne peut cependant s’assouvir que dans l’adrénaline des braquages qu’ils vont bientôt mener ensemble.

La méthode brutale et spontanée des hold-up correspond à cette métaphore de passion charnelle à consommer dans l’urgence et le danger. Il faut attendre la moitié du film et l’attaque de la société de viande pour voir un braque un tant soit peu élaboré et préparé en amont, sinon ce ne sont que des assauts presque spontanés (si ce n’est la voiture de rechange en dehors de la ville), des fuites chaotiques et des coups de feu tonitruants. Joseph H. Lewis réussit l’exploit de créer une vraie empathie pour son duo infernal s’épanouissant dans une passion toxique où l’étreinte de l’autre est addictive et indispensable pour le passage à l’acte criminel. Une des plus belles scènes sera lorsque le couple en cavale décide de momentanément se séparer pour échapper à la police mais, s’éloignant l’un de l’autre dans leurs voitures respectives, s’en montre incapables et accourent fiévreusement l’un vers l’autre.

Les travellings agressifs, les plans-séquence nerveux (l’attaque de la banque fabuleux morceau de bravoure) et les cadrages dynamiques (notamment tout ceux sur leur silhouettes à l’arrière de la voiture durant leurs fuites dantesques) de Lewis créent un sentiment d’urgence qui font coupablement ressentir l’excitation des protagonistes dans leurs actions. Paradoxalement, les moments où Tare et Annie partagent des moments de couple « normaux » et romantique, l’imagerie se fait volontairement factice et artificielle, comme si cette existence rangée à laquelle il prétendent aspirer ne leur ressemblait pas. Les braquages sont supposés financer un train de vie plus agréable mais ils s’avèrent finalement un prétexte et la raison d’être, le pivot de leur union. Peggy Cummins est incandescente à travers ces airs de poupée de porcelaine fragile en contrepoint de ses élans violents et dominateurs sur John Tall plus torturé et qui anticipe la vulnérabilité d’un Warren Beatty en Clyde Barrow dans Bonnie and Clyde de Arthur Penn (1967).

Leur union ne se résume cependant pas à ce rapport dominante/dominé et s’avère une sincère histoire d’amour, dont le moteur s’avère cependant destructeur pour leurs victimes. Toutes ces contradictions explosent dans l’envoutante conclusion qui les voit chuter. L’espace se restreint et freine leur fuite en avant, l’urbanité glorieuse de leurs exploits s’estompe pour les piéger en forêt et l’abstraction est de mise avec cet marécage brumeux pour mettre le point final à leur odyssée meurtrière. Un grand film qui impressionnera durablement un certain Jean-Luc Godard qui ne masque pas son influence dans son inaugural A bout de souffle (1960). 5/6
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