Je retiendrai avant toute chose l'exceptionnelle maîtrise visuelle de Fellini (aaaah, ce noir et blanc hypnotique), capable d'imprimer une frénésie aux scènes les plus "communes", capable de donner certaines des scènes oniriques les plus intrigantes du Cinéma.
Pour le reste, j'avoue mon scepticisme.
Alors que je ne me suis jamais ennuyé durant les 3 heures de
La Dolce Vita, j'ai quand même trouvé le temps long ici. Plusieurs éléments de réflexion pour l'expliquer. Il y a d'abord le fait que l'histoire repose sur l'incapacité décisionnelle de Guido. Si Mastroianni transpire la classe, la définition amorphe de son personnage provoque difficilement l'empathie, et donc l'intérêt. En vérité, le seul personnage que j'ai trouvé intéressant dans
8 1/2, c'est celui de son épouse bafouée : là j'ai senti une certaine incarnation, quelque chose qui dépassait la proposition théorique. Guido est un personnage spectateur de son propre déclin, il n'agit pas, toute perspective semble le paralyser ; par conséquent le récit ne se trouve pas rythmé par des temps forts dramatiques, puisque pour cela il faudrait qu'il y ait
action de la part du personnage. Or les actions de Guido se résument à passer d'une femme à l'autre en se demandant ce qu'il fout là. Pas forcément très passionnant ! Certes l'entrecoupement rêves/souvenirs/réalité apporte un certain rythme, et un certain intérêt (variable : je n'ai pas vraiment aimé la séquence du harem, par exemple), mais un intérêt chez moi plus "intellectuel" (pour la modernité du langage de Fellini) qu'émotionnel. Cette absence de dramaturgie, à mes yeux, ne peut donc que rendre problématique mon implication pour une narration assez fascinante dans ses audaces, mais tout de même difficile d'accès. Le film n'est pas tellement compliqué à suivre mais on dirait que Fellini s'échine à le complexifier le plus possible. Volonté d'expérimentation intéressante, bien dans son époque, mais qui me fait un peu tiquer dans la façon que le cinéaste lui associe, comment dire (je redoute la réaction d'Amarcord
)... ce que j'interprète personnellement comme un égocentrisme qui ira croissant dans son œuvre (avec ses films de souvenirs :
Fellini Roma,
Amarcord...).
8 1/2 est indiscutablement un film personnel, un film dans lequel bien des réalisateurs se sont sans doute retrouvés ; mais je crois que je commence à comprendre pourquoi on parle souvent de ce film comme d'un tournant dans la carrière fellinienne. A vrai dire, je crois que je préfère le Fellini néo-réaliste, plus humble peut-être.
Pour autant qu'on ne se méprenne pas :
8 1/2 reste objectivement un film remarquable (pour sa forme, ses comédiens, ses expérimentations) mais de la même époque et du même cinéaste, je préfère largement
La Dolce Vita (son chef-d’œuvre en ce qui me concerne, pour l'instant), dont la superficialité scénaristique masque en fait une richesse de fond inépuisable, des portraits parfaitement brossés et une vraie émotion latente.