Publié : 6 juil. 06, 11:34
magnifique...Max Schreck a écrit :la troublante Anna Falchi
https://www.dvdclassik.com/forum/
magnifique...Max Schreck a écrit :la troublante Anna Falchi
sous-titres italien et anglais seulement.cinephage a écrit :En revanche, trouve-t-on des sous-titres français sur le dvd Medusa ??
dvdland.itArt Core a écrit :Où peut-on le trouver ce DVD ?
c'est le 18 Juillet.Art Core a écrit :C'est le 18 juillet, 18 août ?
cinephage a écrit :Jeudi 16 Décembre 2010, Dellamorte Dellamore (Michele Soavi, 1994)
Extrait choisi : The plot thickens (chapitre 11)
ATTENTION : PARLER DE CETTE SEQUENCE IMPLIQUE QUELQUES REVELATIONS ET SPOILERS.
J’ai découvert assez tardivement ce film de Michele Soavi, qui avait pourtant une excellente reputation auprès des amateurs de films d’horreur et de fantastique. Il faut dire que j’aime bien garder quelques films « de bonne réputation » sous le coude, pour les jours où l’âme moins aventureuse qu’à mon habitude, j’ai envie de voir un bon film, et non de découvrir un film dont j’ignore tout. C’est vrai qu’on peut toujours être déçu, se trouver en désaccord avec le plus grand nombre, voir un film est toujours une opération risquée, on n’est jamais assuré d’aimer. Néanmoins, avec un film comme Dellamorte Dellamore, j’avais toutes les chances de mon coté.
Michele Soavi s’est fait connaître sur de petits films d’horreur pas piqués des hannetons, notamment pour Bloody Bird, un giallo bien ficelé, et, beaucoup plus récemment, pour un polar talentueux, Arrivederci amore, ciao qui m’avait bien plu. De fait, j’ai beaucoup apprécié Dellamorte Dellamore, même si (ou parce que, sait-on jamais ?), il faut bien l’avoué, j’ai aussi été très surpris par ce film. En effet, le film désamorce la plupart des situations connues, joue sur les codes du genre avec saveur, sans pour autant les trahir, avant d’entamer un virage surréaliste négocié de main de maître. C’est justement ce virage que désigne notre flanerie du jour. Lorsque l’on passe d’un film de zombie « classique », même si filmé avec beaucoup de talent, à quelque chose d’assez différent.
Une fois n’est pas coutume, je vais tenter d’accoler quelques images tirées de la séquence pour illustrer notre flânerie. Ca sera plus parlant. En l’occurrence, Dellamorte Dellamore est particulièrement notable pour le travail de recherche formelle de son réalisateur : tout au long du film, on est surpris par des choix de plans, des compositions originales, des approches ludiques ou juste bien trouvées. Notre flânerie nous permettra de trouver quelques exemples. Enfin, notons aussi que le film, de par son coté un peu surréaliste, prête le flanc à toutes sortes d’interprétations. On ira voir par-là aussi, mais j’avoue qu’au final, je trouve que l’opacité du message du film (si tant est qu’il y en ait vraiment un) le rend d’autant plus appréciable.
La séquence s’ouvre sur le visage du héros, Francesco Dellamorte (Rupert Everett, magistral pendant tout le film, trouve sans doute ici l’un de ses meilleurs rôles) , sortant de chez lui. Les évènements précédents sont troublants : gardien du cimetière qui en tuait les zombies, Dellamorte a rêvé qu’il tuait cette fois-ci des vivants. Il a été tiré de son sommeil par l’inspecteur de police chargé de l’enquête, qui veut parler à Gnaghi (François Hadji-Lazarro, qui joue ici comme ailleurs de son physique de brute), l’associé muet et simplet du Dellamorte. « Le temps rafraichit », constate le gardien du cimetière, dans un gros plan sur son visage ébloui scrutant le ciel.
Il s’adresse alors à l’inspecteur de police Straniero (Mickey Knox, un acteur américain que Soavi avait déjà employé dans Bloody Bird. Pour la petite histoire, politiquement très à gauche, Knox s’est exilé en Italie après avoir été mis sur liste noire dans les années 50). « Laissez-moi lui parler d’abord, s’il-vous-plait ». Le policier ne fait pas preuve d’une grande compréhension : « faites-le juste sortir d’ici ». La caméra est passée du gros plan sur Everett à un plan large qui révèle l’entrée de la cave dans laquelle réside Gnaghi, devant laquelle a lieu la conversation. Dellamorte entre dans la cave (dont l’ouverture parait bien peu pratique). Tandis qu’on entend au loin le policier déclarer combien ça pue, on voit Dellamorte de la cave entrer en fronçant le nez, puis s’arrêter en écarquillant les yeux.
En contrechamps, on voit Gnaghi chantonner un air avec Valentina, la fille du maire (morte précédemment, et sur laquelle Gnaghi fantasmait fortement. Elle est jouée par la jeune et autrefois jolie Fabiana Formica). Une boule à facettes posée devant Gnaghi tourne en renvoyant des petits points lumineux.
Valentina bave une sorte de bile gluante et verdâtre répugnante, que Gnaghi essuie avec tendresse d’un petit mouchoir.
Contrechamps sur Dellamorte, en gros plan, qui grimace de dégout.
Contrechamps suivi d’un salut amical de Gnaghi et sa bien-aimée. L’idylle est parfaite. Noter le charmant pot de fleur posé sur la télévision, qui ajoute un élément de décoration féminin à l'antre de Gnaghi (et n'était pas là auparavant).
Dellamorte, après avoir marqué un arrêt, se confie à Gnaghi : il a rêvé la nuit dernière avoir tué des gens vivants… Valentina tente d'attirer l'attention du fossoyeur, en le saluant, et en demandant s'il se souvient d'elle, mais il l'ignore totalement. Voila d'ailleurs qu'il est interrompu par un appel du dehors : « vous avez de la visite ».
Tout au long du film, à chaque fois qu'une explication sérieuse, qu'un début d'analyse de la situation est entamé, qu'un dialogue qui pourrait déboucher sur des informations commence, il est interrompu. Soavi nous maintient dans une ignorance quant aux tenants et aboutissants du film : les causes nous échappent, tout comme les conséquences possibles. Personne ne prend réellement le temps d'analyser les choses : les choses fonctionnent plus par association d'idée que par causalité réelle. D'ailleurs, puisqu'on parle d'association d'idée, la vue de la fille du Maire provoque l'arrivée de ce dernier. Le visiteur est effectivement le Maire de Buffalora (la ville dont Dellamorte garde le cimetière).
Le maire (joué par Stéphano Masciarelli) demande en effet à Dellamorte (qu’il appelle « ingénieur ») de venir déterrer sa fille. La conversation se fait accompagnée par la caméra (en travelling arrière, assez large), alors que le groupe traverse le cimetière, décor principal du film. Le maire marche aux cotés de Dellamorte, du policier et d’un photographe. En effet, la mort de sept personnes risque de lui faire perdre les élections. Le gardien de cimetière répond que ça fait 15 ans que les gens votent pour lui. Ce à quoi il réplique que justement, pour être élu une seizième fois il a eu une idée. Il va intégrer la mort de sa fille à sa campagne électorale.
Alors que Dellamorte se met à la tombe de la jeune fille, un plan sur celle-ci nous montre qu’elle allait avoir, justement, 15 ans à la fin de l’année (encore ce procédé de l’association d’idée, je ne vois pas d’enjeu logique à cela, peut-être ne s’agit-il que d’un hasard, d’ailleurs).
Bref, tandis que Dellamorte creuse au premier plan, en arrière-plan, on voit le maire exposer à l’inspecteur de police ses projets politiques (des affiches indiquant « si vous aussi avez perdu un être cher »), et le photographe préparer son appareil sur pied.
On notera ici un effet qu’utilise beaucoup Soavi dans le film : mettre en scène conjointement une action au premier plan, et une autre derrière. C’est assez surprenant visuellement, mais ça marche bien.
Puis un plan se fait sur le photographe, alors qu’on a vu que Dellamorte arrivait au cercueil… Un zoom sur l’objectif de l’appareil (un autre de ces effets déstabilisant qui ponctuent le film).
Contrechamps sur le cercueil qu’on ouvre en grand, et qui révèle un corps sans tête…
« Mais, ingénieur, se désole le Maire, que signifie tout ceci ?? » Haussement d’épaule du fossoyeur, d’un air blasé et passablement indifférent à ce qui semble se jouer… Le photographe, en revanche, reste dans sa fonction, proposant de cadrer à partir de la taille. (le décalage de la situation est assez hilarant, il faut dire).
Mais comme on demande à nouveau une explication, le Maire est interrompu par une voix feminine : sa fille l’appelle. Elle l’appelle par de petits noms tendres (Daddy-kin, soit un équivalent de Papounet, Daddy-o, soit un équivalent de Papinou). « Vous avez entendu ?? » Demande le Maire à l’inspecteur. « Ca dépend » répond celui-ci. « Quoi ? ». Mais le Maire court à la recherche de sa fille qui l’appelle, laissant le policier seul et perplexe. Le fossoyeur sort de son trou, et glisse un mot à l’oreille du policier : « The plot thickens » (l’intrigue s’épaissit, mais les allitérations de la phrase en anglais donne un surcroit d’ironie à la réplique).
C’est surtout pour nous que cette phrase est dite : nous entrons dans la seconde phase du film. Jusque là, on pouvait encore accepter la situation surprenante d’un gardien de cimetière qui doit tuer les morts, parce qu’ils reviennent à la vie quelques heures après avoir été enterrés, même s’il paraissait étonnant qu’il n’appelle pas de secours, ne fuie pas les lieux, ou que son statut étrange ne trouble personne dans la ville (chaque fois que la problématique est évoquée, elle est évitée). Désormais, on entre dans une phase plus surréaliste, plus onirique encore du film, où la causalité reste minimale, où les situations surprennent, où l’on ne sait plus très bien où vont les choses… L’intrigue s’épaissit, parce qu’on ne la résoudra jamais…
On a suivi le maire courant en quête de sa fille, à nouveau à travers le cimetière, puis devant l’entrée de la cave de Gnaghi. Appelé par sa fille, qui le presse, il y pénètre.
Dans un plan reprenant celui de Dellamorte quelques minutes auparavant (cf plus haut), on le voit entrant dans la cave, pestant contre la puanteur qui y règne. La voix de Valentina, trainante, répond « c’est à cause de moi, Papa ». Voyant alors enfin sa fille (un contrechamps en gros plan nous montre sa tête dans la télé), il s’exclame :
« Valentina, ma petite chérie, mais… Qu’est-ce que tu fais à la télévision ? »
« Je me décompose, papa » (I’m rotting fast, daddy).
Prenant à parti Gnaghi, il s’énerve : « Créature imbécile, qu’as-tu fait à ma petite fille ??
- Il n’y est pour rien, papa…
En même temps, Gnaghi s’interpose entre le Maire et sa fille, l’empêchant de l’atteindre. Le dialogue qui suit alterne, en champs/contrechamps classique, selon les dialogues, des plans sur le Maire (point de vue de Valentina), des plans sur Gnaghi avec Valentina derrière (point de vue du Maire) et des gros plans sur la jeune fille.
- Pousse-toi, monstre infame ! Ton maire te l’ordonne !
Mais Gnaghi secoue la tête énergiquement : il ne laissera pas passer le Maire.
- Gnaghi et moi allons nous marier, papa…
- Quoi ?? Toi et cet animal ?
- Gna ! (Gnaghi ne s’exprime que par cette onomatopée. Ici, il sourit de toutes ses dents à l’évocation du mariage).
- Je ne suis plus une si belle prise moi non plus, papa… (I’m not such a great catch either, daddy)
- Jamais. Pas tant qu’il me restera un souffle de vie.
- Ca, ça peut s’arranger.
A cet instant, on est passé à un gros plan sur Valentina, dont, alors que la musique prend un air de féérie, la tête s’envole vers nous.
On passe alors à un plan vu de l’intérieur de la bouche de Valentina, approchant à grande vitesse de son père… (noter le « détail qui fait vrai » : un filet de bave passe rapidement devant nos yeux).
La « jeune fille » mord alors sauvagement son père au cou, dans un plan court où la caméra bouge beaucoup. Avec la musique et les cris du père, cela fait parfaitement passer l’effet sanglant : on voit une morsure, une gorge arrachée et beaucoup de sang…
Alors qu’il tournoie en essayant d’arracher de son cou la vorace tête zombie, entre dans la cave notre héros fossoyeur. « Aidez-moi, ingénieur !! » supplie le Maire au passage.
- Je ne suis pas ingénieur, répond Dellamorte, mais il brandit son pistolet pour abattre la tête. A noter un bel effet de changement de focale sur la pointe de son révolver (décidément, Soavi aime beaucoup les plans « originaux ».)
Un contrechamps de “réaction” nous montre la tête atteinte d’une balle. La tête s’effondre, Gnaghi gémit (un bref plan sur sa réaction), le Maire tombe à terre.
Dellamorte s’accroupit près du Maire, en disant à Gnaghi combien il est désolé, mais elle « en faisait un peu trop à sa tête »… Gnaghi, lui, prend la tête bien-aimée dans ses mains, la berce avec tristesse…
Survient l’inspecteur, étonné. « Mais… Est-il mort ? » S’approchant du Maire, il se penche sur lui : « Mais il est mort. Qui l’a mordu ? » Dellamorte de répondre : « ce n’est ni moi ni Gnaghi. Prenez une empreinte de nos dents, vous constaterez que nous sommes innocents. »
- Mais qu’est-ce qui s’est passé ??
- Disons que ce n’est pas la première fois que vous aurez une affaire non résolue, hein…
Enfin, voice que le dernier protagonist de la sequence, le photographe, pénètre dans la cave à son tour. Voyant la scène, il brandit son appareil photo : « Attention, ne bougez plus »
Et le plan associe au flash de la photo un fondu au blanc annonçant la fin de la séquence. Tout au plus aperçoit-on Dellamorte qui offre un large sourire pour la photo.
Comme on le constate, on est passé du ton d’un film de zombie avec enquête policière (au début de la séquence, on se demande encore est-ce lui qui a tué ces gens ?? Va-t-il se faire pincer ?) à quelque chose de drolatique, d’absurde, de comique… C’est d’ailleurs toute la force de ce film que de nous amener à accepter toutes ces transformations de l’intrigue, que font sans doute passer les jeux formel dont nous avons pu trouver quelques exemples en une séquence de 5 minutes (le jeu sur la profondeur de champ, le zoom sur l’appareil photo, la vue subjective de la bouche de Valentina, le changement de focale sur l’arme de Dellamorte, le fondu au blanc). Cette multiplicité des effets porte un rythme soutenu et une fantaisie formelle qui fait écho à la fantaisie du récit.
La séquence que nous avons évoquée est, à mon sens, précisément celle qui marque le basculement du film de genre à quelque chose d’inédit et d’assez inattendu, absurde d’une certaine façon. L’intrigue s’épaissit, en effet, c’est le moins que l’on puisse dire…
Mais surtout, la séquence est l’une des plus droles du film. Par son décalage, son ironie de tous les instants, une ironie appuyée par un Rupert Everett qui aborde toutes les situations sous l’angle de celui à qui on ne la fait pas, son humour formel et narratif (le personnage du photographe est assez bien trouvé, au vu de la situation), le film fait rire, ou, à tout le moins, sourire.
Au final, Dellamorte Dellamore est un film assez unique, qui charme et décontenance à la fois. Tiré d’un roman de Tiziano Sclavi, le créateur de Dylan Dog (BD culte italienne), le film connaitre un relatif succès, notamment en décrochant le grand prix au festival de Gerardmer en 1995. Ayant également apprécié son plus récent film criminel (Arrivederci amore, ciao), je ne peux qu’espérer que son dernier film, I sangue dei vinti, parvienne un jour sur les écrans français. En attendant… Gna !
Il paraît qu'il est pas mal boiteux, celui-là. Mais manny le défendra très certainement.Akrocine a écrit :Je t'invite à découvrir l'excellent Bloody Bird