Hong Sang Soo

[Blue]

Bon allez, je jette un pavé dans la mare :
(raclements de gorge, crachats de glaires purulents)
...
Ça vous dérange pas les coups de zooms chez HSS ?
J'ai rien contre le fait de faire varier l'échelle d'un plan tout en gardant sa continuité, mais un travelling ne serait-il pas plus "noble" que ces brusques coups de zoom aussi pros que mes films de vacance tournés au caméscope ?
N'est pas le Visconti de "Mort À Venise" qui veut.

[Jack Griffin]

ça me gène dans Mort à venise, moins chez HSS. Comme quoi

[Blue]

Je viens de m'étouffer dans mon vomi.

[Boubakar]

Gounou (puisque tu connais très bien sa filmo, et pas moi), est-ce que les films de HSS peuvent être comparés à du Rohmer ? J'ai déjà entendu/lu ça plusieurs fois à son sujet, et j'aurais voulu avoir ton avis.

[Flol]

Ça vous dérange pas les coups de zooms chez HSS ?

De ce que j'ai vu hier soir...non.

[Gounou]

Gounou (puisque tu connais très bien sa filmo, et pas moi), est-ce que les films de HSS peuvent être comparés à du Rohmer ? J'ai déjà entendu/lu ça plusieurs fois à son sujet, et j'aurais voulu avoir ton avis.

A mon tour de jeter un pavé dans la mare : je méconnais Rohmer (vu un seul film) ! Je ne te serai pas d'une grande aide sur le sujet mais j'ai une petite idée du pourquoi de la comparaison (en France, on adooore les comparaisons)

Quant aux zooms, en tenant compte du wagon d'a priori qu'on peut avoir sur la chose, et notamment l'idée d'amateurisme et d’approximation qu'elle évoque, on peut trouver le procédé inélégant, voire hum... moche. Ok, mais ce serait dommage d'en rester là, comme pour le grain vidéo chez Mann ou le jump cut chez Godard...
Hong Sang-Soo fait du montage sans montage, joue sur la spatialisation par le cadre et le mouvement, ce qu'il donne comme ouverture ou ce qu'il isole... et pour lui la continuité est essentielle dans ce processus depuis toujours, même lorsqu'il se contentait d'un plan fixe (le travelling mécanique sous-entendrait une variation des focales et une machinerie - grue, dolly, rails - qui est à mon avis contraire à la façon dont il envisage un tournage).

On s'en tiendra donc à un point de vue unique par séquence et à des variables dans l'ouverture et l'angle de vision, ce que je trouve intéressant sur le plan du jeu et de la spontanéité en plus de titiller notre voyeurisme.

[Jack Griffin]

Gounou (puisque tu connais très bien sa filmo, et pas moi), est-ce que les films de HSS peuvent être comparés à du Rohmer ? J'ai déjà entendu/lu ça plusieurs fois à son sujet, et j'aurais voulu avoir ton avis.

A mon tour de jeter un pavé dans la mare : je méconnais Rohmer (vu un seul film) ! Je ne te serai pas d'une grande aide sur le sujet mais j'ai une petite idée du pourquoi de la comparaison (en France, on adooore les comparaisons)

En grattant un tout petit peu, ça reste assez éloigné quand même.

[shaman]

Je pense qu'en France, passé un moment de curiosité, on n'aime pas spécialement le stakhanovisme... sauf quand il s'agit de Woody Allen.
Je ne doute pas que Hong sera reconsidéré et honoré... mais plus tard et en marge d'une machine comme Cannes qui, par essence, recherche la "grandeur" et l'iconoclasme DU film au détriment de l'oeuvre... ça me semble évident.

Hong Sang Soo est l'un des cinéastes asiatiques les mieux distribués en France, ses films bénéficient de sorties cinéma soutenues par des aides à la distribution - et attirent en moyenne 10 000 spectateurs (pendant qu'en Corée du Sud, les entrées varient entre 10 000 et 60 000 selon le film). À l'exception de ses courts et d'un ou deux films (?), HSS passe chaque année par la case cinéma en France - dont présence dans des festivals internationaux prestigieux. Tous les cinéastes Sud-coréens, indépendants ou commerciaux, n'ont pas cette chance.

Au mois d'Octobre 2012, Hong Sang Soo fait la couverture des Cahiers du Cinéma, avec un gros dossier honorant son travail - alors qu'à quelques semaines prêt, la revue est partenaire d'un festival de cinéma coréen, proposant un aperçu large d'une production quasi-complètement inédite en France... Mais Hong Sang Soo prévaut, un cinéaste largement méconnu plutôt qu'une mise en avant d'une prod' ignorée ? Ça fait sens.

Et puis, se rappeler de l'hommage rendu à l'humble indépendant Coréen par la Cinémathèque Française en Mars 2011, deux semaines permettant aux cinéphiles de se pencher sur l'oeuvre du cinéaste, avec même la possibilité d'assister à une leçon de cinéma - à la même période, le Festival de Deauville Asie en profitait aussi pour lui rendre hommage. Reconsidéré et honoré ?

Hong Sang-Soo fait du montage sans montage, joue sur la spatialisation par le cadre et le mouvement, ce qu'il donne comme ouverture ou ce qu'il isole... et pour lui la continuité est essentielle dans ce processus depuis toujours, même lorsqu'il se contentait d'un plan fixe (le travelling mécanique sous-entendrait une variation des focales et une machinerie - grue, dolly, rails - qui est à mon avis contraire à la façon dont il envisage un tournage).

C'est une autre manière de présenter ces films comme du théâtre filmé s'appuyant avant tout sur un script (variant les idées de mise en abime dans une mise en abime dans...) et la prestation des acteurs. Ce qui devrait permettre de faire le parallèle avec un Rohmer.

À côté, faire du montage sans montage, jouer sur la spatialisation par le cadre... ça m'évoque dans le meilleur des cas plus un Tai Kato qui profitait des moyens de studio pour proposer une véritable mise en scène et dynamique à travers ses plans séquences fixes, où filmer des personnages en train de boire ou fumer pouvait prendre une dimension narrative impliquante, traduisant instinctivement un maximum d'enjeux dramatiques. Mais si du zoom mal dégrossi suffit à témoigner d'un sens de la spatialisation dans un cadre à la mise en scène absente...

[Gounou]

Les chiffres que tu mentionnes sont intéressant... par contre, en mélangeant accueil critique, public, festivalier, tu fais dire un peu ce que tu veux au message que tu cites ! Il est évident qu'en France, la distribution salle se montre particulièrement attentionnée à son égard, comme il est évident qu'il a, en moyenne, une bonne côte critique.
Maintenant, pour un cinéaste que je tiens pour l'un des plus intéressant et important de sa génération, toutes nationalités confondues, tu comprendras que je trouve un peu dommage, très égoïstement, qu'à l'exception du dernier bénéficiant de la présence d'une grande actrice française, on s'en tienne habituellement à deux salles parisiennes (et combien en province ?) et plus de distribution DVD française depuis 6 ans... Mettre en avant le fait qu'il a QUAND MÊME plus de chance que d'autres, bon, d'accord... mais mon raisonnement ne se veut pas exhaustif comme tes chiffres.
Et je comprends que ma "complainte" passe pour un caprice quand je vois ce que tu en dis quelques lignes plus bas.

[Joe Wilson]

J'ai beaucoup apprécié In another country, autre variation dans la continuité au sein de l'oeuvre de HSS. La présence d'Isabelle Huppert ne crée pas de rupture mais accentue une tension relationnelle, tout en provoquant un certain relâchement et une prise de distance étrangement ludique. La gestion de l'espace est toujours remarquable alors que les contrastes de la météo semblent précipiter un nouveau départ...ou sonner un éternel recommencement.
Pour revenir sur une sortie récente, j'ai été plus sensible à l'amertume et l'épure de The day he arrives mais les deux films se complètent aisément.

[Strum]

C'est le deuxième film de Hong Sang Soo que je vois - des années après avoir vu La Femme est l'avenir de l'homme à sa sortie, qui m'avait laissé circonspect et dont le dispositif de mise en scène faisant du spectateur le voyeur d'une histoire plutôt désagréable m'avait gêné. Contre toute attente, cet In another country, amusant, coquin et léger (dans son genre), a réussi à vaincre mes préventions, tant et si bien que lorsque débute la troisième histoire, j'en étais venu à me demander ce que Hong Sang Soo souhaite sans doute que le spectateur se demande à ce stade de son film : "Isabelle Huppert va-t-elle cette fois coucher avec le maitre-nageur ?"

[Blue]

Dans mon cas c'est plutôt les derniers HSS qui me font réévaluer à la hausse un film comme "La Femme Est L'Avenir De L'Homme", film que je trouvais moyen à l'époque, en le comparant avec les trois premiers HSS. Je vois à présent un fossé qui sépare ces films de "In Another Country" en terme de mise en scène.
Et le cinéma de HSS a depuis toujours été amusant voire très drôle, et en tout cas fin et subtil au-delà des apparences (les scènes de cul filmées frontalement si c'est de ça dont tu parles Strum, je ne taxerais pas ça de voyeurisme chez lui ; il y a un coté graveleux à la fois pathétique et rigolo qui me touche beaucoup). S'il y a bien un cinéaste qui porte à travers ses films un regard amusé et amusant sur les artistes en général, c'est lui.

[Strum]

Dans mon cas c'est plutôt les derniers HSS qui me font réévaluer à la hausse un film comme "La Femme Est L'Avenir De L'Homme", film que je trouvais moyen à l'époque, en le comparant avec les trois premiers HSS. Je vois à présent un fossé qui sépare ces films de "In Another Country" en terme de mise en scène.
Et le cinéma de HSS a depuis toujours été amusant voire très drôle, et en tout cas fin et subtil au-delà des apparences (les scènes de cul filmées frontalement si c'est de ça dont tu parles Strum, je ne taxerais pas ça de voyeurisme chez lui ; il y a un coté graveleux à la fois pathétique et rigolo qui me touche beaucoup). S'il y a bien un cinéaste qui porte à travers ses films un regard amusé et amusant sur les artistes en général, c'est lui.

Ayant vu La femme est l'avenir de l'homme à sa sorti, il y a 8 ans, je ne m'en souviens pas assez bien pour comparer sa mise en scène à celle d'In another country. Je me souviens d'une scène d'amour très bien filmée dans La femme est l'avenir de l'homme, mais je pensais davantage au film dans son ensemble en parlant de voyeurisme : Je me souviens que je n'étais pas parvenu à m'identifier à un seul personnage du film (le facteur d'identification est pour moi un élément clé de mon appréciation pour un film), que les personnages masculins m'étaient parus anthipathiques et que le but ou l'objet du film m'était resté assez étranger - la mise en scène, très près des personnages, et très peu découpée, faisait de moi le témoin de cette histoire sans parvenir à m'y intéresser ou à m'y happer, d'où sans doute ce sentiment de voyeurisme auquel j'ai fait allusion. Bref, pour reprendre tes termes, je n'avais pas trouvé le côté pathétique du film rigolo (au contraire de In another country)

[Blue]

Pour l'avoir un peu étudié à l'époque, je dirais juste que "La Femme Est L'Avenir De L'Homme" est assez fascinant dans la manière qu'à HSS de positionner ses personnages dans l'espace (et notamment la femme par rapport aux hommes ; c'est alors assez ludique de revoir le film en se focalisant là-dessus). Au-delà de ce qui y est dit ou narré, il utilise dans ce film un véritable langage annexe qui passe par la mise en scène et l'exploitation du cadre avec quand même à la base un style des plus statiques. Et pour mon grand regret c'est à partir de "Conte De Cinéma", son film suivant, qu'il a eu recours au zoom. A mon sens il n'est pas allé dans la bonne direction en voulant ajouter artificiellement du mouvement et c'est pourquoi je suis assez critique avec lui maintenant, mais au début des années 2000 je le considérais vraiment comme un des meilleurs réalisateurs en activité.

[Gounou]

Dernier numéro des Cahiers fortement recommandé à qui voudrait se pencher un peu (plus ?) sur la filmo et les méthodes de tournage du monsieur. Passionnant !



Merci à Ben Castellano pour le tuyau