Jean-Luc Godard (1930-2022)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

Modérateurs : cinephage, Karras, Rockatansky

Répondre
Avatar de l’utilisateur
Rick Blaine
Charles Foster Kane
Messages : 24136
Inscription : 4 août 10, 13:53
Last.fm
Localisation : Paris

Re: Jean-Luc Godard (1930-2022)

Message par Rick Blaine »

Stromboli a écrit : 13 sept. 22, 16:22 C'est un peu réducteur ce que vous dites.
Sans rien ôter à Tavernier (leur travail sur la transmission ne se produit ni à la même époque ni avec les mêmes outils) Godard à travers ses docus en général et en particulier ses histoires du cinéma c'est des dizaines de plans qui te donnaient envie de découvrir un film, un cinéaste que tu connaissais à peine de nom.
A un public déjà très cinéphile oui.
Un public plus large, je suis moins sur qu'il regarde Histoire(s) du cinéma. Tavernier avait me semble-t-il une forme de transmission plus simple, plus concrète.
Avatar de l’utilisateur
Alexandre Angel
Une couille cache l'autre
Messages : 14072
Inscription : 18 mars 14, 08:41

Re: Jean-Luc Godard (1930-2022)

Message par Alexandre Angel »

Naaan, c'est pas réducteur. C'est un autre angle et une autre approche. Il ne s'agit pas de rehausser l'un, pour "réduire" l'autre.
Il y a passeur et passeur (d'ailleurs, je trouve le terme un peu galvaudé).
Tavernier, c'est : ce film est admirable parce qu'il s'y passe ceci et cela. Il y a tel plan, telle scène, etc..
Godard, c'est : ce film est admirable parce qu'il exprime ceci et cela de notre humanité à un instant T de notre histoire.
(Godard, ou son grand disciple Daney, ont incarné cette évolution-là de la critique - cf aussi la revue Trafic)
C'est très schématique ce que je fais mais c'est pour montrer que je ne réduis rien.
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

m. Envoyé Spécial à Cannes pour l'Echo Républicain
Avatar de l’utilisateur
Stromboli
Machino
Messages : 1190
Inscription : 10 août 04, 10:18
Liste DVD

Re: Jean-Luc Godard (1930-2022)

Message par Stromboli »

Oui mais vous réduisez un peu trop rapidement la chronologie de cette histoire de la transmission.

Godard c'est la 1ère génération de cinéastes cinéphiles et l'essentiel de son boulot à l'époque se fait vers des générations qui veulent faire du cinéma ou en bouffer jusqu'à l'indigestion.
Sa cinéphilie est indissociable de son état de cinéaste.

Tavernier, même s'il y a eu "Amis Américains" c'est surtout une transmission à l'ère d'internet et du dvd, je suis sur qu'elle a été essentielle pour des jeunes nouveaux cinéphiles et je n'ai rien à lui reprocher, mais elle concerne une époque de la cinéphilie un peu sur le déclin : de vieux cinéphages repus et ravis de redécouvrir un western avec toute la passion qu'il pouvait y mettre.
Chez Tavernier la passion du cinéma n'apparait pas spécialement dans l'œuvre (qui n'en a pas besoin pour être marquante d'ailleurs) alors que presque toutes les œuvres de Godard contiennent la critique et le dialogue avec le reste du cinéma, de son histoire et de son devenir.
C'est quand même une autre dimension par rapport à l'histoire de cet art.

J'en profite pour reproduire une lettre de Godard citée par Arnaud Viviant dans Regards ce jour, elle date de 1963 ! :

« Paris, 9 avril,

Chers amis de l’Est, comme il m’aurait plu d’être avec vous ce soir pour parler de cinéma. Car, si le cinéma est en train de mourir, tué par ce que Roberto Rossellini appelle la culture industrielle, nous, de l’Ouest, nous ne sommes pas morts et vous non plus j’espère : oui, le cinéma est en train de mourir, à Hollywood, à Rome, à Londres et ailleurs où on l’a déjà enterré avec de beaux et tristes discours. Mais vous et moi savons qu’il n’est pas encore tout à fait mort, qu’il respire encore faiblement. Où ? Dans notre cœur qui battra toujours pour lui à vingt quatre images secondes. Cette modeste flamme qui hier encore incendiait le monde à coups de stars et de millions, il ne tient plus qu’à nous qu’elle ne s’éteigne définitivement. Mais ni vous ni moi ne le permettront, car cette flamme n’est rien d’autre que notre vie elle-même. Nous représentons le cinéma parlant (et notre ambition doit être inversement proportionnelle à notre modestie) comme Griffith et Eisenstein ont un moment représenté le cinéma muet. Et je ne choisis pas par hasard de dire : cinéma parlant plutôt que cinéma. Car cinéma parlant veut dire : cinéma qui parle, et cinéma dont il faut parler. Et ces heures de défaite et d’illusions qu’ils traversent, il est aussi important de faire des films que d’en parler. Voilà pourquoi il m’aurait plu d’être avec vous ce soir, de soutenir le vaillant Henri Langlois dans son combat, bref : de parler de cinéma.

Souvent, des jeunes garçons viennent me voir. Ils veulent savoir comment faire pour devenir metteur en scène, quelle filière suivre pour entrer dans le "milieu". Eh bien, justement, dans le cinéma, il n’y a pas de milieu, il n’y a que des extrêmes, il n’y a pas de règles, il n’y a que des exceptions. À ces jeunes garçons qui me supplient de les engager comme assistant pour apprendre, je dis : il n’y a rien à apprendre, ou plutôt si, mais pas comme vous croyez. Un assistant, c’est un esclave. Donc, ne devenez pas des esclaves. Si vous voulez faire des films plus tard, faites-en donc tout de suite avec n’importe quoi, sur n’importe quel sujet, car tout ce qui est sur la terre et dans le ciel fait partie du royaume des hommes, et doit donc être filmé. On vous propose sur les fourmis, sur les casseroles, sur les locomotives, ne refusez pas en disant que vous avez envie de filmer l’Iliade ou les Illusions perdues ou je ne sais quels autres grands sujets. Au contraire, acceptez, et filmez les fourmis, les casseroles, les locomotives, avec tout votre cœur, votre intelligence, toute votre ambition. Pensez que vous êtes en train de faire le film le plus important de l’histoire du cinéma. Votre technique est certainement inférieure à celle d’un Rembrandt ou d’un Shakespeare, mais votre passion doit être égale. J’ai toujours à l’esprit à ce propos cette phrase d’Ernst Lubitsch : "Commencez par filmer des montagnes, alors vous saurez filmer des hommes". J’aurais voulu parler de tout ça avec vous, ce soir, pour vous remercier de votre invitation. Ce qui me console, de toutes façons, c’est de savoir qu’il y a toujours quelque part dans le monde, à n’importe quelle heure, quand ça s’arrête à Tokyo ça recommence à New York, à Moscou, à Paris, à Caracas ; il y a toujours, dis-je, un petit bruit monotone mais intransigeant dans sa monotonie, et ce bruit, c’est celui d’un projecteur en train de projeter un film. Notre devoir est que ce bruit ne s’arrête jamais. »
Avatar de l’utilisateur
Rick Blaine
Charles Foster Kane
Messages : 24136
Inscription : 4 août 10, 13:53
Last.fm
Localisation : Paris

Re: Jean-Luc Godard (1930-2022)

Message par Rick Blaine »

Stromboli a écrit : 13 sept. 22, 16:52 Oui mais vous réduisez un peu trop rapidement la chronologie de cette histoire de la transmission.
Mouais. Tavernier ce sont des revues et des cinéclubs au tout début des années 60, et ça ne s'arrête pas ensuite. Ils ont certes une différence d'âge qui fait que Godard vient avant, mais on reste dans un même mouvement.
Stromboli a écrit : 13 sept. 22, 16:52 Chez Tavernier la passion du cinéma n'apparait pas spécialement dans l'œuvre (qui n'en a pas besoin pour être marquante d'ailleurs) alors que presque toutes les œuvres de Godard contiennent la critique et le dialogue avec le reste du cinéma, de son histoire et de son devenir.
C'est quand même une autre dimension par rapport à l'histoire de cet art.
Là c'est toi qui est réducteur par rapport à l'œuvre de Tavernier, qui dialogue beaucoup avec le reste du cinéma (pas du tout le même que celui avec lequel dialogue Godard d'ailleurs, et pas du tout de la même manière)

Encore une fois, tu ne peux pas nier qu'ils n'ont pas le même angle, et que la transmission de Godard est plus "élitiste".
Et il n'est pas question de rabaisser l'un ou l'autre, ni dans leur œuvre cinématographique, ni dans leur contribution à structuration de l'histoire du cinéma et çà son défrichage.
Avatar de l’utilisateur
Jack Carter
Certains l'aiment (So)chaud
Messages : 30342
Inscription : 31 déc. 04, 14:17
Localisation : En pause

Re: Jean-Luc Godard (1930-2022)

Message par Jack Carter »

Stromboli a écrit : 13 sept. 22, 16:52

Tavernier, même s'il y a eu "Amis Américains" c'est surtout une transmission à l'ère d'internet et du dvd,
Il a transmis à travers 30 et 50 cinema americain, depuis la creation de l'Institut Lumiere en 1981 dont il etait le president, dans ses articles pour differentes revues comme Positif et...les Cahiers, dans son role d'attaché de presse dans les 60s avec Pierre Rissient, il n'a pas attendu le dvd et internet pour le faire.
Image
The Life and Death of Colonel Blimp (Michael Powell & Emeric Pressburger, 1943)
Avatar de l’utilisateur
Alibabass
Assistant opérateur
Messages : 2669
Inscription : 24 nov. 17, 19:50

Re: Jean-Luc Godard (1930-2022)

Message par Alibabass »

Hommage au cinéaste mercredi 14 septembre sur Arte avec Le Mépris à 20H55. Suivra Prénom Carmen à 22h40 et pour finir Le Livre d'Image.
Avatar de l’utilisateur
Truffaut Chocolat
Rene Higuita
Messages : 6099
Inscription : 28 juil. 05, 18:33
Localisation : Deutschland

Re: Jean-Luc Godard (1930-2022)

Message par Truffaut Chocolat »

Stromboli a écrit : 13 sept. 22, 16:22 C'est un peu réducteur ce que vous dites.
Sans rien ôter à Tavernier (leur travail sur la transmission ne se produit ni à la même époque ni avec les mêmes outils) Godard à travers ses docus en général et en particulier ses histoires du cinéma c'est des dizaines de plans qui te donnaient envie de découvrir un film, un cinéaste que tu connaissais à peine de nom.

Et Fritz Lang dans "Le Mépris" c'est de l'ordre du mythe pour un des plus grands cinéastes de l'histoire alors presque relégué comme has been hollywoodien.
Godard c'est l'introduction de la cinéphilie dans le cinéma en train de se faire, c'est le premier à avoir fait ça et ça a influencé tout le cinéma des années 70 et 80 en particulier américain.
Il parlait de cinéma ouvertement dans ses films, il le citait, et ça allait encore plus loin parce qu'il était également commentateur de ses propres films et de sa propre carrière (c'est le sentiment qu'il me donnait en tout cas).
J'ai adoré tout ce que j'ai vu de JLG, c'est à dire très peu finalement, il était devenu une légende de son vivant et ils sont peu à pouvoir s'asseoir à sa table à ce niveau-là. Il était fascinant à écouter aussi. ça compte quand on veut mesurer l'emprunte qu'on laisse.

Quand je serai retraité je me ferai toute sa filmo. :o
Avatar de l’utilisateur
hansolo
Howard Hughes
Messages : 16078
Inscription : 7 avr. 05, 11:08
Localisation : In a carbonite block

Re: Jean-Luc Godard (1930-2022)

Message par hansolo »

Plusieurs œuvres introuvables vont peut être enfin sorti sur support ou être diffusées a la télé comme Le Roi Lear par exemple...
- What do you do if the envelope is too big for the slot?
- Well, if you fold 'em, they fire you. I usually throw 'em out.

Le grand saut - Joel & Ethan Coen (1994)
Avatar de l’utilisateur
Rick Blaine
Charles Foster Kane
Messages : 24136
Inscription : 4 août 10, 13:53
Last.fm
Localisation : Paris

Re: Jean-Luc Godard (1930-2022)

Message par Rick Blaine »

hansolo a écrit : 13 sept. 22, 19:37 Plusieurs œuvres introuvables vont peut être enfin sorti sur support ou être diffusées a la télé comme Le Roi Lear par exemple...
Il me semble que pour le Roi Lear, la question des droits est complexe.
Sinon en long métrage il y a quoi d'autre ? je vois Les enfants jouent à la Russie, sinon on est complet sur support numérique, non ?
Akrocine
Décorateur
Messages : 3771
Inscription : 1 avr. 09, 20:38
Localisation : Arcadia 234

Re: Jean-Luc Godard (1930-2022)

Message par Akrocine »

"Mad Max II c'est presque du Bela Tarr à l'aune des blockbusters actuels" Atclosetherange
Avatar de l’utilisateur
hansolo
Howard Hughes
Messages : 16078
Inscription : 7 avr. 05, 11:08
Localisation : In a carbonite block

Re: Jean-Luc Godard (1930-2022)

Message par hansolo »

Je parlais d'une diffusion TV ou d'une sortie DVD/Blu.

Évidemment que ces films sont deja dispo pour des happy fews dans des rétrospectives ponctuelles.
- What do you do if the envelope is too big for the slot?
- Well, if you fold 'em, they fire you. I usually throw 'em out.

Le grand saut - Joel & Ethan Coen (1994)
ballantrae
Assistant opérateur
Messages : 2001
Inscription : 7 déc. 10, 23:05

Re: Jean-Luc Godard (1930-2022)

Message par ballantrae »

Cela fait tout de même bizarre de voir disparaître encore un de ces noms qui scandaient régulièrement notre vie cinéphile.
Et de constater que ça y est: tous les cinéastes de la "Nouvelle vague" se sont éteints.
Bien sûr chaque commentateur va jouer à la sélection de son Godard préféré en privilégiant souvent le trio A bout de souffle/ Le mépris/ Pierrot le fou mais JLG a fait près d'une centaine de films de tous formats et on peut parfois déceler des fulgurantes absolument géniales dans des courts.
En somme, il n'y a plus qu'à vraiment voir ou revoir ses films constitutifs d'une oeuvre inépuisable y compris dans des moments d'imposture ou de plaisanterie pure ( je me souviens de King Lear comme d'un objet assez foutraque qui ressemble à une grosse arnaque et pourtant de temps en temps une idée, un plan très beau).
Celui que j'aimerais revoir dans des conditions optimales c'est Nouvelle vague qui me semble d'une pureté plastique et narrative absolues. Eloge de l'amour souvent un peu oublié est aussi une très belle réussite de sa dernière période , comme une transition entre le laboratoire narratif des 80'-90' et le tout numérique des années 2000- 2010.
Si on remonte aux années 60, j'aime les films qui sont cités un peu partout ( le trio déjà mentionné + Une femme est une femme, Bande à part) et ajouterai Alphaville, Week- end, Made in USA trois grands films trop oubliés.
Les années expérimentales pures et dures à savoir le groupe Dziga Vertov en revanche me tiennent vraiment à distance comme si la politique y encombrait trop le cinéma.
Akrocine
Décorateur
Messages : 3771
Inscription : 1 avr. 09, 20:38
Localisation : Arcadia 234

Re: Jean-Luc Godard (1930-2022)

Message par Akrocine »

hansolo a écrit : 14 sept. 22, 07:15 Je parlais d'une diffusion TV ou d'une sortie DVD/Blu.

Évidemment que ces films sont deja dispo pour des happy fews dans des rétrospectives ponctuelles.
Si il vient d'être restauré il sortira probablement en Blu-ray :roll:
Et il existe en DvD...
"Mad Max II c'est presque du Bela Tarr à l'aune des blockbusters actuels" Atclosetherange
Avatar de l’utilisateur
Stromboli
Machino
Messages : 1190
Inscription : 10 août 04, 10:18
Liste DVD

Re: Jean-Luc Godard (1930-2022)

Message par Stromboli »

ballantrae a écrit : 14 sept. 22, 09:07 Cela fait tout de même bizarre de voir disparaître encore un de ces noms qui scandaient régulièrement notre vie cinéphile.
Et de constater que ça y est: tous les cinéastes de la "Nouvelle vague" se sont éteints.
...
Attention Jacques Rozier et Luc Moullet ne doivent plus être bien vaillants mais ils me semblent encore parmi nous, et même s'ils sont moins connus que Godard ou Truffaut ils ont aussi été des marqueurs de la Nouvelle Vague :wink:
Avatar de l’utilisateur
Alexandre Angel
Une couille cache l'autre
Messages : 14072
Inscription : 18 mars 14, 08:41

Re: Jean-Luc Godard (1930-2022)

Message par Alexandre Angel »

Ah oui, je m'étais posé la question pour Rozier (sans chercher à vérifier :oops: ).
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

m. Envoyé Spécial à Cannes pour l'Echo Républicain
Répondre