Le Retour (Andrei Zviaguintsev - 2003)
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- David O. Selznick
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Je profite de la remontée de ce topic pour ajouter un avis très positif sur ce film. Un film à la fois poignant et rigoureux. Les relations père/fils, loin de tout manichéisme, passent par un véritable suspense. Le refus de toute psychologie ouvre la porte aux interprétations et aux allégories.
Plus que la beauté du film (saisissante il est vrai) c'est bien ces partis pris qui ont emporté mon adhésion.
Plus que la beauté du film (saisissante il est vrai) c'est bien ces partis pris qui ont emporté mon adhésion.
Les films sont à notre civilisation ce que les rêves sont à nos vies individuelles : ils en expriment le mystère et aident à définir la nature de ce que nous sommes et de ce que nous devenons. (Frank Pierson)
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le retour
Je ne sais s'il y avait déjà un topic sur le lion d'or Venise 2003 alors j'ouvre celui-ci.
Découvert en salles aujourd'hui. A la question, quel était le film que vous auriez aimé réalisé, je répondrais celui-ci. Mes obsessions formalistes sont presque entièrement comblées: quoiqu'on me diront certains, il n'y a ici pas d'histoire, juste un regard modelé par une forme. Quelques points à souligner:
-une narration minimaliste n'ayant de cesse de dire le monde dans lequel on vit: innombrables plans de paysage, musique quasiment mystique, un regard n'en finissant pas de chercher. Pour moi il est clair que le réalisateur a vu Dieu et a cherché à le montrer. Cette débauche contemplative finit par écraser le spectateur même s'il y a quelques réserves: le plan de grand ensemble est privilégié dans l'entrelac du montage sans que suffisamment de variations n'interviennent pour épuiser le sujet totalement. Autre défaut en passant: des scènes de dialogue filmées en faisant alternativement la mise au point sur celui qui parle et celui qui écoute: je déteste ça.
Ce n'est pourtant pas une ballade: certes le parallèle avec Paris, Texas explose: road movie, incommunicabilité entre les être, rapport entre le monde urbain et naturel mais le propos demeure radicalement différent: il ne s'agit pas de faire un constat de rapports humains qui ont échoué et de rechercher les raisons. Il n'y aura jamais de dialogue entre miroir interposé, aucune explication ne sera donnée à ce retour. Le point de vue n'est pas humain ou humaniste mais surplombe ce dernier: c'est pour cela qu'il n'y a pas de contemplation attendrie, l'horreur peut faire irruption comme faisant partie du monde ainsi que le démontre de façon éloquente le "cahot" rencontré lors du retour de l'île: un événement qui est mis en parallèle avec un autre (avancée paisible d'une barque puis obstacle); l'échec des deux enfants qui fait suite n'est pas teinté moralement (rien à voir avec Huston évidemment), il y a simplement retour à l'eau d'un corps en parallèle avec la plongée au début.
-le point de vue souvent inhabituel porté sur les personnages s'explique par le fait que ces derniers représentent d'abord des événements dans l'espace et le temps. Il ne s'agit pas d'expliquer une action en portant un point de vue permettant une narration aisée à saisir par le spectateur. A partir de là, aucun reproche d'aritraire ne peut être adressé à tel ou tel cadrage se basant sur un point de vue singulier.
La première séquence le démontre déjà parfaitement: des enfants et adolescents se défiant en plongeant dans la mer d'un haut promontoir en bois: ces corps sont véritablement perçus comme des phénomènes intéressants en soi: quelque peu étranges mais représentant un volume s'alliant assez harmonieusement avec leur environnement.
Et que dire du plan rapproché du plus jeune fils sur son tronc d'arbre en tran de pêcher seul sur l'île? ce n'est pas ici l'activité qui intéresse le narrateur (un enfant en train de pêcher) mais une manifestation formelle produisant sens par elle-même: ainsi ce plan rapproché est contrabalancé par un plan démesurément large montrant un petit corps encore distingué, surplombé par un immense ciel et entouré par la forêt environnante. Quel est des deux plans celui produisant le plus du sens pour le spectateur: celui exprimant clairement l'activité humaine qui se produit ou le second qui ne laisse plus rien voir de cette activité. la réponse est à mon avis les deux à condition d'interpréter le plan rapproché à la lumière du plan de très grand ensemble: il y a un phénomène vu de plus ou moins loin mais il demeure manifestation de vie première avant tout autre chose.
Maints exemples doivent être cités: le camion vu au loin par la garçon abandonné et se rapprochant à chaque fois davantage au fil des plans (bien évidemment ce n'est pas l'activité du transport routier qui intéresse le narrateur mais des problèmes de volume, de distance, de verticales, d'horizontales...).
Au final, un film assez gigantesque par sa hauteur de vue, la subtilité et la profondeur de son regard, son intensité formelle...sans que rien ne se passe.
19/20
Découvert en salles aujourd'hui. A la question, quel était le film que vous auriez aimé réalisé, je répondrais celui-ci. Mes obsessions formalistes sont presque entièrement comblées: quoiqu'on me diront certains, il n'y a ici pas d'histoire, juste un regard modelé par une forme. Quelques points à souligner:
-une narration minimaliste n'ayant de cesse de dire le monde dans lequel on vit: innombrables plans de paysage, musique quasiment mystique, un regard n'en finissant pas de chercher. Pour moi il est clair que le réalisateur a vu Dieu et a cherché à le montrer. Cette débauche contemplative finit par écraser le spectateur même s'il y a quelques réserves: le plan de grand ensemble est privilégié dans l'entrelac du montage sans que suffisamment de variations n'interviennent pour épuiser le sujet totalement. Autre défaut en passant: des scènes de dialogue filmées en faisant alternativement la mise au point sur celui qui parle et celui qui écoute: je déteste ça.
Ce n'est pourtant pas une ballade: certes le parallèle avec Paris, Texas explose: road movie, incommunicabilité entre les être, rapport entre le monde urbain et naturel mais le propos demeure radicalement différent: il ne s'agit pas de faire un constat de rapports humains qui ont échoué et de rechercher les raisons. Il n'y aura jamais de dialogue entre miroir interposé, aucune explication ne sera donnée à ce retour. Le point de vue n'est pas humain ou humaniste mais surplombe ce dernier: c'est pour cela qu'il n'y a pas de contemplation attendrie, l'horreur peut faire irruption comme faisant partie du monde ainsi que le démontre de façon éloquente le "cahot" rencontré lors du retour de l'île: un événement qui est mis en parallèle avec un autre (avancée paisible d'une barque puis obstacle); l'échec des deux enfants qui fait suite n'est pas teinté moralement (rien à voir avec Huston évidemment), il y a simplement retour à l'eau d'un corps en parallèle avec la plongée au début.
-le point de vue souvent inhabituel porté sur les personnages s'explique par le fait que ces derniers représentent d'abord des événements dans l'espace et le temps. Il ne s'agit pas d'expliquer une action en portant un point de vue permettant une narration aisée à saisir par le spectateur. A partir de là, aucun reproche d'aritraire ne peut être adressé à tel ou tel cadrage se basant sur un point de vue singulier.
La première séquence le démontre déjà parfaitement: des enfants et adolescents se défiant en plongeant dans la mer d'un haut promontoir en bois: ces corps sont véritablement perçus comme des phénomènes intéressants en soi: quelque peu étranges mais représentant un volume s'alliant assez harmonieusement avec leur environnement.
Et que dire du plan rapproché du plus jeune fils sur son tronc d'arbre en tran de pêcher seul sur l'île? ce n'est pas ici l'activité qui intéresse le narrateur (un enfant en train de pêcher) mais une manifestation formelle produisant sens par elle-même: ainsi ce plan rapproché est contrabalancé par un plan démesurément large montrant un petit corps encore distingué, surplombé par un immense ciel et entouré par la forêt environnante. Quel est des deux plans celui produisant le plus du sens pour le spectateur: celui exprimant clairement l'activité humaine qui se produit ou le second qui ne laisse plus rien voir de cette activité. la réponse est à mon avis les deux à condition d'interpréter le plan rapproché à la lumière du plan de très grand ensemble: il y a un phénomène vu de plus ou moins loin mais il demeure manifestation de vie première avant tout autre chose.
Maints exemples doivent être cités: le camion vu au loin par la garçon abandonné et se rapprochant à chaque fois davantage au fil des plans (bien évidemment ce n'est pas l'activité du transport routier qui intéresse le narrateur mais des problèmes de volume, de distance, de verticales, d'horizontales...).
Au final, un film assez gigantesque par sa hauteur de vue, la subtilité et la profondeur de son regard, son intensité formelle...sans que rien ne se passe.
19/20
Night of the hunter forever
Caramba, encore raté.
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Encore un post pour mon fou rire de la journée, le premier commentaire trouvé sur le film sur imdb (je ne lirai pas les autres, faut pas pousser):
"After the 105 minutes you spend trying to figure out what's going on, you will leave still wondering what was in the box and why the father returned and where he was before he returned. That is a deliberate manipulation of the audience. It's an old trick designed to make the film appear profound and artful. This film is neither profound nor artful because the story is unclear. If you want to tell me something, then be clear about it.
The acting is good. The problem with this film is the writing and the directing. Save yourself time and money and wait for it to show on TV. Then perhaps you won't feel too badly about wasting your time and money because you can turn it off. Here is my advice to the writer and director: do not try to manipulate your audience, and go back to school."
Vivement le dvd du 5 mai prochain: je ne le trouve encore sur aucun site en préco, tu es sûr de ton coup Requiem ?
Encore deux choses: je n'ai absolument pas reconnu le benedictus du requiem de mozart annoncé par le générique et l'idée des photos à la fin a achevé de me foutre en l'air.
Ma note est un cri...
"After the 105 minutes you spend trying to figure out what's going on, you will leave still wondering what was in the box and why the father returned and where he was before he returned. That is a deliberate manipulation of the audience. It's an old trick designed to make the film appear profound and artful. This film is neither profound nor artful because the story is unclear. If you want to tell me something, then be clear about it.
The acting is good. The problem with this film is the writing and the directing. Save yourself time and money and wait for it to show on TV. Then perhaps you won't feel too badly about wasting your time and money because you can turn it off. Here is my advice to the writer and director: do not try to manipulate your audience, and go back to school."
Vivement le dvd du 5 mai prochain: je ne le trouve encore sur aucun site en préco, tu es sûr de ton coup Requiem ?
Encore deux choses: je n'ai absolument pas reconnu le benedictus du requiem de mozart annoncé par le générique et l'idée des photos à la fin a achevé de me foutre en l'air.
Ma note est un cri...
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Très brillant Mr. Blackwell, un bien beau texteAlex Blackwell a écrit :Je remets donc mon texte ici, surpris que je suis au sortir des trois pages du topic d'être celui qui a été le plus renversé par ce film (...)
Au final, un film assez gigantesque par sa hauteur de vue, la subtilité et la profondeur de son regard, son intensité formelle...sans que rien ne se passe.
19/20
Je me joins à tes louanges.
Les films sont à notre civilisation ce que les rêves sont à nos vies individuelles : ils en expriment le mystère et aident à définir la nature de ce que nous sommes et de ce que nous devenons. (Frank Pierson)
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phylute a écrit :Très brillant Mr. Blackwell, un bien beau texteAlex Blackwell a écrit :Je remets donc mon texte ici, surpris que je suis au sortir des trois pages du topic d'être celui qui a été le plus renversé par ce film (...)
Au final, un film assez gigantesque par sa hauteur de vue, la subtilité et la profondeur de son regard, son intensité formelle...sans que rien ne se passe.
19/20
Je me joins à tes louanges.
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Et qu'est ce que serait un 20/20 ?Alex Blackwell a écrit :Ma note est un cri...
Sinon bravo pour ton analyse qui a l'avantage de donner envie de replonger une fois de plus dans l'atmosphère du film...Je trouve ces mots très juste
Rien d'autre à ajouter, c'est du brut de pommeLe point de vue n'est pas humain ou humaniste mais surplombe ce dernier: c'est pour cela qu'il n'y a pas de contemplation attendrie, l'horreur peut faire irruption comme faisant partie du monde
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Ah, je me sens utile sur le forum aujourd'hui et les gens me disent des gentilles choses qui me changent d'ampoulé ou je ne sais quoi d'autreTuck pendleton a écrit :Et qu'est ce que serait un 20/20 ?Alex Blackwell a écrit :Ma note est un cri...
Sinon bravo pour ton analyse qui a l'avantage de donner envie de replonger une fois de plus dans l'atmosphère du film...Je trouve ces mots très juste
Rien d'autre à ajouter, c'est du brut de pommeLe point de vue n'est pas humain ou humaniste mais surplombe ce dernier: c'est pour cela qu'il n'y a pas de contemplation attendrie, l'horreur peut faire irruption comme faisant partie du monde
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Mouais, ça se laisse lire.phylute a écrit :Très brillant Mr. Blackwell, un bien beau texteAlex Blackwell a écrit :Je remets donc mon texte ici, surpris que je suis au sortir des trois pages du topic d'être celui qui a été le plus renversé par ce film (...)
Au final, un film assez gigantesque par sa hauteur de vue, la subtilité et la profondeur de son regard, son intensité formelle...sans que rien ne se passe.
19/20
Je me joins à tes louanges.
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A moins d'un report (qui ne serait pas de ma faute, que ce soit dit), c'est bien pour le 5 Mai. Et on sera au moins deux à l'acheter. Mon texte sur le film était dépourvu de note mais ça valait au moins 19/20.Alex Blackwell a écrit :Vivement le dvd du 5 mai prochain: je ne le trouve encore sur aucun site en préco, tu es sûr de ton coup Requiem ?
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En relisant le texte d'Alex, je trouve que son analyse pourrait également s'appliquer au "Japon" de Carlos Reygadas, même si je crois ce film est plutôt mal aimé... pour ma part, je n'arrive pas vraiment à avoir d'avis, je n'arrive pas à savoir si c'est de l'esbrouffe ou de la gràce ! une chose est sûre c'est que je trouve "Le retour" bien bien supérieur.
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Je ne connais pas du tout ce film mais a priori ça m'intéressephylute a écrit :En relisant le texte d'Alex, je trouve que son analyse pourrait également s'appliquer au "Japon" de Carlos Reygadas, même si je crois ce film est plutôt mal aimé... pour ma part, je n'arrive pas vraiment à avoir d'avis, je n'arrive pas à savoir si c'est de l'esbrouffe ou de la gràce ! une chose est sûre c'est que je trouve "Le retour" bien bien supérieur.
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