Nina (A matter of time - 1976)
C'est la bonne période pour les raretés en ce moment ! Avec le cycle Ingrid Bergman, j'ai enfin pu voir l'ultime réalisation de Minnelli.
Souvent assez mal coté dans la carrière du cinéaste, j'avais quelques appréhensions en rentrant dans la salle. Le début n'est pas fameux en effet avec l'introduction du personnage de Nina (Liza Minnelli) dans une sorte de clip aux images kitsch et à la chanson peu inspirée.
Les minutes suivantes (le dialogue dans la voiture) sonnent encore très artificielles et pétries de clichés. Mais le flash-back qui se lance nourrit rapidement des espoirs qui seront régulièrement tenus.
Quand en effet Nina croise la route de la comtesse, le film renoue avec la sensibilité du cinéaste : un mélange précieux de tendresse, de nostalgie, de mélancolie, de poésie, le tout dénuée de mièvrerie, de cynisme et de méchanceté, évitant au passage une vulgarité qui aurait pu prendre le devant avec cette histoire de comtesse vieillissante qui aide (presque malgré elle) une jeune provinciale a s'épanouir. Il en résulte des séquences qui ont ce je ne sais quoi de touchant et de délicat, sans que je puisse vraiment le définir ou le décrire.
Toujours est-il qu'il y a alors 20-30 minutes belles et gracieuses, où le songe et le passé se mélangent via un transfert psychologique entre les deux personnages féminins, finement accompagné par un thème qui passe autrement mieux quand il est simplement orchestrale..
La suite ne tiendra pas toutes ses promesses à cause de chansons dispensables, et pas forcement bien intégrées aux récits, de seconds rôles décevants et sous-exploités, d'un budget (et esthétisme) pas toujours a la hauteur. On a l'impression que Minnelli a presque trop d'idées mais ne sait pas toujours les développer ou les trier. C'est par moment inégal, répétitif, faux, pas loin de l'impasse etc... Mais je trouve le bilan globalement positif grâce aux deux actrices principales. Bergman touchante et poignante dans un rôle délicat et Liza Minnelli fraîche, à fleur de peau et radieusement ingénue. Elle en fait trop lors de la scène du casting mais j'ai envie de croire que c'est volontaire pour surligner la superficialité irréelle du moment.
Et Minnelli possède encore de bons restes avec quelques élégants mouvements de caméra et des plans magnifiques (Bergman dans son fauteuil avec les nuées d'oiseau dans l'arrière plan !), avec quelques compositions picturales très soignées et un travail sur la couleur toujours aussi intelligent.
Pour un film testament, c'est une oeuvre riche et passionnante où tous les thèmes du cinéaste sont présents: Les artistes, le songe, les portraits féminins, les mondes disparues ou sur le point de disparaitre... Certes parfois mal dégrossi (Liza s'imaginant vivre le passé de Bergman) mais la démonstration mérite le détour. D'autant qu'il est difficile aussi de ne pas y voir une sorte de bénédiction d'un père envers sa fille.
Il faut avouer que les lacunes ont toutes les raisons de provenir du producteur qui a réduit le film de moitié !
Ca peut donc aisément expliquer les parties contemporaines sonnant fausses, le début précipité dans le petit village natal et les flash-backs (fantasmés ou non) d'Ingrid Bergman (soit trop courts soit trop longs), ramenant aussi le casting masculin à de la quasi figuration (en particulier Amedeo Nazzari et Fernando Rey).
Voilà, il me reste désormais à trouver
Kismet (et
Story of Three Loves) pour achever sa filmographie (même s'il m'en reste 3-4 à regarder chez moi aussi).